Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 782

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (622385) datée du 1er novembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Rattray
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 24 janvier 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 6 février 2024
Numéro de dossier : GE-23-3394

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui l’a amenée à perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a perdu son emploi. L’employeur de l’appelante a déclaré qu’elle a été congédiée parce qu’elle a fait une publication négative sur les médias sociaux au sujet du restaurant où elle travaillait.

[4] L’appelante affirme que ce n’est pas la véritable raison pour laquelle l’employeur l’a congédiée. Elle dit avoir été congédiée parce qu’elle avait des différends au sujet de la prière au travail ainsi que du paiement des pourboires, du paiement des heures supplémentaires et de ses heures de travail.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

Je vais accepter certains documents envoyés après l’audience et en rejeter d’autres

[6] Au cours de l’audience, l’appelante a fait référence à des messages textes qui sont pertinents à son appel. J’ai accepté ces documents à l’audience sous réserve de donner à la Commission la possibilité de présenter d’autres observationsNote de bas de page 2. La Commission a présenté d’autres observationsNote de bas de page 3.

[7] Par la suite, l’appelante a envoyé des documents supplémentaires que je n’avais pas demandésNote de bas de page 4. Je n’ai pas accepté ces autres documents parce qu’ils n’avaient pas été mentionnés à l’audience et ne sont pas pertinents pour les questions que je dois trancher.

Question en litige

[8] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Pour répondre à la question de savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pourquoi l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[10] J’estime que l’appelante a perdu son emploi en raison de commentaires qu’elle a faits sur les médias sociaux au sujet d’un différend avec son employeur.

[11] L’appelante et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle l’appelante a perdu son emploi. La Commission affirme que la raison fournie par l’employeur est la véritable raison du congédiement. La Commission affirme que l’appelante a fait des accusations contre l’employeur dans un groupe de discussion pour le travail et que le lendemain, elle a publié un avis négatif sur Google au sujet de son employeur pendant qu’elle était au travail.

[12] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme que la véritable raison pour laquelle elle a perdu son emploi est qu’elle a :

  • demandé à l’employeur de lui payer ses heures supplémentairesNote de bas de page 5;
  • exigé que les pourboires soient versés au personnel;
  • exigé que l’employeur rétablisse ses heures de travailNote de bas de page 6;
  • eu un différend avec l’employeur au sujet de la prière au travailNote de bas de page 7.

[14] L’appelante travaillait dans un restaurant halal qui desservait la communauté locale, y compris une clientèle qui a la même religion que l’appelante et le propriétaire.

[15] Après la fin de son quart de travail, le samedi 15 juillet 2023, l’employeur a parlé à l’appelante de la prière au travail. L’appelante s’est offusquée de la discussion sur son utilisation des installations de l’employeur pour prier.

[16] Le dimanche 16 juillet 2023 à 2 h 12, l’appelante a demandé à d’autres membres du personnel, dans le groupe de discussion en ligne, si c’était un crime ou si c’était mauvais de prier au travail en disant que le propriétaire lui avait demandé de ne pas le faireNote de bas de page 8. Le gérant du restaurant et le fils du propriétaire lui ont dit qu’il [traduction] « n’était pas du tout approprié » d’avoir ce genre de discussion dans le groupe de discussion du travail, et qu’ils pourraient en discuter à la prochaine réunionNote de bas de page 9.

[17] L’appelante a continué d’écrire dans le groupe de discussion, promettant que le propriétaire serait informé des droits du personnel et affirmant son droit de prier, surtout après son quart de travailNote de bas de page 10. Le gérant du restaurant a dit d’arrêter d’en discuter, mais elle a continué.

[18] Le gérant a répété d’arrêter la conversation et dit qu’ils se rencontreraient le lundi 17 juillet 2023Note de bas de page 11.

[19] L’appelante a continué d’envoyer des messages dans le groupe de discussion du travail et a demandé si elle avait le droit de se changer au travail ou d’aller aux toilettesNote de bas de page 12. L’appelante a été enlevée du groupe de discussion du travail.

[20] Le dimanche 16 juillet 2023, alors que l’appelante était au travail, un avis négatif sur Google adressé à la clientèle du restaurant a été publié. L’avis a été publié à partir du compte de la fille de l’appelante, mais disait qu’il provenait de l’appelante. L’appelante disait avoir republié l’avis parce que son employeur avait bloqué son dernier commentaire. L’avis comprenait des commentaires négatifs au sujet du propriétaire et du fait qu’il ennuyait l’appelante parce qu’elle pratiquait sa religionNote de bas de page 13.

[30] L’employeur a congédié l’appelante pour abus de confiance lié à l’avis sur Google et il lui a remis une lettre de congédiementNote de bas de page 14. L’appelante nie être responsable de l’avis et affirme qu’il n’y a aucune preuve qui démontre qu’elle l’a affiché. Elle dit avoir été congédiée à tort en raison de son différend au sujet de la prière et de ses demandes liées à la rémunération des heures supplémentaires, aux pourboires et au rétablissement d’heures de travail additionnelles.

[31] L’employeur affirme qu’avant de congédier l’appelante, il a confirmé auprès d’elle qu’elle avait publié l’avis. Il dit aussi avoir un enregistrement audio de son aveu, mais la Commission n’en a pas fourni une copieNote de bas de page 15.

[32] L’appelante nie avoir parlé de l’avis avec l’employeur, avoir rédigé l’avis ou avoir demandé à d’autres personnes de le publier. Elle ajoute que même si l’avis a été publié à partir du compte de sa fille, elle n’a jamais demandé à sa fille si elle avait publié l’avis et elle ne savait même pas quand il avait été publié.

