Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 575

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (545259) datée du
4 octobre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Ambrosia Varaschin
Mode d’audience : Vidéoconférence et par écrit
Date de l’audience : Le 9 avril 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Intimée
Date de la décision : Le 16 mai 2024
Numéro de dossier : GE-23-2847

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La rémunération provenant d’un travail indépendant de l’appelante est suffisante pour qu’elle soit admissible aux prestations.

Aperçu

[2] L’appelante est une psychologue agréée qui pratique sa profession à titre de société professionnelle. Elle a signé un accord avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada concernant les prestations d’assurance-emploi pour les travailleurs autonomes, qui est entré en vigueur le 5 août 2019Note de bas de page 1.

[3] L’appelante a fait une demande de prestations de maternité et de prestations parentales pour les travailleurs autonomes à compter du 6 mars 2022. Comme elle n’avait pas produit sa déclaration de revenus au moment de présenter sa demande, elle a estimé à 65 000 $ le montant de sa rémunération provenant d’un travail indépendant en 2021. La période de prestations a été établie et des prestations ont été versées sur une base temporaire.

[4] La Commission a dit à l’appelante que sa demande serait recalculée si son revenu de travail indépendant évalué par l’Agence du revenu du Canada (ARC) était inférieur au montant requis pour faire une demande de prestations.

[5] Par la suite, l’ARC a avisé la Commission que pour l’année 2021, la rémunération de l’appelante provenant d’un travail indépendant était de 15 $. La Commission a examiné la demande et établi que l’appelante n’était pas admissible aux prestations parce que sa rémunération provenant d’un travail indépendant effectué au cours de la période de référence était inférieure à 5 289 $.

[6] L’appelante a déclaré qu’elle a eu une rémunération provenant d’un travail indépendant de plus de 49 000 $, soit un montant bien supérieur aux 5 289 $ requis. Elle a dit qu’elle devrait donc être admissible aux prestations. Elle a fait valoir qu’elle détient 100 % des actions de sa société professionnelle et qu’elle se verse des dividendes plutôt que de toucher un salaire. Elle a présenté son avis de cotisation pour l’année d’imposition 2021, qui montre que son revenu total était de 49 465 $. Elle a dit que c’était la preuve qu’elle gagnait beaucoup plus que le minimum requis pour avoir droit aux prestations.

[7] La division générale a décidé que la rémunération de l’appelante provenant d’un travail indépendant s’élevait à 49 465 $ (ce qui est supérieur à 5 289 $), et qu’elle était donc admissible aux prestations.

[8] La Commission n’était pas d’accord avec la décision de la division générale et a fait appel à la division d’appel. Elle a soutenu que la division générale avait outrepassé sa compétence et ignoré des faits importants lorsqu’elle a établi le montant de la rémunération de l’appelante provenant d’un travail indépendant. Elle a déclaré ce qui suit :

  • Seule l’ARC a le pouvoir d’établir quelle aurait été la rémunération assurable de l’appelante si son emploi n’avait pas été exclu de l’emploi assurable. Par conséquent, seule l’ARC a le pouvoir d’établir le montant de la rémunération de l’appelante provenant d’un travail indépendant.
  • Aucun élément de preuve n’a été présenté à la division générale pour appuyer le fait que tous les dividendes de l’appelante devraient être considérés comme une rémunération d’emploi. Elle a fait valoir que la division générale n’a pas analysé la source des dividendes lorsqu’elle a décidé que l’ensemble du revenu de l’appelante était un revenu de travail indépendant. Elle a dit qu’il pourrait y avoir d’autres sources de revenus incluses dans les dividendes qui ne sont pas considérées comme une rémunération provenant d’un travail indépendant.
  • La division générale n’a pas expliqué pourquoi elle n’a pas tenu compte de la rémunération provenant d’un travail indépendant telle qu’elle figure à l’annexe 13 de la déclaration de revenus de l’appelante.

[9] La division d’appel a accueilli l’appel et décidé de renvoyer l’affaire à la division générale pour les raisons suivantes :

  • Il fallait analyser les dividendes de l’appelante pour déterminer la part de ce montant qui pouvait être considérée comme une rémunération provenant d’un travail indépendant.
  • Seule l’ARC peut décider ce qu’est une rémunération assurable provenant d’un travail indépendant.

