Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation :c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 737

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : X
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Mis en cause : R. T.

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (613576) datée du 29 septembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jean Yves Bastien
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 18 janvier 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Mis en cause
Date de la décision : Le 26 janvier 2024
Numéro de dossier : GE-23-2998

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant (employeur).

[2] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a prouvé que le mis en cause (employé) n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite. En conséquence, l’employé n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’employé a perdu son emploi le 26 juin 2023. L’employeur a dit qu’il avait été congédié parce qu’il avait enfreint sa politique de confidentialité.

[4] Même si l’employé ne conteste pas qu’il a perdu son emploi, il affirme qu’il n’a enfreint aucune politique de confidentialité de l’entreprise. L’employé affirme que l’employeur l’a effectivement congédié parce que l’entreprise éprouvait des difficultés et qu’une relation conflictuelle s’était développée entre l’employeur et lui.

[5] La Commission a accepté l’explication de l’employé concernant le congédiement. Elle a décidé que l’employé n’avait pas perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que le prestataire est admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] L’employeur était mécontent du fait que l’employé qu’il avait congédié recevait des prestations d’assurance-emploi. L’employeur est intervenu auprès de la Commission, notamment en lui demandant de procéder à un nouvel examen de sa décision d’accorder des prestations à l’employé.

[7] La Commission a examiné de nouveau le dossier de l’employé et, le 29 septembre 2023, a envoyé à l’employeur un avis de décision indiquant qu’elle maintenait sa décision initiale sur la question, c’est-à-dire que l’employé n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Question en litige

[8] Le mis en cause, l’employé, a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Pour répondre à la question de savoir si l’employé a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois trancher deux éléments. Je dois d’abord établir pourquoi l’employé a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’employé a-t-il perdu son emploi?

[10] Je conclus que l’employé a perdu son emploi du fait que l’employeur l’a congédié parce qu’il n’était pas satisfait de la façon dont il effectuait son travail.

[11] L’employeur et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle l’employé a perdu son emploi. La Commission affirme que la raison donnée par l’employé est la véritable raison du congédiement. L’employé a dit à la Commission que l’employeur l’avait congédié soudainement lorsqu’il a reçu par courriel une lettre de licenciement le 26 juin 2023Note de bas de page 2. Dans cette lettre de licenciement, l’employé était accusé de [traduction] « perdre son temps ».

[12] L’employeur n’est pas d’accord. L’employeur affirme que la véritable raison pour laquelle l’employé a perdu son emploi est qu’il divulguait des renseignements confidentiels de l’entreprise à d’autres clients et fournisseurs. L’employeur a affirmé que l’employé détournait les activités de l’entreprise vers celle de son beau-père.

Le motif du congédiement du prestataire est‑il une inconduite au sens de la loi?

[13] La raison du congédiement du prestataire n’est pas une inconduite au sens de la loi.

[14] Pour qu’il y ait inconduite selon la loi, la conduite doit être délibérée. C’est donc dire que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 4. Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 5.

[15] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 6.

[16] La Commission doit prouver que l’employé a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’employé a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 7.

[17] La Commission affirme que [traduction] « d’après les faits au dossier, [elle] a déterminé que le prestataire n’avait pas perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 8. »

[18] La Commission soutient qu’il n’y a pas eu inconduite pour les raisons suivantesNote de bas de page 9 :