Mes conclusions

[33] Je considère que l’appelante a perdu son emploi en raison des commentaires qu’elle a faits sur les médias sociaux au sujet de son employeur. Elle a ignoré le fait qu’on lui a demandé de discuter de ses préoccupations lors d’une rencontre avec son gestionnaire le lundi suivant.

[34] Le Tribunal n’accepte pas les observations de l’appelante selon lesquelles elle n’était pas au courant de l’avis, elle n’en était pas responsable et n’en avait pas discuté avec son employeur. Son témoignage n’est pas crédible parce que la lettre de congédiement précise qu’elle est congédiée en raison de l’avis. Si elle n’était pas au courant de l’avis et qu’elle n’en était pas responsable, il est plus probable qu’improbable que lorsqu’elle a reçu la lettre de congédiement, elle aurait :

  • interrogé son employeur au sujet de l’avis;
  • nié son implication;
  • parlé à sa fille pour comprendre ce qui s’était passé.

[35] Cependant, ce n’est pas ce qu’elle a fait.

[36] L’appelante a également fourni des éléments de preuve contradictoires qui remettent en question sa crédibilité. Elle s’est excusée pour l’avis, puis elle a retiré sa déclaration trois jours plus tard lorsqu’elle a constaté que cela n’avait pas réglé son différend au sujet de la raison de son congédiementNote de bas de page 16. Elle a dit que lorsqu’elle a été congédiée, elle a accepté l’affirmation au sujet de l’avis parce qu’elle essayait simplement de digérer la nouvelle de son congédiementNote de bas de page 17.

[37] Ce qu’elle a dit lors du retrait de sa déclaration ne concorde pas non plus avec la preuve qu’elle a présentée à l’audience. À ce moment, elle a déclaré qu’elle n’était pas au courant de l’avis, qu’elle n’en avait pas discuté avec l’employeur et qu’elle n’avait pas reconnu l’avoir publié.

[38] Lors du retrait, elle a aussi dit : [traduction] « Je me suis naturellement tournée vers ma famille pour exprimer toutes les émotions que je ressentais et pour obtenir du soutien. Je ne suis responsable que de mes propres actions et, par conséquent, je ne peux pas être tenue responsable des actions et des réactions des personnes qui m’ont démontré leur soutien dans cette situation difficile »Note de bas de page 18.

[39] Je considère qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante soit responsable du contenu de l’avis qui a mené à son congédiement. Tôt le matin du dimanche 16 juillet 2023, l’appelante a été avisée qu’il y avait un endroit et un moment pour discuter de ses préoccupations au sujet de la prière, et qu’ils en discuteraient le lundi suivant. L’appelante a ignoré cette directive, a continué à faire des commentaires et a été exclue du groupe de discussion du travail. L’avis a été publié moins de 15 heures plus tard, prétendant avoir été publié par l’appelante, et exposant les détails de son différend au sujet de la prière et le fait que son compte avait été bloqué par l’employeur. Il n’est pas crédible que sa fille ait publié un avis négatif, qu’elle ait prétendu être l’appelante et qu’elle ait fait des commentaires négatifs au sujet du propriétaire et de l’employeur sans l’approbation de l’appelante. Si la fille avait agi sans l’approbation de l’appelante, il n’est pas crédible que l’appelante n’ait pas interrogé sa fille au sujet de l’avis.

[40] Je conclus que l’appelante n’a pas été congédiée pour une question de pourboires, d’heures supplémentaires ou de demandes d’heures additionnelles. Je tire cette conclusion parce qu’il n’y avait aucune preuve qu’elle a été congédiée en raison de son désaccord avec l’employeur sur ces questionsNote de bas de page 19. L’appelante a déclaré qu’elle a seulement interrogé le propriétaire à quelques reprises au sujet des pourboires et des heures supplémentaires. Elle avait échangé des messages textes avec le propriétaire pour obtenir des copies des talons de chèque de paie qu’on lui avait fournis auparavant, et le propriétaire a dit qu’il avait demandé que des copies lui soient fourniesNote de bas de page 20. L’appelante a déclaré que ses heures de travail avaient été réduites quelques mois avant qu’elle soit congédiée et qu’elle avait la possibilité de travailler trois ou cinq jours par semaineNote de bas de page 21.

La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[41] La raison du congédiement de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[42] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 22. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 23. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 24.

[43] Il y a inconduite si la personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 25.

[44] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 26.

[45] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelante a volontairement publié des déclarations incendiaires et fait des remarques personnelles défavorables à son endroit [sic]. Elle affirme également qu’elle a agi de façon délibérée parce que l’avis sur Google dit qu’elle a republié son dernier commentaire parce que l’employeur l’avait bloqué.

[46] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il n’y a aucune preuve démontrant qu’elle a publié l’avis.

[47] Pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante est responsable du contenu de l’avis qui a mené à son congédiement.

[48] Je juge également que sa conduite était délibérée parce que son gérant et le fils du propriétaire lui avaient dit qu’ils discuteraient de ses préoccupations à une réunion le lundi 17 juillet 2023. Plutôt que d’attendre, elle a continué d’écrire des commentaires dans le groupe de discussion du travail et ensuite en publiant un avis sur Google. Elle a ignoré ce que son employeur lui avait dit de faire, et a fait part de son différend au sujet de la prière au travail, et a fait des commentaires négatifs au sujet du restaurant et du propriétaire. Elle savait ou aurait dû savoir que sa conduite l’empêcherait d’exercer ses fonctions et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[49] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Autres questions

[50] Je ne tire aucune conclusion sur les autres questions soulevées par l’appelante au sujet des heures supplémentaires, des pourboires et de sa demande d’heures additionnelles. Ces questions ne relèvent pas de la compétence du Tribunal. L’appelante peut poursuivre l’examen de ces questions auprès du ministère du Travail ou avec un avocat si elle le souhaite.

Conclusion

[51] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[52] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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