Question en litige

[10] La rémunération de l’appelante provenant d’un travail indépendant est-elle suffisante pour qu’elle soit admissible aux prestations?

Analyse

L’appelante est-elle une travailleuse indépendante?

[11] Oui, l’appelante est une travailleuse indépendante.

[12] La Loi sur l’assurance-emploi définit les travailleurs indépendants comme toute personne qui exploite une entreprise ou qui contrôle plus de 40 % des actions avec droit de vote d’une personne moraleNote de bas de page 2.

[13] L’appelante affirme détenir 100 % des actions avec droit de vote de sa société professionnelle. La Commission ne conteste pas ce fait, et je ne vois aucune preuve du contraire, alors je l’accepte comme un fait.

L’appelante est-elle admissible aux prestations?

[14] En général, les travailleurs indépendants ne peuvent pas toucher de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 3. Cependant, la loi prévoit qu’ils peuvent obtenir des prestations spéciales s’ils décident de conclure un accord avec la Commission et de cotiser au régime d’assurance-emploi.

[15] Pour avoir droit à des prestations spéciales, un travailleur indépendant doit :

  • Avoir un accord valide avec la Commission au moment de la demande et pendant au moins 12 mois avant la demande.
  • Subir un arrêt de rémunération.
  • Toucher la rémunération annuelle minimale requise provenant d’un travail indépendant au cours de sa période de référenceNote de bas de page 4.

[16] L’appelante a signé un accord avec la Commission le 5 août 2019Note de bas de page 5. Comme elle a demandé des prestations le 6 mars 2022, elle avait un accord valide pendant au moins 12 mois.

[17] La Commission convient que l’appelante avait un accord valide pour la période minimale au moment de présenter sa demande et qu’elle a subi un arrêt de rémunération. Je ne vois aucune preuve du contraire, alors j’accepte qu’il s’agit de faits.

[18] Par conséquent, mon analyse portera sur la question de savoir si la rémunération de l’appelante provenant d’un travail indépendant était suffisante pour qu’elle soit admissible aux prestations. Plus précisément, l’appelante doit avoir gagné au moins 5 289 $ au cours de sa période de référence, qui s’étend du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021Note de bas de page 6.

Compétence de l’ARC

[19] Selon la Loi sur l’assurance-emploi, l’ARC a la compétence exclusive pour décider si un emploi est assurable, quand un emploi assurable commence et prend fin, combien d’heures d’emploi assurable il y a dans une période et le montant de toute rémunération assurableNote de bas de page 7.

[20] Comme la division d’appel était d’accord avec la Commission sur le fait que l’ARC a la compétence exclusive de décider du montant de la rémunération assurable que l’appelante aurait pu gagnerNote de bas de page 8, j’ai demandé une décision sur l’affaireNote de bas de page 9.

[21] L’ARC a décidé que l’appelante était une employée, mais que son emploi n’était pas assurable parce qu’elle contrôlait plus de 40 % des actions avec droit de vote de XNote de bas de page 10.

[22] L’ARC a déclaré qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur la rémunération assurable de l’appelante si elle n’était pas exclue par l’article 5(2)(b) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a dit que les décisions en matière d’assurabilité ne peuvent être rendues que pour la rémunération assurable. Puisqu’elle avait déjà décidé que l’emploi de l’appelante n’était pas assurable, demander une décision sur ce que la rémunération assurable « pouvait être » est une situation hypothétique et des décisions ne pouvaient être rendues que sur des faits. L’ARC a donc refusé de rendre une décision sur le montant de la rémunération qui aurait pu être assurable si l’appelante n’était pas propriétaire de sa propre entreprise.

[23] Je suis d’accord avec l’ARC en ce qui concerne sa compétence. En effet, l’article 90 de la Loi sur l’assurance-emploi précise que l’ARC a compétence pour décider si un emploi est assurable ou non et pour déterminer le nombre d’heures ou de dollars d’emploi assurable d’un prestataire. Elle ne dit pas que l’ARC a le pouvoir d’établir la rémunération provenant d’un travail indépendant. En effet, la Loi sur l’assurance-emploi fournit les calculs et les définitions de la partie VII.1.

