Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c GD, 2024 TSS 779

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Sandra Doucette
Partie intimée : G. D.
Représentant : Celso Sakuraba

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
24 août 2023 (GE-23-872)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 20 février 2024
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelant
Représentant de l’intimé
Date de la décision : Le 8 juillet 2024
Numéro de dossier : AD-23-881

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La division générale a commis des erreurs de droit, car elle a mal interprété les exceptions à la règle générale selon laquelle une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi lorsqu’elle est à l’étranger.

[3] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] Le prestataire est G. D.

[5] Les faits de l’affaire ne sont pas contestés. Le prestataire était un employé à temps plein au Canada lorsqu’il est parti en vacances à l’étranger. Pendant ses vacances, le prestataire a subi un accident et il a depuis une blessure permanente. Malheureusement, il ne s’est toujours pas rétabli et n’est pas revenu au Canada.

[6] L’employeur du prestataire l’a congédié. La famille du prestataire a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi en son nom. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a refusé de lui verser des prestations parce qu’il était à l’étranger et qu’il ne satisfaisait pas à une exception qui lui permettrait de recevoir des prestations.

[7] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que le prestataire satisfaisait à une exception prévue par le Règlement sur l’assurance-emploi. Elle a décidé que le prestataire était admissible aux prestations de maladie même s’il était à l’étranger. La Commission a porté cette décision en appel à la division d’appel du Tribunal.

[8] La division générale a commis des erreurs de droit. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

[9] J’accueille l’appel. Le prestataire ne satisfait pas à l’une des exceptions pour recevoir des prestations pendant qu’il est à l’étranger.

Questions en litige

[10] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en interprétant mal l’article 55(1)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi?
  2. b) Si oui, comment faut-il corriger l’erreur?

Analyse

[11] Je peux seulement intervenir si la division générale a commis une erreur pertinente. Je peux seulement tenir compte de certaines erreurs.Note de bas de page 1 En bref, je peux intervenir si la division générale a commis au moins une des erreurs suivantes :

  • elle a agi injustement d’une façon ou d’une autre;
  • elle a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher ou n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher;
  • elle a commis une erreur de droit;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

[12] La présente affaire porte sur la question de savoir si le prestataire satisfait à une exception prévue par le Règlement qui lui permettrait de recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant qu’il était à l’étranger.

La loi

[13] Il y a une règle générale dans la Loi sur l’assurance-emploi qui prévoit que si une personne est à l’étranger, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 2 Toutefois, il existe des exceptions.Note de bas de page 3

[14] L’article 55(1)(a) du Règlementprévoit ceci :

Sous réserve de l’article 18 de la Loi, le prestataire qui n’est pas un travailleur indépendant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu’il est à l’étranger pour l’un des motifs suivants :

  1. (a) subir, dans un hôpital, une clinique médicale ou un établissement du même genre situés à l’étranger, un traitement médical qui n’est pas immédiatement ou promptement disponible dans la région où il réside au Canada, si l’établissement est accrédité pour fournir ce traitement par l’autorité gouvernementale étrangèreNote de bas de page 4.
    (Je souligne)

[15] La division générale devait décider si des exceptions s’appliquaient au prestataire.

La division générale a commis des erreurs de droit parce qu’elle a mal interprété l’article 55(1)(a) du Règlement

[16] Sur une question de droit, je n’ai pas à m’en remettre à la division générale. Cela signifie que je dois seulement décider si l’interprétation de la loi par la division générale est bonne ou mauvaise.

La raison du départ est importante

[17] La division générale a décidé que le prestataire était admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant qu’il était à l’étranger. Elle a décidé qu’il importait peu que le prestataire ait quitté le Canada pour ses vacances. Elle a dit que l’important était ce qui s’est passé pendant qu’il était à l’étranger. Dans le cas présent, il avait besoin d’un traitement médical pendant son absence. La division générale a donc conclu que, comme le traitement était urgent, le prestataire avait satisfait à une exception qui permettait le versement de prestations d’assurance-emploi.

[18] La division générale s’est concentrée par erreur uniquement sur le fait que le prestataire a dû recevoir des soins médicaux pendant qu’il était à l’étranger. La division générale a décidé que la raison pour laquelle le prestataire a quitté le Canada n’avait pas d’importance, ce qu’il fallait retenir c’est qu’il a eu besoin d’un traitement médical pendant son absence.Note de bas de page 5 Cela ne correspond à aucune disposition législative.

