Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 731

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (647486) datée du 9 mars 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elyse Rosen
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 mai 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 13 mai 2024
Numéro de dossier : GE-24-1139

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant admet qu’il a reçu une rémunération pendant qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi. Il ne conteste pas que la Commission de l’assurance-emploi du Canada a correctement réparti cette rémunération.

[3] Les raisons invoquées par l’appelant pour ne pas déclarer sa rémunération ne l’exemptent pas d’avoir à rembourser le versement excédentaire découlant de la répartition de sa rémunération.

[4] Je conclus que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a examiné de nouveau la demande de l’appelant et a créé un versement excédentaire. Je ne modifierai donc pas sa décision. Le versement excédentaire résultant de la répartition de la rémunération est maintenu.

[5] L’appelant a retiré son appel de la pénalité à l’audience. Donc, la pénalité est maintenue.

Aperçu

[6] L’appelant a établi une demande de prestations d’assurance-emploi à compter du 17 avril 2022.

[7] Pendant qu’il recevait des prestations, l’appelant a obtenu un emploi.

[8] Il n’a pas déclaré son emploi ni le salaire qu’il touchait dans ses déclarations bimensuelles.

[9] La Commission a découvert qu’il travaillait et touchait un salaire tout en recevant des prestations. Elle a examiné de nouveau sa demande et a réparti la rémunération que l’appelant avait reçue. Cela a créé un versement excédentaire.

[10] La Commission a également imposé une pénalité de 4 977 $ et a émis un avis de violation grave.

[11] L’appelant a demandé à la Commission de réviser sa décision. La Commission a maintenu sa décision concernant la répartition de la rémunération. Elle a réduit le montant de la pénalité à 3 982 $ et a annulé la violation.

[12] L’appelant a fait appel de la décision de révision de la Commission. Il affirme qu’il n’a pas déclaré son emploi et sa rémunération parce qu’il était en probation à son travail. De plus, il a eu un accident de voiture qui a nui à sa capacité d’accomplir les tâches pour lesquelles il a été embauché. Il craignait de perdre son emploi. Il a donc décidé de continuer à toucher des prestations d’assurance-emploi au cas où cela se produirait.

[13] Il dit ne gagner que 55 000 $ par année. Son salaire sert à payer ses impôts et pour ses besoins essentiels, comme le loyer, la nourriture et l’essence. Il dit qu’il se sent comme un esclave et qu’il est fatigué de travailler si fort sans le moindre résultat parce qu’une grande partie de son argent va au gouvernement.

[14] Il affirme que la Commission est revenue des années plus tard pour lui imposer une dette. Il estime que c’est injuste et que la Commission fait preuve de discrimination à son égard. Il soutient que, d’après les reportages qu’il a lus, la Commission n’a pas tenté de recouvrer les versements excédentaires découlant d’une fraude contre le régime d’assurance-emploi. Il ne comprend pas pourquoi la Commission lui demande de rembourser son versement excédentaire alors qu’elle a laissé tant d’autres prestataires se défiler.

[15] Il affirme qu’il n’est pas en mesure de rembourser la dette découlant du versement excédentaire et aimerait qu’elle soit réduite d’au moins 50 %. Il affirme que, s’il n’obtient pas cet allègement, il devra quitter son emploi et quitter le pays ou devra déclarer faillite.

[16] À l’audience, l’appelant a confirmé qu’il ne fait pas appel de la pénalité.

Question que je dois trancher en premier

Il y a deux appels différents

[17] L’appelant a deux appels en instance devant le TribunalNote de bas de page 1.

[18] L’autre appel porte également sur la répartition de la rémunération que l’appelant n’a pas déclarée, mais sur la rémunération provenant d’un employeur différent.

[19] J’ai entendu les deux appels ensemble. Mais je rédige deux décisions distinctes.

[20] Dans la mesure où l’appelant a soulevé bon nombre des mêmes arguments dans les deux appels, et bien que mes décisions soient très semblables, j’ai décidé qu’il serait plus facile de comprendre mes décisions si je rédigeais une décision distincte dans chaque appel.