  • L’employeur a envoyé un courriel aux employés pour les avertir de ne pas divulguer de renseignements sur l’entreprise ou d’utiliser des biens de l’entreprise dans leur propre intérêt parce qu’il y avait un [traduction] « fuiteur d’information » parmi eux. Mais ce courriel a été envoyé après coup et n’implique pas non plus l’employé dans un acte fautif. Le courriel semble plutôt être un courriel de nature générale envoyé à tous les employés.
  • Le courriel ne mentionne pas expressément l’employé et n’indique aucune infraction qu’il aurait pu commettre. Le courriel ne fournit aucune preuve d’un acte fautif de la part de l’employé.
  • Aucune preuve ne démontre que l’employé a reçu et a interprété ce courriel comme un avertissement et que son emploi pouvait être menacé.
  • Il n’y a pas d’accusé réception signé du courriel et de la politique à titre d’avertissement précis à l’intention de l’employé.
  • L’employeur a produit des copies de courriels échangés entre l’employé et l’un des fournisseurs de l’employeur. Ces courriels montrent que l’employé faisait son travail à titre d’employé d’une autre entreprise, mais ne prouvent pas que l’employé divulguait des renseignements sur l’entreprise de l’employeur ou utilisait des biens de l’employeur dans son propre intérêt.
  • La politique de confidentialité de l’employé n’interdit pas à l’employé de travailler pour une autre entreprise, même dans le même domaine.
  • Rien ne prouve que l’employé savait, ou aurait dû savoir, que ses gestes pouvaient entraîner son congédiement ou d’autres mesures disciplinaires.
  • Le courriel envoyé par l’employeur au prestataire le 10 mai 2023 traite de la fuite de renseignements confidentiels et de l’instauration d’une nouvelle politique de confidentialité. Ni le courriel ni la politique n’indiquent qu’il est interdit aux employés de travailler pour une autre entreprise, simultanément dans le même domaine.
  • Par conséquent, on ne peut pas dire que le prestataire savait qu’il compromettait son emploi.
  • De plus, l’employeur n’a pas fourni d’élément de preuve démontrant que le client avait divulgué des renseignements confidentiels de l’entreprise ou qu’il avait détourné des clients de son entreprise. Les courriels fournis par l’employeur (pages GD3-32 à GD3-35) ne montrent aucune fuite de renseignements confidentiels de l’entreprise ou que le prestataire détournait des clients.
  • Dans la présente affaire, le prestataire n’a pas reçu d’avertissement l’informant que son comportement en particulier pouvait avoir une incidence négative sur la relation d’emploi.
  • De plus, l’employeur n’a fourni aucun élément de preuve clair démontrant le vol de fonds ou de biens de l’entreprise.
  • Rien n’indique que le client a été congédié en raison d’un acte voulu, délibéré ou négligent qui a été si insouciant qu’il semble voulu.

[19] La Commission cite ainsi la jurisprudence : « La Cour d’appel fédérale a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et son emploi; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 10. »

[20] L’employeur affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’employé a été averti à plusieurs reprises, y compris par lettre d’avocat, de ne pas divulguer des renseignements de l’entreprise ou d’utiliser des biens de l’entreprise dans son propre intérêt. Après tous les avertissements, il a tout de même été découvert que l’employé utilisait des renseignements et d’équipement de l’entreprise dans son propre intérêt et dans ceux de son beau-frère et de son beau-pèreNote de bas de page 11.

[21] Pour que les gestes d’un employé constituent une inconduite, il faut pouvoir affirmer ce qui suit :

  • L’employeur avait une politique ou une règle.
  • L’employé a été mis au courant de cette règle, ou il [traduction] « aurait dû en être informé ».
  • L’employé a été informé des conséquences du non-respect de la politique.
  • Malgré tout ce qui précède, l’employé a volontairement contrevenu à la politique de l’employeur.

[22] Dans la présente affaire, je préfère la preuve de la Commission. La Commission avait prouvé ce qui suit :

  • L’employeur a envoyé une lettre contenant des directives générales et non précises après avoir soupçonné une violation de renseignements confidentiels de l’entreprise.
  • L’employé a reçu cette lettre, comme tous les autres employés. Il était au courant de la politique, mais ne pensait pas qu’elle s’appliquait à lui parce que ce renseignement ne lui a jamais été communiqué. La politique était suffisamment vague pour qu’on ne puisse pas soutenir que l’employé « aurait dû le savoir ».
  • L’employé n’a jamais été informé des conséquences du non-respect de la politique. Il n’a jamais été averti ni informé qu’il était la cible de cette politique de confidentialité.
  • Si l’employé ne savait pas que la politique s’appliquait à lui et qu’il pouvait y avoir des conséquences en cas de non-conformité, on ne peut pas dire qu’il a fait un geste délibéré.

Donc, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[23] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci‑dessus, je suis d’avis que le prestataire n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[24] La Commission a prouvé que le mis en cause, l’employé, n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’employé n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[25] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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