Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CG c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 519

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Partie appelante : C. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (0) datée du 20 mars 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 mai 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 7 mai 2024
Numéro de dossier : GE-24-1224

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante a démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle n’avait pas une raison acceptable selon la loi) au moment où elle l’a fait. L’appelante avait une justification parce que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Cela signifie qu’elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante travaillait pendant qu’elle suivait un programme scolaire à temps plein. Service Canada l’a recommandée vers ce programme scolaire à titre de travailleuse de longue date dans le cadre de l’initiative d’apprentissage permanent. Finalement, elle s’est retrouvée incapable de suivre le rythme du travail et de l’école. Ses notes diminuaient et elle risquait de perdre son financement scolaire. Elle a demandé un congé temporaire à son travail, mais ils ne pouvaient pas répondre à ses besoins. Elle a quitté son poste à temps plein pour se concentrer sur l’école, mais elle a continué de travailler sur appel pour l’employeur de façon occasionnelle.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle a quitté volontairement son emploi (ou a choisi de démissionner) sans justification, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations.

[5] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[6] La Commission affirme que l’appelante aurait pu trouver un autre emploi en fonction de ses études.

[7] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme que l’agent de Service Canada lui a dit qu’elle pourrait se concentrer sur ses études après avoir été approuvée aux fins de l’initiative d’apprentissage permanent. Elle a compris que cela signifiait que si elle devait quitter son emploi, elle pouvait le faire. On lui a assuré que sa recommandation pour l’école signifiait qu’elle avait droit à des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle suivait son programme.

Question que je dois examiner en premier

L’appel de l’appelante a été renvoyé à la division générale

[8] L’appelante a d’abord fait appel de son refus de prestations d’assurance-emploi auprès de la division générale du Tribunal en octobre 2023. À son audience, elle a témoigné qu’elle avait été recommandée pour son programme de formation.

[9] Le membre du Tribunal a demandé à la Commission des renseignements sur la recommandation de l’appelante à la formation. La Commission a fourni certains renseignements, mais elle n’a pas indiqué la date à laquelle l’appelante a été recommandée pour sa formation. Le membre du Tribunal a rejeté l’appel de l’appelante. Le membre n’a pas tenu compte de la question de savoir si l’appelante avait fait l’objet d’une recommandation au moment où elle a quitté volontairement son emploi, en partie parce qu’il n’y avait pas assez d’éléments de preuve au sujet de la recommandation et du moment où elle s’est produite.

[10] L’appelante a porté cette décision en appel devant la division d’appel. Le membre de la division d’appel a conclu que le membre du Tribunal n’avait pas accordé assez d’attention au moment où l’appelante avait été recommandée pour son programme scolaire. Le moment de la recommandation est important parce que seules les circonstances qui existaient au moment où l’appelante a quitté son emploi peuvent être prises en compte. Le membre de la division générale a ordonné que l’appel soit renvoyé à la division générale pour la tenue d’une nouvelle audience. La présente décision découle de cette audience.

Question en litige

[11] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification?

[12] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter du départ volontaire de l’appelante. Je dois ensuite décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties conviennent que l’appelante a quitté volontairement son emploi

[13] J’admets que l’appelante a quitté volontairement son emploi. L’appelante convient qu’elle a quitté son poste à temps plein pour se concentrer sur son programme scolaire. Rien ne prouve le contraire.

Ce que signifie avoir une justification

[14] Les parties ne conviennent pas que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi lorsqu’elle l’a fait.

[15] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[16] La loi explique ce qu’elle entend par « est fondée à » (justification). Elle prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Elle précise qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[17] Il incombe à l’appelante de prouver qu’elle avait une justificationNote de bas de page 3. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est donc dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Pour décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsqu’elle a démissionné.

Recommandation pour l’école

[18] Parfois, la Commission (ou un programme qu’elle autorise) recommande une formation, un programme ou un coursNote de bas de page 4. L’une des circonstances que je dois prendre en considération est la question de savoir si la Commission a recommandé l’appelante pour l’école.

[19] La jurisprudence établit clairement que si vous quittez votre emploi pour entreprendre des études sans une recommandation, vous n’avez pas de motif valable de quitter votre emploiNote de bas de page 5.

[20] Les parties conviennent que l’appelante a reçu une recommandation pour fréquenter l’école.

[21] La Commission affirme qu’elle a approuvé la participation de l’appelante à son programme scolaire dans le cadre de l’initiative d’apprentissage permanent à titre de travailleuse de longue date. Elle n’a pas donné de date précise de recommandation pour sa formation, bien qu’elle indique que sa recommandation a été saisie dans son système en octobre 2023.

