Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 773

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (622818) datée du 23 octobre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 mars 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 15 avril 2024
Numéro de dossier : GE-24-175

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi au moment de son départ (c’est-à-dire qu’elle n’avait pas une raison acceptable selon la loi). Elle n’était pas fondée à quitter son emploi parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante a quitté son emploi de répartitrice le 4 juillet 2023 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de son départ, puis a conclu que l’appelante avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle avait choisi de le quitter) sans justification. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] La Commission affirme que l’appelante aurait pu communiquer avec son employeur pour vérifier son statut d’employée ou qu’elle aurait pu demander un congé plus long si elle en avait besoin.

[5] L’appelante n’est pas d’accord et affirme qu’elle n’a pas quitté son emploi. Elle dit avoir été harcelée, puis congédiée.

[6] Je dois décider si l’appelante a quitté volontairement son emploi ou si elle a été congédiée. Je devrai alors voir si elle a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas ou si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Questions en litige

[7] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification ou parce qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord vérifier si elle a quitté volontairement son emploi ou si elle a été congédiée.

[9] Si elle a quitté volontairement son emploi, je dois décider si elle était fondée à le faire. Si elle a été congédiée, je dois décider si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Analyse

L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi ou a-t-elle été congédiée?

[10] La loi traite le congédiement pour inconduite et le départ volontaire sans justification ensembleNote de bas de page 1. En effet, ces 2 circonstances font référence à une action de la partie prestataire qui a entraîné une fin d’emploiNote de bas de page 2. La conséquence juridique dans les 2 cas est l’exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[11] Parfois, il est difficile de savoir si une personne est en chômage en raison d’un congédiement ou d’un départ volontaire. Dans de telles situations, comme la conséquence juridique est la même dans les 2 cas, je peux établir les motifs d’exclusion en fonction de la preuveNote de bas de page 3.

[12] J’estime qu’il est difficile de savoir si l’appelante est en chômage en raison d’un congédiement pour inconduite ou de son départ volontaire. Je vais donc d’abord vérifier si l’appelante a quitté volontairement son emploi.

[13] La Commission doit démontrer que l’appelante a quitté volontairement son emploiNote de bas de page 4. Si c’est le cas, l’appelante doit alors démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi. Pour savoir si l’appelante a quitté volontairement son emploi, je dois décider si elle avait le choix de rester ou de partirNote de bas de page 5.

[14] Dans sa demande de prestations, l’appelante a déclaré qu’elle avait été congédiée et que son employeur n’avait donné aucune raison.

[15] L’employeur a produit un relevé d’emploi. La raison qu’il a inscrite est une démission. Le dernier jour où l’employeur dit avoir rémunéré l’appelante est le 9 juillet 2023.

[16] L’entreprise où l’appelante travaillait était dirigée par une mère et son fils. Par souci de clarté, je les appellerai « propriétaire 1 » (mère) et « propriétaire 2 » (fils).

[17] La Commission a parlé à la propriétaire 1. Celle-ci a expliqué que l’appelante avait été malade et incapable de travailler. Elle avait donc dû effectuer les tâches nécessaires à sa place. Pour ce faire, elle avait besoin du cahier de travail, de la tablette et du téléphone de l’appelante. Le propriétaire 2 a demandé à l’appelante de rapporter ces articles.

[18] L’appelante a déclaré à la Commission qu’elle n’avait pas démissionné. Elle a raconté ce qui s’est passé avant qu’elle arrête de travailler pour cet employeur. Elle a dit qu’elle était malade, alors la propriétaire 1 devait faire ses quarts de travail la fin de semaine. C’est alors que le propriétaire 2 lui a demandé de rapporter tout son matériel, y compris son cahier de travail. Elle a dit qu’il s’agissait d’un congédiement puisque le propriétaire 2 lui avait demandé de rapporter son cahier de travail.

[19] J’ai demandé à l’appelante de quelle façon et à quelle date elle a été informée de son congédiement. Elle a dit que le propriétaire 2 lui a annoncé sur Facebook Messenger. Elle a précisé que, depuis le début de son emploi, il y avait un cahier de travail principal qui contenait tout ce qu’il fallait savoir sur la répartition. L’appelante a expliqué qu’elle avait reçu un cahier secondaire et que la gérante lui avait dit qu’elle allait devoir le rapporter seulement à la fin de son emploi.

[20] J’ai demandé à l’appelante si le propriétaire 2 lui avait dit qu’elle était congédiée. L’appelante a répondu que non. Je lui ai aussi demandé si elle avait répondu au propriétaire 2 sur Facebook pour vérifier si elle était congédiée. L’appelante a répondu qu’elle a demandé au propriétaire 2 ce qu’il voulait dire. Elle a dit qu’il lui avait écrit [traduction] « dans le fond, tu as fini ». Elle a essayé de faire une capture d’écran de ce que le propriétaire 2 avait écrit, mais il l’a supprimée et bloquée sur Facebook depuis ce temps, alors elle ne peut pas rapporter mot pour mot ce qu’il a écrit.

