Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 552

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (621368) datée du 26 octobre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 janvier 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 23 janvier 2024
Numéro de dossier : GE-23-3483

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Après révision, la Commission a avisé l’appelant (K. B.) qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations régulières d’assurance-emploi dans le cadre de sa demande du 16 juillet 2023. En effet, l’appelant a quitté volontairement son emploi chez X le 31 mars 2023 sans justification. La Commission estimait que quitter volontairement son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelant affirme que quitter son emploi était la seule option parce qu’il déménageait et qu’on ne lui a pas accordé de mutation (voir GD3-23). Le Tribunal doit décider s’il faut refuser de verser des prestations à l’appelant parce qu’il a volontairement quitté son emploi sans justification, conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : Est-ce que l’appelant a volontairement quitté son emploi chez X le 31 mars 2023?

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, était-il fondé à le faire?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à la page GD-4.

[5] Une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle quitte volontairement son emploi sans justification (Loi sur l’assurance-emploi, article 30(1)). Il y a justification à quitter volontairement un emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, la seule solution raisonnable dans le cas de la partie prestataire était de quitter son emploi ou de prendre congé (Loi, article 29c)).

[6] Il incombe à l’intimée de prouver que le départ était volontaire. Une fois établi, le fardeau revient à l’appelant de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi. Pour établir qu’il était fondé à quitter son emploi, l’appelant doit démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190; Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17). Le terme « fardeau » est utilisé pour décrire la partie qui doit fournir une preuve suffisante de sa position pour répondre au critère juridique. En l’espèce, le fardeau de la preuve repose sur la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il est « plus probable qu’improbable » que les événements se soient déroulés comme décrit.

Question en litige no 1 : Est-ce que l’appelant a quitté volontairement son emploi chez X le 31 mars 2023?

[7] Pour que son départ soit volontaire, c’est l’appelant qui doit rompre la relation avec son employeur.

[8] Pour décider si l’appelant a quitté volontairement son emploi, il faut se poser la question suivante : avait-il le choix de rester ou de quitter son emploi (Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56)?

[9] Les deux parties conviennent que l’appelant a quitté volontairement cet emploi chez X le 31 mars 2023.

[10] L’employeur indique que l’appelant a démissionné, mais il n’a donné aucune raison pour sa démission.

[11] Comme il avait le choix de revenir ou non, je conclus que l’appelant a quitté volontairement son emploi chez X le 31 mars 2023.

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, était-il fondé à le faire?

[12] Non.

[13] L’appelant a affirmé avoir quitté son emploi parce qu’il n’avait pas les moyens de payer son loyer et d’autres dépenses, c’est-à-dire pour des raisons financières.

[14] Il affirme que ses heures de travail ont été réduites parce que la saison était lente.

[15] Ce faisant, l’appelant cite l’article 29(c)(vii) de la Loi (« modification importante de ses conditions de rémunération »), comme justification pour avoir quitté son emploi quand il l’a fait.

[16] L’appelant a travaillé pour cet employeur pendant neuf mois.

[17] Aucun élément de preuve dont je dispose n’indique que l’appelant a tenté de chercher des solutions raisonnables en communiquant avec son employeur avant de démissionner. 

[18] L’appelant a d’abord indiqué avoir demandé, par l’entremise de son employeur, une mutation pour qu’il puisse travailler là où il prévoyait vivre, soit à North Bay où son loyer serait moins cher.

[19] Cependant, l’employeur a informé la Commission qu’aucune demande officielle de ce genre n’avait été présentée par l’appelant. L’appelant a confirmé que c’était vrai.

[20] Lors de l’audience, l’appelant a affirmé que la Commission avait parlé aux ressources humaines de sa demande de mutation, alors qu’il avait plutôt communiqué avec le gérant du magasin, et que c’est ce dernier qui l’avait informé qu’une telle mutation n’était pas possible en raison du contrat syndical.

[21] L’appelant a confirmé qu’il éprouvait des difficultés financières, qu’il devait déménager en mars, mais que ce n’est qu’en avril que son aide sociale avait été approuvée et accordée. Cette source de financement l’a également aidé à déménager à North Bay.

[22] Il a ajouté que finalement il n’avait pas commencé à travailler à North Bay comme il l’avait indiqué dans ses observations. On lui a plutôt offert un poste dans une entreprise d’aménagement paysager. Malheureusement, il a contracté une infection qui l’a empêché de commencer à travailler. Par conséquent, il n’y a aucun relevé d’emploi au dossier.

[23] L’appelant a déclaré qu’il a trouvé du travail, mais qu’il attend des documents personnels avant de commencer.

