Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 620

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. M.
Représentante : Tisha Alam
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (0) datée du 9 février 2024 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 30 avril 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 29 mai 2024
Numéro de dossier : GE-24-644

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante a quitté volontairement son emploi le 29 mars 2021Note de bas de page 1. Elle a prouvé qu’elle était fondée à le faire. Par conséquent, elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La partie intimée (Commission) doit annuler l’exclusion qu’elle a imposée à la demande de l’appelante et supprimer le trop-payé créé par cette exclusion.

Aperçu

[4] L’appelante travaillait comme couturière chez X (l’employeur).

[5] Elle y a travaillé jusqu’au 16 mars 2020, date à laquelle l’usine de l’employeur a fermé ses portes temporairement en raison de la pandémie de COVID-19. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi le 19 mars 2020 ; elle a reçu des prestations de la PAEUNote de bas de page 2. À la fin de ce programme, sa demande est passée aux prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 27 septembre 2020.

[6] Par la suite, l’employeur a produit un nouveau relevé d’emploi indiquant que l’appelante avait démissionné après son dernier jour de paie, soit le 16 mars 2020.

[7] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle a quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 3. Le départ volontaire comprend le refus de reprendre son emploi lorsque la personne est rappelée au travailNote de bas de page 4. La Commission a donc enquêté sur les raisons pour lesquelles l’appelante a cessé de travailler.

[8] L’appelante a dit que l’employeur lui a téléphoné pour lui parler d’un retour au travail, mais qu’elle n’a pas pu se présenter au travail en raison de problèmes de garde d’enfants. Vu que l’école de ses enfants était fermée en raison de la pandémie, ils devaient suivre leurs cours en ligne de la maison. L’appelante soutient que ses enfants ne pouvaient pas rester seuls à la maison.

[9] La Commission a décidé que l’appelante avait quitté volontairement son emploi sans justification et a imposé une exclusion rétroactive sur sa demande à compter du 31 janvier 2021. Cela a entraîné un trop-payé de prestations d’assurance-emploi sur sa demande, qu’elle devait rembourserNote de bas de page 5.

[10] L’appelante a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais celle-ci a maintenu l’exclusion sur sa demande. L’appelante a ensuite fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[11] La division générale a décidé que son appel ne pouvait pas aller de l’avant parce qu’il avait été déposé en retard. L’appelante a porté cette décision en appel à la division d’appel du Tribunal. Celle-ci a décidé que la division générale avait commis des erreurs lorsqu’elle a décidé que l’appel de l’appelante était en retard. Elle a renvoyé l’appel à un autre membre de la division générale pour qu’il réexamine la question de l’appel tardif et tranche la question du départ volontaire s’il est convaincu que l’appel doit aller de l’avant.

[12] L’appel m’a été assigné. J’ai décidé que l’appel de l’appelante n’était pas en retard, et donc que son appel irait de l’avantNote de bas de page 6. L’audience sur la question du départ volontaire a eu lieu par vidéoconférence le 30 avril 2024.

[13] Je dois décider si l’appelante a quitté volontairement son emploi lorsqu’elle a été rappelée et qu’elle ne s’est pas présentée au travail. Ensuite, je dois décider si elle était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.

[14] L’appelante affirme qu’elle était censée reprendre son emploi le 29 mars 2021. Il s’agit donc de la date à partir de laquelle l’exclusion commencerait si elle était effectivement exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification. L’appelante soutient qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de refuser de se présenter au travail lorsqu’elle a été rappelée, alors elle ne devrait pas être exclue du tout.

[15] La Commission affirme que l’appelante a quitté volontairement son emploi parce qu’elle ne s’est pas présentée au travail lorsqu’elle a été rappelée. Elle soutient que l’appelante avait d’autres solutions raisonnables qu’elle n’a pas considérées. Cela signifie qu’elle n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter ; elle n’est donc pas admissible aux prestations à compter du 31 janvier 2021.

[16] Je suis d’accord avec l’appelante. Voici les motifs de ma décision.

Questions en litige

[17] L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi chez X? Si c’est le cas, à quel moment l’a-t-elle fait?

[18] L’appelante était-elle fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait?

Analyse

Question en litige no 1 : L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi? Si c’est le cas, à quel moment l’a-t-elle fait?

Réponse courte :

[19] L’appelante a quitté volontairement son emploi le 29 mars 2021 : c’est à ce moment-là qu’elle a été rappelée au travail et ne s’est pas présentée.

