[TRADUCTION]
Citation : DY c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 603
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | D. Y. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (0) datée du 19 février 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Marc St-Jules |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 7 mai 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 27 mai 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-732 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] L’appelant a présenté tardivement sa demande de révision.
[3] La Commission a le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser aux parties appelantes une prolongation du délai pour déposer une demande de révision. Je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Cela signifie que je peux examiner les exigences pour accorder plus de temps pour présenter une demande de révision.
[4] Je conclus que l’appelant ne satisfait pas aux quatre facteurs prévus par la loi pour obtenir une prolongation du délai pour demander une révision.
[5] Cela signifie que la Commission n’a pas besoin de réviser sa décision du 7 février 2019.
Aperçu
[6] L’appelant a demandé des prestations régulières le 13 mai 2017Note de bas de page 1.
[7] Le 18 septembre 2018, une lettre a été envoyée à l’appelant. La Commission remettait en question les renseignements tirés de sa demande de prestations de 2017.
[8] Le 7 février 2019, la Commission a pris une décision. Elle a décidé que dans le cadre de sa demande, l’appelant obtiendrait une rémunération répartie. Elle a également décidé que l’appelant ne pouvait recevoir de prestations à compter du 30 juillet 2017. En effet, il a été conclu que l’appelant avait quitté volontairement son emploi sans justification.
[9] D’autres sanctions ont également été ajoutées. Il s’agissait de sanctions pécuniaires et d’avis de violation. L’appelant en a été informé par lettre datée du 7 février 2019Note de bas de page 2.
[10] Cette lettre comprenait les prochaines mesures que l’appelant devrait prendre s’il n’était pas d’accord avec la décision. La dernière page de cette lettre indiquait à l’appelant qu’il disposait de 30 jours pour demander une révision officielle.
[11] Le 1er février 2023, la Commission a reçu une demande de révision de l’appelantNote de bas de page 3.
[12] Le 22 juin 2023, l’appelant a été informé que la Commission n’accepterait pas son appel. Elle a conclu que les motifs invoqués ne lui permettaient pas d’accepter son appel tardif. Cela signifie que la décision du 7 février 2019 ne serait pas révisée.
[13] Je peux seulement établir si la décision de ne pas accepter son appel tardif a été rendue de façon judiciaire (équitable). Deux résultats sont possibles :
- a) Si je conclus que cela a été fait de façon judiciaire, je ne peux rien changer. C’est ce que dit la loi. Ou :
- b) Si je conclus que la décision n’a pas été rendue de façon judiciaire, je peux alors décider si la Commission doit réviser (revoir) sa décision de 2019.
Questions que je dois examiner en premier
L’appel de l’appelant a été renvoyé à la division générale
[14] L’appelant a d’abord fait appel devant la division générale en juillet 2023. L’appel portait sur la décision de la Commission datée du 22 juin 2023 refusant la demande tardive de révision de l’appelant.
[15] L’appelant a demandé la tenue d’une audience écrite. Pour cette raison, la division générale a envoyé une lettre à l’appelant. La division générale avait des questions pour l’appelant. La date limite pour répondre était fixée au 21 août 2023. La division générale a conclu qu’elle était convaincue que l’appelant avait reçu les questions. La division générale a ensuite tranché l’appel sans que l’appelant ait répondu aux questions. La division générale n’avait pas reçu de réponse avant la date limite.
[16] La décision n’était pas favorable à l’appelant. L’appelant a alors fait appel de cette décision devant la division d’appel.
[17] La division d’appel a conclu que le fait de rendre la décision sans les observations de l’appelant était injuste pour lui.
[18] Pour cette raison, la division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale devant un autre membre.
J’accepterai les documents envoyés après l’audience
[19] Dans l’intérêt de la justice naturelle, j’ai offert à l’appelant la possibilité de répondre aux questions que le membre précédent lui avait envoyéesNote de bas de page 4. Cela lui aurait permis de prendre son temps et de répondre aux questions dans ses propres mots.
[20] Pendant l’audience, j’ai convenu d’accepter ce document. Je l’ai fait pour deux raisons.
- L’appelant a parlé de ces réponses à l’audience. Ces réponses sont pertinentes pour la question que je dois trancher.
- Je donnerais à la Commission l’occasion de répondre à ce document. La Commission ne serait donc pas lésée par ma décision d’accepter ce document.
[21] J’ai bien reçu ses réponses. J’en tiendrai compte dans ma décision. Ses réponses ont été envoyées à la Commission le 14 mai 2024. La date limite pour répondre était le 21 mai 2024. À la date de la décision, aucune autre observation n’a été reçue.
