Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 518

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (610731) rendue le 30 octobre 2023 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paula Turtle
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 janvier 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 26 février 2024
Numéro de dossier : GE-24-104

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant travaillait comme garde de sécurité. Il travaillait pour deux agences de sécurité différentes. Je vais les appeler la compagnie S et la compagnie G. Il a perdu son emploi. La compagnie S a expliqué qu’elle a congédié l’appelant parce qu’il a fait un quart de travail pour une agence concurrente pendant qu’il travaillait pour S.

[4] Selon l’appelant, ce n’est pas la vraie raison pour laquelle l’employeuse l’a congédié. Il dit avoir signalé au service des ressources humaines une inconduite de la part de son gestionnaire. Les ressources humaines ont donc lancé une enquêteNote de bas de page 2. Ainsi, son employeuse l’a plutôt congédié par représailles parce qu’il a dénoncé son gestionnaire aux ressources humaines.

[5] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeuse pour expliquer le congédiement. Elle a décidé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle a donc conclu qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Observations présentées après l’audience

[6] L’appelant a envoyé de nombreux documents avant l’audience. Je les ai examinés attentivement. Durant l’audience, il a expliqué sa position et témoigné au sujet des faits.

[7] À la fin de l’audience, il a dit qu’il voulait avoir une autre date d’audience. Je lui ai répondu qu’à mon avis, il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience. Je lui ai tout de même donné l’occasion de déposer des renseignements et des observations supplémentaires.

[8] L’appelant a envoyé six autres documents. Dans certains, il reprenait ce qu’il avait dit à l’audience. Dans d’autres, il répétait des renseignements qu’il avait déjà déposés. J’ai quand même tenu compte de toutes les observations supplémentaires pour rendre ma décision.

Question en litige

[9] L’appelant a‑t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour savoir si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois déterminer la raison pour laquelle il a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a‑t-il perdu son emploi?

[11] Je considère que l’appelant a perdu son emploi parce que, le 23 novembre 2022, il a travaillé pour une autre agence de sécurité en même temps qu’il travaillait pour la compagnie S. Autrement dit, il était de service pour les deux compagnies en même temps. 

[12] Lors de la rencontre où il a été congédié, la direction de S lui a demandé si son horaire indiquait qu’il travaillerait pour une autre agence de sécurité en même temps qu’il travaillait pour S. L’appelant a dit oui.

[13] Selon l’appelant, le fait d’avoir à son horaire deux quarts de travail pour deux agences de sécurité en même temps n’est pas contraire aux règles. Il est d’accord sur un point : le fait de travailler pour deux agences en même temps contrevient aux règles. Mais il explique que ce n’est pas ce qu’il a fait.

[14] L’appelant affirme avoir perdu son emploi parce que son gestionnaire était en colère qu’il l’ait dénoncé aux ressources humaines. Selon l’appelant, aucune autre raison ne peut expliquer son congédiement. Il était un bon employé. Il ajoute que d’autres membres du personnel travaillaient aussi pour des concurrentes sans toutefois se faire congédierNote de bas de page 3.

[15] L’appelant affirme que son gestionnaire était incompétent. Et ses collègues étaient malhonnêtes et malades mentalement. Il y avait des problèmes au travail. C’était la faute du gestionnaire. En avril 2022, il s’est plaint aux ressources humaines. Le gestionnaire a dit à l’appelant qu’il aurait dû venir lui parler de ses préoccupations au lieu d’en parler aux ressources humainesNote de bas de page 4.

[16] Parfois, il est possible de déduire que la raison pour laquelle l’employeuse ou l’employeur dit avoir renvoyé une personne n’est pas la véritable raison du congédiement. Dans la présente affaire, l’appelant me demande de faire ce genre de déduction.

[17] Selon lui, je peux tirer une telle conclusion parce qu’il n’a enfreint aucune règle.

[18] Il ajoute qu’on l’a traité différemment de ses collègues. En effet, d’autres membres du personnel travaillaient ailleurs en même temps sans toutefois perdre leur emploi.

[19] L’appelant ajoute qu’il était un employé apprécié. C’est ce que son gestionnaire lui a dit en janvier 2022Note de bas de page 5. De plus, il a aidé l’entreprise. Par exemple, il a formé des collègues et il s’est occupé de l’organisation sur les lieux de travail. Il n’y avait donc aucune raison de le congédier.

