Assurance-emploi (AE)

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Citation : JT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2051

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (604266) datée du 9 août 2023 rendue par la Commission de l’assurance- emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jacques Bouchard
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 20 novembre 2023
Personnes présentes à l’audience : J. T.
Date de la décision : Le 28 novembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2466

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (La Commission) n’a pas prouvé que l’appelant prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’il a été congédié parce qu’il était souvent en retard, a commis une faute grave dans la destruction d’un document et a contrevenu à la politique en matière de sécurité en altérant un masque N-95 pour faciliter sa respiration.

[4] Bien que l’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé, sauf pour les retards, il affirme qu’il ne s’agit pas de la vraie raison de son congédiement. L’appelant soutient qu’en fait l’employeur l’a congédié principalement à cause d’un conflit de personnalité avec son superviseur immédiat.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] L’appelant travaille depuis environ 2 années pour une compagnie spécialisée dans la fabrication de produits destinés à l’industrie pharmaceutique. Une politique en matière de sécurité prévaut puisque l’industrie est soumise à des vérifications de Santé Canada.

[7] L’appelant soumet qu’il n’a jamais eu de mesures disciplinaires pendant les 18 premiers mois de son embauche. Il ajoute que ses problèmes ont débuté avec l’embauche d’un nouveau superviseur en novembre 2022. En l’espace de 6 mois, il aurait subi du harcèlement de la part de ce dernier et reçu trois avis disciplinaires non justifiés, précédant son congédiement le 1er juin 2023.

[8] L’employeur soutient que l’appelant a été congédié suivant la politique de gradation des mesures disciplinaires, après 2 avis écrits et une suspension d’un jour.

[9] La Commission maintient que le caractère insouciant ou délibéré de l’appelant dans la transgression de la politique et directives de la compagnie, a mené à son congédiement.

[10] L’appelant interjette appel de la décision d’exclusion de l’AE et affirme avoir été congédié injustement.

[11] Le Tribunal doit statuer sur le caractère conscient, délibéré ou intentionnel de la conduite de l’appelant face aux manquements reliés à son contrat de travail.

Question en litige

[12] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[13] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[14] J’estime que l’appelant a perdu son emploi principalement à cause d’un conflit de personnalité avec son supérieur immédiat et non à cause d’une transgression grave aux politiques internes de l’industrie suivant un principe de gradation des offenses reprochées.

[15] La Commission et l’appelant ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle ce dernier a perdu son emploi. La Commission soutient que l’employeur a donné la vraie raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que; suivant le principe de gradation des mesures disciplinaires, l’employé a provoqué son congédiement.

[16] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme que la vraie raison pour laquelle il a perdu son emploi est que le superviseur le harcelait pour des raisons qu’il ignore. Il soutient qu’il n’a jamais été en retard, n’a jamais eu de mesures disciplinaires en 18 mois. Il ajoute que ses problèmes ont débuté avec l’embauche du nouveau superviseur qui lui reprochait sa lenteur au travail et le dénigrait auprès des autres employés.

[17] L’appelant affirme que chaque jour il doit présenter sa carte personnelle à l’entrée. Il insiste en audience pour dire qu’il n’y a pas eu de retard. Le superviseur devant les autres l’appelait ‘ J. R.’, parce qu’il trouvait qu’il n’était pas assez rapide à son gout, ajoute-t-il.

[18] Le superviseur lui faisait toujours sentir qu’il pourrait être congédié et lui donnait des avertissements inutilement. L’appelant explique en audience qu’en arrivant il devait revêtir un habillement spécial de la tête aux pieds, ce qui demandait un certain temps. Le superviseur souhaitait qu’il arrive 15 minutes avant son heure pour s’habiller.

[19] L’appelant explique être toujours arrivé à l’heure pour s’habiller, d’où la mésentente initiale. Concernant le deuxième avertissement écrit pour destruction d’un document important. L’appelant affirme avoir vérifié auprès d’un responsable de la qualité avant de détruire un document qui comportait plusieurs erreurs. Il admet qu’il n’aurait pas dû suivre le conseil de détruire le document, mais ce n’était pas un acte délibéré, insouciant ou intentionnel. Enfin concernant l’altération du masque N-95, un masque obligatoire visant à le protéger des particules fines. Il explique que tous les employés peinaient à respirer avec ce masque et avait trouvé des façons de le modifier tout en demeurant sécuritaire.

[20] Il conclu en disant que n’eut été de l’acharnement de son supérieur à le discréditer, il serait toujours à l’emploi considérant le principe de gradation des avertissements.

[21] Je conclus considérant les arguments de l’appelant que ce dernier n’a pas agi de manière délibérée pour mettre fin à son contrat de travail. L’argumentaire de l’appelant est crédible quant aux explications entourant les retards reprochés. Il semble plus vraisemblable que l’employeur (superviseur immédiat), lui reprochait de prendre trop de temps pour se préparer en arrivant au travail, d’où l’utilisation du nom ‘ J. R.’, dont les explications ont été fournies en audience.

[22] Quant au caractère délibéré de détruire des documents importants, le Tribunal estime au contraire que l’appelant s’est soucié de la disposition en vérifiant auprès d’un employé responsable du contrôle de la qualité.

[23] Le Tribunal comprend que l’appelant a modifié son masque N-95 contrevenant aux directives et politique en matière de sécurité mais comprend aussi que ce seul manquement n’aurait pas mené au congédiement de l’appelant, considérant le principe de gradation des mesures disciplinaires.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi?

[24] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelant n’est pas une inconduite.

[25] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupableNote de bas de page 4 (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).

[26] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 5.

[27] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[28] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant a délibérément contrevenu à la politique de la compagnie et qu’il avait eu plusieurs manquements dans le passé l’avertissant des conséquences d’un nouveau manquement.

[29] L’appelant soutient qu’il n’y a pas eu inconduite parce que son intention n’était pas délibérée, au contraire il s’était assuré de la collaboration de collègues du contrôle de la qualité. Il maintient qu’il était victime de harcèlement de part de son superviseur et traité injustement par rapport aux collègues.

[30] Je conclus que la Commission n’a pas prouvé qu’il y a eu inconduite parce que le caractère délibéré et insouciant ou intentionnel n’est pas prouvé. Le Tribunal tient en considération que l’appelant a travaillé pendant 18 mois sans problème évident et sans avertissements écrits, ce qui témoigne d’une certaine conformité aux règles et aux politiques de l’industrie.

[31] L’utilisation d’un sobriquet comme ‘ J. R.’ est éloquent quant au climat toxique dans lequel l’appelant travaillait et rend crédible le témoignage de l’appelant en audience.

Alors, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[32] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[33] La Commission n’a pas prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[34] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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