Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 517

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : A. P.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 26 février 2024 (GE-24-104)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 10 mai 2024
Numéro de dossier : AD-24-235

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas plus loin.

Aperçu

[2] Le demandeur, A. P. (prestataire), veut obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel.

[3] La division générale a conclu que la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, avait prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La division générale a jugé que, le 23 novembre 2022, le prestataire était de service pour deux employeuses différentes en même temps. Les deux entreprises sont des concurrentesNote de bas de page 1. Elles avaient chacune une politique interdisant à leur personnel de travailler pour les entreprises concurrentes.

[4] Comme la division générale a conclu qu’il y a eu inconduite, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] De son côté, le prestataire dit qu’il n’y a pas eu d’inconduite de sa part. Il soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence et de fait. Il affirme qu’elle a manqué à son obligation de dire à Service Canada comment mener ses enquêtes. Il ajoute que la division générale a ignoré et mal interprété des éléments de preuve essentiels.

[6] Le prestataire reconnaît avoir été employé par deux agences différentes en même temps. Par contre, il dit qu’il n’a pas travaillé durant des quarts qui se chevauchaient le jour du 23 novembre 2022. Il affirme avoir cessé de travailler pour sa première employeuse à un moment donné pendant son quart de travail, avant de commencer son quart pour le compte de sa deuxième employeuse.

[7] Selon le prestataire, si la division générale ne s’était pas trompée de la sorte, elle aurait admis qu’il n’y a eu aucune inconduite de sa part.

[8] Avant que l’appel puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il faut que la cause soit défendableNote de bas de page 2. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est closeNote de bas de page 3.

[9] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je refuse de donner au prestataire la permission de passer à la prochaine étape.

Questions en litige

[10] Voici les questions à trancher :

  1. a) Est‑il possible de soutenir que la division générale n’a pas exercé son pouvoir de surveillance auprès de Service Canada?
  2. b) Est‑il possible de soutenir que la division générale a rendu une décision fondée sur des renseignements incomplets?
  3. c) Est‑il possible de soutenir que la division générale a ignoré ou mal expliqué certains éléments de preuve?

Je refuse la permission de faire appel

[11] La division d’appel rejette la demande de permission de faire appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès si la division générale a possiblement fait une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 4.

[12] En ce qui concerne les erreurs de fait, il faut que la division générale ait fondé sa décision sur une erreur qu’elle a commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 5.

Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas exercé sa compétence

[13] Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas exercé son pouvoir. Selon lui, la division générale aurait dû communiquer avec Service Canada pour s’assurer que l’organisme avait mené une enquête approfondie sur sa demande de prestations. Le prestataire voulait que Service Canada obtienne les relevés téléphoniques montrant qu’il avait bel et bien communiqué avec l’une de ses employeuses.

[14] La division générale n’a tout simplement pas l’autorité ou le pouvoir de jouer le type de rôle auquel pense le prestataire. Il décrit un [traduction] « rôle de chien de gardeNote de bas de page 6 ». Mais le pouvoir de la division générale a une portée très limitée. Elle peut seulement examiner les appels des décisions de révision. Elle ne communique pas avec Service Canada pour lui dire comment mener ses enquêtes ni pour lui indiquer avec qui communiquer ou quels renseignements obtenir.

[15] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la membre de la division générale n’a pas exercé sa compétence.

Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur des renseignements incomplets

[16] Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur des renseignements incomplets.

[17] Il avance que la division générale a ignoré certains éléments de preuve. Selon lui, pendant l’audience de la division générale, il s’est rendu compte qu’un des relevés d’emploi ne figurait pas dans le dossier présenté à l’audience. En conséquence, il affirme qu’il manquait peut-être d’autres documents. Et si certains documents n’étaient pas au dossier, la division générale ne les aurait de toute évidence pas pris en considération.

[18] Toutefois, au début de l’audience, la membre de la division générale a passé en revue les documents au dossier avec le prestataire. S’il manquait quoi que ce soit d’autre, le prestataire aurait dû le faire savoir à la membre.