La loi :

[20] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 7. De plus, comme je l’ai mentionné plus haut, démissionner n’est pas la seule façon de quitter volontairement son emploi.

[21] La loiNote de bas de page 8 prévoit que les situations suivantes sont également assimilées à un départ volontaire :

  1. (i) le refus d’accepter une offre d’emploi comme solution à une perte d’emploi anticipée, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin ;
  2. (ii) le refus de reprendre un emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où l’emploi est censé reprendre ;
  3. (iii) le refus de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert.

La preuve :

[22] L’appelante a témoigné à l’audience avec l’aide d’un interprète fourni par le Tribunal.

[23] L’appelante a déclaré ce qui suit :

  • Elle a commencé à travailler chez X en octobre 2019. Elle faisait de la [traduction] « couture » à temps plein. Ses quarts de travail étaient du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h 30.
  • Elle a deux enfants. Ses enfants avaient 4 ans et 9 ans lorsqu’elle a commencé à travailler chez X.
  • Ses enfants étaient à la maternelle et en quatrième année, respectivement, et leur école était située à moins de 1, 5 km de l’usine où elle travaillait.
  • Ils étaient à l'école de 8 h 40 à 15 h 20, du lundi au vendredi.
  • Elle avait l’habitude de reconduire ses enfants chez ses voisins avant de se rendre au travail. Ces voisins avaient des enfants qui allaient à la même école. Ils emmenaient les enfants à l'école et les ramassaient à la fin de la journée. Ses enfants restaient ensuite chez les voisins jusqu’à ce qu’elle les ramasse en revenant du travail.
  • Lorsque la pandémie de COVID-19 a commencé en mars 2020, l’usine X a fermé ses portes temporairement. L’employeur a dit aux employés qu’il les rappellerait dès qu’il pouvait rouvrir l’usine. Il a ajouté qu’entretemps tout le monde devrait demander des prestations d’assurance-emploi.
  • En même temps, les écoles fermaient leurs portes et passaient à l’apprentissage en ligne. C'était difficile pour les enfants, et c'était difficile de gérer leur apprentissage en ligne. Elle devait être là pour les aider à ouvrir une session et pour aider le plus jeune des deux à réaliser divers exercices.
  • La prochaine fois qu’elle a reçu des nouvelles de l’employeur, c’était un an plus tard, aux alentours du 15 mars 2021Note de bas de page 9, lorsque l’employeur lui a téléphoné pour lui demander si elle était prête à retourner au travail.
  • Elle n’a pas reçu d’avis écrit de rappel au travail ni de date de retour au travail. On lui a seulement demandé si elle était prête à revenir.
  • Elle a répondu « oui », mais a dit à l’employeur que ses enfants suivaient toujours leurs cours en ligne et qu’ils étaient trop jeunes pour rester seuls à la maison. Elle a dit qu’elle aurait besoin du temps pour organiser la garde des enfants avant de pouvoir retourner au travail.
  • L’employeur lui a dit que X (la compagnie) avait maintenant trois quarts de travail : de 7 h à 15 h 30, de 9 h à 17 h 30 et de 11 h à 20 h – du lundi au vendredi.
  • Auparavant, il y avait seulement un quart de travail, de 8 h à 16 h 30, du lundi au vendredi.
  • Elle a demandé à l’employeur si elle pouvait être affectée au quart de travail de 7 h à 15 h 30. Son mari travaillait dans un restaurant de 9 h à 18 h, alors il pourrait reconduire les enfants à l’école avant de se rendre au travail et elle pourrait les ramasser en après-midi parce qu’elle travaillait [traduction] « à moins de 5 minutes » de l’école.
  • Cependant, l’employeur a dit que le quart de travail de 7 h à 15 h 30 [traduction] « était complet ».
  • L’employeur lui a dit qu’elle devrait organiser la garde de ses enfants. L’employeur a également dit qu’il l’informerait si éventuellement il y avait une possibilité pour elle de travailler de 7 h à 15 h 30.
  • Elle n’a pas pu organiser la garde de ses enfantsNote de bas de page 10.
  • En septembre 2021, les écoles ont rouvert leurs portes : l’apprentissage en personne étant rétabli, ses enfants pouvaient retournés à l’école. Elle était très heureuse et espérait être bientôt rappelée au travail.
  • Le 15 octobre 2021, l’employeur lui a envoyé une lettre par courrier recommandéNote de bas de page 11. La lettre précisait que les employés devaient être vaccinés pour travailler et qu’ils avaient jusqu’au 18 octobre 2021 pour soumettre leur « déclaration de vaccination » à leur superviseur ou aux RHNote de bas de page 12.
  • L’appelant a reçu la lettre le 20 octobre 2021 et a signé la déclaration de vaccination le même jourNote de bas de page 13. L’ami de son mari l’a envoyé par courriel à l’employeur pour elle.
  • D’après ce qu’elle a compris, elle avait fourni une preuve de vaccination comme l’employeur l’avait demandé ; elle attendait un appel téléphonique au sujet de sa réintégration.
  • Il n’y a pas eu d’appel téléphonique.
  • Le 10 novembre 2021, l’employeur lui a envoyé une deuxième lettre, cette fois-ci par la poste standardNote de bas de page 14. La lettre précisait qu’elle avait cinq jours ouvrables pour fournir à l’employeur une mise à jour sur son statut de retour au travail, sinon elle serait congédiéeNote de bas de page 15.
  • Par le temps qu’elle reçoive la lettre, le délai de réponse s’était écoulé, alors elle a présumé qu’elle avait été congédiée.
  • Il y a un syndicat chez X, mais on ne lui a jamais parlé. Elle ne savait pas qu’elle avait des droits en tant qu’employée syndiquée en vertu de sa convention collective.
  • Elle a fait sa 12e année au Sri Lanka.
  • Elle a commencé à chercher un autre emploi et, en janvier 2022, a commencé un nouvel emploi dans un restaurant.