Questions en litige

[21] L’appelant peut-il être exempté d’avoir à rembourser le versement excédentaire découlant de la répartition de sa rémunération?

[22] La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire lorsqu’elle a examiné de nouveau la demande de l’appelant, ce qui a créé un versement excédentaire?

[23] La dette découlant du versement excédentaire peut-elle être réduite?

Analyse

L’appelant ne peut pas être exempté de rembourser le versement excédentaire

[24] Selon la loi, tout revenu que vous recevez en lien avec un emploi (rémunération) doit être réparti (c’est-à-dire appliqué à certaines semaines) aux fins d’établir les prestations qui vous sont payablesNote de bas de page 2. Si le revenu est réparti sur une semaine de chômage pendant laquelle il aurait droit à des prestations, il doit être déduit des prestations qui lui sont payables au cours de cette semaineNote de bas de page 3.

[25] L’appelant ne conteste pas qu’il a reçu un revenu tout en recevant des prestations d’assurance-emploi. Il reconnaît que la loi autorise la Commission à répartir ce revenu et à réduire ses prestations en conséquence. Il ne soutient pas que la Commission l’a fait de manière irrégulière.

[26] Il affirme plutôt qu’il avait une bonne raison de conserver les prestations qu’il a reçues pendant qu’il travaillait. Il craignait de perdre son emploi. Il affirme qu’il avait besoin d’argent, juste au cas où.

[27] Mais la loi ne prévoit pas d’exception pour ces motifs. Elle ne dit pas que la rémunération ne sera pas répartie ou déduite des prestations si vous avez besoin d’argent. Elle précise que la rémunération doit être répartie et déduite des prestations.

[28] L’appelant soutient également qu’il paie des impôts et qu’il a cotisé au régime d’assurance-emploi. Il pense qu’il devrait avoir le droit de conserver les prestations qu’il a reçues parce qu’il les a payées.

[29] Toutefois, le programme d’assurance‑emploi n’est pas un compte d’épargne, mais plutôt un régime d’assurance. Comme pour tout autre régime d’assurance, il faut satisfaire à certaines conditions pour toucher des prestationsNote de bas de page 4. Dans la présente affaire, l’appelant ne satisfait pas aux exigences, de sorte qu’il n’avait pas droit aux prestations qu’il a reçues. Les sommes qu’il a cotisées au régime d’assurance-emploi ne lui appartiennent pas; il s’agit de primes d’assurance servant à s’assurer contre le risque de chômage. Et il n’était pas au chômage. Il n’aurait donc pas dû recevoir de prestations.

[30] Je ne suis donc pas en mesure de conclure que l’appelant devrait être exempté de rembourser le versement excédentaire découlant de la répartition de sa rémunération.

La Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a examiné de nouveau la demande

[31] L’appelant ne comprend pas pourquoi il a fallu des années à la Commission pour lui dire que sa rémunération aurait dû être répartie et déduite de ses prestations et qu’il doit rembourser les prestations qu’il a reçues.

[32] Il est d’avis que la décision est injuste et que la Commission a fait preuve de discrimination à son égard.

[33] La loi permet à la Commission de procéder à un nouvel examen de la demande de prestations de sa propre initiativeNote de bas de page 5. Elle lui confère le pouvoir discrétionnaire de décider si elle doit le faire ou non. Elle dispose de 36 mois pour le faireNote de bas de page 6, mais ce délai peut être prolongé à 72 mois lorsque la Commission est d’avis qu’une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse a été faiteNote de bas de page 7.

[34] Dans la présente affaire, la Commission a examiné de nouveau la demande dans les 36 mois suivant le versement des prestations à l’appelant. Elle a donc agi dans le délai prévu par la loi.

[35] Lorsque la Commission décide d’examiner de nouveau une demande de sa propre initiative, le Tribunal doit respecter le pouvoir discrétionnaire de la Commission.