[19] Durant l’audience, la membre a cru comprendre que le prestataire voulait déposer d’autres documents. Elle lui a demandé quel document il voulait lui faire parvenir après l’audienceNote de bas de page 7. Elle voulait bien l’autoriser à déposer des documents et des observations de plus. Comme elle l’a souligné, le prestataire a déposé six séries de documents supplémentairesNote de bas de page 8. Elle a accepté les documents.

[20] Sauf pour l’avis d’appel du prestataire, je constate que le Tribunal de la sécurité sociale a toujours accusé réception des documents présentés par les parties, y compris ceux déposés après l’audience. Comme l’indiquent les lettres du Tribunal, il a donné au prestataire et à la Commission des copies de tous les documents qu’il a reçus de l’une ou l’autre des parties.

[21] Le prestataire n’a pas affirmé qu’il y avait d’autres documents qui ne faisaient pas partie du dossier. Il ne précise pas de quel type de documents il pourrait s’agir ni comment ils auraient pu changer l’issue de l’affaire. Je ne peux pas présumer qu’il manquait sûrement des documents au dossier. Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir qu’il manquait des documents ou que la division générale a ignoré de tels documents.

Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré ou mal expliqué certains éléments de preuve

[22] Selon le prestataire, la division générale a ignoré ou mal expliqué tous les éléments de preuve qu’il a déposés. Il écrit : [traduction] « Tout ce que [la membre] a écrit dans sa lettre de décision n’est rien d’autre qu’un pur produit de son imagination qui n’a rien à voir avec les faits et la réalitéNote de bas de page 9. » Voici ce qui s’est vraiment passé selon lui :

  • Le 23 novembre 2022, l’horaire du prestataire indiquait que ses quarts de travail pour les compagnies « G » et « S » se chevauchaient. Le quart de travail pour « S » commençait deux heures après celui pour « G ».
  • Au départ, le prestataire allait quitter son emploi à la compagnie « S » en raison du harcèlement qu’il subissait. Il n’y aurait donc eu aucun problème de chevauchement dans son horaire de travail. Mais il a changé d’avis après avoir reçu un message texte de son gestionnaire à la compagnie « S ». Il a donc continué à travailler pour « S » pendant qu’il travaillait aussi pour « GNote de bas de page 10 ».
  • Le prestataire explique qu’il a communiqué avec la compagnie « G » le 23 novembre 2022 pour faire retirer son nom de l’horaire de travail ce jour‑là. Il précise que la compagnie « G » a un registre des appels téléphoniques qu’il a faits ce jour‑là. Selon le prestataire, la division générale aurait dû tenir compte du fait qu’il a téléphoné à la compagnie « G » pour faire enlever son nom de l’horaire de travail. Il dit avoir fait les démarches nécessaires pour éviter d’être à l’horaire pour deux employeuses différentes pendant des quarts de travail qui se chevauchaient.
  • Le prestataire affirme que ce n’était pas de sa faute si la compagnie « G » ne lui avait pas donné congé sur‑le‑champ le 23 novembre 2022.
  • Malgré cela, le prestataire dit qu’il n’a pas fait des quarts de travail qui se chevauchaientNote de bas de page 11. Il explique qu’il a changé d’uniforme pour son quart de travail qui commençait à 16 h et qu’en conséquence, il ne portait pas l’uniforme d’une concurrente sur les lieux de travailNote de bas de page 12. Il ajoute qu’il n’avait pas l’intention de faire des quarts de travail qui se chevauchaient pour le compte de deux entreprises différentes.
  • Le prestataire affirme que la compagnie « G » ne l’a jamais payé pour quelque travail que ce soit le 23 novembre 2022. Selon lui, si l’une des deux agences ne l’a pas payé du tout pour ce jour-là, cela prouve qu’il n’a pas pu faire des quarts de travail qui se chevauchaient pour le compte des deux.
  • Le prestataire dit que si le gestionnaire de la compagnie « S » avait enquêté comme il faut à la suite de la plainte de l’entreprise cliente, selon qui le prestataire avait travaillé pendant des quarts qui se chevauchaient, il aurait constaté qu’il n’avait pas fait ces quarts de travail. Il affirme que la plainte de la cliente n’était pas fondéeNote de bas de page 13.
  • Pendant 10 mois, le prestataire s’est fait harceler par une personne qui travaillait à la compagnie « S ». Il a dénoncé ce garde de sécurité. Il a écrit une lettre à son gestionnaire, K. Il affirme que la division générale a déformé son élément de preuve ou ne l’a pas mentionné. Voici ce que la division générale a écrit : [traduction] « Il dit avoir signalé au service des ressources humaines une inconduite de la part de son gestionnaire. » Le prestataire dit qu’il n’a jamais écrit ou dit qu’il y avait eu une inconduite de la part du gestionnaire.
  • Selon le prestataire, la division générale a aussi eu tort de dire que son gestionnaire K. ne s’était pas vengé de lui avant son congédiement. Le prestataire affirme que K. avait en fait essayé de lui nuire à de nombreuses reprises au cours des mois précédant son congédiement.
  • Le prestataire affirme que la division générale a ignoré le fait que K. a fabriqué des reproches à son endroit pour le faire congédier. Il dit que son congédiement n’est pas justifié, car il était un excellent employé. Il raconte que K. voulait vraiment le congédier parce qu’il s’était adressé au service des ressources humaines pour déposer une plainte contre une autre personne avec qui il travaillait. Il affirme que, par la suite, le fait que K. n’avait pas géré la plainte lui-même l’avait fait mal paraître.
  • Le prestataire explique que la division générale s’est trompée au sujet de l’un des gestionnaires. « M. » était le gestionnaire des ressources humaines du bureau de Calgary, et non un spécialiste de la succursale de Burnaby, en Colombie-Britannique.
  • Le prestataire ajoute que la division générale a ignoré le fait qu’il était un excellent employé. Il était hautement qualifié et très consciencieux.

