Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 560

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (628752) rendue le 28 novembre 2023
par la Commission de l’assurance-emploi du Canada
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Angela Ryan Bourgeois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 février 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 16 février 2024
Numéro de dossier : GE-24-12

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelant.

[2] Il a démontré qu’il était disponible pour travailler. Par conséquent, il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi, car il était disponible.

Aperçu

[3] En 2022, l’appelant avait un emploi saisonnier dans une usine de fruits de mer. Son emploi a pris fin le 8 octobre 2022. Le 28 octobre 2022, il a accepté un poste à temps plein dans une entreprise du secteur de la volaille. Il a ensuite retenu les services d’une personne pour le conseiller et l’aider à obtenir un permis de travail pour son nouvel employeur. Il a seulement obtenu son nouveau permis de travail le 4 juillet 2023. Il a commencé son nouvel emploi le 27 juillet 2023.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 14 novembre 2022 parce qu’il n’était pas disponible pour travaillerNote de bas de page 1.

[5] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, les prestataires doivent être disponibles pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Autrement dit, il faut que les prestataires cherchent un emploi.

[6] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. En d’autres termes, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’il était disponible pour travailler.

[7] Selon la Commission, l’appelant n’était pas disponible parce que son permis de travail n’était pas valide avant le 4 juillet 2023, puis après cette date, parce qu’il essayait seulement de savoir quand il commencerait à travailler pour XNote de bas de page 2.

[8] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme avoir poursuivi ses recherches d’emploi.

Question en litige

[9] L’appelant était‑il disponible pour travailler à compter du 14 novembre 2022Note de bas de page 3?

Analyse

[10] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible selon les deux articles. Il doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[11] En premier lieu, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 4. Le Règlement sur l’assurance-emploi donne les critères qui aident à expliquer ce qu’on entend par « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 5 ».

[12] En deuxième lieu, la Loi prévoit aussi que la personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 6. La jurisprudence énonce les trois choses à prouver pour démontrer sa « disponibilité » en ce sensNote de bas de page 7.

[13] La Commission a décidé que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon les deux articles de loi.

[14] Je vais maintenant me pencher sur les deux articles pour vérifier si l’appelant était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[15] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de l’appelant étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 8. Je dois regarder si elles étaient soutenues et si elles visaient l’obtention d’un emploi convenable. Autrement dit, il faut que l’appelant ait continué à chercher un emploi convenable.

[16] Je dois aussi évaluer les démarches que l’appelant a faites pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 9 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • communiquer avec des employeuses ou employeurs qui sont peut-être en période d’embauche;
  • présenter des demandes d’emploi.

[17] Selon la Commission, l’appelant n’a fourni aucune preuve montrant qu’il faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi pendant qu’il attendait la décision sur son permis de travailNote de bas de page 10.

[18] L’appelant affirme qu’il essayait d’obtenir son permis de travail, qu’il cherchait du travail en ligne, qu’il faisait du réseautage auprès de ses proches et qu’il posait sa candidature pour des emplois. Il dit que ses démarches étaient suffisantes pour démontrer qu’il était disponible pour travailler.

[19] Voici pourquoi je juge que l’appelant faisait des démarches habituelles et raisonnables :

  • Il avait un curriculum vitae.
  • Il faisait des recherches en ligne (Indeed et Guichet-Emplois).
  • Il s’est inscrit à une banque d’emplois en ligne (Indeed) et recevait des notifications.
  • Pour connaître les possibilités d’emplois, il faisait du réseautage auprès de personnes occupant des emplois semblables dans les Maritimes.
  • Il a communiqué avec son ancienne employeuse pour discuter de la possibilité de revenir travailler pour elleNote de bas de page 11.
  • Il a postulé pour un emploi dans une usine de transformation du poisson à l’Île-du-Prince-Édouard.
  • Il a retenu les services d’une personne pour le conseiller et l’aider à obtenir son permis de travail pour le poste dans l’entreprise du secteur de la volaille.

[20] Je juge que ce sont des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. Ses démarches étaient orientées vers l’obtention d’un emploi semblable à ce qu’il a fait dans le passé, c’est‑à-dire un « emploi convenable » pour l’appelant. J’estime que ses démarches étaient soutenues parce qu’il a continué à chercher du travail et à faire des démarches pour obtenir son permis de travail pendant toute cette période.

[21] Je juge qu’à partir du 4 juillet 2023, le jour où l’appelant a reçu le permis de travail pour l’emploi dans le secteur de la volaille, il faisait encore des démarches habituelles et raisonnables. À ce moment‑là, il était en contact avec son nouvel employeur, qui organisait la séance d’orientation de l’appelant. Comme l’obtention d’un permis de travail pour une autre entreprise aurait pris du temps, ce que l’appelant a fait pour conserver son poste et commencer à travailler aussitôt que l’employeur pouvait tenir la séance d’orientation constitue des démarches habituelles et raisonnables.

Capable de travailler et disponible pour travailler

[22] La jurisprudence nomme trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si l’appelant était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 12 :

  1. a) Il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
  2. b) Il a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est‑à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner travailler.

