Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CI c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 546

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : C. I.
Représentante : Christina Lazier
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 27 décembre 2023
(GE-22-1612)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Date de la décision : Le 17 mai 2024
Numéro de dossier : AD-24-96

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, C. I. (prestataire), travaillait comme enseignante. Son employeur a mis en place une politique exigeant la vaccination contre la COVID-19 à la suite d’un protocole provincial de vaccination obligatoire. La prestataire ne voulait pas se faire vacciner ni divulguer son statut vaccinal. Son employeur l’a mise en congé sans solde pour une durée indéterminée.

[3] La prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi après la cessation de son emploi. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations parce qu’elle avait volontairement pris un congé de son emploi sans justification. La prestataire a demandé une révision et la Commission a maintenu sa décision.

[4] La prestataire a porté la décision découlant de la révision en appel à la division générale du Tribunal. Celle-ci a rejeté l’appel avec des modifications. Elle a conclu que la prestataire avait été suspendue et qu’elle n’avait pas volontairement pris un congé. Elle a décidé que la raison de sa suspension était une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[5] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal. Elle a cependant besoin d’une permission pour que son dossier aille de l’avant. La prestataire soutient que la division générale a commis de nombreuses erreurs dans sa décision.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur susceptible de révision qui pourrait donner à l’appel une chance de succès. Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions préliminaires

[7] Lorsque l’appelante a déposé sa demande de permission de faire appel, sa représentante a demandé quelle était la date limite pour le dépôt d’observations à l’appui de la demandeNote de bas de page 1.

[8] La représentante a été informée qu’il n’y avait aucune possibilité de présenter des observations supplémentaires sur une demande de permission de faire appel. La représentante a dit qu’il s’agissait d’une erreur du point de vue du droit et elle a fait savoir au Tribunal que des arguments juridiques seraient déposés au plus tard le 22 avril 2024Note de bas de page 2.

[9] La représentante a écrit au Tribunal le 22 avril 2024 pour signaler qu’en raison d’une maladie, elle allait maintenant déposer des observations au plus tard le 29 avril 2024Note de bas de page 3. À cette date, la représentante a écrit au Tribunal pour l’informer qu’elle avait rencontré la prestataire et qu’elle avait reçu de celle-ci des instructions pour mettre au point ses observations à l’appui de la demande de permission de faire appel. Elle a déclaré qu’elle déposerait la version définitive au plus tard le 6 mai 2024Note de bas de page 4. Aucune autre observation n’a été reçue.

[10] J’ai examiné les arguments présentés par la prestataire dans sa demande de permission de faire appel.

Questions en litige

[11] Voici les questions en litige :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale en omettant d’examiner et de soupeser la preuve de la prestataire?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence en n’appliquant pas la Déclaration canadienne des droits dans le cadre de son analyse?
  3. c) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en se fondant sur une ordonnance du médecin hygiéniste en chef provincial?
  4. d) Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que l’employeur avait une politique de vaccination?

Je n’accorde pas à la prestataire la permission de faire appel

[12] Le critère juridique que la prestataire doit remplir pour demander la permission de faire appel est peu rigoureux : existe-t-il un moyen défendable qui permettrait à l’appel d’être accueilliNote de bas de page 5?

[13] Pour trancher cette question, je me suis surtout demandé si la division générale avait pu commettre une ou plusieurs des erreurs pertinentes (ou des moyens d’appel) énumérées dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 6.

[14] Un appel n’est pas une nouvelle occasion de débattre de la demande originale. Je dois plutôt décider si la division générale a :

  1. a) omis d’offrir une procédure équitable;
  2. b) omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher ou tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. c) fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 7;
  4. d) commis une erreur de droitNote de bas de page 8.

[15] Avant que l’appel de la prestataire puisse passer à la prochaine étape, je dois être convaincue qu’au moins un de ces moyens d’appel donne à l’appel une chance raisonnable de succès. Par « une chance raisonnable de succès », on entend qu’en faisant valoir ses arguments, la prestataire pourrait gagner sa cause. Je dois aussi être consciente des autres moyens d’appel possibles, ceux que la prestataire n’a pas cernés avec précisionNote de bas de page 9.

La décision de la division générale

[16] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas volontairement pris un congé parce qu’elle n’avait pas eu le choix de continuer à travailler ou non. Elle n’a pas fourni de preuve de vaccination ni obtenu d’exemption valide à la date limite du 30 novembre 2021 fixée par l’employeur, et elle a été mise en congé sans soldeNote de bas de page 10. La division générale a fait remarquer que l’on considère qu’il s’agit d’une suspension aux fins de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[17] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle n’avait pas fourni de preuve de vaccination contre la COVID-19 ni d’exemption valide, comme l’exigeait son employeurNote de bas de page 12.

[18] La division générale a ensuite examiné si ce motif de suspension équivaut à une inconduite aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison de son inconduite pour les raisons suivantes :

  • La prestataire a été informée de la politique de l’employeur et a eu le temps de s’y conformer.
  • La prestataire a délibérément et intentionnellement choisi de ne pas se faire vacciner et de ne pas divulguer son statut vaccinal à son employeur.
  • La prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.
  • Son refus de se conformer était la cause directe de sa suspensionNote de bas de page 13.