Questions en litige
[22] La demande de révision de l’appelant était-elle tardive?
[23] Dans l’affirmative, la Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé à l’appelant plus de temps pour présenter une demande de révision?
[24] Si sa décision discrétionnaire n’a pas été rendue de façon judiciaire, devrait-on accorder à l’appelant une prolongation du délai pour demander une révision?
Analyse
[25] Lorsque la Commission rend une décision au sujet de vos prestations d’assurance‑emploi, la loi permet à la partie prestataire de demander une révision de cette décision. La demande de révision de la partie prestataire à la Commission doit être présentée dans les 30 jours suivant la communication de cette décision à la partie prestataireNote de bas de page 5. Si les 30 jours sont écoulés, elle est considérée comme étant en retard. Les exigences que la Commission doit prendre en compte lorsqu’une demande est en retard figurent dans le Règlement sur les demandes de révision (Règlement sur les révisions).
[26] La Commission a le pouvoir discrétionnaire d’accorder plus de temps pour déposer une demande de révision. Si la demande de révision est reçue après plus de 30 jours, mais dans les 365 jours, il y a deux exigences à respecterNote de bas de page 6. Les voici :
- La partie prestataire a‑t‑elle fourni une explication raisonnable justifiant le retard?
- La partie prestataire a‑t‑elle démontré qu’elle avait toujours eu l’intention de demander une révision, même si elle était en retard?
[27] Lorsqu’une demande de révision est reçue plus de 365 jours après la communication de la décision, il y a deux exigences supplémentairesNote de bas de page 7. Les exigences que la Commission doit également prendre en compte sont les suivantes :
- Si la demande de révision a des chances raisonnables de succès.
- Y aura-t-il un préjudice si la Commission accorde plus de temps pour présenter une demande?
[28] La décision de refuser un délai supplémentaire pour déposer une révision est une décision discrétionnaire. Les tribunaux ont affirmé que le Tribunal ne peut décider de modifier la décision que si la Commission n’a pas exercé ce pouvoir décisionnel discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas de page 8. Autrement dit, si la décision a été rendue de façon judiciaire, le Tribunal ne peut intervenir (modifier) la décision.
[29] Si la Commission n’a pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, je peux rendre la décision que la Commission aurait dû rendre en me fondant sur les exigences énoncées dans le Règlement sur les révisions.
La demande de révision de l’appelant était-elle présentée en retard?
[30] Oui. Cela n’est pas contesté. La demande avait du retard. Je m’explique.
[31] La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il incombe au décideur de prouver que sa décision a été communiquéeNote de bas de page 9. Cela signifie que la Commission doit démontrer que sa décision a été communiquée à l’appelant.
[32] Dans cette affaire, la Commission a envoyé une lettre à l’appelant le 7 février 2019Note de bas de page 10. Il s’agissait de la demande de l’appelant présentée en 2017. La date exacte à laquelle l’appelant a reçu cette décision est inconnue. J’examinerai la preuve dont je dispose pour décider à quel moment la décision lui a été communiquée.
[33] L’appelant affirme avoir reçu la lettre. Il s’agit d’une affirmation cohérente. Il a dit à la Commission et au Tribunal qu’il avait reçu la lettre. Il dit avoir mis la lettre dans un tiroir et avoir évité de la lire.
[34] Je conclus qu’il est raisonnable d’accorder 10 jours ouvrables à Postes Canada pour remettre la lettre. Je juge que cela signifierait qu’il aurait reçu la lettre au plus tard le 18 février 2019.
[35] La Commission a estampillé la demande de révision comme reçue le 1er février 2023Note de bas de page 11. Je conclus que cela est faisable, car le formulaire est signé le 24 janvier 2023.
[36] D’après la preuve dont je dispose, je conclus que la demande de révision était tardive. Elle était en retard de plus de 30 jours et de plus de 365 jours. La Commission affirme que l’appelant était en retard de 1 425 joursNote de bas de page 12. Comme j’ai également tenu compte des délais de livraison de Postes Canada, je conclus que l’appel était en retard de 1 415 jours. Pour le reste de cette décision, je dirai que l’appel était en retard de plus de 1 400 jours.
[37] Comme l’appel a plus de 365 jours de retard, les quatre facteurs susmentionnés doivent être respectés.
La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire?
[38] Non, elle ne l’a pas fait. Je m’explique.
[39] Comme il a été mentionné précédemment, étant donné que le présent appel est en retard de plus de 365 jours, la Commission doit tenir compte des quatre facteurs susmentionnés.
