Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : YG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 574

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : Y. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (575090) datée du 15 mars 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mylène Fortier
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 23 avril 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 17 mai 2024
Numéro de dossier : GE-24-332

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer les prestations d’assurance-emploi versées à l’appelant à partir du 22 mai 2022.

[3] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] L’appelant, Y. G., a quitté son emploi chez X le 22 mai 2022. Il a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi du 22 mai 2022 au 31 août 2022. Il a commencé un nouvel emploi comme gestionnaire de programmes de recherche le 1er septembre 2022, mais il a été congédié le 18 novembre 2022.

[5] Le 18 novembre 2022, l’appelant a présenté une demande de renouvellement de prestations. Il a reçu des prestations d’assurance-emploi du 20 novembre 2022 au 24 décembre 2022. Dans sa demande de renouvellement, l’appelant a déclaré avoir cessé de travailler chez X le 10 mai 2022.

[6] La Commission a envoyé un questionnaire à l’appelant concernant sa cessation d’emploi chez X. L’appelant a déclaré avoir quitté son poste parce qu’il voulait se trouver un emploi dans le domaine de la recherche et qu’il voulait se concentrer sur sa recherche d’emploiNote de bas de page 1.

[7] Le 17 janvier 2023, la Commission a décidé que l’appelant était exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification le 22 mai 2022. Elle a imposé une exclusion pour une période indéfinie à compter du 22 mai 2022. Cela a entraîné un trop-payé.

[8] L’appelant a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Il a soutenu qu’il était raisonnable de quitter son emploi en raison du long trajet pour se rendre au travail et de son manque de compétences en restaurationNote de bas de page 2.

[9] La division générale a décidé que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de l’appelant au titre de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[10] La division générale a décidé que la demande n’aurait pas dû être réexaminée et qu’elle n’avait donc pas à décider si l’appelant avait démontré qu’il était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait.

[11] La Commission a porté cette décision en appel à la division d’appel du Tribunal.

[12] La division d’appel a conclu que la division générale n’avait pas offert un processus équitable lorsqu’elle a décidé que la Commission n’aurait pas dû réexaminer la demande de prestations d’assurance-emploi de l’appelantNote de bas de page 4. La division générale n’a pas informé la Commission et l’appelant de la question concernant le nouvel examen d’une demande, prévu à l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi. Les parties n’ont donc pas eu l’occasion de présenter des éléments de preuve et des observations.

[13] La division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour réexamen, et le dossier m’a été assigné.

[14] Avant l’audience, les parties ont eu l’occasion de déposer des éléments de preuve et des observations sur la question du réexamen.

[15] La Commission et l’appelant ont fourni des documents supplémentaires.

[16] La Commission soutient qu’il était justifié de réexaminer la demande de façon rétroactive, puisque l’appelant ne lui a pas dit qu’il avait quitté son emploi chez X avant le 18 novembre 2022. Par conséquent, la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[17] Elle a réexaminé la demande parce qu’elle a appris que l’appelant avait volontairement quitté son emploi le 22 mai 2022. Cependant, aucune décision n’avait été prise quant au motif de la cessation d’emploi puisque l’appelant n’avait pas avisé la Commission qu’il avait démissionné.

[18] La Commission affirme qu’il incombait à l’appelant de l’informer de sa cessation d’emploi. Elle pouvait raisonnablement conclure que l’appelant avait fait une déclaration fausse ou trompeuse dans sa déclaration du prestataire puisqu’il n’avait pas déclaré avoir quitté son emploi en mai 2022.

[19] La Commission soutient aussi que l’appelant n’a pas correctement déclaré sa rémunération, puisqu’il y a un écart entre sa déclaration et le relevé d’emploi.

[20] Elle affirme que même s’il peut s’agir d’une erreur de la part de l’appelant, il y a tout de même au moins une fausse déclaration, ce qui permet à la Commission de réexaminer la demande de façon rétroactive selon sa politique de réexamen.

[21] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme que le service de déclaration en ligne ne lui permettait pas d’informer la Commission qu’il avait cessé de travailler chez X à ce moment-là.

[22] Il affirme que la Commission aurait dû savoir que son emploi avait pris fin parce qu’il n’avait déclaré aucune rémunération après le 15 mai 2022. La Commission aurait dû l’interroger lorsqu’il a cessé de déclarer sa rémunération provenant de X.