[24] Par conséquent, l’ARC peut seulement décider si le revenu d’une personne n’est pas assurable parce qu’elle est considérée comme étant un « travailleur indépendant », et le Tribunal a la compétence de calculer la rémunération d’un travailleur indépendant aux fins des prestations.

Types de rémunération provenant d’un travail indépendant

[25] Au Canada, les entreprises peuvent généralement être divisées selon les catégories suivantes :

  • Entreprise individuelle : lorsqu’une seule personne est responsable de toutes les décisions, des profits et des pertes, et qu’elle n’a pas un statut juridique distinct de celui de l’entreprise.
  • Société de personnes : société dans laquelle plusieurs personnes (ou groupes ou sociétés) participent aux décisions, aux profits et aux pertes conformément à leur accord.
  • Société : entité juridique distincte créée pour les activités de l’entreprise. Les sociétés sont régies par leurs propres règlements administratifs et accords, ainsi que par leurs dirigeants et leurs conseils d’administration. Les sociétés peuvent appartenir en totalité à une seule personne ou à plusieurs personnes, qui sont toutes appelées « actionnaires »Note de bas de page 11.

[26] Quelle que soit la structure de l’entreprise, les propriétaires d’entreprise peuvent recevoir des revenus de leur entreprise simplement en étant propriétaires (revenus d’investissement), en travaillant au sein de celle-ci (revenus de travail indépendant) ou les deux. Ils peuvent aussi choisir de toucher un salaire (un chèque de paie), de compter sur la réussite de l’entreprise (profit, distribution ou dividendes) ou une combinaison des deuxNote de bas de page 12.

[27] Étant donné qu’il existe de multiples façons pour le propriétaire d’une entreprise de recevoir un revenu de son entreprise, il est important de déterminer la part du revenu de travail indépendant que la prestataire tire de ses investissements dans son entreprise et celle de la rémunération provenant de son travail indépendant.

Annexe 13 de la déclaration de revenus de l’appelante

[28] La Commission fait valoir de façon constante que seuls les montants indiqués à l’annexe 13 de la déclaration de revenus de l’appelante sont comptabilisés comme rémunération de travailleur indépendant. Elle précise que, dans le cadre de l’accord, les prestataires doivent remplir et soumettre l’annexe 13 pour calculer leur admissibilité aux prestationsNote de bas de page 13. Elle a déposé une copie du document Inscription aux prestations d’assurance-emploi pour les travailleurs indépendants – Modalités comme preuve à l’appui de cet argumentNote de bas de page 14.

[29] Il est important de souligner que l’accord n’est pas une loi et que la Loi sur l’assurance-emploi établit en fait la façon dont la rémunération provenant d’un travail indépendant est calculéeNote de bas de page 15. La Loi de l’impôt sur le revenu régit également certains de ces calculs.

[30] L’accord et la loi prévoient que « [t]out travailleur indépendant [est] tenu de […] produire auprès du ministre du Revenu national, en la forme et de la manière précisées par ce ministre, une déclaration de [la rémunération provenant du travail qu’il a exécuté pour son propre compte] pour l’année, contenant les renseignements qu’il préciseNote de bas de page 16 ». (C’est moi qui souligne.)

[31] L’annexe 13 est spécifiquement intitulée « Cotisations à l’assurance-emploi pour les gains d’un travail indépendant et pour d’autres gains admissibles ». Il s’agit d’une feuille de calcul qui utilise des lignes précises de la déclaration de revenus d’un prestataire pour calculer ce que devrait être sa cotisation à l’assurance-emploi. Les prestataires n’ont pas d’autre choix que de soumettre l’annexe 13 en utilisant seulement les valeurs de la ligne d’impôt sur le revenu précisées dans le formulaire. Ils ne peuvent pas ajouter de valeurs provenant d’autres sections de leur déclaration de revenusNote de bas de page 17.

[32] Par conséquent, je conclus que l’annexe 13 est la forme et la manière précisées par la Commission et le ministre du Revenu national qui sont utilisées pour calculer les cotisations à l’assurance-emploi des travailleurs indépendants. Il ne s’agit pas d’une preuve réelle de rémunération provenant d’un travail indépendant.