La division générale a accepté certains des éléments de preuve du prestataire

[23] En réalité, la division générale a accepté certains des éléments de preuve présentés par le prestataire. Elle a accepté les éléments montrant qu’il pensait d’abord cesser de travailler pour la compagnie « S » et qu’il avait tenté de communiquer avec la compagnie « G » pour annuler son quart de travail le 23 novembre 2022. Elle a aussi admis que la compagnie « G » n’avait pas payé le prestataire pour tout travail fait le 23 novembre 2022.

[24] Par contre, la division générale a conclu que ces éléments de preuve n’établissent pas de façon concluante que le prestataire n’a pas pu faire des quarts de travail qui se chevauchaient. Elle a décidé qu’elle devait tenir compte de tous les éléments de preuve.

La division générale n’était pas obligée de mentionner tous les éléments de preuve

[25] La division générale n’a pas mentionné ni abordé tous les éléments de preuve. Mais elle n’était pas tenue de le faire. On présume que la personne qui rend la décision examine tous les éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 14. Elle doit mentionner un élément de preuve seulement s’il peut servir à démontrer quelque chose.

[26] En conséquence, à titre d’exemple, le fait que le prestataire était un excellent employé n’était pas pertinent pour l’évaluation de l’inconduite. Il en va de même pour le fait que la division générale a mal décrit le rôle de M. au sein de la compagnie « S », le fait que le prestataire s’est fait harceler par une personne avec qui il travaillait et le fait que le gestionnaire du prestataire n’avait mené aucune enquête à la suite de ses plaintes de harcèlement. Aucun de ces éléments de preuve ne permettait de savoir s’il y avait eu inconduite de la part du prestataire.

[27] À part le fait que certains de ces éléments de preuve n’étaient pas pertinents, il fallait aussi que la division générale ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Par conséquent, même si la division générale a commis une erreur de fait, ce n’est pas suffisant pour permettre à la division d’appel d’accorder la permission de faire appel. La division générale n’a tout simplement pas fondé sa décision sur les éléments de preuve que, selon le prestataire, elle a mal expliqués.

