Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c JP, 2024 TSS 559

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Josée Lachance
Partie intimée : J. P.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 16 février 2024
(GE-24-12)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 mai 2024
Personne présente à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimé
Date de la décision : Le 17 mai 2024
Numéro de dossier : AD-24-172

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a fait une erreur de droit parce qu’elle n’a pas appliqué le bon critère juridique.

[2] Je rends la décision qu’elle aurait dû rendre. Légalement parlant, le prestataire n’avait pas le droit de travailler au Canada, car son permis de travail était expiré. Par conséquent, il n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’était pas disponible au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et de la jurisprudence. Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi du 14 novembre 2022 au 3 juillet 2023.

[3] Les parties conviennent que le prestataire a prouvé sa disponibilité à compter du 4 juillet 2023 parce qu’il avait un permis de travail valide qui lui permettait de travailler au Canada.

Aperçu

[4] J. P. est le prestataire dans le présent dossier. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a refusé de lui en verser à compter du 14 novembre 2022. Elle explique que, comme son permis de travail était expiré, il n’était pas autorisé à travailler au Canada.

[6] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Celle‑ci a conclu que le prestataire était disponible au titre de la Loi sur l’assurance-emploi et qu’il avait donc droit aux prestations.

[7] La Commission a porté cette décision en appel.

[8] J’accueille l’appel. La division générale a fait une erreur de droit parce qu’elle n’a pas appliqué le bon critère juridique. Le permis de travail du prestataire était expiré, ce qui veut dire qu’il n’était pas légalement autorisé à travailler au Canada. En conséquence, il n’était pas disponible pour travailler.

[9] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Du 14 novembre 2022 au 3 juillet 2023, le prestataire n’était pas disponible pour travailler, car son permis de travail était expiré. Il a obtenu un nouveau permis de travail le 4 juillet 2023. Il était donc disponible à compter de cette date.

Questions en litige

[10] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a‑t-elle fait une erreur de droit quand elle a décidé que le prestataire n’avait pas établi de conditions personnelles et qu’en conséquence, il était disponible au sens de la Loi sur l’assurance-emploi?
  2. b) Si oui, comment faut‑il corriger l’erreur?

Analyse

[11] Je peux modifier l’issue de la présente affaire seulement si la division générale a fait une erreur pertinente. Je peux tenir compte uniquement de certaines erreursNote de bas de page 1. En bref, je peux intervenir si la division générale a fait l’une des erreurs suivantes :

  • Elle a fait quelque chose d’injuste.
  • Elle a tranché une question alors qu’elle n’aurait pas dû le faire ou elle n’a pas tranché une question alors qu’elle aurait dû le faire.
  • Elle a fait une erreur de droit.
  • Elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

[12] Aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, les prestataires doivent respecter toutes les exigences légales pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations d’assurance-emploi. Selon la Commission, dans la présente affaire, le prestataire ne remplit pas l’exigence voulant qu’il soit capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 2.

La division générale a fait une erreur de droit quand elle a décidé que le prestataire n’avait pas établi de conditions personnelles et était donc disponible au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[13] Si une condition personnelle limite indûment (à tort) les chances de retour au travail, on dit alors que la personne n’est pas disponible au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[14] Le critère juridique de la disponibilité comporte trois éléments dont il faut tenir compteNote de bas de page 3. Selon la décision Faucher, pour être disponible pour travailler, il faut :

  • avoir le désir de retourner travailler dès qu’un emploi convenable est disponible;
  • montrer qu’on veut retourner travailler par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  • éviter d’établir des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment (beaucoup trop) ses chances de retourner au travail.

[15] Dans la présente affaire, les faits ne sont pas contestés. Le prestataire avait un emploi et un permis de travail valide pour cet emploi. Il a décidé de ne pas renouveler son contrat avec cette employeuse, car il croyait avoir trouvé un emploi qu’il préférait. Il a été embauché par son nouvel employeur le 28 octobre 2022Note de bas de page 4.

[16] Le permis de travail canadien du prestataire a expiré le 11 novembre 2022. Le prestataire a reçu l’aide d’une personne qui le conseillait pour essayer de lui permettre de rester au Canada pour le travail. Après l’expiration de son permis de travail, cette personne a demandé un visa de tourisme au nom du prestataire. Ce type de visa n’autorise pas la personne à travailler.

[17] Le prestataire a fini par obtenir un nouveau permis de travail. Il a été délivré le 4 juillet 2023.

[18] Selon la Commission, comme le prestataire n’avait pas de permis de travail valide, il n’était pas disponible pour travailler. Elle admet qu’après la délivrance du nouveau permis de travail, le prestataire est redevenu disponible pour travailler. Ainsi, la Commission admet que le prestataire était disponible pour travailler à partir du 4 juillet 2023Note de bas de page 5.

