Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 569

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. E.
Représentante ou représentant : H. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (629367) datée du
20 novembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 19 février 2024
Personne présente à l’audience : La personne qui représente l’appelante
Date de la décision : Le 22 février 2024
Numéro de dossier : GE-24-58

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] L’appelante a prouvé qu’elle était disponible pendant son séjour à l’étranger.

[3] L’appelante n’était pas au Canada du 21 août au 12 septembre 2019. Elle peut quand même recevoir des prestations pendant cette période parce qu’elle a quitté le pays pour participer à une entrevue d’emploi et chercher du travail.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada avait le pouvoir d’étendre la période qui lui permettait de réexaminer les prestations de l’appelante. La Commission a décidé de façon équitable d’infliger une pénalité à l’appelante pour ses fausses déclarations. Je ne peux donc pas modifier sa décision concernant l’avertissement qu’elle a donné à l’appelante.

Aperçu

[5] L’appelante s’est rendue en Égypte pour 3 semaines. Là-bas, elle a participé à une entrevue d’emploi et a cherché du travail. Mais dans ses déclarations de prestations, elle n’a pas mentionné qu’elle se trouvait à l’étranger.

[6] La Commission a décidé que l’appelante pouvait recevoir des prestations d’assurance-emploi seulement pour 1 des semaines où elle était à l’étranger, parce qu’elle participait à une entrevue d’emploi. La Commission a établi que l’appelante n’était pas disponible pour travailler pendant les 2 autres semaines où elle était en Égypte. Finalement, la Commission a infligé une pénalité à l’appelante parce qu’elle avait fait de fausses déclarations lorsqu’elle avait omis de dire qu’elle était à l’étranger.

[7] L’appelante n’est pas d’accord. Elle était disponible et cherchait du travail tout le temps qu’elle était en Égypte. Elle a aussi participé à une entrevue d’emploi intensive quand elle était là-bas.

[8] L’appelante convient qu’elle a mal rempli ses déclarations. Service Canada l’avait informée qu’elle serait admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant son séjour à l’étranger. Mais dans sa demande, lorsqu’elle a déclaré avoir quitté le Canada, le système n’acceptait pas ses déclarations. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre ses prestations d’assurance-emploi, alors elle n’a pas déclaré son séjour à l’étranger.

Question que je devais examiner en premier

L’appelante n’était pas présente à l’audience

[9] L’appelante n’était pas à l’audience. Une audience peut avoir lieu en l’absence de la partie appelante si celle-ci a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 1.

[10] J’estime que l’appelante a reçu l’avis d’audience parce qu’elle a envoyé une personne autorisée pour la représenter et parler en son nom. L’audience a donc eu lieu à la date prévue, mais sans l’appelante.

Questions en litige

[11] La Commission avait-elle le pouvoir de réexaminer les prestations de l’appelante?

[12] La Commission a-t-elle agi équitablement en infligeant une pénalité?

[13] L’appelante était-elle disponible pour travailler?

[14] L’appelante pouvait-elle recevoir des prestations pendant qu’elle était à l’étranger?

Analyse

La Commission avait-elle le pouvoir de réexaminer les prestations de l’appelante?

[15] La loi donne à la Commission de vastes pouvoirs qui lui permettent de réexaminer toute décision qu’elle a rendue sur des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2. Cependant, la Commission doit respecter les délais prévus par la loi. Habituellement, la Commission a 3 ans pour réexaminer ses décisionsNote de bas de page 3. Si la Commission a versé des prestations d’assurance-emploi à une personne qui n’y avait pas vraiment droit, elle peut lui demander de rembourser les prestationsNote de bas de page 4.

[16] Dans certaines situations, la Commission peut remonter encore plus loin que 3 ans. Elle peut réexaminer toute décision qu’elle a rendue jusqu’à 6 ans plus tôt si elle estime qu’il y a eu une déclaration inexacteNote de bas de page 5. La Commission n’a pas à prouver qu’il s’agissait d’un mensonge intentionnel; elle doit simplement avoir un motif raisonnable de croire qu’une déclaration à propos des prestations était inexacte.

