Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : YH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 565

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : Y. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (559003) datée du
29 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Stuart O’Connell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 août 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 13 janvier 2024
Numéro de dossier : GE-22-4193

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Autrement dit, l’appelant n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, la demande de l’appelant ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi de professeur dans un collège lorsqu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[4] Le 21 juin 2022, l’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2. Il demande maintenant que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 15 décembre 2021Note de bas de page 3. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette demande.

[5] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[6] La Commission affirme que l’appelant n’avait pas de motif valable parce qu’une « personne raisonnable » dans sa situation en aurait fait davantage pour s’informer de ses droits et de ses obligations aux termes de la Loi.

[7] L’appelant n’est pas d’accord et affirme avoir été induit en erreur quant à la politique du gouvernement sur l’admissibilité à l’assurance-emploi des personnes non vaccinées qui ont perdu leur emploi. Les comptes du gouvernement et des médias de l’époque laissaient entendre qu’elles ne seraient pas admissibles aux prestations. Cela justifie son retard à présenter une demande de prestations. De plus, son employeur a tardé plusieurs mois avant d’émettre un relevé d’emploi le 16 mars 2022.

Question en litige

[8] La demande de prestations de l’appelant peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 15 décembre 2021? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.

Analyse

[9] Pour qu’une demande de prestations soit antidatée, la personne doit prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 4 :

  1. a) Qu’elle avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période du retard. Autrement dit, elle doit avoir une explication que la loi accepte.
  2. b) Qu’elle remplit les conditions requises à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle souhaite que sa demande soit antidatée).

[10] Dans la présente affaire, les principaux arguments portent sur la question de savoir si l’appelant avait un motif valable. C’est donc par cela que je vais commencer.

[11] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 5. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi de façon raisonnable et prudente, tout comme n’importe quelle autre personne l’aurait fait dans une situation semblable.

[12] L’appelant doit démontrer qu’il a agi de cette façon pendant toute la période du retardNote de bas de page 6. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande soit antidatée au jour où il a présenté sa demande. Par conséquent, pour l’appelant, la période de retard s’étend du 15 décembre 2021 au 21 juin 2022.

[13] L’appelant doit également démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et les obligations que lui impose la loiNote de bas de page 7. Cela signifie que l’appelant doit démontrer qu’il a essayé de s’informer de ses droits et de ses responsabilités dès que possible et du mieux qu’il pouvait. Si l’appelant n’a pas fait ces démarches, il doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi il ne l’a pas faitNote de bas de page 8.

[14] L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

Position de l’appelant

[15] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

  • Son employeur a produit son relevé d’emploi trois mois en retard. Selon la loi, un employeur doit produire un relevé d’emploi cinq jours après l’arrêt de travail.
  • En décembre 2021, le gouvernement fédéral a annoncé une politique officielle : les membres du personnel non vaccinés qui ont été congédiés par leur employeur pour avoir refusé de se faire vacciner contre la COVID-19 ne sont pas admissibles aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 9. Cette politique a été largement diffusée dans les médias. De plus, selon l’appelant, de la fin de 2021 jusqu’à environ juin 2022, Service Canada a annoncé sur son site Web que toute personne non vaccinée n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi. Par conséquent, il croyait raisonnablement que sa demande de prestations d’assurance-emploi serait rejetée. Il a donc hésité à présenter sa demande. En juin, l’appelant a commencé à voir des décisions du Tribunal qui laissaient entendre qu’il n’était pas nécessairement vrai qu’une personne non vaccinée se verrait refuser des prestations.

[16] L’appelant a déposé des articles de presse de CBC News (octobre 2021) et du National Post (décembre 2021). Les deux ont rendu compte de la position du gouvernement concernant l’admissibilité à l’assurance-emploi des personnes qui ont été congédiées parce qu’elles ne se sont pas conformées à la politique de vaccination de leur employeur. Il a également déposé des copies des déclarations affichées sur le site Web de Service Canada (août 2022).

Position de la Commission

[17] La Commission dit que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard :

  • Il y a eu un délai de trois mois entre le moment où l’employeur a produit le relevé d’emploi (16 mars 2022) et celui où l’appelant a présenté une demande de prestations (21 juin 2022). Bien que l’appelant ait dit avoir tenté de communiquer avec la Commission en janvier ou février 2022, il n’a pas fait d’autres démarches pour s’informer de ses droits et de ses responsabilités.
  • L’appelant n’a pas toujours expliqué pourquoi il a tardé à demander des prestations. Au départ, il a affirmé que c’était parce qu’il travaillait à temps partiel pour un autre employeur et qu’il n’avait pas pensé à présenter sa demande plus tôtNote de bas de page 10.
  • Si l’appelant craignait que la raison de sa cessation d’emploi ne nuise à sa capacité d’être admissible aux prestations, il aurait pu communiquer avec la Commission pour s’informer. Sinon, il aurait pu déposer une demande de prestations pour permettre à la Commission de rendre cette décision. Une personne raisonnable dans la même situation aurait fait cela.