[40] Je conclus que la Commission n’a tenu compte que des deux premiers facteurs. Cela se trouve dans le compte rendu des décisions de la CommissionNote de bas de page 13. Pour une raison ou une autre, inconnue du Tribunal, la Commission a décidé que seuls les deux premiers facteurs devaient être examinés. La Commission a fait valoir dans ses observations que, comme l’appelant ne satisfaisait pas aux deux premiers facteurs, il n’était pas nécessaire d’évaluer les deux autres facteursNote de bas de page 14.
[41] Comme il a été mentionné précédemment, je ne peux intervenir dans leur décision que si la Commission n’a pas agi de façon judiciaire. Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire s’il peut être démontré que le décideur a agi de mauvaise foi ou dans un but ou un motif inapproprié, a considéré un facteur non pertinent ou a ignoré un facteur pertinent ou a agi de manière discriminatoire.Note de bas de page 15
[42] Ma décision comportera maintenant une rubrique pour chaque facteur qui, selon les tribunaux, doit être pris en compte si une décision est judiciaire.
La Commission a-t-elle agi de mauvaise foi ou a-t-elle agi dans un but ou pour un motif inapproprié?
[43] Non, elle ne l’a pas fait. Je m’explique.
[44] L’appelant affirme que la Commission aurait dû faire preuve de compassion lorsqu’elle lui a refusé plus de temps pour présenter une demande de révision. L’appelant a déclaré qu’il avait perdu sa fille près de 10 ans auparavant, alors qu’elle avait 24 ans. Depuis, sa femme et lui sont tous deux atteints de dépression. Il éprouve aussi des problèmes de santé. En outre, le revenu familial est faible.
[45] Il a également fait valoir que la Commission avait pris trop de temps pour examiner sa demande et qu’elle ne l’avait pas examinée assez attentivement.
[46] La Commission affirme qu’elle a bel et bien agi de façon judiciaire. Elle soutient qu’elle a tenu compte de tous les renseignements qui lui ont été communiqués par l’appelant. J’estime que cela signifie qu’ils ont tenu compte de tout ce que l’appelant leur a dit. Elle soutient que l’appelant était au courant de la dette. Il était au courant de la décision de février 2019, mais il a attendu jusqu’en février 2023 pour déposer une demande de révisionNote de bas de page 16. L’appelant a choisi de ne pas ouvrir la lettre parce qu’il était effrayé. L’appelant croit avoir parlé à un agent de l’Agence du revenu du Canada en 2021.
[47] L’appelant ignorait que la majeure partie de la dette était attribuable à la décision de quitter volontairement son emploi. L’appelant soutient qu’il n’a pas quitté son emploi. L’appelant croyait que l’agent de l’Agence du revenu du Canada l’aiderait. Il a discuté de la dette en 2021 avec l’Agence du revenu du Canada. L’appelant a eu deux conversations avec des employés de l’Agence du revenu du Canada. Il a témoigné qu’il avait une entente de paiement qui s’est avérée trop difficile à respecter pour lui.
[48] Je suis sensible à la situation de l’appelant. Je conviens que l’explication fournie par l’appelant nécessiterait de la clémence, mais pas plus de 1 400 jours de retard. Pour rendre cette décision, la Commission tiendrait également compte du fait que l’appelant a pu conclure des ententes de paiement avec l’Agence du revenu du CanadaNote de bas de page 17.
[49] Je conviens également qu’il a fallu plus de trois mois à la Commission pour communiquer avec l’appelant afin de lui demander des renseignements supplémentaires au sujet de sa demande tardive. Je conviens également qu’il a fallu plus d’un mois pour informer ensuite l’appelant de sa décision. Cela ne m’amène pas à croire qu’elle était de mauvaise foi. C’est tout le contraire. Une décision rapide prise le jour même dans le cadre de laquelle la Commission lui a parlé le 8 mai 2023 m’amènerait à cette conclusion.
[50] Dans cette affaire, la Commission lui a parlé les 8 et 9 mai 2023. Elle a attendu plus d’un mois complet pour rendre une décision. Je conviens que ce retard était sans aucun doute stressant. Cependant, il ne démontre pas que la Commission a fait preuve de mauvaise foi ou a agi dans un but ou un motif inapproprié.
[51] Selon la loi, la Commission doit examiner les questions suivantes :
- La partie prestataire a‑t‑elle fourni une explication raisonnable justifiant le retard?
- La partie prestataire a‑t‑elle démontré qu’elle avait toujours eu l’intention de demander une révision, même si elle était en retard?