[19] La division générale a interprété l’article 55(1)(a) et l’importance de l’expression « for the purpose of undergoing ». La division générale a examiné les versions française et anglaise de la disposition.Note de bas de page 6 Elle s’est concentrée sur le fait que la version française de cet article dit seulement « subir ». Il n’y a aucune mention d’un but. Elle a donc décidé que la raison pour laquelle une personne quitte le Canada n’était pas importante. C’est plutôt ce que fait la personne lorsqu’elle est à l’étranger.Note de bas de page 7

[20] Cependant, une lecture attentive des deux versions (française et anglaise) de la partie pertinente de l’article 55(1) du Règlement démontre qu’elles sont semblables. En anglais, on indique : « is not disentitled from receiving benefits for the reason that the claimant is outside Canada ». L’article énumère ensuite plusieurs raisons pour lesquelles il est permis de recevoir des prestations pendant un séjour à l’étranger. En français, on indique : « n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu’il est à l’étranger pour l’un des motifs suivants ». La version française énumère également plusieurs raisons pour lesquelles il est permis de recevoir des prestations pendant un séjour à l’étranger.

[21] La version française signifie qu’une partie prestataire n’est pas automatiquement inadmissible aux prestations lorsqu’elle est à l’étranger, certaines raisons constituent des exceptions. Cela prouve que les versions française et anglaise du Règlement sur l’assurance-emploi vont dans le même sens. Plus précisément, une partie prestataire doit être à l’étranger pour l’une des raisons énumérées. Ainsi, la raison pour laquelle la personne quitte le Canada est importante. La division générale a donc commis une erreur de droit dans son interprétation.

Pas immédiatement ou promptement disponible

[22] La division générale a conclu que le prestataire suivait un traitement médical pendant qu’il était à l’étranger. Elle a conclu qu’en raison de ses blessures, le prestataire ne pouvait pas revenir au Canada pour suivre son traitement médical.Note de bas de page 8 C’est ce qui a permis de conclure que « les traitements médicaux nécessaires ne sont pas immédiatement et promptement disponibles dans sa région de résidence au Canada ».Note de bas de page 9

[23] La division générale n’a pas fourni d’explications ni d’éléments de preuve démontrant que le traitement médical que le prestataire a reçu n’était pas immédiatement ou promptement disponible dans sa région de résidence au Canada. Selon la division générale, comme le prestataire était à l’étranger, il s’ensuivait que le traitement ne pouvait pas être promptement ou immédiatement disponible au Canada. Elle a donc fondé sa conclusion sur l’endroit où se trouvait le prestataire, plutôt que de se concentrer sur l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi.

[24] La Loi sur l’assurance-emploi a pour objet de fournir une aide temporaire aux personnes qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, se retrouvent sans emploi. La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’aucune prestation n’est payable si la personne se trouve à l’étranger, sauf exception.

[25] En l’espèce, le prestataire n’a pas quitté le Canada pour aller suivre un traitement médical. Il est parti en vacances, puis il a eu un accident. Il aurait donc fallu examiner si le traitement médical aurait été disponible au Canada. Pourtant, rien ne prouve que le type de traitement médical reçu n’aurait pas été offert au prestataire au Canada. Il s’agit d’une erreur de droit.

Aucune analyse sur l’indisponibilité du traitement dans la région du prestataire

[26] Il existe une deuxième partie à l’exception. Elle prévoit que le traitement médical nécessaire n’est pas immédiatement ou promptement disponible dans la région de résidence du prestataire au Canada. Aucun élément de preuve présenté à la division générale ne montre que le traitement médical n’était pas immédiatement ou promptement disponible dans la région où le prestataire résidait au Canada. Il incombait au prestataire de le prouver.Note de bas de page 10 Cela fait partie du critère juridique, alors il s’agit d’une erreur de droit.

Il n’existait pas de « circonstance exceptionnelle » au sens du présent Règlement

[27] La division générale a décidé que le prestataire avait des circonstances exceptionnelles et qu’il ne pouvait donc pas revenir au Canada.Note de bas de page 11 Cela ne fait pas partie du critère juridique. L’article 37(b) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit ce qui suit : « Sauf dans les cas prévus par règlement, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est à l’étranger. »

[28] L’article 55 du Règlement énumère les exceptions prévues. Rien dans l’article 55 ne permet de tenir compte d’un certain type de [traduction] « circonstances exceptionnelles ». Ni les parties ni la division générale n’a fait référence à la jurisprudence pour démontrer que les tribunaux avaient conclu que des circonstances exceptionnelles devaient être prises en considération. Il s’agit d’une erreur de droit.

[29] La division générale a commis des erreurs de droit. Cela signifie que je peux intervenir.