Des conditions personnelles empêchaient le prestataire de travailler

[19] La division générale a bien cerné le critère juridique de la disponibilitéNote de bas de page 6. Ensuite, elle a décrit les trois éléments qu’il faut prendre en considération selon la jurisprudenceNote de bas de page 7. L’un de ces éléments est le non-établissement de conditions personnelles qui limiteraient indûment ses chances de retour au travail.

[20] Le fait que le prestataire voulait retourner travailler et faisait des efforts pour trouver un emploi convenable n’est pas contestéNote de bas de page 8.

[21] Cependant, selon la Commission, comme le permis de travail du prestataire n’était pas valide, il y avait une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de reprendre le travailNote de bas de page 9. Ainsi, la Commission soutient que la division générale n’a pas suivi la jurisprudence établie et qu’elle a donc fait une erreur de droit.

[22] La division générale a décidé que ce que le prestataire pouvait faire pour avoir son permis de travail était une question de droit, et non une condition personnelleNote de bas de page 10. Elle a donc conclu qu’il n’avait pas établi de conditions personnelles et qu’il était disponible pour travailler.

[23] Avec respect, c’est une erreur de droit. Le prestataire avait l’autorisation de travailler au Canada tant que son permis de travail était valide. Malheureusement, dès que son permis a expiré, il n’était plus légalement autorisé à travailler. Il aurait dû demander le renouvellement de son permis de travail plus tôt ou obtenir de l’aide plus tôt pour faire sa demande.

[24] La division générale a aussi conclu que le prestataire ne pouvait pas demander un nouveau permis de travail pour une autre entreprise tant qu’il n’en trouvait pas une qui voulait l’embaucher. Mais elle a ajouté qu’il avait une nouvelle offre d’emploi dans une nouvelle entreprise avant l’expiration de son permis de travailNote de bas de page 11. Autrement dit, le prestataire avait bel et bien un nouvel employeur.

[25] La question de savoir si les prestataires sont disponibles pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi est un critère objectif. Autrement dit, il faut décider de la disponibilité d’une personne, et non pas de la raison de sa non-disponibilitéNote de bas de page 12.

Réparation

[26] J’ai jugé qu’il y avait une erreur. Je peux donc y remédier (la corriger) de deux façons principales. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je peux aussi lui renvoyer l’affaire si je ne crois pas que l’audience était équitableNote de bas de page 13.

[27] Les parties étaient d’accord sur un point : tous les éléments de preuve ont été présentés à la division générale. Par conséquent, je peux rendre la décision qu’elle aurait dû rendre. Je peux, entre autres choses, décider si le prestataire était disponible pour travailler.

Le prestataire n’était pas disponible parce qu’une condition personnelle limitait indûment ses chances de retour au travail

[28] Les parties admettent toutes les deux que la division générale ne s’est pas trompée dans son analyse des deux premiers éléments du critère tiré de la décision Faucher. J’adopte donc le raisonnement de la division générale selon lequel le prestataire remplit les exigences des deux premiers éléments du critère.

[29] Pour une raison indéterminée, le prestataire n’a pas renouvelé son permis de travail avant son expiration. Je suis sensible au fait qu’il ait eu de la difficulté à en obtenir un nouveau, mais cela ne veut pas dire qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. Comme il n’avait pas de permis de travail valide, il n’était pas autorisé à travailler au Canada.

[30] Ainsi, malheureusement, sans permis de travail valide, le prestataire n’était pas disponible pour travailler. Il n’avait pas non plus demandé le renouvellement de son permis de travail (ni un nouveau permis) avant son expirationNote de bas de page 14.

[31] Si le prestataire avait demandé le renouvellement de son permis de travail avant qu’il expire, la Commission l’aurait alors considéré comme étant disponible, pourvu qu’il réponde aux autres exigencesNote de bas de page 15.

[32] Comme ce n’est pas ce qu’il a fait, on peut considérer que le prestataire a limité indûment ses chances de retour au travailNote de bas de page 16. Que ce soit ou non intentionnel, le prestataire a établi une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de retour au travailNote de bas de page 17. Par conséquent, il n’était pas disponible.

Conclusion

[33] L’appel est accueilli. La division générale a fait une erreur de droit puisqu’elle a mal appliqué le critère juridique.

[34] Je rends la décision qu’elle aurait dû rendre. Légalement parlant, le prestataire n’avait pas le droit de travailler au Canada, car son permis de travail était expiré. Il n’est pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi du 14 novembre 2022 au 3 juillet 2023.

[35] Les parties sont d’accord sur un point : le prestataire a prouvé sa disponibilité à compter du 4 juillet 2023 parce qu’il avait un permis de travail valide qui lui permettait de travailler au Canada.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.