[36] Toutefois, la Commission doit agir de façon judiciaire lorsqu’elle prend une décision discrétionnaireNote de bas de page 8. Cela signifie qu’elle doit agir de bonne foi et de manière uniforme et juste. Elle doit prendre en considération tous les faits pertinents, mais seulement ceux‑ci, pour en arriver à sa décision. À défaut de quoi, le Tribunal peut substituer sa propre décision à celle que la Commission a rendue.

[37] La Commission dispose d’une politique qui énonce les circonstances dans lesquelles elle exercera son pouvoir discrétionnaire d’examiner de nouveau une demande (politique de réexamen)Note de bas de page 9.

[38] La politique de réexamen a été élaborée pour assurer une application uniforme et juste de la loi en ce qui concerne les décisions de réexamen discrétionnaires et pour empêcher la création de dettes lorsque la partie prestataire reçoit des prestations en trop pour une raison indépendante de sa volonté.

[39] La politique de réexamen indique que la Commission n’utilisera ce pouvoir que dans les situations suivantes :

  • il y a un moins‑payé de prestations;
  • des prestations ont été versées contrairement à la structure de la LoiNote de bas de page 10;
  • des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit.

[40] La politique n’est pas une loi. Mais c’est un facteur que la Commission devrait prendre en considération lorsqu’elle décide si elle doit faire un nouvel examen de la demande.

[41] L’appelant allègue être victime de discrimination. Il affirme que la Commission n’a pas agi de manière uniforme et juste.

[42] Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il estimait avoir été victime de discrimination, l’appelant a laissé entendre que la Commission pourrait avoir fait preuve de discrimination à son égard parce qu’il est d’origine moyen-orientale. Mais il n’a pas été en mesure de me fournir des faits pouvant étayer cette allégation. Et je ne vois rien dans le dossier qui laisse croire que l’appelant a été victime de discrimination parce qu’il est d’origine moyen-orientale. Je ne suis donc pas en mesure de conclure qu’il a été victime de discrimination pour ce motif.

[43] Il soutient que la Commission n’essaie pas de recouvrer les versements excédentaires dans tous les cas. Il dit que les journaux en ont beaucoup parlé. Il a fait référence à un article de presse pour étayer cette prétentionNote de bas de page 11. Il dit qu’il ne comprend pas pourquoi il a été visé en particulier. Selon lui, il s’agit aussi d’une forme de discrimination. Mais je ne suis pas d’accord.

[44] Premièrement, l’article auquel l’appelant fait référence est daté du 7 décembre 2022. Il concerne la Prestation canadienne d’urgence (PCU) et les efforts déployés par l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour percevoir la PCU auprès de prestataires non admissibles. Il ne fait pas référence aux actuels efforts de la Commission pour percevoir les prestations d’assurance-emploi versées par erreur.

[45] Je ne crois pas que l’article soit pertinent à la situation de l’appelant. La PCU est une prestation qui a été établie pendant la pandémie dans des circonstances urgentes et extraordinaires. Je ne peux tirer de conclusions sur la façon dont la Commission décide quand elle procédera au recouvrement de versements excédentaires de prestations d’assurance-emploi à partir d’un article rédigé il y a 18 mois au sujet des efforts de recouvrement de l’ARC relativement à la PCU. L’appelant essaie de comparer des pommes avec des oranges.

[46] Deuxièmement, la discrimination s’entend généralement du traitement injuste ou préjudiciable de différentes catégories de personnes, en particulier en raison de l’ethnicité, de l’âge, du sexe ou d’une déficience. Comme je l’ai déjà établi, je ne suis pas en mesure de conclure que l’appelant a été victime de discrimination en raison de son origine ethnique.

[47] Le fait que la Commission ne prenne pas de mesures pour recouvrer les prestations versées indûment dans tous les cas ne laisse aucunement croire que l’appelant est victime de discrimination.