[21] L’appelante a déclaré qu’après coup, elle a demandé à l’employeur pourquoi elle devait redonner son cahier de travail si elle n’était pas congédiée. Elle a dit que la propriétaire 1 lui avait expliqué qu’elle avait besoin du cahier pour savoir quoi faire. Cependant, l’appelante a dit que le cahier de travail principal contenait plus d’information que ce qu’elle avait pu inscrire dans son propre cahier, alors l’employeur lui [traduction] « mentait en pleine face ».

[22] La propriétaire 1 a déclaré que l’appelante a envoyé des messages sur Facebook après son dernier jour de travail. La propriétaire 1 a fourni des captures d’écran de ces messages à la Commission. Ils montrent que le 12 juillet 2023, la propriétaire 1 a demandé à l’appelante si elle avait décidé de démissionner. L’appelante a répondu que le propriétaire 2 lui avait demandé de rapporter son matériel et son cahier, ce qui voulait dire qu’elle était congédiée. La propriétaire 1 a répondu qu’elle avait besoin de son matériel pour faire la répartition en son absence et que cela ne voulait pas dire qu’elle était congédiée.

[23] Les captures d’écran des échanges entre l’appelante et la propriétaire 1 me montrent que l’employeur s’attendait à ce que l’appelante revienne travailler après son congé de maladie de fin de semaine. C’est ma conclusion puisque la propriétaire 1 a demandé à l’appelante si elle avait décidé de démissionner.

[24] La Commission a communiqué avec le propriétaire 2. Il a dit à la Commission qu’il n’avait pas parlé de congédiement ni de démission à l’appelante. Il a mentionné que toutes les personnes responsables de la répartition avaient un cahier de travail. Il a expliqué que si l’une de ces personnes prenait un congé de maladie et que les propriétaires devaient faire son travail, ils utiliseraient le cahier de la personne absente puisqu’ils n’en avaient pas eux-mêmes, n’étant pas affectés à la répartition.

[25] Selon moi, l’explication que les propriétaires ont donnée à la Commission au sujet des cahiers de répartition en cas d’absence est plausible. Il se peut que ces cahiers de travail contiennent des renseignements sur les interactions quotidiennes dans le cadre de la répartition des dépanneuses qui ne se trouvent pas dans le cahier de travail principal.

[26] Le dossier de révision de la Commission contient des notes d’une conversation avec l’appelante. On voit que l’appelante a dit qu’elle présumait que le propriétaire 2 la congédiait parce qu’il lui demandait son cahier de travail. Mais elle a ajouté qu’il n’avait jamais dit ces mots ou quoi que ce soit du genre.

[27] J’ai interrogé l’appelante au sujet de cette conversation. Elle a de nouveau parlé de ce qu’elle s’était fait dire : que si on lui demandait son cahier de travail, cela signifiait qu’elle était congédiée. Elle a rappelé que les propriétaires avaient le cahier de travail principal.

[28] J’ai de nouveau interrogé l’appelante au sujet des notes qui montrent qu’elle présumait qu’elle était congédiée parce que le propriétaire 2 lui avait demandé son cahier de travail. Elle a précisé que le propriétaire 2 se trouvait dans le bureau lorsqu’on lui avait dit qu’elle se ferait demander son cahier seulement en cas de fin d’emploi. J’ai posé ma question une troisième fois, et l’appelante a répondu qu’elle n’avait jamais dit qu’elle présumait qu’elle était congédiée.

[29] Je considère que l’employeur n’a pas dit à l’appelante qu’elle était congédiée. J’arrive à cette conclusion en analysant les déclarations des 2 propriétaires à la Commission ainsi que le témoignage de l’appelante.

[30] La Commission a parlé à la gérante de l’entreprise. La gérante a dit avoir envoyé un texto à l’appelante pour lui demander quand elle pourrait travailler, mais l’appelante n’a jamais répondu. La gérante a dit qu’elle n’avait rien entendu au sujet d’une démission ou d’un congédiement de l’appelante.

[31] J’ai interrogé l’appelante au sujet des propos de la gérante. L’appelante a d’abord déclaré que la gérante ne lui avait envoyé aucun texto pour lui demander quand elle pourrait travailler. Ensuite, elle a dit que si elle avait reçu un texto de sa part, il aurait été envoyé après son congédiement. Elle a expliqué que ce serait la seule raison pour laquelle elle aurait pu l’ignorer.