[24] Il est généralement raisonnable de continuer de travailler jusqu’à ce que l’on trouve un nouvel emploi plutôt que de prendre la décision unilatérale de quitter un emploi (Graham, 2011 CAF 311; Campeau, 2006 CAF 376).

[25] Une personne qui quitte son emploi n’a pas automatiquement droit à des prestations d’assurance-emploi. Si elle y a droit, elle devra inévitablement se manifester et prouver qu’elle remplit les conditions de la loi.

[26] En l’espèce, l’appelant n’a jamais cherché un autre emploi avant de démissionner, mis à part des recherches sur Indeed. Toutefois, il n’a plus de traces de ces recherches. Il n’a jamais déposé de curriculum vitae ni communiqué avec une agence de placement avant sa démission ni depuis d’ailleurs.

[27] L’appelant n’a fait aucun effort pour tenter de chercher des solutions raisonnables.

[28] J’estime que l’appelant a fait le choix personnel de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait et que même si c’était la bonne décision pour lui, elle ne justifie pas le versement de prestations.

[29] Je conclus que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables à sa disposition que celle de quitter son emploi quand il l’a fait. Il a quitté son emploi alors qu’il ne répondait à aucune des raisons admissibles énoncées à l’article 29(c) de la Loi.

[30] Comme le précise la décision Canada (Procureur général) c Gagné, CAF A-385-10 :[traduction] « on doit accorder plus de crédibilité aux déclarations initiales parce que la partie prestataire a fourni des renseignements de façon plus franche que dans ses déclarations subséquentes, qui ont été faites dans l’intention d’annuler une décision antérieure défavorable. » Toutefois, dans la présente affaire, la crédibilité devient problématique puisque l’appelant a déclaré à la Commission qu’il avait demandé une mutation et que celle-ci avait été refusée par l’employeur. La preuve montre qu’une telle demande n’a pas été présentée à l’unité administrative appropriée, soit les ressources humaines, et donc qu’elle n’a pas été rejetée. Rien n’indique que le contrat avec le syndicat interdisait de telles mutations, seulement que les dirigeants étaient privilégiés dans de telles situations.

[31] L’expression « être fondé à » qui se trouve à l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi n’est pas synonyme de « raison » ou de « motif ». Il ne suffit pas que l’appelant prouve qu’il était tout à fait raisonnable de quitter son emploi. Le caractère raisonnable peut être un « bon motif », mais ce n’est pas nécessairement un « motif valable », au sens d’être fondé à quitter son emploi.

[32] J’estime que lorsque l’appelant a quitté son emploi sans d’abord en avoir trouvé un autre, il a risqué de se retrouver au chômage, ce qui a [traduction] « obligé d’autres personnes à le soutenir en lui versant des prestations » (Canada (Procureur général) c Tremblay, A-50-94). Une partie prestataire a la responsabilité de ne pas risquer de se retrouver au chômage ou de ne pas transformer ce risque en une certitude (Canada (Procureur général) c Langlois, 2008 CAF 18). C’est pourquoi le fait de garder son emploi est considéré comme une solution raisonnable, contrairement au fait de le quitter (Canada (Procureur général) c Murugaiah, 2008 CAF 10).

[33] À la lumière de la preuve et des observations des deux parties, je conclus que le départ de l’appelant n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Il n’a donc pas démontré qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations régulières (Tanguay (A-1458-84)).

[34] Même si une partie prestataire quitte son emploi pour ce qui peut être considéré comme une bonne raison, cela n’est pas suffisant pour établir qu’elle était « fondée à quitter », au sens de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17).

[35] L’appelant a déposé une vaste documentation démontrant ses difficultés financières. Ni le Tribunal ni la Commission n’a le pouvoir, qu’il soit discrétionnaire ou non, de déroger à des dispositions législatives et à des conditions qui sont claires et imposées par la Loi sur l’assurance-emploi ou le Règlement sur l’assurance-emploi, pas même pour des raisons d’équité ou de compassion, des difficultés financières ou des circonstances atténuantes.

[36] La situation financière de l’appelant ne peut pas influencer ma prise de décision. Et, elle ne l’a pas fait en l’espèce.

Conclusion

[37] Après avoir examiné attentivement toutes les circonstances, je conclus que l’appelant n’a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. La question n’est pas de savoir s’il était raisonnable pour l’appelant de quitter son emploi, mais plutôt si le départ était la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui (Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129). Étant donné que l’appelant a quitté volontairement son emploi, j’estime que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui au moment où il l’a fait. Il ne remplit donc pas le critère de justification prévu à l’article 29 ni les dispositions énoncées à l’article 30 de la Loi. L’appel est rejeté.

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