Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 531

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : C. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Julie Duggan

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 31 octobre 2023
(GE-23-1353)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 avril 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 14 mai 2024
Numéro de dossier : AD-23-1008

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel de C. W.

[2] La division générale a commis une erreur de fait importante. Pour la corriger, je rends la décision que la division générale aurait dû rendre.

[3] Ma décision ne change rien au résultat. Je conclus que C. W. n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] C. W. est le prestataire dans cet appel. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi après la fin de son emploi dans un magasin de détail.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification. En d’autres termes, son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans les circonstances.

[6] Le prestataire a fait appel à la division générale, qui a rejeté son appel. Elle a décidé qu’il avait quitté son emploi le 10 novembre 2021. Elle a conclu qu’il n’avait pas d’offre d’emploi lorsqu’il a démissionné. Elle a également estimé qu’il n’avait pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi parce qu’une autre solution raisonnable s’offrait à lui. Il aurait pu discuter de ses conditions de travail et de ses différends avec sa gestionnaire.

[7] Le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de fait importante. Il a dit lors de l’audience de la division générale qu’il avait une offre d’emploi au moment où il a démissionné. La Commission affirme que la division générale n’a pas fait d’erreur.

Question en litige

[8] Il y a trois questions en litige dans cet appel :

  • La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’avait pas d’offre d’emploi lorsqu’il a démissionné?
  • Si la division générale a commis une erreur, comment dois-je la corriger?
  • Si je dois rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, le prestataire était-il fondé à quitter son emploi quand il l’a fait?

Analyse

[9] Je rejette l’appel du prestataire. Bien qu’il ait prouvé que la division générale a commis une erreur, cela ne change pas le résultat de son appel. Je conclus qu’il n’a pas démontré, compte tenu de toutes les circonstances, qu’il était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait. Par conséquent, il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi.

Le rôle de la division d’appel

[10] Le rôle de la division d’appel est différent de celui de la division générale. La loi m’autorise à intervenir et à corriger une décision de la division générale lorsqu’une personne montre que celle-ci :

  • a agi de façon inéquitable ou a fait preuve de partialité;
  • a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher ou n’a pas tranché une question qu’elle devait trancher (en termes juridiques, a excédé ou a refusé d’exercer sa compétence);
  • a fondé sa décision sur une erreur de droit;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[11] Si le prestataire ne démontre pas que la division générale a commis une de ces erreurs, je dois rejeter son appel.

[12] Les articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi disent qu’une personne qui quitte volontairement son emploi sans justification est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

La division générale a commis une erreur de fait importante : le prestataire avait une offre d’emploi lorsqu’il a démissionné

[13] La division générale commet une erreur de fait importante si elle fonde sa décision sur une conclusion de fait qu’elle a tirée en ignorant ou en interprétant mal la preuveNote de bas de page 2. Autrement dit, le prestataire doit démontrer que la preuve contredit carrément ou n’appuie pas une conclusion de fait de la division généraleNote de bas de page 3.

[14] Je peux présumer que la division générale a examiné tous les éléments de preuve : elle n’est pas obligée de mentionner chacun d’entre eux dans sa décisionNote de bas de page 4. Je ne peux pas réévaluer la preuveNote de bas de page 5. Je ne peux pas non plus conclure à une erreur seulement parce que j’aurais évalué la preuve différemment ou que j’aurais rendu une décision différente en me fondant sur celle-ci.

[15] Le prestataire a soutenu que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il n’avait pas d’offre d’emploi lorsqu’il a démissionné. Il dit qu’il a parlé de l’offre d’emploi à l’audience de la division générale. Il affirme que la division générale aurait dû faire preuve de [traduction] « diligence raisonnable » et lui demander de donner plus d’informations sur son offre d’emploi.

[16] La Commission a soutenu que le témoignage du prestataire selon lequel il avait déjà signé un contrat pour un nouvel emploi n’est pas appuyé par la preuveNote de bas de page 6. Elle dit que le prestataire n’a pas donné de date de début d’emploi lorsque le membre de la division générale le lui a demandé. De plus, le prestataire a dit à la Commission qu’il était sur le point d’accepter un autre emploiNote de bas de page 7.