[52] Je conclus qu’une décision discrétionnaire de ne pas accorder plus de temps lorsque l’appel était en retard de plus de 1 400 jours ne constitue pas un acte de mauvaise foi. Autrement dit, il n’y avait pas de but ou de motif inapproprié.
La Commission a-t-elle tenu compte d’un facteur non pertinent ou a-t-elle omis de prendre en compte un facteur pertinent?
[53] Oui, elle l’a fait. Je m’explique. La Commission devait examiner les 4 exigences, car l’appel était en retard de plus de 365 jours. Elle n’a tenu compte que des deux premières exigences. La Commission convient qu’elle aurait dû prendre en compte ces deux exigences supplémentaires.
La Commission a‑t‑elle agi de manière discriminatoire?
[54] L’appelant affirme que la Commission a fait preuve de discrimination à son égard parce qu’elle a accepté de repousser la date limite dans d’autres cas.
[55] J’estime que cela ne démontre pas la discrimination. En effet, chaque cas est différent. L’appelant a attendu plus de 1 400 jours pour demander une révision. Je conclus que, sans connaître les faits d’autres affaires, on ne peut pas dire que la Commission a agi de façon discriminatoire. Lorsque je tire une conclusion, je tiens compte du retard de plus de 1 400 jours. Il s’agit d’une période importante qui excède les 30 jours exigés par la loi.
Devrait-on accorder à l’appelant une prolongation du délai pour demander une révision?
[56] J’ai conclu que la Commission n’avait pas agi de façon judiciaire. Cela signifie que je peux examiner les quatre exigences permettant d’accorder plus de temps pour demander une révision. Elles doivent l’être parce qu’il n’est pas contesté que la demande a été reçue plus de 365 jours après que la décision lui a été communiquée.
L’appelant a‑t‑il fourni une explication raisonnable justifiant le retard?
[57] Cette exigence s’applique à tous les appels tardifs.
[58] L’appelant affirme que plusieurs raisons expliquent le retard de son appel.
[59] Sa femme et lui ont tous deux été atteints de dépression et le sont toujours. Ils ont perdu leur fille décédée d’un cancer alors qu’elle avait 24 ans et ils ne se sont pas remis de cet événement tragique. Il a tenté de conclure des ententes de paiement avec l’Agence du revenu du Canada. Il ne pouvait pas non plus se rendre dans un bureau de Service Canada, car la pandémie limitait l’accès. Il craignait aussi pour sa propre santé s’il devait se rendre dans un bureau de Service Canada.
[60] Je conclus que l’appelant n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier son retard de plus de 1 400 jours. Il y a quelques raisons. Il savait qu’il avait reçu la lettre. Il l’avait mise dans un tiroir.
[61] J’estime que ses explications justifient un examen sérieux. Toutefois, il a tout de même pu conclure des ententes de paiement avec l’Agence du revenu du Canada. Il voulait aussi payer le solde complet avec un héritage. En outre, il a pu continuer à travailler.
[62] Je conclus également que l’accès restreint aux bureaux de Service Canada ne constitue pas un élément dont je peux tenir compte. Je conviens qu’il y a eu des restrictions en 2020 et 2021, mais cette lettre a été envoyée à l’appelant en février 2019, soit 1 an avant la pandémie. De plus, il existait des solutions de rechange à une visite d’un Centre Service Canada. L’appelant aurait pu composer le numéro sans frais figurant dans la lettre.
[63] Je conclus que son explication permettrait une prolongation de la période pour faire appel. Mais pas avec plus de 1 400 jours de retard. On lui a envoyé une lettre qui expliquait le versement excédentaire et il ne l’a pas ouverte. Il a pu envoyer une ventilation de ses finances à l’Agence du revenu du Canada. Il a pu continuer à travailler. Je conclus que s’il était en mesure de faire tout cela, il aurait pu prendre des mesures pour savoir ce qui a causé le versement excédentaire et demander une révision s’il n’était pas d’accord avec la décision.
[64] En tirant cette conclusion, j’ai également tenu compte du fait que même en dépression, l’appelant a pu continuer à travailler et à négocier des ententes de paiement avec l’Agence du revenu du Canada.
L’appelant a-t-il démontré qu’il avait toujours eu l’intention de demander une révision même si la demande était tardive?
[65] Cette exigence s’applique à tous les appels tardifs.
[66] L’appelant a déclaré qu’il était au courant du versement excédentaire. Il était au courant du solde dû. Il a négocié des ententes de remboursement avec l’Agence du revenu du Canada et espérait payer le solde en entier avec un héritage qu’il attendait.