[17] La Commission affirme que l’appelante a présenté 3 déclarations bimensuelles pour les semaines du 11 août au 21 septembre 2019. Dans ces déclarations, on posait la question suivante à l’appelante : [traduction] « Étiez-vous à l’étranger entre le lundi et le vendredi pendant la période visée par cette déclaration? » L’appelante a répondu non dans les 3 déclarations.

[18] En mai 2022, la Commission a demandé à l’appelante si elle se trouvait à l’étranger pendant cette périodeNote de bas de page 6. L’appelante a confirmé que ouiNote de bas de page 7.

[19] En octobre 2023, la Commission a décidé que l’appelante ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle était à l’étranger en raison de son absence du pays et du fait qu’elle n’était pas disponible pour travailler pendant cette périodeNote de bas de page 8. La Commission a aussi décidé de lui infliger une pénalité non pécuniaire parce qu’elle avait fait de fausses déclarations lorsqu’elle avait omis de dire qu’elle était à l’étrangerNote de bas de page 9.

[20] Je pense qu’il était raisonnable pour la Commission d’estimer que l’appelante lui avait donné des renseignements inexacts sur sa présence au Canada dans ses déclarations. La Commission avait donc le pouvoir de retourner plus de 3 ans en arrière pour réexaminer ses prestations. Je ne crois pas que la Commission ait outrepassé son pouvoir lorsqu’elle a étendu sa période de réexamen pour se pencher sur les prestations de l’appelante d’août et de septembre 2019.

La Commission a-t-elle agi équitablement en infligeant une pénalité?

[21] Pour infliger une pénalité, la Commission doit démontrer qu’une personne a fourni consciemment un renseignement faux ou trompeurNote de bas de page 10.

[22] Il ne suffit pas d’affirmer que le renseignement était faux ou trompeur. La Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la personne a fourni ce renseignement, alors qu’elle savait qu’il était faux ou trompeurNote de bas de page 11.

[23] La Commission affirme que l’appelante a consciemment fait de fausses déclarations dans sa demande lorsqu’elle a omis de mentionner qu’elle était à l’étranger du 21 août au 12 septembre 2019.

[24] La Commission soutient que l’appelante savait qu’elle était à l’étranger lorsqu’elle a rempli ses déclarations, mais qu’elle a répondu « non » aux questions qui lui demandaient si elle était à l’étranger pendant une période visée. Ces déclarations ont induit la Commission en erreur. La Commission a donc versé à l’appelante des prestations auxquelles elle n’avait pas vraiment droit.

[25] L’appelante a convenu qu’elle a fourni des renseignements inexacts dans ses déclarations. Elle explique que Service Canada l’avait informée qu’elle serait admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant son séjour à l’étranger. Mais quand elle a tenté de remplir ses déclarations à l’étranger, le système ne lui permettait pas de les soumettre si elle répondait qu’elle n’était pas au Canada.

[26] L’appelante a 2 enfants. Un d’eux a un handicap. Elle devait avoir ses prestations d’assurance-emploi pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle ne pouvait pas risquer de perdre ses prestations en omettant de soumettre ses déclarations. Elle a donc répondu qu’elle n’était pas à l’étranger pour pouvoir envoyer ses déclarations.

[27] Je conviens que l’appelante avait de bonnes raisons de remplir ses déclarations incorrectement. Je comprends qu’elle ne voulait pas risquer de perdre ses prestations ou même de les voir retardées en raison de son séjour à l’étranger. J’accepte sa situation et j’ai examiné ses réponses dans ce contexte.

[28] Cependant, la question dans les déclarations était très claire. L’appelante devait dire si elle se trouvait à l’étranger un jour ou l’autre pendant la période visée. La question était évidente. Il est impossible, de n’importe quel moyen raisonnable, que l’appelante n’ait pas pu comprendre la question et la façon dont elle s’appliquait à sa situation.