Aucune cause défendable selon laquelle la division générale n’a pas offert une procédure équitable

[19] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire soutient que la division générale n’a pas offert une procédure équitable en omettant d’examiner et de soupeser sa preuve. Elle souligne les documents qui ont été mentionnés à l’audience de la division générale et qui ont été fournis après l’audienceNote de bas de page 14.

[20] Ces documents comprennent : une décision du tribunal; un courriel de l’employeur de la prestataire concernant les annonces du médecin hygiéniste en chef; des documents et des messages relatifs au grief de la prestataire; des documents relatifs à l’innocuité et à l’efficacité du vaccin; la convention collective et le contrat de la prestataireNote de bas de page 15. Celle-ci a également fourni de la correspondance concernant une demande au titre de la Freedom of Information and Protection of Privacy Act [loi sur l’accès à l’information et protection de la vie privée] et une brochure concernant le programme gouvernemental de soutien aux victimes de blessures attribuables à un vaccinNote de bas de page 16.

[21] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a omis d’offrir un processus équitable. Dans sa décision, la division générale affirme que la prestataire a déposé des documents supplémentaires qui ont été mentionnés à l’audience. Elle déclare avoir examiné tous ces documents, mais ne pas les résumer tousNote de bas de page 17.

[22] La division générale n’a peut-être pas mentionné tous les documents que la prestataire a fournis. Elle n’est pas tenue de mentionner tous les faits et tous les éléments de preuve dans sa décision. Lorsqu’elle tire des conclusions de fait, la division générale est présumée avoir examiné tous les éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 18. Je conclus qu’il n’est pas possible de soutenir que la division générale a ignoré des éléments de preuve pertinents.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence

[23] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en omettant d’appliquer la Déclaration canadienne des droits dans le cadre de son analyseNote de bas de page 19.

[24] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence. Dans une décision récente, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Devant les deux divisions du Tribunal de la sécurité sociale, le demandeur a énoncé la https://www.canlii.org/en/ca/laws/stat/sc-1960-c-44/latest/sc-1960-c-44.html Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, c 44. Il soulève de nouveau cette question pour donner à penser que son « inconduite » ne constituait pas légalement une inconduite. Encore une fois, comme je l’ai déjà expliqué, cette observation n’est pas pertinente sur le plan juridique pour la tâche du Tribunal de la sécurité sociale. En vertu de sa loi habilitante, le Tribunal de la sécurité sociale ne peut pas se pencher sur la question de savoir si le congédiement du demandeur était injustifiéNote de bas de page 20.

[25] La division générale a accepté cet argument de la prestataireNote de bas de page 21. Elle l’a examiné et a conclu qu’elle devait appliquer le critère juridique relatif à l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi comme l’a établi la jurisprudenceNote de bas de page 22.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit

[26] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit en s’appuyant sur une ordonnance du médecin hygiéniste en chef parce que l’ordonnance n’avait pas été rendue et n’était pas en vigueur au moment où sa demande d’assurance-emploi a été rejetéeNote de bas de page 23.

[27] Devant la division générale, la prestataire a fait valoir que rien ne prouvait qu’une ordonnance de santé publique s’appliquait à elleNote de bas de page 24. La division générale a examiné cet argument. Elle a conclu que l’employeur avait communiqué ses exigences et ses attentes au personnelNote de bas de page 25. La division générale a fait référence au protocole de vaccination obligatoire qui était en vigueur au moment où la prestataire a été suspendue et qui faisait partie des documents présentés à la division généraleNote de bas de page 26.

[28] La division générale s’est également appuyée sur le témoignage de la prestataire, qui a reconnu que son employeur avait une politique exigeant la vaccination pour continuer à travailler après le 30 novembre 2021Note de bas de page 27. Cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait

[29] La prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de fait importante en concluant que l’employeur avait une politique de vaccination alors qu’il n’y avait aucune politique admise en preuve et que rien n’indiquait qu’une politique avait été dûment créée pour le personnel syndiquéNote de bas de page 28.

[30] La division générale a conclu que l’employeur n’avait peut-être pas sa propre politique officielle de vaccination, mais que la preuve a montré qu’il respectait l’ordonnance de la santé publique et le protocole de vaccination obligatoire. Elle s’est appuyée sur une décision de la division d’appel qui a conclu que l’adoption par un employeur d’une ordonnance de santé publique peut être considérée comme une politique de l’employeurNote de bas de page 29.

[31] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes.

[32] La division générale a appliqué le critère juridique approprié et a suivi la jurisprudence exécutoire de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale. Elle a tenu compte de la preuve et des arguments de la prestataire et n’a tenu compte d’aucun élément de preuve non pertinent. Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis quelque erreur susceptible de révision que ce soit dans sa décision.

[33] La prestataire n’a relevé aucune erreur que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès. Par conséquent, je refuse la permission de faire appel.

Conclusion

[34] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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