[67] Cela montre qu’il n’a pas toujours voulu demander une révision. Toutefois, il dit qu’il ignorait pouvoir le faire. Je le reconnais. Il n’a examiné la question qu’une fois brandie la menace de saisir son salaire. Jusque-là, il ignorait qu’il aurait pu demander un appel.
[68] Je conclus qu’il est malheureux que l’appelant n’ait pas lu la lettre. Cela lui aurait donné ses droits de faire appel. Toutefois, il n’a pas prouvé qu’il avait toujours voulu demander une révision.
La demande de révision aurait‑elle une chance raisonnable de succès?
[69] La loi ajoute cette exigence lorsqu’une demande d’appel est en retard de plus de 365 jours.
[70] Je conclus que la répartition des gains n’a aucune chance raisonnable de succès. En effet, il est d’accord avec les gains. Les gains seraient également étayés par des formulaires remplis par l’employeur et/ou par le relevé d’emploi.
[71] Le départ volontaire aurait une chance raisonnable de succès. J’en viens à cette conclusion parce que chaque médaille a son revers. Dans cette affaire, l’employeur aurait des arguments à l’appui de la démission de l’appelant. L’appelant affirme qu’il n’a pas démissionné.
[72] La Commission a pris la décision en se fondant sur les faits dont elle disposait à l’époque. Toutefois, l’appelant affirme qu’il n’a pas quitté son emploi. Il pensait qu’on l’avait congédié.
[73] Je conclus que le dossier ne contient pas assez de renseignements pour qu’il soit possible d’établir avec certitude les chances de réussite en ce qui concerne le départ volontaire.
[74] La responsabilité de déterminer l’admissibilité aux prestations est déléguée aux arbitres qui travaillent pour la Commission. Les déclarations de l’employeur ne sont ni plus ni moins valides que celles de la partie prestataire. Les arbitres doivent évaluer les déclarations des employeurs et des parties prestataires. La partie prestataire doit prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi. La Commission doit prouver l’inconduite s’il a été congédié. Les tribunaux ont déclaré que lorsque les faits sont tout aussi crédibles, le bénéfice du doute sera accordé à la partie prestataireNote de bas de page 18.
[75] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la demande de révision a une chance raisonnable de succès pour la décision relative au départ volontaire.
Est-ce qu’une période plus longue pour présenter la demande causerait un préjudice à la Commission ou à une autre partie?
[76] La loi ajoute cette exigence lorsqu’une demande d’appel est en retard de plus de 365 jours.
[77] Cette exigence est justifiée. Au fil du temps, les éléments de preuve et les déclarations des parties deviennent plus difficiles à obtenir et pourraient même ne pas être disponibles.
[78] La Commission soutient qu’elle subirait un préjudice parce qu’elle n’a plus accès aux déclarations du prestataire. De plus, il se peut que l’employeur n’ait plus de dossiersNote de bas de page 19. La décision de refuser des prestations découle de faits survenus en 2017.
[79] Je conviens avec la Commission que le fait d’accorder un délai de plus de 1 400 jours porterait préjudice à la Commission. Au fil du temps, les dossiers de l’employeur, y compris les déclarations de l’employeur, deviennent plus difficiles à obtenir.
Sommaire
[80] J’ai examiné les quatre exigences qu’il faut remplir pour obtenir plus de temps pour déposer une demande de révision. Mes conclusions sont malheureuses pour l’appelant. Sa situation est certainement très triste. Il a perdu sa fille, est atteint de dépression et aide la famille à faire face à la situation en étant le principal soutien familial. Hélas, je dois appliquer la loi.
[81] Bien que l’appelant puisse percevoir cela comme un résultat injuste, ma décision n’est pas fondée sur l’équité. Ma décision est plutôt fondée sur les faits qui m’ont été présentés et sur l’application du droit. Il n’y a aucune exception ni marge de manœuvre. Je ne peux interpréter ou réécrire la Loi sur l’assurance‑emploi d’une manière qui est contraire à son sens ordinaire, même au nom de la compassion.
Conclusion
[82] J’ai conclu que la Commission n’avait pas tenu compte des quatre exigences prévues par la loi. Elle n’a pas agi de façon judiciaire. Cela signifie que je peux prendre la décision qu’elle aurait dû prendre.
[83] J’ai examiné les quatre exigences qui doivent être prises en compte pour accorder plus de temps pour déposer une demande de révision. Malheureusement, les quatre conditions doivent être remplies, et elles ne l’ont pas été.
[84] Cela signifie que la Commission ne révisera pas sa décision initiale du 7 février 2019.