[17] La division générale a examiné les conditions de travail du prestataire au moment où il a démissionné. Au paragraphe 23, elle parle de ses efforts pour trouver du travail à l’époque où il a commencé à travailler dans la vente au détail en septembre 2021 ou aux alentours de cette date (paragraphe 22).

[23] À peu près à la même époque, l’appelant a postulé à d’autres emplois et espérait obtenir une offre d’emploi en décembre 2021 ou en janvier 2022. Il confirme qu’il a fini par obtenir un emploi en janvier 2022.

[18] Après s’être penchée sur les circonstances entourant le départ du prestataire, la division générale a cherché à savoir si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Au paragraphe 29, elle a conclu que le prestataire avait toujours eu l’intention de démissionner. Elle a ensuite tiré la conclusion de fait suivante :

[35] L’appelant n’avait pas reçu d’offre d’emploi d’un autre employeur au moment où il a démissionné. Je reconnais qu’il a postulé à d’autres emplois pendant cette période, mais lorsqu’il a démissionné, il ne l’avait pas fait parce qu’il était sur le point de commencer à travailler ailleurs. Sa démission était uniquement motivée par ses préoccupations liées à la COVID-19 et ses différends avec sa gestionnaire.

[19] À l’audience de la division générale, le prestataire a déclaré ce qui suit :

  • il avait trouvé un emploi au moment où il a démissionnéNote de bas de page 8;
  • s’il pouvait travailler deux semaines de plus, il quitterait le magasin de détail au début du mois de novembre, ce qui lui laisserait quatre semaines pour récupérer avant de commencer son prochain emploi pour lequel il avait déjà signé un contratNote de bas de page 9;
  • il avait déjà prévu de quitter son emploi au magasin de détail : celui-ci était un tremplin vers son prochain emploi, où il travaillait depuis deux ans (au moment de l’audience)Note de bas de page 10;
  • à peu près au moment où il a commencé à travailler au magasin de détail, il savait qu’il commencerait un autre emploi (chez X) en décembre ou en janvierNote de bas de page 11;
  • après avoir démissionné, il a proposé de rester deux semaines parce que cela concordait parfaitement avec le début de son prochain emploiNote de bas de page 12.

[20] Rien dans la décision de la division générale ne montre qu’elle a abordé ou évalué le témoignage du prestataire, qui va à l’encontre de la conclusion de fait qu’elle a tirée. Bien que la division générale n’ait pas à mentionner chaque élément de preuve, elle n’en a mentionné aucun dans cette affaire. Ainsi, sa conclusion de fait selon laquelle le prestataire n’avait pas d’offre d’emploi lorsqu’il a démissionné n’est pas appuyée par la preuve. De plus, je ne peux pas évaluer la preuve pour décider si elle soutient la conclusion de fait de la division générale.

[21] La division générale a commis une erreur au sujet de la preuve en ignorant le témoignage du prestataire. Elle a estimé qu’il n’avait pas d’offre d’emploi et a donc conclu qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi. Ainsi, la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée en ignorant ou en interprétant mal la preuve. Autrement dit, la division générale a commis une erreur de fait importante.

[22] La Commission affirme que la division générale n’a pas commis d’erreur parce que certains éléments de preuve appuient sa conclusion de fait. Je n’accepte pas l’argument de la Commission. Le critère juridique applicable n’est pas « certains éléments de preuve qui appuient » une conclusion de fait. La division générale commet une erreur lorsqu’elle omet de tenir raisonnablement compte d’éléments de preuve importants qui sont contraires à ses conclusionsNote de bas de page 13. Dans le cas présent, la division générale a omis de tenir raisonnablement compte du témoignage du prestataire selon lequel il avait une offre d’emploi.

La division générale a commis une erreur quant à la date de démission du prestataire

[23] La division générale a conclu que le prestataire avait démissionné le 10 novembre 2021, c’est-à-dire le 10e jour du 11e mois de 2021 (paragraphe 13).