[32] Malgré le témoignage et les déclarations de l’appelante à la Commission au sujet de son congédiement, je juge qu’elle a choisi de quitter son emploi. Je ne suis pas convaincue que la gérante lui ait dit que son emploi serait terminé si on lui demandait de retourner ce qui semble être un carnet de notes. L’employeur l’aurait probablement avisée de son congédiement. Il n’aurait pas communiqué avec elle pour lui demander si elle avait démissionné.

[33] J’estime que la déclaration de la gérante, selon laquelle elle a envoyé un texto à l’appelante pour lui demander quand elle pourrait travailler, montre qu’elle croyait que l’appelante était toujours employée. Et cette déclaration concorde avec le fait que la propriétaire 1 s’attendait à ce que l’appelante revienne travailler après avoir été malade la fin de semaine.

[34] Même si l’appelante a d’abord dit que la gérante ne lui avait envoyé aucun texto pour lui demander quand elle pourrait revenir travailler, je juge que ses propos par la suite étaient incertains. En effet, elle a donné une raison expliquant pourquoi elle aurait pu ignorer un texto de la gérante.

[35] De plus, je considère que la gérante est une personne neutre pour qui l’issue de la demande de prestations de l’appelante n’a pas d’importance. En effet, l’appelante a dit qu’elle pense que la gérante ne travaille plus pour l’employeur. J’accorde donc plus de poids à la déclaration de la gérante à propos de son texto.

[36] À la lumière de la preuve, j’estime que l’appelante a probablement mal compris ce que la gérante lui avait dit, qu’elle a présumé qu’elle était congédiée et qu’elle n’est pas retournée au travail. Elle avait le choix de retourner travailler après avoir été malade la fin de semaine. Je conclus donc qu’elle a quitté volontairement son emploi.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi

[37] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi au moment de son départ.

[38] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 6. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[39] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter volontairement son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 7.

[40] C’est à l’appelante de prouver qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploiNote de bas de page 8. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour décider si elle était fondée à le faire, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ.

[41] Une personne est fondée à quitter volontairement son emploi si son départ est la seule solution raisonnableNote de bas de page 9. C’est le cas en situation de harcèlementNote de bas de page 10. Toutefois, une personne doit avoir au préalable discuté de ses conditions de travail avec son employeur pour voir si celui-ci peut faire des modifications qui règleraient le problèmeNote de bas de page 11.

[42] L’appelante soutient qu’elle n’a jamais quitté son emploi. Elle a demandé pourquoi une personne démissionnerait si elle aime son travail, si ses collègues sont extraordinaires, si on lui a promis un poste supérieur et si elle a été formée pour ce poste.

[43] La Commission affirme que l’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable à ce moment-là. Plus précisément, la Commission soutient que l’appelante aurait pu vérifier si son employeur la congédiait lorsqu’il lui a demandé de rapporter son cahier, au lieu de décider de ne plus se présenter au travail.

[44] Je considère que quitter son emploi au moment où elle l’a fait n’était pas la seule solution raisonnable.

[45] J’ai déjà établi que l’appelante n’était pas retournée travailler parce qu’elle avait présumé que son employeur l’avait congédiée. Je conclus donc qu’elle n’a rien fait pour conserver son emploi.

[46] J’ai demandé à l’appelante si elle avait vérifié son statut d’employée et si elle avait tenté de demander un congé plus long au besoin au lieu de quitter son emploi. L’appelante a dit qu’elle avait bel et bien parlé à la propriétaire 1, mais seulement après les événements. J’estime qu’elle aurait pu raisonnablement demander à l’employeur si elle était toujours employée au lieu de présumer qu’elle avait été congédiée. De plus, elle aurait pu répondre au texto de la gérante pour pouvoir reprendre son travail au lieu de l’ignorer.

[47] Dans son avis d’appel, l’appelante a déclaré qu’elle a été harcelée toute la fin de semaine lorsqu’elle était malade, puis congédiée la semaine suivante. J’ai interrogé l’appelante à ce sujet. Elle a dit que la fin de semaine où elle était malade, le propriétaire 2 et sa fille l’avaient appelée plusieurs fois pour l’interroger au sujet de son téléphone de travail.

[48] Je reconnais qu’une personne ne s’attend pas à ce qu’un employeur l’appelle si elle a signalé son absence pendant une période précise pour cause de maladie. Et recevoir de nombreux appels d’un employeur peut être dérangeant dans les circonstances. Cependant, je ne considère pas que l’employeur a harcelé l’appelante lorsqu’il l’a appelée au sujet de son téléphone de travail. J’estime que l’appelante aurait pu retourner travailler et parler à son employeur des appels reçus pendant qu’elle était malade.

[49] Je compatis avec l’appelante dans les circonstances puisqu’elle a déclaré qu’elle aimait vraiment son emploi. Cependant, j’estime que son départ n’était pas la seule solution raisonnable. Je conclus donc qu’elle n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi au moment de son départ.

Conclusion

[50] Je conclus que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations.

[51] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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