[23] L’appelant soutient qu’il a répondu correctement à toutes les questions de la déclaration du prestataire et qu’il a agi de bonne foi. Il ne savait pas ce qu’il aurait pu faire d’autre pour déclarer sa cessation d’emploi que de ne pas déclarer de rémunération.

[24] Il affirme qu’il n’a pas fait une fausse déclaration de sa rémunération. Il dit qu’il l’a déclarée à sa connaissance et qu’il n’a pas pu en estimer la somme exacte puisqu’elle variait.

Questions en litige

[25] La Commission a-t-elle exercé son pouvoir de réexamen prévu à l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de l’appelant?

[26] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

Analyse

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir de réexamen prévu à l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de l’appelant?

Le pouvoir discrétionnaire de la Commission

[27] En général, l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi donne à la Commission le pouvoir de réexaminer une demande de prestations dans les 36 mois suivant le moment où les prestations ont été payées ou sont devenues payables. De plus, elle dispose d’un délai de 72 mois pour réexaminer une demande si, selon elle, une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à la demandeNote de bas de page 5.

[28] Dans la présente affaire, la Commission a réexaminé la demande de prestations dans un délai de 36 mois. Ce délai n’est pas en cause.

[29] C’est à la Commission de démontrer qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas de page 6.

[30] La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il n’est pas possible d’interférer avec les décisions discrétionnaires de la Commission à moins qu’il puisse être démontré que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon non judiciaire ou qu’elle a agi de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 7.

[31] Autrement dit, je peux annuler une décision discrétionnaire de la Commission si, par exemple, une partie appelante peut établir que la Commission :

  • a agi de mauvaise foi;
  • a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • a pris en compte un facteur non pertinent;
  • a ignoré un facteur pertinent;
  • a agi de manière discriminatoireNote de bas de page 8.

[32] Le pouvoir conféré à la Commission par l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi est discrétionnaire. La Commission peut réexaminer une demande de prestations et peut vérifier le droit d’une personne aux prestations qu’elle a déjà reçues, mais elle n’est pas tenue de le faire.

Lignes directrices de la Commission

[33] La Cour d’appel fédérale a reconnu qu’il est utile que la Commission ait des lignes directrices régissant l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Elle a répété à maintes reprises que la Commission avait raison d'établir des lignes directrices pour elle-même afin de garantir une certaine cohérence à l’échelle nationale et d'éviter les décisions arbitrairesNote de bas de page 9.

[34] Ces lignes directrices se trouvent dans le Guide de la détermination de l’admissibilité. Je remarque que je ne suis pas liée par ces lignes directrices, puisqu’elles n’ont pas force de loi. Néanmoins, je suis d’avis qu’il s’agit d’un outil important que la Commission peut utiliser pour rendre des décisions en matière d’assurance-emploi. J’estime donc que ces lignes directrices réduisent le risque d’une décision arbitraire et que la Commission doit expliquer sa décision si elle choisit de ne pas suivre ses propres lignes directrices.

[35] L’appelant fait valoir que la Commission aurait dû savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations ou qu’elle aurait dû communiquer avec lui pour évaluer son admissibilité. Il a agi de bonne foi.

[36] La Commission, quant à elle, indique que l’appelant ne l’a pas informée de sa cessation d’emploi avant le 18 novembre 2022. Il incombait à l’appelant de déclarer toute cessation d’emploi. Comme aucune décision n’avait été rendue sur le motif de la cessation d’emploi, la Commission affirme qu’elle avait raison de réexaminer la demande à la lumière de ces nouveaux renseignements.

Situations où il est possible de réexaminer une demande

[37] Je fais de nouveau référence au Guide de la détermination de l’admissibilité, dans lequel la politique de réexamen prévoit qu’il est possible de réexaminer une demande de prestations dans les situations suivantes :

  • il y a un moins-payé de prestations;
  • des prestations ont été versées contrairement à la structure de la loi;
  • des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • la partie prestataire aurait dû savoir qu’elle recevait des prestations auxquelles elle n’avait pas droitNote de bas de page 10.

[38] Par conséquent, j’estime que la Commission a décidé d’examiner le dossier de l’appelant et que, ce faisant, elle a jugé que les renseignements présentés justifiaient un réexamen et que le délai était respecté. Elle a donc rendu une décision conformément à ses propres lignes directrices, a calculé le montant du trop-payé à rembourser et a avisé l’appelant de sa décision.

