Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 652

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (645103) datée du
20 février 2024 rendue par la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 14 mai 2024
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 21 mai 2024
Numéro de dossier : GE-24-1028

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Décision

[1] L’appel est accueilli. L’appelant n’a pas reçu la décision de la Commission. Il ne pouvait pas présenter sa demande de révision dans les délais.

[2] Même si l’appelant avait reçu la décision, la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement, lorsqu’elle a refusé la demande de prolongation de délai.

Aperçu

[3] L’appelant est d’origine haïtienne. Il parle le français, mais il comprend mieux dans sa langue le créole. Il a obtenu de l’aide pour remplir sa demande de prestations et sa demande de révision.

[4] Le 14 décembre 2022, l’appelant présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. Le 28 mars 2023, la Commission refuse de verser des prestations à l’appelant, parce qu’il a quitté volontairement son emploi le 14 octobre 2022 chez X.

[5] Le 22 janvier 2024, l’appelant demande à la Commission de réviser la décision en indiquant qu’il a fait des demandes d’emploi.

[6] La Commission peut prolonger la période de révision qui dépasse les 30 jours prévus à la Loi. L’appelant doit démontrer qu’il avait une explication raisonnable pour justifier son retard et qu’il avait l’intention constante de demander une révision.

[7] Selon la Commission, l’appelant a reçu la décision. Il n’a pas fourni à la Commission une explication raisonnable ni démontré qu’il avait l’intention constante de demander la révision.

[8] Pour sa part, l’appelant déclare qu’il n’a pas reçu les décisions de la Commission. Il a été informé verbalement, mais sans plus. S’il avait reçu les décisions, il aurait demandé de l’aide comme à l’habitude pour comprendre la situation. D’ailleurs, c’est ce qu’il a fait lorsqu’il a reçu la décision de la Commission à la suite de demandes de révision, il a obtenu de l’aide et présenté une demande de révision.

Questions en litige

  1. La demande de révision a-t-elle été présentée en retard ?
  2. La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon correcte en rejetant la demande de la prestataire de prolonger la période de 30 jours pour présenter une demande de révision ?

Analyse

[9] Toute personne qui fait l’objet d’une décision de la Commission peut demander la révision de cette décision dans les 30 jours suivant la date où elle en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder.Note de bas de page 1

[10] La décision de la Commission d’accorder un délai supplémentaire pour présenter une demande de révision est un pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 2. Le pouvoir discrétionnaire de la Commission doit être exercé selon les critères du Règlement sur les demandes de révision. La Commission peut accorder plus de temps à une partie prestataire pour la présentation d’une demande de révision si elle est convaincue qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et si la partie prestataire a manifesté l’intention constante de demander la révisionNote de bas de page 3.

[11] De plus, lorsque la demande est présentée plus d’un an après la décision initiale, la Commission doit être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et ne porte pas préjudiceNote de bas de page 4.

[12] Je dois décider si, en rejetant la demande de prolongation du délai pour présenter une demande de révision, la Commission a agi de bonne foi, à des fins et pour des motifs légitimes, qu’elle a pris en compte tous les facteurs pertinents, ignorant tout facteur non pertinent, et qu’elle a agi de manière non discriminatoireNote de bas de page 5.

[13] Je peux intervenir seulement si je détermine que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Si je conclus qu’elle n’a pas exercé son pouvoir correctement, alors je rendrai la décision que la Commission aurait dû rendre.

1. La demande de révision a-t-elle été présentée en retard ?

[14] Je constate que la Commission a conclu que l’appelant a présenté sa demande de révision en retard, parce qu’il a confirmé avoir eu une réponse lors d’un appel téléphonique.

[15] Je retiens que l’appelant cesse de travailler le 14 décembre 2022 pour recevoir des prestations d’assurance-emploi régulières. Il a eu de l’aide pour remplir sa demande.

[16] Le 23 mars 2023, la Commission décide que l’appelant n’a pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi, parce qu’il a quitté volontairement son emploi chez X, le 14 octobre 2022.

[17] L’appelant reconnait avoir reçu un appel. Cependant, il n’a pas reçu la lettre du 23 mars 2023. Le courrier dans les boites aux lettres de son immeuble a fait l’objet de vols. Il se peut que la lettre ait été volée. Il ne savait donc pas qu’il avait 30 jours pour contester la décision.

[18] Lors de son témoignage, l’appelant, avec l’aide d’une interprète créole, a expliqué qu’il ne savait pas qu’il avait 30 jours pour contester la décision. Il n’a pas reçu la lettre de la décision de la Commission.

[19] Lorsqu’il a été informé de ses droits, il a immédiatement consulté un membre de sa famille pour obtenir de l’aide. Il procède toujours de la sorte, parce qu’il sait qu’il a besoin d’aide pour comprendre des informations.

[20] En fait, lorsqu’il a présenté une nouvelle demande pour recevoir des prestations en novembre 2023, il a été informé qu’il n’était pas admissible à recevoir des prestations. Il a eu une lettre, il l’a présenté à son oncle qu’il lui a dit qu’il pouvait demander une révision. C’est ce qu’il a fait.

[21] Le 20 février 2024, la Commission a décidé que l’appelant avait présenté sa demande en retard et qu’il n’avait pas d’explications raisonnables pour justifier son retard ni qu’il avait démontré une intention constante de contester la décision.

[22] L’appelant ayant reçu la décision a déposé un avis d’appel devant le Tribunal le 12 mars 2024. Il a également demandé de l’aide pour remplir ses demandes.

[23] Dans ce contexte, je suis d’avis qu’il est plus probable que l’appelant n’ait pas reçu la lettre du 23 mars 2023. Il ne pouvait donc pas savoir qu’il avait un délai de 30 jours.

[24] Pour en arriver à cette conclusion, j’ai tenu compte du témoignage crédible de l’appelant. Également, l’appelant doit composer avec des défis au niveau de la langue. Il doit avoir de l’aide pour remplir des formulaires ou avoir le soutien d’un interprète.

[25] Même si l’appelant avait reçu la lettre, je ne suis pas convaincue que sans aide, il pouvait comprendre les conséquences de cette lettre.

2. La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon correcte en rejetant la demande de la prestataire de prolonger la période de 30 jours pour présenter une demande de révision ?

[26] Je suis d’avis que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement, parce qu’elle aurait dû prendre en compte les défis de l’appelant en ce qui concerne sa compréhension des écrits et de la langue parlée.

[27] D’ailleurs, l’appelant a demandé dans un premier temps une audience par écrit. J’avais indiqué à l’appelant que si ce mode d’audience était trop difficile, il pouvait changer. Il a finalement opté pour une audience en personne avec une interprète créole. Ainsi, lorsque l’appelant comprend les enjeux, il demande l’aide appropriée.

Conclusion

[28] La Commission n’a pas prouvé que l’appelant a reçu la décision du 23 mars 2023. Même si c’était le cas, la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement en refusant la demande de révision.

[29] L’appel est accueilli.

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