[20] La preuve ne permet pas de déduire que l’appelant a été congédié parce qu’il a dénoncé son gestionnaire aux ressources humaines. Voici pourquoi :

  • L’appelant affirme n’avoir enfreint aucune règle. Il admet toutefois que de travailler pour deux compagnies en même temps est contraire aux règles. Comme je l’expliquerai plus loin, il était à l’horaire et de service pour deux employeuses pendant le même quart de travail. Ainsi, la compagnie S avait une raison de mettre fin à son emploi.
  • L’appelant n’a pas été traité différemment de ses collègues. Il m’a parlé d’autres personnes qui travaillaient pour deux employeuses. Cependant, elles travaillaient pour deux employeuses à des moments différents. Elles n’ont pas fait le même quart de travail pour le compte de deux employeuses.
  • Il est fort possible que l’appelant ait bien fait son travail. Mais parfois, son gestionnaire était aussi insatisfait de son travail. Par exemple, en août 2022, il a envoyé ce message texte à l’appelant : [traduction] « Laisse les gens qui font l’entretien ménager tranquilles. Ce n’est pas à toi de les surveiller. Ton rapport aurait dû dire “la distributrice de savon ne fonctionne pas” et rien du tout au sujet du personnel de l’entretien ménager. ArrêteNote de bas de page 6. »
  • L’appelant a fait part de ses préoccupations aux ressources humaines en avril 2022. Il a été congédié en novembre. Si son gestionnaire avait voulu lui nuire, il aurait pu le faire plusieurs mois avant le congédiement de l’appelant.

[21] Je juge que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il était de service pour la compagnie S et la compagnie G en même temps pendant l’après-midi et la soirée du 23 novembre 2022.

La raison du congédiement est-elle une inconduite au sens de la loi?

[22] La raison pour laquelle l’appelant a été congédié est une inconduite au sens de la loi.

[23] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il faut que la conduite soit délibérée. En d’autres termes, il faut que la conduite soit consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 7. Une inconduite, c’est aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 8. Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est‑à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 9.

[24] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse et que la possibilité de se faire renvoyer pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 10.

[25] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 11.

[26] Selon la Commission, il y a eu inconduite parce que l’appelant savait que l’employeuse avait une règle interdisant le chevauchement des quarts de travail avec ceux d’une autre agence de sécurité.

[27] L’appelant affirme qu’il n’a pas travaillé pour les deux employeuses en même temps. Il a cessé de travailler pour la compagnie G à un moment donné pendant son quart. Et c’était avant le début de son quart de travail pour la compagnie S. Par conséquent, ses quarts de travail ne se sont pas chevauchés et il n’y a pas eu d’inconduite.

La politique de l’employeuse

[28] La compagnie S a un manuel des politiques. Il indique qu’on ne peut pas travailler pour une agence de sécurité concurrente pendant qu’on travaille pour SNote de bas de page 12. Par contre, la politique précise aussi qu’il est possible d’avoir un emploi ailleurs, mais pas auprès d’une concurrenteNote de bas de page 13.

[29] L’employeuse n’applique pas la politique de manière stricte. Elle sait que quelques membres de son personnel travaillent pour d’autres agences de sécurité. Et ces personnes ne se font pas congédier pour autant.

[30] Mais il est impossible de travailler pour deux agences de sécurité différentes durant le même quart de travailNote de bas de page 14. Et l’appelant savait que c’était contraire aux règles. À l’audience, il m’a dit que c’était correct de travailler pour deux entreprises différentes pendant des quarts de travail différents. Mais ce n’était pas correct de faire deux quarts de travail pour deux employeuses différentes en même temps.

[31] L’appelant est au courant des règles de l’employeuse. Dans sa demande de prestations, il a déclaré que la compagnie S a une règle qui interdit de travailler pour des concurrentes. Mais il n’avait d’autre choix que de violer la politique parce que S ne lui donnait pas assez d’heures de travail.

[32] L’appelant savait qu’il ne devait pas travailler pour deux employeuses différentes durant le même quart de travail. Il me l’a dit.

[33] L’appelant a posé certains gestes le jour où, selon l’employeuse, il travaillait pour S et G en même temps. Il pensait qu’en agissant de la sorte, cela voulait dire qu’il ne travaillait pas pour G après environ 16 h. Ainsi, il ne serait pas de service pour le compte de deux employeuses en même temps. Cela m’indique aussi qu’il savait que c’était contraire aux règles.