Montant des cotisations versées

[33] La Commission soutient que le fait d’autoriser des revenus non déclarés à l’annexe 13 serait contraire au texte et à l’intention de la loi. Comme l’appelante a déclaré seulement 15 $ à l’annexe 13, elle a seulement payé des cotisations sur ce montant. La Commission affirme donc que son admissibilité doit être fondée sur ce montant.

[34] La Commission et le ministre du Revenu national choisissent d’utiliser des lignes précises de la déclaration de revenus d’un prestataire figurant à l’annexe 13 pour calculer les cotisations, plutôt que d’utiliser les calculs de la Loi sur l’assurance-emploi. Ce que la loi exige, c’est une cotisation sur le moins élevé des montants suivants : la rémunération provenant du travail indépendant du prestataire pour l’année et le maximum de la rémunération annuelle assurable pour l’annéeNote de bas de page 18. Les lignes de l’annexe 13 ne couvrent que certaines des façons dont la loi prévoit le calcul de la rémunération provenant d’un travail indépendant.

[35] La loi prévoit que, si un travailleur indépendant est tenu de payer une cotisation, il doit fournir une déclaration de sa rémunération provenant d’un travail indépendant au ministre du Revenu national de la manière qu’il précise, conformément à la Loi de l’impôt sur le revenuNote de bas de page 19.

[36] L’appelante a déposé des déclarations de revenus pour sa société et pour elle-même auprès du ministre du Revenu national « sous la forme et de la manière précisées » par le ministre du Revenu national. L’appelante n’a aucun contrôle sur le fait que la Commission et l’ARC décident de calculer les cotisations uniquement en fonction des lignes d’impôt sur le revenu énumérées à l’annexe 13, plutôt qu’en fonction des calculs prévus dans la Loi sur l’assurance-emploi et les articles applicables de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[37] Je conclus que l’admissibilité aux prestations ne dépend pas du montant des cotisations que les prestataires ont versées. Rien n’empêche l’appelante de remplir les conditions requises pour recevoir des prestations si elle n’a pas versé assez de cotisations.

[38] Aucun article de la Loi sur l’assurance-emploi, du Règlement sur l’assurance-emploi ou du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations (Règlement sur la rémunération assurable) ne précise qu’un travailleur indépendant n’est pas admissible aux prestations s’il n’a pas versé de cotisations.

Calcul de la rémunération provenant d’un travail indépendant

[39] L’ARC a décidé que l’appelante [traduction] « n’était pas assurable en raison de l’article 5(2)(b) de la Loi sur l’assurance-emploi ». Ainsi, la rémunération provenant du travail indépendant de l’appelante est le montant qui aurait été sa rémunération assurable pour 2021 si elle n’avait pas été exclue de l’emploi assurableNote de bas de page 20.

[40] La Commission soutient qu’en choisissant d’être payée par le biais d’un dividende plutôt que d’un salaire, l’appelante a choisi certains avantages fiscaux par rapport à d’autres. Si elle avait reçu un salaire, ce montant aurait été déclaré à l’annexe 13 et considéré par l’ARC et la Commission comme une rémunération provenant d’un travail indépendant. Elle a plutôt obtenu 5 395,18 $ en crédits d’impôt pour avoir été payée sous forme de dividendes.

[41] La Commission fait valoir que conclure que les dividendes imposables constituent une rémunération provenant d’un travail indépendant aurait pour effet de permettre injustement à l’appelante d’obtenir des avantages qui devraient être mutuellement exclusifs.

[42] Je n’accepte pas cet argument parce que la Loi sur l’assurance-emploi exige que la rémunération provenant d’un travail indépendant soit calculée selon des critères précis et non selon la façon dont ces revenus sont imposés. Établir si un prestataire est admissible à des prestations n’est pas un exercice qui consiste à examiner la façon dont ce dernier paye de l’impôt sur sa rémunération.

[43] Je dois donc établir ce que serait la rémunération provenant d’un emploi si cet emploi n’était pas exclu comme étant non assurable.

[44] Le Règlement sur l’assurance-emploi prévoit que la rémunération aux fins des prestations comprend tout revenu provenant d’un emploiNote de bas de page 21. Il précise également que le « revenu » comprend tous les avantages monétaires ou non monétaires reçus d’activités d’emploi, à moins qu’ils ne soient expressément exclus par les règlements, la jurisprudence ou la politiqueNote de bas de page 22. Les paiements de dividendes ne sont pas expressément exclus. Ils sont plutôt mentionnés dans la jurisprudence comme des revenus d’emploiNote de bas de page 23.