[23] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois regarder l’attitude et la conduite de l’appelantNote de bas de page 13.

Désir de retourner travailler

[24] L’appelant a démontré qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible. C’est ce que montrent, d’une part, l’embauche d’une personne pour le conseiller et l’aider à obtenir son permis de travail et, d’autre part, étant donné les longs délais pour avoir son permis de travail, le fait qu’il a communiqué avec son ancienne employeuse pour voir si elle avait du travail pour lui. De plus, les démarches de recherche d’emploi que je présente plus bas montrent qu’il souhaitait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[25] Le simple fait de déclarer qu’on a besoin d’argent ne prouve pas qu’on souhaite reprendre le travail, mais un besoin financier peut donner de la crédibilité aux déclarations des prestataires qui disent chercher un emploi. Dans le cas de l’appelant, il n’avait pas assez d’économies pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille à l’étranger. Il a dû emprunter de l’argent pour y arriver. Cela appuie son affirmation voulant qu’il ait eu un réel désir de retourner travailler.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[26] L’appelant a fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[27] Voici ce qu’il a fait pour trouver un nouvel emploi :

  • Il a fait des recherches sur Internet et auprès de ses connaissances.
  • Il s’est inscrit à des alertes d’emploi.
  • Il a posé sa candidature à des emplois.
  • Il a demandé à son ancienne employeuse s’il y avait du travail pour lui.
  • Il est resté en contact avec son nouvel employeur.
  • Il a collaboré avec la personne qui le conseillait pour obtenir son permis de travail et demandé l’aide d’un ami pour intercéder auprès d’elle.

[28] Ces efforts sont suffisants pour répondre aux exigences du deuxième élément parce qu’ils montrent que l’appelant voulait vraiment retourner travailler.

[29] Même si l’obtention du permis de travail pour le poste dans l’entreprise du secteur de la volaille donnait à l’appelant les meilleures chances de retourner travailler le plus tôt possible, il n’a pas simplement attendu de recevoir le permis. Il a fait des suivis auprès de la personne qui le conseillait et, quand il a vu que les choses n’avançaient pas, il a demandé l’aide d’un ami. Il a aussi continué à chercher un autre travail. Le fait qu’il ait eu une offre d’emploi pendant cette période démontre qu’il essayait activement de trouver du travail.

[30] La Commission affirme qu’après le 4 juillet 2023, soit le jour où l’appelant a reçu son permis de travail, ses efforts étaient axés uniquement sur la fixation de la date du début de son poste dans l’entreprise du secteur de la volaille. Il ne cherchait aucun autre emploi.

[31] Quand l’appelant a reçu son permis de travail au début de juillet 2023, il n’était pas réaliste de penser qu’il pouvait commencer un autre travail avant le début de son emploi dans le secteur de la volaille, qui a eu lieu le 27 juillet 2023. Il n’aurait jamais pu obtenir un permis de travail pour une autre entreprise pendant ces trois semaines. Par conséquent, je conclus que ce qu’il a fait pour maintenir sa relation avec son nouvel employeur était la meilleure façon de reprendre le travail le plus tôt possible.

Limitation indue des chances de retourner au travail

[32] Selon la Commission, pour ce qui est du travail, la disponibilité de l’appelant était limitée parce qu’il n’avait pas de permis de travail valideNote de bas de page 14. Elle affirme qu’il n’a pas conservé son statut parce qu’il n’a pas demandé la prolongation de son permis de travail avant l’expiration de son autre permis de travail.

[33] Je juge que l’appelant n’a pas établi de conditions personnelles qui ont peut-être trop limité ses chances de retourner travailler. Ce que l’appelant peut faire pour avoir son permis de travail est une question de droit, et non une condition personnelle. Il ne pouvait pas demander un permis de travail pour une autre entreprise avant d’en trouver une qui voulait bien l’embaucherNote de bas de page 15.

[34] Je ne vois pas ce qu’il aurait pu faire de plus pour obtenir son permis de travail pour l’entreprise dans le secteur de la volaille. Lors de son embauche pour ce poste, il a rapidement retenu les services d’une personne pour le conseiller et l’aider à avoir son permis de travail, car ses compétences en anglais étaient limitées et il ne connaissait pas très bien la marche à suivre. Il a fait ces démarches avant l’expiration de son premier permis de travail. Il s’est raisonnablement fié à l’expertise de la personne qu’il consultait. Quand il a vu que son permis de travail semblait prendre trop de temps à arriver, il a demandé de l’aide à un ami. Ensuite, après avoir appris qu’il y avait des frais impayés en raison du retard de la personne qu’il consultait, il a rapidement communiqué avec elle et s’est arrangé pour payer les frais.

Somme toute, l’appelant était‑il capable de travailler et disponible pour travailler?

[35] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments que j’ai analysés, je juge que l’appelant a démontré qu’à compter du 14 novembre 2022, il était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[36] L’appelant a démontré qu’à partir du 14 novembre 2022, il était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[37] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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