[39] Je vais donc examiner les quatre facteurs que la Commission a pris en considération.

Moins-payé

[40] Selon la première situation, il y a un trop-payé de 11 910 $.

[41] La politique de la Commission ne prévoit aucun trop-payé si celle-ci a versé des prestations incorrectement.

Structure de la loi

[42] En ce qui concerne la structure de la loi, la section 17.3.3.2 du Guide de la détermination de l’admissibilité indique clairement que le motif de cessation d’emploi ne correspond pas à la définition de la structure de la loiNote de bas de page 11. La déclaration de la rémunération ne correspond pas non plus à la définition.

[43] Toutefois, la Commission peut réexaminer un élément qui ne correspond pas à la définition de la structure de la loi, pourvu qu’il fasse partie de l’une des autres situations prévues dans la politique. Je conclus que c’est le cas dans la présente affaire.

Déclarations fausses ou trompeuses

[44] La troisième situation où la Commission peut réexaminer une décision antérieure concerne le versement de prestations à la suite de déclarations fausses ou trompeuses.

[45] La Commission peut réexaminer une demande de prestations dans les 36 mois suivant le versement des prestations. Si, à son avis, une fausse déclaration a été faite, le délai peut être prolongé à 72 moisNote de bas de page 12.

[46] Je reconnais que le fardeau de la Commission n’est pas aussi strict lorsqu’il s’agit de décider si une déclaration fausse ou trompeuse a été faite que celui d’imposer une pénalité. Par exemple, elle n’a pas à démontrer que la fausse déclaration a été faite sciemmentNote de bas de page 13.

[47] Je suis d’avis que ce raisonnement est valable pour un réexamen dans un délai de 36 mois et de 72 mois. Cependant, l’opinion de la Commission ne suffit pas à elle seule à conclure que des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse.

[48] La Commission affirme que l’appelant a fait une fausse déclaration en ne déclarant pas sa rémunération correctement. Il a déclaré une rémunération de 1 582 $, et le relevé d’emploi indique que sa rémunération était de 1 737,56 $. La Commission affirme que c’est ce qui justifie l’examen de la demande.

[49] La Commission fait aussi valoir que l’appelant a fait une déclaration fausse ou trompeuse en ne déclarant pas sa cessation d’emploi.

[50] L’appelant affirme avoir déclaré sa rémunération à sa connaissance, étant donné qu’il ne connaissait pas la somme exacte qu’il recevrait de son employeur puisqu’elle variait. Il n’a pas pu déclarer sa cessation d’emploi parce que le service de déclaration ne lui a jamais demandé de le faire.

[51] Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, les déclarations de l’appelant n’étaient pas fausses ou trompeuses. Les variations ou les petits écarts entre la rémunération déclarée et la rémunération reçue ne peuvent être considérés comme faux ou trompeurs.

[52] Le fait de ne pas déclarer de rémunération à compter du 15 mai 2022 n’est pas non plus une déclaration fausse ou trompeuse. L’appelant ne gagnait pas d’argent et c’est exactement ce qu’il a déclaré.

[53] Lorsque j’examine les déclarations que l’appelant a déposées entre le 1er et le 22 mai 2022, je constate que la question concernant le fait de ne plus travailler pour un employeur n’a été posée que pour la semaine du 8 au 14 mai 2022Note de bas de page 14. L’appelant a déposé ce rapport le 17 mai 2022.

[54] À ce moment-là, l’appelant travaillait toujours pour X, mais il était en isolement en raison de la COVID-19 depuis le 10 mai 2022. Il n’a donc pas fait de déclarations fausses ou trompeuses.

L’appelant aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit

[55] La dernière situation prévue dans le Guide de la détermination de l’admissibilité est celle où la partie prestataire aurait dû savoir qu’elle recevait des prestations auxquelles elle n’avait pas droit.

[56] La Commission soutient que l’appelant aurait dû savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi. Il était responsable de déclarer toute cessation d’emploi, comme l’énoncent les droits et responsabilités de la partie prestataire.

[57] L’appelant affirme que puisqu’il n’y avait aucune question sur la cessation d’emploi, il ne savait pas qu’il devait en informer la Commission. Il croyait vraiment que la Commission aurait su que son emploi avait pris fin parce qu’il avait cessé de déclarer une rémunération provenant de son emploi.