La division générale ne pouvait pas vérifier si la compagnie « S » avait congédié le prestataire sans raison valable

[28] Le prestataire soutient que la compagnie « S » l’a congédié de façon injustifiée. Il affirme que si son employeuse avait mené une enquête en bonne et due forme pour savoir ce qui s’était passé, elle aurait compris que la plainte de la cliente à son endroit n’était pas fondée et elle aurait décidé qu’il n’y avait pas lieu de le congédier. Malgré cela, la division générale a eu raison de ne pas se pencher sur la question de savoir si la compagnie « S » avait congédié le prestataire sans raison valable.

[29] Comme la Cour d’appel fédérale l’a confirmé dans l’affaire Sullivan : [traduction] « Selon toute interprétation plausible de la loi régissant le Tribunal [de la sécurité sociale], c’est lui qui détermine l’admissibilité aux prestations de la sécurité sociale. Il n’a pas à se prononcer sur les allégations de congédiement injustifiéNote de bas de page 15. »

Le rôle de la division générale était d’examiner la question de l’inconduite

[30] Essentiellement, les questions auxquelles la division générale devait répondre était si le prestataire avait contrevenu aux politiques de la compagnie « S » et s’il avait été congédié pour cette raison.

[31] Le prestataire a soutenu que la véritable raison de son congédiement n’avait rien à voir avec le chevauchement de ses quarts de travail pour le compte deux entreprises différentes. Il affirme que ces allégations sont fabriquées de toutes pièces.

[32] Malgré cela, la division générale a rejeté les arguments du prestataire voulant qu’il ait été congédié pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec le chevauchement des quarts de travail qu’il aurait fait pour le compte de deux employeuses différentes. Ces arguments n’ont tout simplement pas réussi à convaincre la division générale. Elle avait le droit de rejeter ces arguments et elle a expliqué pourquoi elle l’a fait. La preuve venait appuyer les conclusions de la division générale sur ce point.

La division générale a examiné les politiques de l’employeuse

[33] La compagnie « S » a déposé des extraits de son manuel du personnel. En voici quelques‑uns :

[traduction]

Conflits d’intérêts

Autres emplois ou activités

Pendant son service, le personnel doit consacrer tous ses efforts, son énergie et sa loyauté à [l’employeuse]. [Elle] autorise les activités et les emplois à l’externe s’ils n’entraînent aucun conflit d’intérêts véritable, perçu ou potentiel, ni aucune interruption ou distraction qui nuirait au rendement en milieu de travail ou s’ils peuvent entrer en concurrence avec [l’employeuse], selon le droit applicable.

Les activités liées à un autre emploi ne peuvent pas avoir lieu dans le milieu de travail de [l’employeuse]. Vous devez aviser la gestion de votre succursale de la situation et discuter avec elle de cette politique avant d’occuper un autre emploi, d’entretenir des relations à l’externe ou de mener d’autres activités qui pourraient contrevenir à la politiqueNote de bas de page 16.

[34] La compagnie « S » a aussi fourni une copie de sa politique. Celle‑ci énumère ce qui entraînerait un congédiement immédiat. Parmi la liste se trouvent les fausses déclarations, les mensonges et tout travail pour une agence de sécurité ou d’investigation concurrente en même temps que la prestation de travail pour l’employeuseNote de bas de page 17.

L’employeuse « S » a expliqué qu’elle avait congédié le prestataire après avoir conclu qu’il avait fait des quarts de travail qui se chevauchaient pour le compte de deux agences différentes

[35] La compagnie « S » a confirmé avoir congédié le prestataire le 29 novembre 2022. Voici ce que dit la lettre de congédiement :

[traduction]

… Notre cliente à […] nous a avisés que, le 23 novembre 2022, vous avez travaillé pour [S] et une agence concurrente à […]. Ce […] s’est produit dans le même immeuble de 14 h à 22 h. Ainsi, vous étiez en fait employé par deux […] agences et travailliez pour les deux en même temps, car les quarts de travail se chevauchaient de 16 h à 22 h, c’est‑à-dire pendant 6 heures. Lors de notre rencontre, vous avez admis ce fait. Vos gestes ont fait du tort à notre image de marque et à notre relation avec la clienteNote de bas de page 18.

