[TRADUCTION]
Citation : AW c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 673
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à une demande de prolongation
de délai et de permission de faire appel
Partie demanderesse : | A. W. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 14 mars 2024 (GE-24-690) |
Membre du Tribunal : | Stephen Bergen |
Date de la décision : | Le 17 juin 2024 |
Numéro de dossier : | AD-24-345 |
Sur cette page
Décision
[1] J’accorde à la prestataire une prolongation du délai pour présenter une demande à la division d’appel. Toutefois, je refuse l’autorisation (permission) de faire appel.
Aperçu
[2] A. W. est la demanderesse. Étant donné que le présent appel porte sur sa demande des prestations d’assurance‑emploi, je l’appellerai la prestataire.
[3] La prestataire a présenté une demande de prestations pour proches aidants à titre de travailleuse indépendante le 10 janvier 2023. Cependant, elle avait l’intention de faire une demande à titre d’employée, de sorte qu’elle a présenté une autre demande le 3 mars 2023.
[4] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a informé la prestataire qu’elle n’était pas admissible aux prestations pour proches aidants à compter du 20 mars 2023. Elle a dit qu’elle n’avait pas fourni de certificat médical.
[5] La prestataire a fourni le certificat demandé en novembre 2023, ainsi qu’une autre demande de prestations. Elle a dit à la Commission qu’elle voulait qu’elle révise sa décision de refuser sa demande de prestations pour proches aidants. Lorsqu’elle a déposé sa demande de révision, elle semblait demander des prestations pour proches aidants pour une période antérieure pendant laquelle elle s’occupait de sa grand-mère malade. (Sa grand-mère est décédée le 8 janvier 2023.)
[6] La Commission a dit à la prestataire qu’elle ne pouvait toucher de prestations pour s’occuper de sa grand-mère pendant une période postérieure au décès de sa grand-mère. Elle a envoyé à la prestataire sa décision de révision le 5 janvier 2024, dans laquelle elle confirmait qu’elle n’était pas admissible aux prestations pour proches aidants.
[7] La prestataire a interjeté appel de cette décision devant la division générale, mais celle-ci a rejeté son appel.
[8] La prestataire a ensuite demandé à la division d’appel la permission de faire appel de la décision de la division générale. La demande de la prestataire à la division d’appel était tardive, mais j’ai prolongé le délai afin que je puisse décider s’il y a lieu d’accorder la permission.
[9] J’ai décidé de ne pas lui donner la permission de faire appel. La prestataire n’a pas établi qu’elle pouvait soutenir que la division générale avait commis l’une ou l’autre des erreurs que je pourrais prendre en considération.
Questions en litige
[10] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :
- a) La demande présentée à la division d’appel était‑elle tardive?
- b) Devrais‑je prolonger le délai pour le dépôt de la demande?
- c) Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur dont je peux tenir compte?
Analyse
La demande était tardive
[11] La prestataire a autorisé la division générale à communiquer avec elle par courriel. La division générale a rendu sa décision le 14 mars 2024 et l’a envoyée par courriel à la prestataire le lendemain. Dans sa demande à la division d’appel, la prestataire a reconnu avoir reçu la décision le 15 mars 2024.
[12] La loi prévoit que la partie prestataire doit déposer une demande devant la division d’appel dans les 30 jours suivant la date à laquelle la décision de la division générale lui est communiquéeNote de bas de page 1.
[13] La date limite, soit 30 jours à compter du 15 mars 2024, mène au 14 avril 2024. La division d’appel a reçu sa demande le 8 mai 2024. La demande est tardive.
Je prolonge le délai pour le dépôt de la demande
[14] Pour décider s’il convient d’accorder une prolongation du délai, je dois établir si la prestataire a une explication raisonnable pour justifier son retardNote de bas de page 2.
[15] J’admets que la prestataire avait une explication raisonnable. Dans sa demande, elle a expliqué qu’elle luttait contre des problèmes de santé mentale et qu’elle avait récemment fait rajuster ses médicaments.
[16] Elle n’a pas étayé cette affirmation d’un diagnostic de trouble de santé mentale ou d’un avis médical sur la façon dont sa santé mentale a pu nuire à sa capacité de répondre à la décision de la division générale à temps. Toutefois, comme sa demande n’était en retard que de trois semaines, je suis disposée à accepter à première vue son explication. J’admets qu’elle a une explication raisonnable pour justifier le retard de sa demande.
Je n’accorde pas à la prestataire la permission de faire appel
Principes généraux
[17] Pour que la demande de permission de faire appel de la prestataire soit accueillie, les motifs de son appel doivent correspondre aux « moyens d’appel ». Les moyens d’appel établissent les types d’erreurs dont je peux tenir compte.
[18] Je ne peux tenir compte que des erreurs suivantes :
- a) Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
- b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher (erreur de compétence).
- c) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
- d) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droitNote de bas de page 3.
[19] Pour accueillir cette demande de permission et permettre à la procédure d’appel d’aller de l’avant, je dois conclure qu’il y a une chance raisonnable de succès sur le fondement d’un ou de plusieurs moyens d’appel. D’autres décisions judiciaires ont assimilé une chance raisonnable de succès à une « cause défendableNote de bas de page 4 ».