L’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard

[18] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations.

[19] L’argument le plus solide de l’appelant est qu’il a été induit en erreur par des déclarations du gouvernement, des reportages dans les médias et même Service Canada quant à l’admissibilité à l’assurance-emploi des personnes qui perdent leur emploi parce qu’elles ne sont pas vaccinées contre la COVID-19. Je vais commencer par cela.

[20] J’ai examiné les coupures de presse de décembre 2021 que l’appelant a fournies, ainsi que les déclarations affichées sur le site Web de Service CanadaNote de bas de page 11.

[21] Bien que les titres de presse aient pu suggérer une règle claire concernant l’admissibilité, le contenu des articles déposés par l’appelant ne le fait pas. Dans l’article de CBC News, un avocat fait le commentaire suivant : [traduction] « Je pense qu’il est très discutable de savoir si les personnes qui ont été congédiées parce qu’elles n’ont pas reçu le vaccin obligatoire ont un motif valable pour avoir été congédiées ». La ministre fédérale citée dans les deux articles prend soin d’utiliser des qualificatifs lorsqu’il fait référence à l’inadmissibilité. Il s’agit notamment des adjectifs [traduction] « probable », « possible » et « peut ne pas être », qui donnent à penser que l’inadmissibilité est incertaine. Elle affirme même que [traduction] « ce n’est pas encore une décision ferme de politique publique ». L’article du National Post fait référence à un avis émis par Emploi et Développement social Canada à l’intention des employeurs qui font respecter les mandats de vaccination, qui énonce de multiples facteurs qui pourraient être importants. La conséquence évidente de cette situation est qu’une politique de vaccination imposée par l’employeur peut dépendre du respect par l’employeur d’exigences particulières (l’avis, tel que publié, offre une communication claire de sa politique à titre d’exemple)Note de bas de page 12. Cela ne rend guère l’inadmissibilité automatique.

[22] Les déclarations sur le site Web de Service Canada fournies par l’appelant font référence à l’inadmissibilité [traduction] « dans la plupart des cas », mais pas dans tous les cas.

[23] L’appelant dit également avoir tenté de présenter une demande de prestations en ligne en décembre 2021, mais ne pas avoir été autorisé à remplir la demande de prestations après avoir répondu « oui » à une question qui lui demandait s’il avait perdu son emploi parce que son employeur exigeait la vaccination comme condition de son emploi. Cette déclaration contredit sa déclaration selon laquelle il a tardé à présenter sa demande de prestations en raison de la production tardive de son relevé d’emploi. De plus, aucune question de ce genre n’est posée sur la copie de sa demande de juin 2022 fournie dans le dossier d’appel (bien qu’à l’audience, l’appelant ait dit qu’il avait répondu à une question sur la vaccination dans sa demande de juin et qu’il avait été autorisé à présenter sa demande) et aucune preuve documentaire n’a été fournie pour appuyer ses souvenirs du processus de demande en décembre 2021. Je conclus que l’appelant se trompe sur ce point.

[24] Une demande de prestations peut être déposée sans relevé d’emploi, ce que d’autres demandes de renseignements auraient pu révéler.

[25] L’appelant a déclaré qu’il a tenté de téléphoner à Service Canada à plusieurs reprises en janvier et février 2022 pour vérifier son admissibilité. Il n’a pas parlé à une représentante ou un représentant en direct et il ne voulait pas laisser son numéro de téléphone pour un rappel. L’appelant a témoigné qu’à l’époque, Service Canada ne voulait pas que les gens se présentent en personne aux bureaux de Service Canada. J’admets que l’appelant a tenté de communiquer avec Service Canada au cours des deux premiers mois de l’année. Cependant, il aurait dû persévérer dans ses tentatives de parler à une représentante ou un représentant de Service Canada au lieu d’abandonner et d’attendre au mois de juin pour faire sa demande. Compte tenu de ma conclusion sur le processus de demande, il aurait également été raisonnable dans les circonstances que l’appelant ait présenté une demande de prestations beaucoup plus tôt que ce qu’il a fait pour donner à la Commission la possibilité d’établir s’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.

[26] Je conclus que l’appelant n’a pas vérifié assez rapidement s’il avait droit aux prestations et quelles obligations la loi lui imposait. Il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles.

[27] Je n’ai pas besoin de vérifier si l’appelant remplissait les conditions requises à la date antérieure pour recevoir des prestations. Si l’appelant n’a pas de motif valable, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[28] L’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période écoulée.

[29] L’appel est rejeté.

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