[24] J’accepte le témoignage de l’appelante comme crédible dans son ensemble.

[25] Elle a affirmé qu’elle dirait la vérité lors de son témoignage ; elle a été franche et directe lorsqu’elle a répondu à mes questions. Grâce à un l’interrogatoire principal effectué par son représentant juridique et à une prise de décision active au cours de son témoignage, l’appelante a été en mesure de fournir des détails importants sur la façon dont l’employeur communiquait avec elle au sujet de son retour au travail. Ses commentaires étaient cohérents et étaient appuyés par les documents supplémentaires de cette période qu’elle a déposés avant l’audienceNote de bas de page 16.

[26] Je ne saurais trop insister sur l’importance du service de traduction fourni par l’interprète lors de l’audience. Cela a permis à l’appelante de demander des éclaircissements sur les questions et de fournir des réponses pertinentes. Comme l’appelante l’a expliqué (lorsque je lui ai demandé pourquoi elle n’avait pas dit à la Commission que ce n’était qu’en mars 2021 que l’employeur a évoqué un retour au travail), elle ne comprend pas ou ne communique pas très bien en anglais et elle est facilement mêlée si personne ne traduit pour elle (comme ce fut le cas lorsqu’elle parlait à la Commission).

Mes conclusions :

[27] La preuve montre que l’appelante ne s’est pas présentée au travail après avoir été rappelée.

[28] L’appelante a été mise à pied le 16 mars 2020. L’employeur lui a téléphoné un an plus tard, le ou vers le 15 mars 2021, pour lui demander de retourner au travail. Elle a dit qu’elle devait organiser la garde de ses enfants avant de pouvoir retourner au travail. Elle a essayé de le faire, mais elle n’a pas réussi. Elle n’a jamais communiqué de date de retour au travail à l’employeur et ne s’est pas présentée au travail. De ce point de vue, elle a refusé de reprendre son emploi après avoir été rappelée.

[29] Je reconnais que l’employeur a dit qu’il communiquerait avec l’appelante si une place se libérait au sein du quart de travail de 7 h à 15 h 30. Cependant, cela ne change rien au fait que lorsque l’appelante a été rappelée aux alentours du 15 mars 2021, il y avait deux autres quarts de travail disponibles (de 9 h à 17 h 30 et de 11 h à 20 h) et qu’elle ne s’est pas présentée au travail.

[30] Par conséquent, je conclus que l’appelante a quitté volontairement son emploi chez X en refusant de reprendre son emploi lorsqu’elle a été rappelée au travail après avoir été mise à pied.

[31] Je conclus également que son départ volontaire a eu lieu le 29 mars 2021 parce que c’est à ce moment-là qu’on aurait raisonnablement pu s’attendre à ce qu’elle se présente au travail.

[32] Dans la lettre de licenciement du 10 novembre 2021, l’employeur indique que l’appelante était absente depuis le 23 mars 2023 [sic]Note de bas de page 17.

[33] Cependant, je n’accepte pas qu’elle devait reprendre son emploi le 23 mars 2023.