[24] Le prestataire et la Commission ont convenu que la division générale s’était trompée sur ce pointNote de bas de page 14.

[25] Les relevés d’emploi mentionnent que le dernier jour de travail du prestataire était le 11-10-2021Note de bas de page 15. Le formulaire de relevé d’emploi utilise le format jour-mois-année pour toutes les dates. La Commission a indiqué le 11 octobre 2021 dans sa lettre de décisionNote de bas de page 16. Ces documents disent donc tous que le dernier jour de travail du prestataire était le 10 octobre 2021.

[26] La division générale a commis une erreur en invertissant le mois et le jour. Elle n’a pas fondé sa décision sur cette erreur, de sorte qu’elle ne constitue pas une erreur de fait importante. Cependant, la date du dernier jour de travail du prestataire est importante en raison de la façon dont j’ai choisi de corriger l’erreur et de la loi que je dois appliquer.

Corriger l’erreur en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre

[27] La loi me donne le pouvoir de corriger l’erreur de la division générale. Dans des appels comme celui-ci, je peux :

  • renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen;
  • rendre la décision que la division générale aurait dû rendre (en me fondant sur les éléments de preuve présentés à la division générale sans tenir compte de tout nouvel élément de preuve).

[28] Le prestataire voulait que je renvoie l’affaire à la division générale parce qu’il disait qu’il avait plus d’éléments de preuve pour [traduction] « régler le problème ».

[29] La Commission a soutenu que je devais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Elle a déclaré que l’audience était équitable et que la preuve était complète.

[30] Je suis d’accord avec la Commission. Le prestataire a amplement eu l’occasion de connaître les arguments de la Commission et de présenter des éléments de preuve et des arguments pour démontrer qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi.

[31] Le Tribunal a envoyé au prestataire les documents de la Commission bien avant l’audience. À l’audience, la division générale a expliqué la loi, a posé des questions au prestataire et lui a donné l’occasion d’expliquer les circonstances sur lesquelles il s’appuyait pour démontrer qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Le prestataire a invoqué trois circonstances : la santé et la sécurité (risques liés à la COVID-19 pour lui et sa famille), sa relation avec sa gestionnaire (en mettant l’accent sur le désaccord entourant ses vacances) et la question de savoir s’il avait déjà trouvé un autre emploi. La division générale lui a donné l’occasion d’expliquer chacune de ces circonstances, notamment en lui posant des questions pour clarifier son témoignage.

[32] La loi oblige le prestataire à démontrer qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. La division générale ne peut pas mener sa propre enquête, ni faire preuve de [traduction] « diligence raisonnable » ou « vérifier les faits » comme le prestataire a soutenu qu’elle aurait dû le faire. De plus, elle n’a pas à demander au prestataire de lui fournir des éléments de preuve documentaires. Je ne peux donc pas accepter l’argument du prestataire selon lequel la division générale a commis une erreur en ne lui accordant pas une audience équitable alors qu’elle n’a pas fait ces choses.

[33] À l’audience de la division d’appel, le prestataire a également déclaré que le membre de la division générale était partial, qu’il avait préjugé de son dossier et qu’il avait ignoré ce qu’il avait essayé de dire. Le prestataire a aussi soutenu que la division générale avait définitivement commis une erreur de compétence parce qu’elle avait rendu sa décision en se fondant sur une conversation informelle, ce qui est la façon dont il a décrit l’audience.

[34] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale, examiné la preuve dont elle disposait et lu sa décision. Je ne peux pas accepter les arguments du prestataire concernant la partialité, les préjugés et la compétence pour trois raisons. Premièrement, le prestataire essaie de présenter l’erreur de fait importante que j’ai reconnue ci-dessus comme un autre type d’erreur. Deuxièmement, il n’a pas prouvé que la division générale a commis l’une de ces autres erreurs. Troisièmement, le prestataire s’oppose en fait au résultat de son appel. Il veut avoir une autre chance de prouver ses prétentions à la division générale, sur la base d’éléments de preuve supplémentaires qu’il dit détenir. Cependant, la division générale lui a déjà donné amplement l’occasion de présenter ses arguments.