Réparation

[30] Aucune des parties n’a laissé entendre qu’elle n’avait pas présenté tous ses éléments de preuve à la division générale. Les faits ne sont pas contestés. Par conséquent, je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Il faut notamment décider si le prestataire est admissible aux prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 12

Le prestataire n’est pas admissible aux prestations

[31] Le prestataire n’est pas visé par une exception pour les raisons qui suivent. Par conséquent, il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[32] Le Règlement sur l’assurance-emploi est une exception à la règle générale selon laquelle une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle est à l’étranger. Il s’agit d’exceptions prévues par règlement sur lesquelles le législateur s’est penché.Note de bas de page 13

Le prestataire ne satisfait pas à une exception prévue par le Règlement qui lui donnerait droit aux prestations

[33] Le prestataire a quitté le Canada pour prendre des vacances. Un accident est survenu. En l’absence de preuve ou de jurisprudence exécutoire indiquant le contraire, un accident en vacances n’est pas couvert par l’article 55 du Règlement. Ce n’est pas l’objet de cet article du Règlement.

Le prestataire est un prestataire au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[34] La Commission soutient que le prestataire n’est pas un « prestataire » au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle soutient que le prestataire aurait déjà dû recevoir des prestations d’assurance-emploi avant de quitter le Canada pour que l’on tienne compte de l’exception.Note de bas de page 14 La Commission affirme que le prestataire doit avoir été un prestataire avant que l’exception prévue à l’article 55(1)(a) du Règlement puisse s’appliquer.

[35] Le représentant du prestataire soutient qu’il y a une définition générale du mot « prestataire » à l’article 2 de la Loi sur l’assurance-emploi. L’article indique qu’un prestataire est une « personne qui demande ou qui a demandé des prestations en vertu de la présente loi ».

[36] Je suis d’accord avec le représentant du prestataire. Le terme « prestataire » est défini de façon générale. Lorsque la famille du prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi en son nom, cela a fait de lui un prestataire au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

L’article 18 n’empêche pas le prestataire de recevoir des prestations d’assurance-emploi

[37] La Commission fait valoir qu’il faut tenir compte de la première phrase de l’article 55(1), laquelle indique qu’elle est assujettie à l’article 18 de la Loi, et que les prestataires doivent prouver leur disponibilité. La Commission a soutenu que la Cour d’appel fédérale a clairement indiqué que l’article 55 exige l’examen de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 15 Elle ajoute qu’il faut suivre la jurisprudence.

[38] J’accepte la position de la Commission selon laquelle l’exception prévue à l’article 55(1) doit être lue en tenant compte de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi. La loi est claire. Cependant, je ne trouve pas que ce soit important en l’espèce. Dans la présente affaire, le prestataire a demandé des prestations de maladie. Autrement dit, pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, il doit démontrer qu’il aurait été disponible pour travailler [traduction] « n’eût été » sa maladie (ou sa blessure).

[39] Le prestataire a travaillé à temps plein jusqu’au 15 janvier 2022. Personne ne semble avoir contesté le fait que si le prestataire était retourné au Canada, il aurait continué de travailler à temps plein. Je conclus donc que cela signifie que s’il n’était pas blessé, le prestataire aurait été disponible pour travailler.

Les exceptions prévues à l’article 55 couvrent toutes les raisons pour lesquelles un prestataire est à l’étranger

[40] Si une personne satisfait à une exception en vertu de l’article 55 du Règlement, elle peut être admissible aux prestations d’assurance-emploi. Toutes les exceptions prévues à l’article 55 couvrent en fait les raisons pour lesquelles une partie prestataire se trouve à l’étranger. Selon mon interprétation, cela signifie que la raison pour laquelle le prestataire est à l’étranger est donc importante.

[41] En l’espèce, un accident malheureux s’est produit pendant que le prestataire était en vacances. Il ne s’agit pas d’une des exceptions prévues par le Règlement. En effet, le prestataire a quitté le Canada d’abord et avant tout pour prendre ses vacances.

Les soins d’urgence pendant les vacances ne relèvent pas de l’une des exceptions prévues par le Règlement

[42] Il ne fait aucun doute qu’en décembre 2021, le prestataire a eu besoin de soins médicaux d’urgence pendant ses vacances à l’étranger. On peut facilement dire qu’il a eu besoin de se faire soigner immédiatement. Comme je l’ai déjà mentionné, on ne sait pas si son état de santé est demeuré grave par la suite. De toute façon, cela n’a pas d’importance, car d’autres conditions relatives à l’exception n’ont pas été respectées.

[43] Premièrement, on ne peut pas ignorer le libellé clair de l’article 55 du Règlement. La raison pour laquelle une partie prestataire est à l’étranger est importante. Deuxièmement, rien ne prouve que le même traitement d’urgence n’aurait pas été disponible dans la région de résidence du prestataire. C’est un aspect obligatoire du critère.