[34] La convention collective prévoit que les employés ont cinq jours ouvrables pour se présenter au travail après avoir été avisés de leur rappel par courrier recommandé ou par télégrammeNote de bas de page 18. Je suis d’accord avec le représentant juridique de l’appelante pour dire qu’il n’y a aucune preuve que l’employeur a avisé l’appelante de son rappel d’une de ces façonsNote de bas de page 19. Il n’y a eu qu’un appel téléphonique aux alentours du 15 mars 2021. De plus, rien n’indique que l’appelante a reçu une date précise de retour au travail ou une date limite pour se présenter au travail. Si une telle date existait, il est raisonnable de s’attendre à ce que l’employeur la communique par écrit.

[35] J’estime qu’il est beaucoup plus probable que lorsque l’employeur a téléphoné à l’appelante le 15 mars 2023 [sic] pour lui parler de son retour au travail, elle disposait de quelques semaines pour se préparer.

[36] La convention collective prévoit que les employés peuvent demander à l’employeur de réserver leur place au travail dès qu’ils y sont rappelésNote de bas de page 20. Il était bien connu que les écoles étaient fermées pendant la pandémie. L’appelante a dit à l’employeur que ses enfants étaient à la maison et suivaient des cours en ligne et qu’elle allait devoir organiser la garde avant de pouvoir retourner au travail. Dans ces circonstances, il est raisonnable de conclure que l’employeur aurait accepté de réserver la place de l’appelante au-delà du délai normal de cinq jours.

[37] Je suis donc d’accord avec le représentant juridique de l’appelante pour dire que l’appelante devait reprendre son emploi le 29 mars 2021, soit deux semaines après que l’employeur l’a rappelé.

[38] En résumé, je conclus que l’appelante a quitté volontairement son emploi le 29 mars 2021 parce que c’est à ce moment-là qu’elle était censée reprendre son emploi après avoir été rappelée et qu’elle ne s’est pas présentée au travail.

Question en litige no 2 : Est-ce que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi?

Réponse courte :

[39] Oui. L’appelante a prouvé que le fait de quitter volontairement son emploi le 29 mars 2021 pour s’occuper de ses enfants était la seule solution raisonnable dans son cas.

La loi :

[40] La loi explique ce qu’on entend par « justification ». Elle indique qu’une personne est fondée à quitter son emploi si quitter son emploi au moment où elle l’a fait était la seule solution raisonnable dans son cas.

[41] C’est à l’appelante de prouver qu’elle était fondée à le faireNote de bas de page 21. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule option raisonnable était de quitter son emploi lorsqu’elle ne s’est pas présentée au travail le 29 mars 2021 après son rappel.

[42] Pour décider si elle était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances présentes au moment où elle a quitté son emploiNote de bas de page 22.

[43] Selon la loi, une personne est fondée à quitter volontairement son emploi si elle devait « prendre soin d’un enfant » et que son départ était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 23.

[44] Il s’agit d’un critère en deux volets : il doit y avoir une obligation et aucune autre solution raisonnable. Ainsi, même si l’appelante devait s’occuper de ses enfants, elle doit quand même démontrer que son départ le 29 mars 2021 était la seule solution dans son cas.

[45] Autrement dit, elle ne peut pas simplement choisir de rester à la maison et de recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 24.

La preuve :

[46] L’appelante a déclaré ce qui suit :