[22] L’appelante affirme que la Commission l’a recommandée pour l’école plus tôt que cela. Elle a déclaré avoir parlé à Service Canada en janvier 2023. On lui a parlé de ce programme et on lui a dit qu’elle pourrait recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant ses études. Elle a déclaré que l’agent de Service Canada avait confirmé à ce moment-là qu’elle avait été approuvée pour le programme et qu’elle pouvait recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant ses études, même si elle ne travaillait plus.

[23] Cela était important pour l’appelante, car peu après, elle a commencé à avoir de la difficulté à concilier ses études et son travail. Ses notes ont chuté. Finalement, l’école l’a avertie que si ses notes ne s’amélioraient pas, elle risquait de perdre son financement. Elle s’inquiétait de savoir si elle réussirait le programme.

[24] À ce stade, l’appelante a envisagé de se retirer de son emploi. Elle a demandé à son gestionnaire si elle pouvait prendre un congé temporaire pour se concentrer sur ses études, mais son gestionnaire a répondu que ce n’était pas possible.

[25] J’estime que la preuve confirme que l’appelante a été recommandée pour son programme scolaire avant qu’elle quitte son emploi.

[26] Même si la Commission affirme que la recommandation de l’appelante n’a été entrée dans le système qu’en octobre 2023, cela ne signifie pas qu’elle n’a pas eu lieu avant cette date. Je préfère me fier au témoignage de l’appelante au sujet du moment où elle a été recommandée pour son programme.

[27] L’appelante a livré un témoignage ouvert et direct sur les circonstances de sa recommandation pour la formation. Elle était en mesure de répondre aux questions sur la chronologie des événements et les conversations qu’elle a eues avec Service Canada. J’estime que son témoignage était crédible. Je crois que l’appelante a été recommandée pour son programme scolaire avant de démissionner.

[28] Selon la jurisprudence, si vous choisissez d’entreprendre des études sans une recommandation, votre choix va à l’encontre de l’idée qui sous-tend le régime d’assurance-emploiNote de bas de page 6. Cependant, cela ne s’applique pas à l’appelante parce qu’elle avait été recommandée pour suivre une formation.

[29] La Commission affirme également que l’appelante n’a pas de motif valable parce qu’elle n’a pas obtenu la permission (par exemple, une lettre ou une autorisation de démissionner pour suivre la formation) avant son départ. La Commission dit que l’appelante avait besoin de la permission pour être fondée à quitter son emploi.

[30] Je crois comprendre que, parfois, les programmes qui vous orientent vers une formation vous donnent une lettre ou une autorisation indiquant que vous pouvez quitter votre emploi pour commencer la formation. La Commission acceptera souvent cette lettre ou autorisation comme preuve que vous avez une justification.

[31] Cependant, ce n’est que la pratique de la Commission. Ce n’est pas la loi. Et je dois appliquer la loi. Autrement dit, le fait d’avoir une justification pour démissionner ne dépend pas d’une lettre ou d’une autorisation indiquant que vous pouvez démissionner pour commencer la formation. Je dois plutôt examiner toutes les circonstances et décider si le départ de l’appelante constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

L’appelante n’avait pas d’autre solution raisonnable que son départ

[32] Même si l’appelante a obtenu une recommandation pour fréquenter l’école, la Commission affirme que l’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi parce qu’elle avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. Plus précisément, elle indique que l’appelante aurait pu trouver d’autres tâches qu’elle aurait pu accomplir en fonction de son horaire scolaire.

[33] L’appelante affirme qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi parce qu’elle était incapable de s’acquitter de ses obligations scolaires. Elle a demandé un congé temporaire à son employeur, afin qu’elle puisse revenir dans la bonne voie à l’école, mais cela lui a été refusé. Elle a cherché du travail à temps partiel, mais n’a pas été en mesure d’en trouver avant la reprise de ses études en septembre 2023. Elle a plutôt décidé de quitter son poste à temps plein et de continuer à travailler sur appel sur une base occasionnelle pour le même employeur.

[34] Je conclus que l’appelante n’avait pas d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi à l’époque. Elle a été recommandée à son programme de formation par la Commission avant son départ. Elle a tenté de continuer à travailler à temps plein pendant ses études, mais elle n’a pas été en mesure de respecter ses obligations scolaires pendant qu’elle travaillait à temps plein. Pour ces raisons, elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi pour suivre son programme scolaire recommandé.

Conclusion

[35] Je conclus que l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[36] Par conséquent, l’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.