[45] Ainsi, le revenu peut inclure les paiements de salaire, les paiements de dividendes, les options d’achat d’actions, les redevances, les frais de subsistance et de véhicule, les primes, la paie de vacances et de nombreux autres avantages, à condition qu’ils soient le résultat direct du travail effectué pour l’entreprise.

[46] Le Règlement sur l’assurance-emploi précise que l’emploi est tout type d’emploi, assurable ou non, exercé en vertu d’un contrat de quelque nature que ce soit. Il comprend expressément tout travail indépendant, peu importe la structure de l’entreprise ou le pourcentage de l’entreprise que possède le prestataireNote de bas de page 24.

[47] Comme je l’ai mentionné plus haut, les propriétaires d’entreprise peuvent recevoir un revenu de leur entreprise simplement parce qu’ils en sont propriétaires, ce qui est un retour sur investissement, ou parce qu’ils y travaillent, ce qui est un emploi. Il y a une différence entre le revenu d’une entreprise et la rémunération d’un emploi, et c’est important pour décider quel revenu est admissible à la rémunération d’un travail indépendant.

[48] Plus précisément dans la présente affaire, l’appelante détient 100 % des actions d’une société professionnelle. Sa société est une entité juridique distincte, ce qui signifie que les revenus et les profits de la société appartiennent à l’entreprise, et non à l’appelante. Elle reçoit des revenus de sa société seulement lorsque celle-ci utilise un moyen de se dessaisir du capital, comme l’émission de dividendes, ou si elle touche un salaire.

[49] La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’un prestataire qui détient des actions d’une société peut également travailler pour cette société à titre d’employé. Cela pourrait se faire dans le cadre d’un contrat de travail ou par la gestion des activités de l’entreprise. Elle a également précisé que ces prestataires n’ont pas nécessairement besoin d’être rémunérés pour les fonctions qu’ils exercentNote de bas de page 25.

[50] La Cour d’appel fédérale affirme que pour être considéré comme une rémunération d’emploi, le revenu doit clairement être considéré comme découlant du travail effectué par le prestataireNote de bas de page 26. Le Règlement sur l’assurance-emploi fait écho à ce principe. Il prévoit que tant que le prestataire exploite une entreprise, le revenu provenant de ce travail indépendant est considéré comme une rémunération aux fins des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 27.

[51] Par conséquent, tant que le revenu que l’appelante a reçu est directement lié au fait qu’elle travaille pour son entreprise, il s’agit d’une rémunération aux fins des prestations.

[52] Tout revenu que l’appelante reçoit simplement parce qu’elle est propriétaire de l’entreprise est un revenu de placement. Si elle reçoit un revenu provenant de la direction d’autres personnes qui exploitent l’entreprise ou de la protection de ses intérêts commerciaux, ce revenu est un revenu de placement. Un revenu de placement peut provenir de choses comme l’achat, la détention ou la vente de biens, les intérêts sur l’argent investi et les profits provenant de l’apport d’argent ou de capital à l’entreprise afin qu’elle puisse générer des revenus. La Cour d’appel fédérale a déclaré que les revenus de placements sont normalement versés sous forme d’intérêts, de dividendes, de loyer, de paiements de capitaux propres, de paiements de bénéfices et de gains en capitalNote de bas de page 28.

[53] Par conséquent, tout revenu que l’appelante a reçu de son entreprise et qui n’est pas directement lié à son travail est considéré comme un revenu de placement ou un revenu d’entreprise, et non comme une rémunération provenant d’un travail indépendant aux fins des prestations d’assurance-emploi.

[54] Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que le versement de dividendes à l’appelante peut être pris en compte dans le calcul de sa rémunération provenant d’un travail indépendant.

Quels sont les dividendes qui constituent une rémunération de travail indépendant?

[55] Je conclus que tous les dividendes versés par l’appelante à partir de sa société sont considérés comme un revenu d’emploi.