[34] Je conclus donc que l’appelant savait que le fait de travailler pour deux agences de sécurité différentes durant le même quart de travail allait à l’encontre des règles de l’employeuse.

L’appelant a travaillé pour deux agences de sécurité différentes en même temps

[35] Le 23 novembre 2022, l’appelant devait travailler pour la compagnie S et pour la compagnie G. Les deux agences fournissaient des services de sécurité à différents clients dans le même bâtiment.

[36] L’appelant dit que, le 23 novembre 2022, il n’a pas fait deux quarts de travail en même temps pour différentes employeuses. Il dit avoir fait ce qu’il fallait pour ne plus être à l’horaire de G après environ 16 h ce jour‑là.

[37] Le 23 novembre 2022, l’appelant travaillait encore pour la compagnie G après 16 h. Il a aussi commencé à travailler pour S vers 16 h ce jour‑là. 

[38] À cette époque, l’appelant n’était pas heureux de travailler pour S. Il n’aimait pas la façon de travailler des autres gardes. Ses collègues le harcelaient. Il trouvait le milieu toxique. Il a décidé de donner sa démission à la compagnie S et de travailler à temps plein pour la compagnie GNote de bas de page 15.

[39] Le 20 novembre 2022, son patron lui a dit que la personne qui le harcelait quittait la compagnieNote de bas de page 16. L’appelant a donc pensé qu’il pouvait peut-être rester chez S.

[40] Le 21 novembre 2022, la compagnie G lui a envoyé son horaire de travail. Il devait travailler pour G le 23 novembre 2022 de 14 h à 22 h. Et il devait aussi travailler pour S de 16 h à minuit.

[41] Il savait donc dès le 21 novembre 2022 que ses deux quarts de travail se chevauchaient.

[42] L’appelant subissait des pressions financières. Il aidait à subvenir aux besoins de sa mère. C’est pourquoi il travaillait beaucoup. Il faisait environ 10 quarts de travail par semaine pour la compagnie S et la compagnie G. Il ne dormait pas très bien.

[43] Le 23 novembre 2022, il s’est présenté pour son quart de travail chez G vers 13 h 45. Il n’a pas pu entrer dans l’immeuble parce qu’il n’avait pas la bonne carte d’accès. Vers 14 h 30, le concierge l’a fait entrer. Il a alors commencé à travailler pour la compagnie G.

[44] L’appelant a apporté deux uniformes de travail ce jour-là : l’un pour S et l’autre pour G. Il savait qu’il ne pouvait pas travailler pour les deux employeuses en même temps. Il devait décider pour quelle compagnie travailler. Pendant son quart de travail pour G, il a décidé qu’il continuerait à travailler pour S.

[45] Son quart de travail pour S commençait à 16 h le 23 novembre 2022. À 15 h 54, il a mis son uniforme de la compagnie S et s’est présenté au travail pour S.

[46] L’appelant a expliqué pourquoi il a décidé de continuer à travailler pour S pendant son quart de travail pour G, juste avant le début de son quart de travail pour S. Voici ce qu’il a dit :

  • Son patron lui a dit que la personne qui le harcelait ne se trouverait plus sur les lieux de travail.
  • Il n’a pas pu prendre sa décision plus tôt le 23 novembre 2022 parce qu’il a eu un contretemps en arrivant sur place.
  • La compagnie G a une règle qui exige un avis d’une semaine pour prendre une journée de congé.
  • Il était très fatigué et dormait mal.

[47] L’appelant a expliqué que les gardes de sécurité ne peuvent pas laisser un endroit sans surveillance. Il faut donc téléphoner au centre de contrôle de la compagnie G et demander qu’on retire son nom de l’horaire. Le 23 novembre 2022, il a appelé le centre de contrôle deux fois. Il a d’abord téléphoné à 16 h. Mais il n’a pas pu parler à personne ni laisser un message. Puis, il a rappelé à 18 h 24Note de bas de page 17. Il a parlé à quelqu’un. Il lui a dit qu’il voulait faire enlever son nom de l’horaire. La personne au bout du fil lui a dit d’en parler au bureau local le lendemain. Elle n’a pas dit à l’appelant que son nom était retiré de l’horaire.

[48] En conséquence, l’appelant était toujours à l’horaire de la compagnie G après 16 h le 23 novembre 2022.