[48] Troisièmement, je suis saisie de nombreuses affaires dans lesquelles la Commission a réexaminé une demande et a demandé au prestataire de rembourser le versement excédentaire qui en a résulté. La présente affaire n’est pas particulièrement différente de l’une ou l’autre de ces affaires. Rien dans la présente affaire ne laisse croire que l’appelant a été traité différemment de ces autres prestataires à qui on a demandé de rembourser des prestations d’assurance-emploi qui ont été versées en trop.

[49] Je n’admets donc pas que la Commission a agi de façon discriminatoire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande de prestations de l’appelant.

[50] L’appelant n’a pas allégué que la Commission n’avait pas tenu compte des faits pertinents ou qu’elle avait tenu compte de faits non pertinents lorsqu’elle a pris sa décision. Mais je vais quand même examiner la question de savoir si elle l’a fait ou non.

[51] Bien que la Commission n’ait pas clairement énoncé les faits dont elle a tenu compte lorsqu’elle a pris sa décision de réexaminer la demande de l’appelantNote de bas de page 12, il me semble, d’après la preuve dont je dispose, qu’elle a examiné et suivi sa politique.

[52] Dans la présente affaire, la Commission affirme que l’appelant a omis de déclarer son emploi et son revenu dans ses déclarations bimensuelles. Il a répondu non aux questions de savoir s’il avait travaillé ou s’il avait reçu de l’argentNote de bas de page 13.

[53] Comme la Commission n’avait aucune information sur l’emploi de l’appelant ou sur le revenu qu’il recevait, elle a continué de lui verser des prestations. Si l’appelant avait rempli ses déclarations bimensuelles avec honnêteté et exactitude, il n’aurait pas reçu ces prestations.

[54] Compte tenu de ces faits, je conclus que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé d’examiner de nouveau la demande de l’appelant afin de répartir le revenu qu’il a reçu et de créer un versement excédentaire pour les prestations qui lui ont été versées et auxquelles il n’avait pas droit. Elle a suivi sa politique, selon laquelle elle doit examiner de nouveau les demandes qui donnent lieu à un versement excédentaire si le prestataire a fait des déclarations fausses ou trompeuses ou savait (ou aurait dû savoir) qu’il n’avait pas droit aux prestations qu’il a reçues.

[55] Je ne vois dans le dossier aucun fait que la Commission n’a pas pris en considération et qui était pertinent à sa décision. Je ne peux pas non plus conclure qu’elle a tenu compte de faits non pertinents.

[56] Je conclus donc que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a examiné de nouveau la demande de l’appelant. Par conséquent, je ne modifierai pas cette décision.

Le Tribunal ne peut pas réduire la dette

[57] L’appelant affirme qu’il est incapable de rembourser la dette créée par le versement excédentaire. Je suis sensible à sa situation. Mais comme je l’ai expliqué à l’appelant à l’audience, cette question dépasse ma compétence.

[58] Si l’appelant veut que sa dette, ou une partie de celle-ci, soit radiée, il doit en faire la demande à la Commission. Quelle que soit la décision prise par la Commission au sujet de sa demande, la loi prévoit que le Tribunal n’a pas le pouvoir de réviser cette décisionNote de bas de page 14. Seule la Cour fédérale du Canada a ce pouvoir.

[59] Si le remboursement de la dette cause des difficultés excessives à l’appelant, il peut communiquer avec l’Agence du revenu du Canada (ARC) au 1-866-864-5823 et demander une radiation pour cette raison. Si l’ARC conclut qu’il ne peut vraiment pas payer la dette, elle recommandera à la Commission de la radier.

[60] Il peut également demander à l’ARC des modalités de remboursement si cela peut l’aider à rembourser la dette.

Conclusion

[61] L’appel est rejeté.

[62] L’appelant ne conteste pas le fait que sa rémunération a été correctement répartie par la Commission. Et il ne peut pas être exempté d’avoir à rembourser le versement excédentaire découlant de la répartition.

[63] La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a examiné de nouveau la demande de l’appelant et a créé le versement excédentaire. Donc, le versement excédentaire sera maintenu.

[64] L’appelant n’a pas interjeté appel de la pénalité. Donc, la pénalité sera maintenue.

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