[58] Je ne suis pas d’accord avec l’appelant. Le Tribunal comprend qu’il ne savait pas qu’il devait communiquer avec la Commission pour l’informer de son départ. Cependant, il incombe à l’appelant de s’informer à propos du système et de connaître ses droits et ses responsabilités lorsqu’il présente une demande de prestations.

[59] La demande standard de prestations d’assurance-emploi contient une liste de droits et responsabilitésNote de bas de page 15. L’un d’entre eux consiste à aviser la Commission de toute cessation d’emploi et du motif de cette cessation. L’appelant a accepté ses droits et responsabilités lorsqu’il a présenté sa demande de prestations.

[60] Je considère que la Commission a exercé son pouvoir de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande de l’appelant. Des prestations ont été versées parce que l’appelant n’a pas déclaré sa cessation d’emploi.

[61] J’estime que l’appelant aurait dû savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations parce qu’il a quitté son emploi.

[62] Cependant, je ne suis pas d’accord avec la Commission pour dire que l’écart de rémunération est une fausse déclaration qui justifiait le réexamen de la demande. L’appelant a déclaré sa rémunération à sa connaissance.

[63] De plus, la Commission n’a pas d’abord réexaminé sa décision en fonction de ces incohérences, mais plutôt en fonction de la raison du congédiement. C’est ce qui a justifié le réexamen de la Commission.

[64] Maintenant que j’ai jugé que la Commission a agi de façon judiciaire en réexaminant la demande de l’appelant, je vais analyser la deuxième question, qui concerne le départ volontaire.

L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[65] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Départ volontaire

[66] J’accepte le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant reconnaît qu’il a quitté son emploi le 22 mai 2022Note de bas de page 16. Le relevé d’emploi indique la même dateNote de bas de page 17.

[67] Cependant, l’appelant affirme aussi qu’il n’avait pas vraiment le choix de quitter son emploi parce que le trajet pour se rendre au travail était très long et qu’il ne pouvait pas concentrer ses efforts sur la recherche d’un emploi plus convenableNote de bas de page 18.

[68] Je reconnais que l’appelant estime qu’il n’avait pas vraiment le choix de quitter son emploi quand il l’a fait. Cependant, je cherche seulement à savoir s’il avait le choix de rester ou de partir lorsqu’il a quitté son emploi. Selon moi, la preuve montre qu’il avait ce choix. Il a pris la décision personnelle de quitter son emploi. Il n’y a pas non plus de preuve qui montre que son employeur l’a forcé à démissionner.

[69] Je conclus donc que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Il avait le choix de rester ou de partir à ce moment-là.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi

[70] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 19. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[71] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 20.

[72] L’appelant est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas de page 21.

[73] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand l’appelant a quitté son emploi. La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 22. Même si je décide que l’une ou l’autre des circonstances s’applique à l’appelant, il doit quand même démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 23.

[74] L’employeur de l’appelant a déclaré à la Commission que l’appelant avait démissionné pour occuper un autre emploiNote de bas de page 24.

[75] L’appelant a donné plusieurs raisons pour avoir quitté son emploi :

  • L’emploi ne lui convenait pas. Il a essayé, mais il s’est rendu compte que ce n’était pas pour lui. C’était un environnement qui évoluait rapidement et il avait de la difficulté à mémoriser tous les différents menus.
  • L’emploi était à temps partiel. Il travaillait seulement de trois à cinq heures par jour et gagnait un faible salaire de 14 $ de l’heure, ce qui était loin de ce qu’il gagnait dans son poste de recherche précédent.
  • Il habitait à 26, 3 km de son emploi, ce qui occasionnait des problèmes de transport. Il n’avait pas les moyens d’utiliser une voiture pour se rendre au travail et n’avait personne avec qui faire du covoiturage.
  • Les trajets dans les transports en commun lui prenaient environ trois heures par jour.
  • Il voulait trouver un emploi dans le domaine de la recherche et ne pouvait pas se concentrer sur sa recherche d’emploi correctement en demeurant chez X.

[76] Je juge que l’appelant a quitté son emploi précisément au moment où il l’a fait parce qu’il voulait se concentrer sur sa recherche d’emploi. C’est la raison qu’il a écrite dans sa demande de prestations et dans le questionnaire sur le départ volontaireNote de bas de page 25. C’est aussi la raison qu’il a donnée à la CommissionNote de bas de page 26.