[49] La compagnie G a produit un relevé d’emploi pour l’appelant. Le relevé indique que le dernier quart de travail pour lequel il a été payé était le 20 novembre 2022. La compagnie G ne l’a pas payé pour le travail qu’il a fait pour elle ce jour‑là.

[50] La compagnie G a congédié l’appelant dans une lettre rédigée le 29 novembre 2022, tout comme la compagnie S l’avait fait. Dans sa lettre de congédiement, la compagnie G s’est trompée sur le nom de l’autre agence de sécurité pour laquelle travaillait l’appelant. Mais cette erreur ne change rien à ma décision. 

[51] L’appelant admet avoir travaillé pour la compagnie G le 23 novembre 2022 de 14 h 30 à 15 h 54. Il dit ne pas avoir travaillé pour G après 15 h 54 ce jour‑là pour les raisons suivantes :

  • Il a téléphoné au centre de contrôle de G pour dire qu’il voulait faire enlever son nom du quart de travail.
  • La compagnie G ne l’a pas payé pour ce quart de travail.
  • Le relevé d’emploi produit par G indique que le dernier quart de travail qu’il a fait était le 20 novembre 2022.
  • Il n’a pas travaillé pour G après 15 h 54 le 23 novembre 2022.
  • Il a enlevé son uniforme de la compagnie G et a mis son uniforme de la compagnie S. Il travaillait donc pour S.

[52] L’appelant affirme qu’il se trouvait dans une situation difficile. Il a décidé de continuer à travailler pour la compagnie S seulement quelques minutes avant le début de son quart de travail.

[53] Il dit que, ce jour‑là, il prévoyait travailler seulement pour l’une de ses deux employeuses. Il explique qu’il a mis beaucoup de temps à décider pour quelle employeuse il allait travailler. Je rejette l’argument voulant que l’appelant n’arrivait pas à décider s’il allait continuer à travailler pour la compagnie S jusqu’à quelques minutes avant le début de son quart de travail le 23 novembre 2022.

[54] L’appelant a expliqué pourquoi il a mis beaucoup de temps à décider qu’il allait continuer à travailler pour la compagnie S, mais son explication n’est pas crédible. Son gestionnaire lui a dit que la personne harcelante ne se trouverait plus sur les lieux de travail. L’appelant a donc changé d’avis et décidé de ne plus donner sa démission à la compagnie S. Mais son gestionnaire lui a donné cette information à 9 h 34 le 20 novembre 2022. Il a donc appris cette information trois jours avant le 23 novembre 2022 et il a eu tout ce temps pour modifier son horaire ou quitter son emploi pour la compagnie G.

[55] Ses autres explications sont peu crédibles. L’appelant a dit qu’il ne pouvait pas prendre sa décision plus tôt le 23 novembre 2022 parce qu’il a eu un contretemps en arrivant sur place. Et la compagnie G a une règle qui exige un avis d’une semaine pour prendre une journée de congé. Et il était très fatigué et dormait mal. Rien de tout cela n’explique pourquoi il n’a pas décidé plus tôt qu’il allait travailler pour la compagnie S au lieu de la compagnie G.

[56] Je juge que, le 23 novembre 2022, l’appelant prévoyait plutôt travailler à cet endroit pour les deux compagnies (en même temps). Et juste avant 16 h, il a décidé que ce serait trop risqué.

[57] L’appelant affirme qu’il n’avait pas l’intention de travailler pour les deux compagnies. Il n’arrivait tout simplement pas à se décider, et ce, jusqu’à la dernière minute. Mais même s’il n’avait pas l’intention de travailler à la fois pour la compagnie S et la compagnie G, il a été insouciant parce qu’il ne s’est pas décidé avant qu’il soit trop tard pour s’absenter de son quart de travail pour la compagnie G. 

[58] Il savait que travailler pour les deux employeuses en même temps était contraire aux règles. Il a donc fait semblant qu’il n’avait pas travaillé pour la compagnie G après 16 h ce jour‑là.

[59] Je rejette l’argument de l’appelant voulant qu’il n’ait pas travaillé pour la compagnie G après 16 h le 23 novembre 2022. Tout d’abord, il a seulement parlé au centre de contrôle après 18 h, c’est‑à-dire deux heures après avoir commencé à travailler pour la compagnie S. Ensuite, le centre de contrôle ne lui a pas dit qu’il n’était plus de service pour le compte de la compagnie G. Par conséquent, il était encore de service pour la compagnie G après 16 h ce jour‑làNote de bas de page 18. Les gestes qu’il a posés ce jour‑là (comme enlever son uniforme de G et faire ses rondes pour la compagnie S) montrent seulement qu’il n’a pas fait les tâches que la compagnie G lui avait assignées.