[35] Je vais donc rendre la décision que la division générale aurait dû rendre en me fondant sur la preuve dont elle disposait.

Les questions que je dois trancher

[36] Voici les trois questions que je dois trancher :

  • À quelle date le prestataire a-t-il démissionné?
  • Au moment où il a démissionné, avait-il l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat conformément à l’article 29(c)(vi) de la Loi sur l’assurance-emploi?
  • Compte tenu de toutes les circonstances entourant son départ, était-il fondé à démissionner? Autrement dit, son départ était-il la seule solution raisonnable dans son cas?

Le critère juridique applicable aux appels relatifs aux départs volontaires

[37] La division générale a correctement énoncé le critère qu’elle devait appliquer dans l’appel relatif au départ volontaire du prestataire (paragraphes 15 à 17). Je vais appliquer ce critère.

[38] D’abord, je dois décider si le prestataire a démissionné et, dans l’affirmative, quand il l’a fait. Ce sont des questions de fait.

[39] J’adopte la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire a quitté son emploi. Aucune des parties n’a contesté cette conclusion et la preuve la soutient.

[40] Comme je l’ai mentionné plus haut, la division générale a commis une erreur au sujet du dernier jour de travail du prestataire. Le poids de la preuve montre que son dernier jour de travail était le 11 octobre 2021.

[41] Je dois ensuite vérifier si le prestataire a prouvé qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était fondé à quitter son emploi dans la vente au détail le 11 octobre 2021, compte tenu de toutes les circonstances qui prévalaient à ce moment‑là.

Les circonstances qui prévalaient au moment où le prestataire a démissionné

[42] Je dois me demander si le prestataire avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. Cette circonstance est prévue à l’article 29(c)(vi) de la Loi sur l’assurance-emploi. Une personne doit satisfaire à trois exigences essentielles au moment où elle démissionne. Elle doit savoir les trois choses suivantes :

  • si elle aura un emploi;
  • de quel emploi auprès de quel employeur il s’agira;
  • à quel moment dans l’avenir elle occupera cet emploiNote de bas de page 17.

[43] D’après la preuve présentée à la division générale, j’estime que le prestataire n’a pas démontré qu’il savait quand son nouvel emploi commencerait. Il n’avait pas de date de début claire. Son témoignage montre que tout ce qu’il savait lorsqu’il a démissionné au début d’octobre 2021 était que son nouvel emploi commencerait en décembre 2021 ou en janvier 2022. Cela est trop vague. Il ne s’agit pas d’une date ou d’un moment dans l’avenir.

[44] Cela signifie que le prestataire n’a pas démontré qu’il répondait à la troisième partie du critère juridique. Ainsi, cette circonstance (l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat) n’existait pas au moment où il a quitté son emploi.

[45] Toutefois, je conviens que la preuve montre que le prestataire était en train de finaliser avec X l’offre d’emploi, y compris sa date de début d’emploi, au moment où il a démissionné. J’en tiendrai compte lorsque j’examinerai si, compte tenu de toutes les circonstances, il était fondé à quitter son emploi. Je le ferai parce que la loi dit que je dois examiner toutes ses circonstances ensemble (c’est-à-dire cumulativement) pour décider s’il avait une autre solution raisonnable que de démissionner quand il l’a fait.

[46] Sur la base de la preuve, la division générale a accepté deux autres circonstances.

[47] Premièrement, aux paragraphes 21 à 25, la division générale a examiné les conditions de travail du prestataire. Elle s’est concentrée sur le risque de contracter la COVID-19 auquel il dit avoir été confronté et la pression exercée par sa famille en raison de ce risque. Elle a conclu que le prestataire était au courant de ces conditions de travail avant d’accepter l’emploi et qu’il avait quand même commencé à travailler (paragraphe 32).