[44] Le représentant du prestataire affirme qu’il est absurde de s’attendre à ce que la famille du prestataire le ramène au Canada pour qu’il puisse être admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[45] La représentante de la Commission affirme qu’il est absurde de s’attendre à ce que le régime d’assurance-emploi couvre les imprévus pendant qu’une personne est en vacances. Elle soutient que l’assurance-voyage répond à ce besoin.Note de bas de page 16

[46] Le représentant du prestataire soutient que le prestataire ne pouvait pas revenir au Canada. Pourtant, rien dans la preuve médicale ne laisse croire que c’était le cas.Note de bas de page 17 J’accepte la preuve médicale selon laquelle le prestataire a été admis à l’unité de soins intensifs de l’hôpital le 18 décembre 2021. Le rapport médical indique également que le prestataire a été [traduction] « plus tard transférée au service de la clinique médicale où il a continué à recevoir des soins ».Note de bas de page 18 On ne sait pas précisément quand le transfert a eu lieu.    

[47] Le représentant du prestataire fait valoir que, comme le prestataire se trouvait au Brésil, il n’y avait [traduction] « pas d’hôpital, pas de médecin et pas de traitement médical au Canada immédiatement et promptement disponible pour le traiter. Il aurait été obligé de voyager au Canada pour suivre un tel traitement, et il était incapable de voyager au Canada en raison de son état de santé ».Note de bas de page 19 Cependant, il n’y a aucune preuve médicale qui montre que le prestataire était incapable de voyager, par exemple dans une sorte d’ambulance aérienne.

[48] Le représentant du prestataire soutient [traduction] qu’« en raison de ses symptômes, il aurait été trop inconfortable et douloureux pour le prestataire d’effectuer un long vol pour revenir au Canada ».Note de bas de page 20 Cependant, aucun élément de preuve médicale n’a été présenté pour étayer cette affirmation.  

[49] Le représentant du prestataire soutient également [traduction] qu’« il serait absurde et cruel d’exiger qu’un membre de la famille ou un proche aidant l’envoie au Canada pour suivre des traitements. Il serait alors loin de sa famille et recevrait des soins régulièrement offerts par un professionnel de la santé que sa famille n’a jamais rencontré. D’ailleurs, sa famille ne serait pas non plus en mesure d’évaluer la qualité des soins dans ce cas-là ».Note de bas de page 21 Je suis certainement empathique et je peux comprendre que la famille du prestataire ait voulu rester près de lui. Pourtant, même si cela est logique, cela ne fait pas en sorte que la situation du prestataire relève de l’exception prévue à l’article 55(1)(a).

[50] Le législateur a rédigé les exceptions de façon consciente et délibérée. Le prestataire soutient que sa situation relève de l’exception prévue à l’article 55(1)(a) du Règlement. Cependant, cette exception n’est pas fondée sur des sentiments. L’article est clair : le traitement médical doit ne pas être immédiatement ou promptement disponible dans la région de résidence au Canada du prestataire. À l’exception de considérations pratiques, le prestataire n’a présenté aucune preuve montrant que le traitement médical qu’il a reçu n’était pas immédiatement ou promptement disponible au Canada.  

D’autres décisions de jurisprudence

[51] Aucune décision récente n’a été communiquée par les parties. Cependant, deux décisions rendues par le juge-arbitre canadien (CUB) portaient sur des questions semblables. Dans la décision CUB 11513, le prestataire était en vacances à l’étranger lorsqu’il a eu un accident. On lui a refusé des prestations. Le juge-arbitre a dit : « Il faut interpréter le paragraphe 54(3) du Règlement de façon sensée et non absurde. Bien évidemment, le traitement médical qui est actuellement donné à l’étranger n’est pas en lui-même disponible au Canada, simplement parce qu’il se passe à l’étranger » (je souligne).Note de bas de page 22

[52] Je ne suis pas obligée de suivre une décision CUB, mais dans ce cas-ci je la trouve convaincante. La situation dans cette affaire ressemble à celle du prestataire en l’espèce. Dans les deux cas, quelque chose d’inattendu s’est produit pendant que les prestataires étaient en vacances. Ils avaient besoin de soins médicaux immédiats. Cela ne signifie pas qu’ils ont droit aux prestations d’assurance-emploi. Dans les deux cas, si les prestataires étaient au Canada, ils auraient probablement reçu des prestations d’assurance-emploi.

[53] Il existe une autre décision semblable (CUB 20711). Dans cette affaire, la prestataire a subi un accident en vacances qui lui a causé de graves blessures. Elle a reçu un traitement médical d’urgence à l’étranger. Elle n’a pas pu revenir au Canada.