[60] L’appelant n’a rien fait pour mettre fin à son emploi chez G avant le 24 novembre 2022. Ce jour‑là, il a avisé la compagnie G qu’il démissionnaitNote de bas de page 19.

[61] L’appelant affirme que G ne l’a pas payé pour le travail effectué le 22 novembre 2023 [sic]. Selon lui, cela veut donc dire qu’il n’a pas travaillé pour la compagnie G ce jour‑là. Mais G n’a payé l’appelant pour aucune de ses heures de travail ce jour-là. Et l’appelant convient qu’il a travaillé pour G jusqu’à quelques minutes avant 16 h. Ainsi, le fait qu’il n’ait pas été payé ne veut pas dire qu’il n’a pas travaillé.

[62] Le relevé d’emploi produit par la compagnie G n’aide en rien l’appelant. En effet, le relevé n’indique pas que le dernier jour où il a travaillé pour G était le 20 novembre 2022. Il montre simplement que c’était le dernier jour pour lequel la compagnie G lui a versé de l’argent. 

[63] À l’audience et dans les observations qu’il a déposées par la suiteNote de bas de page 20, l’appelant a déclaré que la compagnie G n’était pas une concurrente de la compagnie S. Les deux offraient des services de sécurité dans le même marché. Par ailleurs, dans son avis d’appel, l’appelant lui-même les a décrites comme des concurrentesNote de bas de page 21. Je conclus donc qu’elles étaient des entreprises concurrentes.

[64] Je conclus que l’appelant était de service pour la compagnie S et la compagnie G en même temps, c’est‑à-dire de 16 h à 22 h le 23 novembre 2022. Et c’était contraire aux règles.

L’inconduite s’est produite de façon délibérée ou insouciante

[65] L’appelant travaillait pour les compagnies S et G (de façon discontinue) depuis plusieurs années. Il savait donc comment éviter de travailler pour les deux employeuses en même temps. Ce n’est pourtant pas ce qu’il a fait le 23 novembre 2022.

[66] Comme ses quarts de travail se chevauchaient dans son horaire, l’appelant aurait pu régler le problème avant le 23 novembre 2022. Il aurait pu quitter son emploi à la compagnie G avant cette date. Il aurait aussi pu prendre une journée de maladie ou demander au centre de contrôle de retirer son nom de l’horaire avant le début de son quart de travail (et non pas en plein milieu). Pourtant, il n’a rien fait de tout cela.

[67] L’appelant explique que la compagnie G avait une règle qui exigeait que toute demande de modification de l’horaire soit présentée une semaine à l’avance. Mais les gens tombent parfois malades ou ont des urgences familiales juste avant leur quart de travail. La règle doit donc prévoir des exceptions. D’ailleurs, la preuve de l’appelant montre qu’il existe un processus pour appeler le centre de contrôle et ne plus être de service.

[68] L’appelant dit qu’il se trouvait dans une situation difficile. Et il devait prendre une décision difficile. Cependant, le fait d’être dans une position difficile ne veut pas dire que la conduite n’est pas délibérée.

[69] L’appelant savait qu’il était contraire aux règles d’être de service pour les deux employeuses en même temps. Il a donc fait semblant qu’il ne travaillait pas pour les deux.

[70] La conduite de l’appelant, qui avait deux quarts de travail à l’horaire pour deux employeuses différentes et qui n’a pas fait les démarches nécessaires pour éviter d’être de service pour les deux en même temps, était délibérée ou insouciante. Ensuite, le fait qu’il a fait semblant qu’il n’était pas de service pour la compagnie G après 15 h 54 le 23 novembre 2022 était aussi un geste délibéré ou insouciant. 

[58] Je juge que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. L’appelant savait que, suivant les règles, il ne pouvait pas être de service pour deux employeuses en même temps. Mais il était de service pour deux employeuses en même temps. Il aurait pu faire quelque chose pour éviter cette situation. Mais il n’a rien fait. Ainsi, il a enfreint les règles de façon volontaire ou insouciante.

Somme toute, l’appelant a‑t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[59] Compte tenu des conclusions que je viens de tirer, je juge que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[60] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[61] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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