  • Elle vit avec son mari, leurs 2 enfants, sa mère et sa belle-mère.
  • Sa mère a 74 ans et sa belle-mère a 89 ans.
  • Sa mère est incapable d’utiliser un ordinateur ; elle n’a donc pas pu aider les enfants avec les cours qu’ils suivaient en ligne.
  • Sa belle-mère a besoin d’un préposé aux services de soutien à la personne. Pendant la pandémie, sa mère devait souvent l’aider à s’occuper de sa belle-mère.
  • Ni sa mère, ni sa belle-mère n'était capable de s'occuper des enfants pendant que ceux-ci suivaient leurs cours en ligne de la maison.
  • Lorsque l’employeur lui a téléphoné aux alentours du 15 mars 2021 pour lui demander si elle pensait revenir travailler, elle a dit qu’elle devait d’abord organiser la garde des enfants.
  • Elle a parlé avec ses voisins qui par le passé avaient accepté qu’elle leur confie ses enfants avant la journée d’école, et qu’elle vienne les ramasser après la journée d’écoleNote de bas de page 25. Elle a demandé s’ils seraient disposés à recommencer cette entente, mais ils ont répondu : [traduction] « Non, à cause de la COVID-19 ».
  • Malgré ses compétences limitées en anglais, elle a communiqué avec d’autres parents dont les enfants faisaient partie de la classe de ses enfants. Elle leur a demandé s’ils pouvaient garder ses enfants chez eux avant ou après la journée d’école. Ils ont refusé, car ils craignaient aussi de contracter la COVID-19.
  • Elle a téléphoné à l’école pour demander si elle pouvait envoyer ses enfants à l’école. L’école a répondu que ses enfants étaient inscrits à l’apprentissage en ligne et que le type d’apprentissage ne pouvait pas être modifié. L’école a ajouté qu’il n’y avait personne à l’école pour superviser ses enfants pendant qu’ils suivaient leurs cours en ligne.
  • Elle touche le salaire minimum et n’avait pas les moyens d’embaucher une gardienne ou de placer ses enfants à la garderie.
  • Son mari est le principal pourvoyeur de la famille. Il travaille dans un restaurant à Newmarket. Ils habitent à Scarborough. Il part vers 8 h pour commencer son quart de travail à 9 h, et souvent il ne rentre pas à la maison avant 19 h 30. Le seul quart de travail au restaurant est de 9 h à la fermeture, donc son mari n’aurait pas pu modifier son horaire.
  • Elle a fait de son mieux, mais n’a trouvé personne qui aurait pu assumer la garde de ses enfants afin qu’elle puisse reprendre son travail.
  • Son seul choix était de rester à la maison et de s’occuper des enfants.
  • Elle n’a pas rappelé l’employeur parce qu’elle n’a pas pu organiser la garde de ses enfants et qu’elle était incapable de travailler sans cela.
  • Elle n’a pas fait le choix personnel de rester à la maison avec ses enfants. Elle était obligée de le faire parce qu’elle n’avait pas d’autres options. Elle était entièrement vaccinée et voulait travailler. Seules ses obligations en matière de garde d’enfants l’empêchaient de retourner au travail une fois rappelée.
  • En septembre 2021, ses enfants ont recommencé à se rendre à l’école en personne. Elle espérait que l’employeur lui téléphonerait pour lui dire que le quart de travail de 7 h à 15 h 30 avait une ouverture, parce que maintenant elle pouvait le prendreNote de bas de page 26.
  • Elle a plutôt été congédiée, même si elle était vaccinée et avait envoyé la preuve à l’employeur quand il l’a demandée.
  • Non seulement l’appelante souhaite travailler, elle a besoin de travailler. Après s’être rendu compte qu’elle avait été congédiée, elle a immédiatement commencé à travailler dans un restaurant.

[47] Pour les motifs énoncés aux paragraphes 25 et 26 ci-dessus, j’estime que le témoignage de l’appelante est crédible dans son ensemble.

[48] Grâce à des questions simples et directes posées par son représentant juridique, à la prise de décision active lors de son témoignage et à la présence d’un interprète à l’audience, l’appelante a pu fournir des détails importants sur les démarches qu’elle a faites pour organiser la garde de ses enfants après son rappel. Ses commentaires étaient sincères, ils étaient cohérents et ils concordaient avec ce qu’elle avait déjà dit à la CommissionNote de bas de page 27.

Mes conclusions :

[49] Je conclus que l’appelante a prouvé qu’elle avait l’obligation de s’occuper de ses enfants au lieu de se présenter au travail après son rappel. Ce n’était pas un choix personnel.

[50] Je suis convaincue que l’appelante devait être à la maison pour s’occuper de ses enfants. Les écoles fermées et les cours offerts en ligne pendant la pandémie ont posé de nombreux défis sans précédent, à savoir : se servir de nouvelles technologies, composer avec des problèmes de connexion Internet et maintenir l’attention et la productivité des enfants pendant les cours. Ces défis étaient particulièrement difficiles pour les parents et les pourvoyeurs de soins de jeunes élèves. Les enfants de l’appelante étaient très jeunes à ce moment-là (4 ans et 9 ans). On ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce que les autres personnes qui résidaient à la maison s’occupent de deux jeunes enfants pendant qu’ils suivaient leurs cours en ligne. De plus, aucun des soutiens dont elle bénéficiait avant la pandémie n’était disposé à l’aider (voisins et parents qui s’occupaient de ses enfants avant et après la journée d’école).