[36] La compagnie « S » a aussi parlé à la Commission le 21 mars 2023. La compagnie a confirmé qu’elle avait congédié le prestataire parce qu’il avait travaillé pour une concurrente pendant des quarts qui chevauchaient, ce qui violait une de leurs politiquesNote de bas de page 19. L’employeuse a reconfirmé ces renseignements le 20 septembre 2023Note de bas de page 20.

[37] De toute évidence, la division générale a préféré la preuve de l’employeuse. Elle a admis que le prestataire a fait des quarts de travail qui se chevauchaient.

Selon le prestataire, la preuve montre qu’il n’a pas fait des quarts de travail qui se chevauchaient

[38] Le prestataire dit que l’ensemble de la preuve ne montre pas qu’il a pu faire des quarts de travail qui se chevauchent. Mais cette affirmation contredit sa propre preuve et les observations qu’il a présentées à la division d’appel.

[39] Le prestataire a affirmé qu’il a travaillé pour la compagnie « G » le 23 novembre 2022. Il dit être arrivé sur le lieu de travail à 13 h 45 et avoir travaillé pour la compagnie jusqu’à 15 h 51. Il dit avoir relevé un autre garde à 15 h 52, puis avoir commencé son quart de travail pour la compagnie « S » à 15 h 54Note de bas de page 21. Il a cessé de travailler à 00 h 05.

Le relevé d’emploi produit par la compagnie « G » n’était pas concluant

[40] Selon le prestataire, le relevé d’emploi produit par la compagnie « G » montre qu’il n’aurait pas pu faire des quarts de travail qui se chevauchaient le 23 novembre 2022 parce que la compagnie « G » ne lui a versé aucun salaire ce jour‑làNote de bas de page 22. Par contre, il confirmeNote de bas de page 23 avoir travaillé pour elle avant le début de son quart de travail pour la compagnie « S ».

[41] Le prestataire affirme volontiers que, le 23 novembre 2022, il a travaillé pour la compagnie « G » pendant 84 minutesNote de bas de page 24. Il affirme que le quart de travail pour la compagnie « G » débutait à 14 h et qu’il a commencé à 14 h 30Note de bas de page 25. Il ajoute qu’il y a [traduction] « 2 heures de travail non rémunéréNote de bas de page 26 » pour la compagnie « G ».

[42] Par conséquent, le fait que le relevé d’emploi montre que la compagnie « G » l’a payé pour la dernière fois le 23 novembre 2022 ne prouve pas qu’il n’a pas fait des quarts de travail qui se chevauchaient ou qu’il n’a pas travaillé du tout pour la compagnie ce jour‑là. La prépondérance de la preuve démontre clairement que le prestataire a travaillé pour la compagnie « G » ce jour‑là.

La preuve montrait que le prestataire était toujours de service pour la compagnie « G » après avoir commencé à travailler pour la compagnie « S »

[43] La division générale a souligné la preuve du prestataire qui montre qu’il n’avait pas prévu de faire des quarts de travail qui se chevauchaient. Elle relève aussi l’élément de preuve montrant qu’il a tenté de communiquer avec la compagnie « G ». Elle a écrit qu’il avait téléphoné à l’entreprise à deux reprises le 23 novembre 2022 pour faire retirer son nom de l’horaire le jour même. Elle a mentionné que le prestataire n’avait pas pu parler à personne durant son premier appel téléphonique à la compagnie « G » le 23 novembre 2022.

[44] Comme la division générale l’a fait remarquer, le prestataire a réussi à joindre une personne à la compagnie « G » seulement après 18 hNote de bas de page 27, soit 2 heures après avoir commencé à travailler pour la compagnie « S ».

[45] En effet, dans sa demande à la division d’appel, le prestataire a confirmé que personne ne lui avait encore dit qu’il n’était plus de service pour la compagnie « G ». Voici ce qu’il a écrit :

[traduction]

Bien sûr, travailler pour deux agences de sécurité en même temps n’a pas de bon sens. C’est pourquoi je n’avais d’autre choix que de laisser tomber le [premier] quart de travail parce que [la compagnie « G »] n’a pas répondu à mon premier appel téléphonique vers 16 h. Et, pour une raison que j’ignore, elle n’a pas envoyé d’autre garde pour prendre la relève. Puis, le lendemain, j’ai démissionnéNote de bas de page 28 de [la compagnie « G »] pour rester à [la compagnie « S »].