[54] Dans cette décision CUB, l’accent était mis sur le fait que la prestataire n’avait pas quitté le Canada pour suivre un traitement médical. La prestataire était en vacances, elle a eu un accident et elle a eu besoin d’un traitement médical. Le juge-arbitre a décidé que l’exception ne s’appliquait pas.Note de bas de page 23

[55] Je trouve que cette décision est également convaincante. Dans la présente affaire, le prestataire ne s’est pas rendu au Brésil pour se faire soigner. Il s’est rendu au Brésil pour y passer ses vacances, puis il a subi une blessure pendant son séjour. CUB 20711 est similaire.

[56] Les deux parties ont mentionné la décision intitulée K. I. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.Note de bas de page 24 Dans cette affaire, le prestataire recevait des prestations de maladie de l’assurance-emploi, puis il a décidé de quitter le Canada pour suivre un traitement médical. La division générale a refusé les prestations pour cette première période parce qu’elle a conclu que le traitement reçu était promptement ou immédiatement disponible au Canada.

[57] Pendant que K. I. se rétablissait du premier traitement médical, un autre problème de santé est survenu. La division générale a décidé, en se fondant sur la preuve médicale, qu’il aurait été trop inconfortable et douloureux pour K.I. de prendre l’avion pour rentrer chez lui.Note de bas de page 25 La division générale a accordé des prestations pour cette période subséquente parce que « le traitement […] peut être considéré comme n’ayant pas été promptement ou immédiatement disponible dans la région où il réside au sens de l’alinéa 55(1)a) du Règlement ».Note de bas de page 26

[58] Je ne suis pas liée par les décisions de la division générale. De plus, je juge que la décision K.I. n’est pas convaincante parce qu’elle est sensiblement différente de la présente affaire. Premièrement, dans cette affaire, la division générale a décidé que K. I. avait quitté le Canada pour se faire soigner. Deuxièmement, il y avait des documents médicaux confirmant que les déplacements seraient douloureux. En l’espèce, il n’y a aucun document médical qui traite de la possibilité d’un déplacement. Troisièmement, K. I. recevait des prestations de maladie, puis il est parti à l’étranger pour obtenir un traitement. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Dans la présente affaire, le prestataire a décidé de passer ses vacances à l’étranger, puis un accident malheureux est survenu pendant son séjour. Par conséquent, je ne suivrai pas le raisonnement de la division générale dans la présente affaire.

Si toutes les conditions de l’exception ne sont pas respectées, le prestataire ne peut pas recevoir de prestations

[59] Je n’accepte pas l’argument selon lequel la raison pour laquelle une partie prestataire quitte le Canada n’est pas importante. Si je l’acceptais, je devrais aussi accepter que la raison puisse changer une fois à l’étranger. Je ne peux pas. Et, de toute façon, cela ne changerait rien à l’issue de cette affaire. Le prestataire n’a pas démontré que le traitement médical qu’il a reçu n’était pas immédiatement ou promptement disponible dans sa région de résidence au Canada.

[60] Donc, malgré les circonstances malheureuses, le prestataire n’était pas à l’étranger pour suivre un traitement médical qui n’était pas immédiatement ou promptement disponible dans sa région au Canada.

[61] C’est vraiment un cas triste. Personne ne le met en doute. Je juge que la Loi sur l’assurance-emploi et son Règlement sont clairs. Une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle est à l’étranger à moins de satisfaire à une exception prévue par le Règlement. En l’espèce, le prestataire ne satisfait pas à une exception. Par conséquent, il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[62] Le prestataire soutient que, comme sa situation est unique et exceptionnelle, il devrait avoir droit à des prestations. Mais cela ne fait pas partie du critère juridique. Il incombe au prestataire de démontrer qu’il a satisfait à l’exception. Il n’y a rien dans l’exception qui traite des aspects pratiques ou de ce qui est plus commode pour le prestataire et ses proches.

[63] Je conclus donc que le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi. En effet, rien ne prouve qu’il a quitté le Canada pour se faire soigner. Une fois à l’étranger, rien ne démontre que le traitement n’était pas immédiatement ou promptement disponible au Canada dans sa région. Par conséquent, le prestataire ne satisfait pas à une exception prévue par le Règlement sur l’assurance-emploi. Il n’est donc malheureusement pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Conclusion

[64] L’appel est accueilli.

[65] La division générale a commis des erreurs de droit, car elle a mal interprété les exceptions relatives à l’inadmissibilité lorsqu’une personne est à l’étranger.

[66] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

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