[51] La Commission affirme que l’appelante avait trois solutions raisonnables autres que celle de quitter volontairement son emploi. Selon la Commission, l’appelante aurait pu demander à l’employeur un congé ou un quart de travail en dehors des heures de cours de ses enfants. Elle ajoute qu’elle aurait pu demander à d’autres personnes à la maison de s’occuper des enfants.

[52] Je conclus que l’appelante a prouvé qu’elle a considéré les trois solutions raisonnables avant de refuser de reprendre son emploi.

[53] La preuve montre qu’au moment du rappel, l’employeur est passé d’un quart de travail à trois quarts de travail. Cependant, chacun des trois quarts de travail exigeait que l’appelante travaille une partie ou la totalité de la journée d’école. Il n’y avait donc pas de quart en dehors des heures de cours de ses enfants que l’appelante aurait pu demander.

[54] La preuve démontre également que l’employeur a effectivement accordé à l’appelante un congé sans solde. Ce n’est qu’au mois de novembre 2021 qu’elle a été congédiée, soit environ neuf mois après qu’elle était censée reprendre son emploi en mars 2021Note de bas de page 28. Il y a des éléments de preuve montrant que l’employeur considérait que la relation d’emploi n’avait pas été rompue parce qu’il s’est donné la peine de demander à l’appelante de déclarer son statut vaccinal en octobre 2021Note de bas de page 29 et de mettre à jour son statut de retour au travail en novembre 2021Note de bas de page 30. L’appelante était toujours employée par l’employeur parce qu’elle était effectivement en congé sans solde lorsqu’elle ne s’est pas présentée au travail après son rappelNote de bas de page 31.

[55] Enfin, la preuve démontre qu’il n’y avait personne d’autre à la maison qui aurait pu s’occuper de ses enfants pendant que l’appelante était au travail. Je suis convaincue que ni la mère de l’appelante ni sa belle-mère n’était capable de s’occuper des enfants, surtout pendant qu’ils suivaient leurs cours en ligne. La preuve démontre également qu’après avoir été rappelée, l’appelante a fait des recherches sur plusieurs options de garde d’enfants à l’extérieur du foyer. Il est malheureux qu’elle n’ait pas pu prendre de dispositions, mais ce n’est pas surprenant étant donné que les écoles étaient fermées pour l’apprentissage en personne à ce moment-là. Ses démarches pour trouver des services de garde étaient entravées par des circonstances indépendantes de sa volonté.

[56] Je ne vois aucune autre solution raisonnable que l’appelante aurait pu envisager.

[57] Par conséquent, je conclus que l’appelante s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de prouver qu’elle avait l’obligation de s’occuper de ses deux enfants et qu’il n’y avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi le 29 mars 2021 pour remplir cette obligation.

[58] Cela signifie qu’elle a prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi chez X le 29 mars 2021, alors qu’elle était censée reprendre son emploi et qu’elle ne s’est pas présentée au travail.

Question en litige no 3 : Qu’est-ce que cela signifie pour l’appelante?

[59] La Commission a imposé une exclusion d’une durée indéterminée à la demande de l’appelante à compter du 31 janvier 2021 parce qu’elle avait quitté volontairement son emploi à ce moment-là sans justification.

[60] Cependant, l’appelante a prouvé qu’elle était toujours mise à pied en raison d’un manque de travail le 31 janvier 2021.

[61] La preuve montre qu’elle a été rappelée au travail aux alentours du 15 mars 2021 et qu’on s’attendait à ce qu’elle se présente au travail le 29 mars 2021. Comme elle ne s’est pas présentée au travail le 29 mars 2021, c’est la date à laquelle elle a quitté volontairement son emploi aux termes de la loi (non le 31 janvier 2021).

[62] L’appelante a également prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi chez X le 29 mars 2021.

[63] La preuve montre que la seule solution raisonnable dans son cas était de quitter son emploi à ce moment-là parce qu’elle avait l’obligation de s’occuper de ses enfants. Par conséquent, elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification.

[64] La Commission doit donc annuler l’exclusion qu’elle a imposée à la demande de l’appelante à compter du 31 janvier 2021.

[65] Elle doit également supprimer le trop-payé créé par cette exclusion.

Conclusion

[66] L’appelante a quitté volontairement son emploi chez X le 29 mars 2021 alors qu’elle devait reprendre son emploi après son rappel et qu’elle ne s’est pas présentée au travail.

[67] Cependant, elle a prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait. Par conséquent, elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.

[68] La Commission doit annuler l’exclusion qu’elle a imposée à sa demande à compter du 31 janvier 2021, ainsi que le trop-payé créé par cette exclusion.

[69] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.