[29] L’appelante savait qu’elle se trouvait à l’étranger lorsqu’elle a répondu à cette question. Elle a malgré tout répondu « non », ce qui voulait dire qu’elle n’était pas à l’étranger un jour ou l’autre pendant la période visée. Il s’agissait d’une fausse déclaration faite consciemment.

[30] Comme la Commission a démontré que l’appelante a consciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse, elle pouvait lui infliger une pénalité.

[31] Le montant de la pénalité est à la discrétion de la Commission, mais sa décision doit être équitable. Dans la présente affaire, la Commission a décidé que la pénalité serait non pécuniaire. Elle a ainsi donné un avertissement à l’appelante (un avertissement est une « pénalité non pécuniaire », ce qui signifie que la personne n’a pas à payer une somme d’argent en lien avec la pénalité).

[32] L’avertissement est la pénalité minimale que la Commission pouvait infliger. Par conséquent, je ne vais pas examiner davantage si elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable lorsqu’elle a pris sa décision quant à cette pénalité.

L’appelante était-elle disponible pour travailler?

[33] Oui. J’estime que l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler pendant la période visée.

[34] Pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, une personne doit prouver qu’elle était disponible pour travaillerNote de bas de page 12. La disponibilité est une exigence continue. Autrement dit, la personne doit être à la recherche d’un emploi.

[35] La jurisprudence établit 3 éléments que la personne doit prouver pour montrer qu’elle était « disponible » en ce sensNote de bas de page 13. L’appelante doit prouver les 3 choses suivantesNote de bas de page 14 :

  1. Elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. Elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire trop) ses chances de retourner travailler.

[36] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas de page 15.

Vouloir retourner travailler

[37] L’appelante a démontré qu’elle voulait retourner travailler du 21 août au 12 septembre 2019.

[38] Elle affirme qu’elle cherchait activement du travail pendant qu’elle était à l’étranger. Elle s’est rendue en Égypte pour participer à une entrevue d’emploi intensive. Cette entrevue comprenait de nombreuses étapes réparties sur 3 semaines. Elle cherchait du travail en Égypte. Elle a la double citoyenneté et était prête à retourner vivre en Égypte si elle trouvait du travail là-bas.

[39] L’appelante a tout de même continué à chercher du travail au Canada. Elle aurait pu revenir au Canada immédiatement si elle avait reçu une offre. Elle a dit à la Commission et au Tribunal que sa priorité était de trouver du travail.

[40] L’attitude et la conduite de l’appelante montrent qu’elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[41] L’appelante a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[42] Elle affirme qu’elle faisait du réseautage, cherchait des emplois en ligne et postulait à des emplois pendant qu’elle était à l’étranger. Elle pouvait aussi être contactée par des employeurs pendant son séjour à l’étranger.

[43] De plus, l’appelante cherchait du travail sur place en Égypte. Elle a communiqué avec ses connaissances là-bas et a postulé à plusieurs emplois en personne. Elle a également participé à une entrevue d’emploi prometteuse.

[44] Je crois que l’appelante cherchait du travail. Elle a fait des démarches raisonnables pour trouver un emploi convenable. Ses actions correspondent au deuxième élément qu’elle devait prouver.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[45] L’appelante n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[46] Selon la Commission, son séjour à l’étranger a trop limité ses chances de retourner travailler.

[47] L’appelante n’est pas d’accord. Elle cherchait activement du travail : elle a fait des recherches en ligne, elle a postulé à des emplois et a participé à une entrevue.

[48] Elle avait aussi pris des mesures pour que tout employeur potentiel puisse la contacter pour lui faire une offre pendant qu’elle était en Égypte. Elle avait activé le service d’itinérance sur son téléphone cellulaire, elle avait constamment accès à ses courriels et elle était en contact avec sa famille au Canada pour savoir si elle recevait du courrier. Elle aurait pu revenir au Canada immédiatement si elle avait reçu une offre d’emploi.