[77] Dans son avis d’appel au Tribunal, l’appelant a toutefois ajouté d’autres raisons pour avoir quitté son emploi.

[78] Je reconnais que l’appelant affirme avoir quitté son emploi pour diverses raisons. Cependant, j’estime que la preuve montre qu’il a surtout quitté son emploi pour avoir le temps de se concentrer sur sa recherche d’emploi. Les autres raisons qu’il a mentionnées sont des désagréments ou différents aspects de son travail qu’il n’aimait pas.

[79] Le long trajet, les quarts de travail à temps partiel et le faible salaire étaient peut-être des circonstances présentes au moment où l’appelant a décidé de quitter son emploi. Cependant, je suis aussi d’avis que ces circonstances existaient déjà lorsqu’il a décidé d’accepter cet emploi.

[80] Il a accepté le poste en sachant qu’il n’avait pas d’expérience antérieure en restauration. Il pouvait raisonnablement s’attendre à une période d’adaptation pour apprendre les différentes tâches.

[81] Selon la Cour d’appel fédérale, une personne qui accepte un emploi tout en sachant que ce poste est assorti de certaines conditions ne peut plus se fier à l’existence de ces conditions pour justifier son départNote de bas de page 27.

L’appelant avait d’autres solutions raisonnables

[82] Je dois maintenant examiner si le départ de l’appelant était la seule solution raisonnable à ce moment-là.

[83] L’appelant affirme qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi parce qu’il n’aurait pas pu se concentrer sur sa recherche d’emploi s’il avait conservé son emploi. Le 28 mai 2022, il a reçu une offre d’emploi pour un poste qu’il pouvait occuper dès le 1er septembre 2022. Il devait se préparer adéquatement pour cet emploi. Il a expliqué qu’entre mai et septembre, il a assisté à des séances de préparation non rémunérées par son futur employeur. Il n’aurait pas pu travailler chez X en même temps.

[84] La Commission n’est pas d’accord et affirme que l’appelant aurait pu rester en contact avec son employeur et continuer à travailler jusqu’à ce qu’il commence son nouvel emploi en septembre.

[85] Je conclus que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi quand il l’a fait. Il a décidé de partir sans parler à son employeur ni lui demander un congé pour trouver un autre emploi dans le domaine de la recherche.

[86] Je suis d’avis que les autres solutions proposées par la Commission sont raisonnables. L’appelant aurait pu continuer à travailler chez X jusqu’à ce qu’il commence son nouvel emploi. Sinon, il aurait pu trouver un autre emploi, plus près de chez lui, avant de démissionner.

[87] Je comprends que pour l’appelant, il lui semblait raisonnable de quitter son emploi compte tenu des raisons qu’il a mentionnées. Le fait de vouloir travailler dans son domaine d’expertise est tout à fait louable et compréhensible.

[88] Cependant, la question n’est pas de savoir s’il était raisonnable pour l’appelant de quitter son emploi, mais si la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, était de quitter son emploiNote de bas de page 28.

[89] La loi a pour objet d’indemniser les personnes dont l’emploi a pris fin involontairement et qui sont sans travail. Ce n’est pas le cas dans la présente affaire.

[90] L’emploi de l’appelant n’a pas pris fin involontairement. En quittant son emploi pour se concentrer sur sa recherche d’emploi, l’appelant s’est mis dans une situation de chômage. Il n’a pas démontré qu’il a fait tout ce qui était possible pour éviter de se retrouver au chômage.

[91] Selon la Cour d’appel fédérale, s’il est légitime pour une partie prestataire de vouloir améliorer sa situation en changeant d’employeur ou la nature de son travail, ce n’est pas la responsabilité des contribuables d’assumer ce coût au moyen des prestations d’assurance-emploi. Il ne s’agit pas d’une justification au sens de la loi.

[92] Compte tenu des circonstances qui existaient quand l’appelant a quitté son emploi, l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi, pour les raisons mentionnées précédemment.

[93] Par conséquent, l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi.

[94] Je suis sensible à la situation personnelle de l’appelant, mais je ne peux pas contourner, réécrire ou ignorer la Loi sur l’assurance-emploi ou le Règlement sur l’assurance-emploi, même par compassion. Le Tribunal est lié par la loiNote de bas de page 29.

Conclusion

[95] Je conclus que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer les prestations d’assurance-emploi versées à l’appelant à partir du 22 mai 2022.

[96] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations.

[97] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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