[46] Dans la mise à jour de ses observations, il a écrit ceci :

[traduction]

En fait, j’ai téléphoné à [la compagnie « G »] pour faire retirer mon nom du quart de travail et de l’horaire. La première fois, autour de 16 h, je n’ai pas pu joindre le Centre des opérations de l’Ouest du Canada (COOC). C’est un endroit occupé qui est ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. La boîte vocale était pleine. Ensuite, j’ai été très pris par ce que je devais faire pour la [compagnie « S »]. […] J’ai eu l’occasion de téléphoner une deuxième fois au Centre des opérations de l’Ouest du Canada de [la compagnie « G »] seulement à 18 h 24Note de bas de page 29 […].

[47] Ainsi, la division générale a conclu que le prestataire travaillait encore pour la compagnie « G » jusqu’à ce qu’on lui donne congé. Pendant ce temps, son quart de travail pour la compagnie « S » avait déjà commencé. Cette conclusion est logique.

[48] Il semble que le prestataire s’appuie sur le fait qu’il ne pouvait pas maintenir une présence physique dans deux endroits différents en même temps. Il ne pouvait pas travailler à un certain endroit pour la compagnie « G » s’il travaillait ailleurs pour la compagnie « S ». Pour cette raison, il dit qu’il n’a pas pu faire des quarts de travail qui se chevauchent.

[49] Mais le fait que le prestataire ne soit pas physiquement présent à deux endroits différents après 16 h ou le fait qu’il ait tenté (sans succès) d’annuler un de ses quarts de travail ont peu d’importance. Le changement d’uniforme pour ne plus porter celui de la compagnie « G » n’est pas non plus très important.

[50] La preuve non contestée montrait que le prestataire avait commencé à travailler pour la compagnie « G » et qu’elle ne lui avait pas encore donné congé. On pouvait donc considérer qu’il avait continué à travailler pour la compagnie « G » même après avoir changé d’uniforme et quitté physiquement le lieu de travail pour commencer à travailler pour la compagnie « S ».

[51] Le compteur de la compagnie « G », pour ainsi dire, tournait toujours pendant que le prestataire était de service pour la compagnie « S ». Par conséquent, il travaillait en théorie pour les deux entreprises en même temps.

[52] Le prestataire n’avait peut-être pas l’intention de faire des quarts de travail qui se chevauchaient, mais la division générale a conclu qu’il avait agi trop tard pour éviter une telle situation. Elle a conclu que le prestataire avait pris sa décision seulement [traduction] « à la dernière minuteNote de bas de page 30 ». Elle a constaté qu’il était alors trop tard pour aviser la compagnie « G » qu’il ne voulait pas travailler pour elle ce jour‑là. Comme le prestataire l’a affirmé, [traduction] « [il n’a] pas eu assez de temps pour décider quoi faire dans une situation aussi complexe avant la dernière minuteNote de bas de page 31 ».

[53] Certains éléments de preuve auraient pu appuyer la version du prestataire. Il affirme que la division générale aurait dû préférer ceux‑ci à la preuve de son employeuse. Mais la division générale avait le droit de préférer la preuve de l’employeuse et de tirer les conclusions qu’elle a tirées après avoir évalué et soupesé la preuve.

[54] Le prestataire cherche aussi à faire réévaluer la preuve. Il me demande d’arriver à une conclusion différente de celle de la division générale. Cependant, comme la Cour fédérale l’a affirmé dans l’affaire TraceyNote de bas de page 32, le rôle de la division d’appel est limité quand elle examine une demande de permission de faire appel dans un dossier d’assurance-emploi. Elle doit voir si l’appel a une chance raisonnable de succès. Son rôle n’est pas de réévaluer la preuve ni de soupeser de nouveau les éléments pris en compte par la division générale pour en arriver à une conclusion différente.

[55] La possibilité que la preuve soit appréciée de manière favorable au prestataire ne fait pas naître une cause défendable qui justifierait l’octroi de la permission de faire appelNote de bas de page 33.

[56] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Conclusion

[57] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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