[56] L’appelante a fourni une copie du T5 que sa société lui a délivré pour 2021. Elle affirme qu’elle a reçu un dividende de 43 000 $ et un montant de dividende imposable de 49 450 $Note de bas de page 29. Cela signifie que l’appelante a reçu 43 000 $ de son entreprise, mais qu’elle doit payer de l’impôt sur le revenu comme si elle avait reçu 49 450 $ en raison des règles d’intégration fiscale des entreprises et des particuliers.

[57] La Commission affirme que l’appelante n’a pas prouvé que le dividende qu’elle a reçu de sa société n’était pas le résultat d’un revenu passif provenant d’un investissement dans la société ou d’une autre source que son propre travail accompli pour la société pendant sa période de référence.

[58] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que pour être admissible au calcul de la rémunération, le travail doit être effectué par l’appelante pendant la période de référence et lui être payé à la suite de ce travail. Il s’agit de la même norme établie pour les prestataires ayant un emploi assurable.

[59] Bien qu’il y ait peu de jurisprudence directe sur ce sujet, la jurisprudence pertinente se trouve dans l’administration de la prestation d’urgence en réponse à la COVID-19. Puisque la Loi de l’impôt sur le revenu recoupe la Loi sur l’assurance-emploi lorsqu’il s’agit d’établir la rémunération provenant d’un travail indépendant, toute jurisprudence concernant la Loi de l’impôt sur le revenu et les travailleurs indépendants pourrait s’appliquer à la présente affaire. Les prestataires qui sont travailleurs indépendants sont tenus de prouver que leurs activités ont eu lieu pendant la période de référence et qu’ils ont été indemnisés pour les avoir exercées. Cette obligation est appuyée par les décisions de la Cour fédérale sur des questions semblables dans des appels relatifs à la prestation d’urgence en réponse à la COVID-19Note de bas de page 30.

[60] L’appelante a fourni des copies de factures de sa société pour des services de psychologie à Park Integrated Health. Les factures indiquent que l’appelante est la fournisseuse de services et la personne-ressource pour tout problème. J’ai exclu une facture parce qu’elle est datée du 1er janvier 2022. Comme les factures ne précisent pas les dates de service ou de paiement, je dois présumer qu’elles sont à l’extérieur de la période de référence. Le reste des factures totalise 58 040,50 $Note de bas de page 31.

[61] L’appelante a fourni des copies des virements électroniques de la Worker’s Compensation Board [Commission d’indemnisation des accidentés du travail] de l’Alberta (WCB). Les documents montrent que l’appelante est la fournisseuse de services et on y trouve également les dates de dépôt et les dates de service. Il est aussi indiqué qu’il s’agit de paiement pour des services de psychologie. J’ai exclu deux de ces relevés parce que les services ont été fournis en 2020, soit en dehors de la période de référence. Le reste des états financiers totalise 18 330 $Note de bas de page 32.

[62] Par conséquent, je conclus que l’appelante a généré des revenus de 76 370,50 $ pour sa société grâce à ses activités d’emploi pendant la période de référence.

[63] L’appelante a déclaré qu’elle n’a pas d’employés, pas même de réceptionniste, et qu’elle est la seule personne qui génère des revenus pour sa société. Puisqu’elle est la seule psychologue et la seule employée, il va de soi que la seule façon pour son entreprise de générer des revenus est de faire du travail comme psychologue. Les factures qu’elle a fournies montrent clairement qu’elle a fourni des services de psychologie tout au long de la période de référence, et que sa société a été payée pour ces services.

La rémunération de l’appelante provenant d’un travail indépendant était-elle suffisante?

[64] Je conclus que l’appelante a obtenu une rémunération de 43 000 $ provenant d’un travail indépendant grâce au versement de dividendes, et 15 $ en revenus professionnels supplémentaires, pour un total de 43 015 $Note de bas de page 33.

[65] Bien que l’appelante ait généré plus de 76 000 $ de revenus au cours de la période de référence pour sa société, elle n’a reçu que 43 000 $ en dividendes. L’appelante a choisi de laisser les 33 000 $ restants de revenus (moins les dépenses) dans l’entreprise à titre d’investissement dans les profits futurs de la société.

[66] Comme l’appelante n’a besoin que de 5 289 $ pour être admissible aux prestations, elle a suffisamment de revenus provenant d’un travail indépendant pour être admissible aux prestations.

Conclusion

[67] L’appel est accueilli.

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