Les moyens d’appel de la prestataire
[20] La prestataire a choisi tous les moyens d’appel disponibles lorsqu’elle a rempli sa demande à la division d’appel. Toutefois, l’explication plus détaillée dans sa demande ne faisait état d’aucune erreur précise.
[21] Elle n’a pas prétendu qu’il y avait quoi que ce soit d’injuste dans la façon dont la division générale a traité son appel. Elle n’a relevé aucune question ou décision qui aurait dû être examinée par la division générale ou qu’elle n’aurait pas dû examiner. Elle n’a relevé aucune erreur juridique. Elle n’a mentionné aucun élément de preuve que la division générale a négligé ou mal compris.
[22] La prestataire semblait plutôt en désaccord avec les critères d’admissibilité et de qualification décrits dans la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) elle-même et avec la façon dont la Loi est appliquée.
[23] J’ai écrit à la prestataire le 15 mai 2024 et je lui ai demandé d’expliquer de nouveau pourquoi elle faisait appel de la décision de la division générale. Dans ma lettre, j’énonce les moyens d’appel (ou les erreurs possibles) et je donne de brèves explications de ce que chacun signifie.
[24] La prestataire a répondu le 4 juin 2024. Essentiellement, elle a demandé à la division d’appel d’accueillir son appel en raison de tout ce qu’elle a vécu et du fait qu’elle n’était pas responsable de sa situation difficile.
Équité procédurale
[25] Il est évident que la prestataire n’est pas d’accord avec le résultat de la décision et qu’elle estime qu’il n’est pas équitable. Mais le seul type d’équité que je peux examiner est l’« équité procédurale », qui concerne uniquement le processus de la division générale. Il ne s’agit pas de savoir si une partie estime que le résultat de la décision est juste.
[26] Les parties devant la division générale ont droit à certaines protections procédurales, comme le droit d’être entendues et de connaître la preuve qu’elles doivent réfuter, et le droit à un décideur impartial. La prestataire n’a rien relevé dans le processus qui l’empêchait d’avoir une chance équitable d’être entendue et elle n’a pas laissé entendre que le membre de la division générale avait un parti pris.
[27] Lorsque je lis la décision et examine le dossier d’appel, je ne vois pas que la division générale a fait quoi que ce soit ou a omis de faire quoi que ce soit qui m’amène à remettre en question le caractère équitable du processus.
[28] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur en matière d’équité procédurale.
Erreur de compétence
[29] La division générale doit examiner toutes les questions que la Commission a examinées de nouveau. Elle n’a pas compétence pour examiner d’autres questionsNote de bas de page 5. La décision de révision concernait le refus de la Commission de verser les prestations pour proches aidants que la prestataire a demandées le 10 janvier 2024.
[30] La division générale a examiné le droit de la prestataire à des prestations pour proches aidants à compter de la date de sa demande. Elle n’a pas examiné la question de savoir si la prestataire aurait pu avoir droit à une antidatation de sa demande jusqu’à une date antérieure à laquelle elle aurait été admissible à des prestationsNote de bas de page 6. Ces questions n’ont pas été abordées dans la décision de révision.
[31] La division générale a rendu une décision sur la seule question dont elle était saisie à juste titre. On ne peut soutenir qu’elle a commis une erreur de compétence.
Erreur de droit
[32] Le moyen d’appel relatif à une « erreur de droit » ne permet pas d’attaquer la loi elle-même. Il décrit une erreur dans la façon dont la division générale applique le droit, omet d’appliquer le droit ou applique le mauvais droit.
[33] La prestataire n’a signalé aucune erreur de droit, et aucune ne ressort à la lecture du dossier. La division générale avait raison de dire que sa demande ne pouvait pas commencer avant la date à laquelle elle a présenté une demande de prestations (sans antidatation) et qu’elle ne pouvait pas être admissible à des prestations pour proches aidants pour s’occuper de sa grand-mère après le décès de celle-ci.
[34] On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit.
Erreur de fait
[35] La division générale commet une erreur de fait importante lorsqu’elle fonde sa décision sur une conclusion qui néglige ou comprend mal les éléments de preuve pertinents ou sur une conclusion qui ne découle pas rationnellement de la preuveNote de bas de page 7.
[36] La prestataire n’a présenté aucun élément de preuve que la division générale a négligé ou mal compris ni n’a tenté de démontrer en quoi les conclusions de la division générale ne découlaient pas de la preuve.
[37] J’ai examiné le dossier et je n’ai pas trouvé un moyen qui permettrait à la prestataire de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait.
[38] Je suis sensible à la situation de la prestataire, mais je n’ai pas le pouvoir d’accueillir l’appel de la prestataire pour des motifs humanitaires. L’admissibilité aux prestations pour proches aidants ne dépend pas des difficultés personnelles ou financières de la prestataire.
[39] L’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.
Conclusion
[40] J’ai accordé une prorogation de délai, mais je refuse la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.