[48] Deuxièmement, aux paragraphes 26 à 28, la division générale a examiné les différends du prestataire avec sa gestionnaire. Elle a jugé qu’il était clair qu’il n’aimait tout simplement pas son environnement de travail en ce qui concerne la COVID-19 ni le style de gestion de sa gestionnaire (paragraphe 34).

[49] J’adopte les conclusions de la division générale au sujet de ces deux circonstances.

[50] À la division d’appel, le prestataire a convenu que la COVID-19 était un facteur dans sa décision de démissionner et l’une des raisons pour lesquelles il était fondé à le faire. Cependant, il a soutenu que la division générale avait commis une erreur en supposant qu’il ne s’entendait pas avec sa gestionnaire. Il a dit que le membre aurait dû vérifier avec lui avant de supposer cela.

[51] Je ne peux pas accepter l’argument du prestataire concernant ses différends avec sa gestionnaire. J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience. Les conclusions de la division générale sont soutenues par le témoignage du prestataire. Elle n’a pas ignoré ou mal interprété son témoignage. Elle a soupesé et résumé la preuve concernant ses différends avec sa gestionnaire. Le prestataire s’oppose à l’importance accordée à cette preuve et à la façon dont elle est décrite. Il n’a toutefois pas démontré que la division générale a commis une erreur de fait importante à ce sujet. Je peux donc accepter cette circonstance.

Le prestataire avait une autre solution raisonnable que de quitter son emploi

[52] J’accepte le témoignage du prestataire à la division générale selon lequel son emploi dans la vente au détail lui servait de tremplin vers un emploi qui correspondait mieux à ses compétences et à son expérienceNote de bas de page 18. J’ai admis plus haut qu’il était en train de finaliser avec X une offre d’emploi et sa date de début d’emploi (en décembre ou en janvier). Le prestataire a également déclaré qu’il avait prévu quitter son emploi dans la vente au détail et prendre le temps de récupérer avant de commencer son nouvel emploiNote de bas de page 19, une déclaration que j’accepte. Je n’ai aucune raison de douter que c’est ce qu’il pensait et prévoyait. Aucun élément de preuve ne va à l’encontre de cela. J’ai donc tenu compte de ces faits et circonstances.

[53] J’ai également pris en compte les différends entre le prestataire et sa gestionnaire et la pression qu’il ressentait de la part de sa famille en raison des risques de contracter la COVID-19 dans le cadre de son emploi dans la vente au détail.

[54] Compte tenu des circonstances entourant son départ, je juge que le prestataire avait deux solutions raisonnables. Au lieu de démissionner, il aurait pu :

  • travailler les jours prévus par sa gestionnaire, plutôt que de prendre des vacances, ce qui aurait maintenu le lien d’emploi;
  • essayer de régler ses différends avec sa gestionnaire pour pouvoir continuer à travailler jusqu’à ce que sa date de début chez X soit dans un avenir procheNote de bas de page 20.

[55] Ma décision va probablement sembler injuste au prestataire. Cependant, elle respecte le droit et est conforme aux objectifs des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on est fondé à le faire selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 21. Même si le prestataire avait peut-être une bonne raison de quitter son emploi quand il l’a fait, il n’était pas fondé à quitter son emploi au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[56] Les tribunaux ont déclaré que les personnes employées qui transforment un simple risque en une certitude de chômage ne devraient pas recevoir de prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 22. Les prestations d’assurance-emploi sont versées aux personnes qui sont involontairement sans emploiNote de bas de page 23. Dans la présente affaire, le prestataire a transformé un risque en une certitude de chômage. Je comprends qu’il voulait prendre un congé pour récupérer avant de commencer son nouvel emploi. Cependant, il ne peut pas quitter son emploi sans justification et s’attendre à recevoir deux ou trois mois de prestations d’assurance-emploi pour cette raison personnelle. Cela irait à l’encontre des objectifs de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[57] Je rejette l’appel du prestataire.

[58] La division générale a commis une erreur de fait importante. J’ai rendu la décision qu’elle aurait dû rendre.

[59] Ma décision ne change pas le résultat de l’appel du prestataire. Je conclus qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

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