[49] La preuve montre que l’appelante n’a pas limité sa recherche d’emploi et qu’elle ne se serait pas empêchée d’accepter un emploi en raison de son séjour à l’étranger. Elle était joignable à l’étranger et disposée à revenir au Canada au besoin. De plus, elle cherchait du travail dans la région où elle s’était rendue, alors il ne s’agissait pas d’une restriction importante de sa disponibilité.

Alors, l’appelante était-elle disponible pour travailler?

[50] Selon mes conclusions sur les 3 éléments à examiner, je suis d’avis que l’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable du 21 août au 12 septembre 2019.

Pouvait-elle recevoir des prestations pendant qu’elle était à l’étranger?

[51] En règle générale, une personne n’est pas admissible aux prestations pendant qu’elle est à l’étrangerNote de bas de page 16. Il y a des exceptions à cette règle, comme lorsqu’une personne est à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuseNote de bas de page 17.

[52] Les faits de base ne sont pas contestés. L’appelante est partie à l’étranger le 21 août 2019 et est revenue au Canada le 12 septembre 2019.

[53] Habituellement, les jours de déplacement ne sont pas inclus dans l’inadmissibilité aux prestationsNote de bas de page 18. L’appelante a quitté le Canada le 21 août 2019, alors son inadmissibilité a commencé le 22 août 2019. Elle est revenue au Canada le 12 septembre 2019, alors son inadmissibilité a pris fin le 11 septembre 2019.

[54] L’appelante a déclaré que les raisons de son voyage étaient une entrevue d’emploi et une recherche d’emploi en Égypte.

[55] Si une personne est à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse, elle peut recevoir des prestations d’assurance-emploi pour une période ne dépassant pas 14 joursNote de bas de page 19. De plus, si une personne participe à une véritable entrevue d’emploi, elle peut recevoir des prestations pour 7 jours supplémentairesNote de bas de page 20.

[56] Pour qu’on dise qu’une recherche d’emploi est sérieuse et qu’une entrevue est véritable, elles doivent être authentiques, être réalisées de bonne foi et ne pas avoir lieu seulement en ligne de sorte que la personne aurait pu les faire au Canada.

[57] À l’audience, la personne qui représentait l’appelante a fait un compte rendu détaillé de ses démarches de recherche d’emploi pendant qu’elle était à l’étranger. L’appelante a notamment communiqué avec ses connaissances là-bas et a postulé à des emplois.

[58] L’appelante a fourni une lettre d’un employeur en Égypte datée du 15 juillet 2019. Cette lettre l’invitait à participer à une entrevue d’emploi répartie sur plusieurs étapes entre le 22 août et le 11 septembre 2019Note de bas de page 21.

[59] J’admets que l’objectif du voyage était de faire une recherche d’emploi sérieuse et de participer à une véritable entrevue d’emploi. Je peux le confirmer par la preuve ainsi que le réseautage de l’appelante et les demandes d’emploi qu’elle a faites pendant qu’elle était en Égypte.

[60] Comme l’appelante a fait une recherche d’emploi sérieuse et qu’elle a participé à une véritable entrevue d’emploi, elle répond aux conditions pour avoir droit aux exceptions à l’inadmissibilité lors d’un séjour à l’étranger. Ensemble, ces exceptions lui permettent de recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant un maximum de 21 joursNote de bas de page 22.

[61] Par conséquent, l’appelante n’est pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 22 août au 11 septembre 2019.

Conclusion

[62] L’appel est accueilli en partie.

[63] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler pendant qu’elle était à l’étranger. De plus, elle a droit à des exceptions à l’inadmissibilité lors d’un séjour à l’étranger. Elle peut donc recevoir des prestations du 21 août au 12 septembre 2019. Sur ces questions, l’appel est accueilli.

[64] Pour ce qui est de savoir si la Commission avait le pouvoir de réexaminer ses prestations et si la pénalité était équitable, l’appel est rejeté.

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