Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MI c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 793

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. I.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (654313) datée du 26 mars 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 mai 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 27 mai 2024
Numéro de dossier : GE-24-1605

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Après avoir fait une révision, la Commission a avisé l’appelante, M. I., une travailleuse résidant à X, qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 4 février 2024 parce qu’elle avait quitté volontairement son emploi chez X le 31 janvier 2024 sans justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission est d’avis que quitter volontairement son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelante affirme qu’elle n’a pas démissionné, n’a pas été congédiée et n’a pas été mise à pied. Le Tribunal doit décider si l’appelante doit se voir refuser des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification au sens de l’article 29 de la Loi sur l’assurance‑emploi.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : Est-ce que l’appelante a quitté volontairement son emploi chez X le 28 janvier 2024?

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, était-elle fondée à le faire?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans le document GD4 du dossier d’appel.

[5] Une personne est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle quitte volontairement un emploi sans justification (voir l’article 30(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi). Une personne est fondée à quitter volontairement un emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas (voir l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi).

[6] L’intimée a d’abord le fardeau de prouver que le départ était volontaire. Ensuite, le fardeau revient à l’appelante : elle doit prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi. Pour établir cela, l’appelante doit démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances (voir les décisions Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190 et Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17). Le terme « fardeau » est utilisé pour indiquer la partie qui doit étayer suffisamment sa position pour satisfaire au critère juridique. Dans la présente affaire, le fardeau de la preuve repose sur la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il faut se demander s’il est plus probable qu’improbable que les événements se soient déroulés comme ils ont été décrits.

[7] Pour décider si une personne était fondée à quitter son emploi au titre de l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi, il faut se demander si, compte tenu de toutes les circonstances et selon la prépondérance des probabilités, son départ était la seule solution raisonnable dans son cas (voir les décisions White, 2011 CAF 190, Macleod, 2010 CAF 301, Imran, 2008 CAF 17 et Astronomo, A-141-97). Une personne qui quitte son emploi doit démontrer qu’elle n’avait aucune autre option (voir la décision Tanguay, A-1458-84).

Question en litige no 1 : Est-ce que l’appelante a quitté volontairement son emploi chez X le 28 janvier 2024?

[8] Oui.

[9] Pour que le départ soit volontaire, l’appelante doit prendre l’initiative de rompre sa relation avec son employeur.

[10] Pour déterminer si l’appelante a quitté volontairement son emploi, il faut répondre à la question suivante : l’appelante avait-elle le choix de rester ou de partir? (voir la décision Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56).

[11] C’est l’appelante qui a pris la décision de démissionner. Elle a avisé l’employeur de sa démission en affirmant que l’emploi ne lui convenait plus.

[12] Les deux parties conviennent que l’appelante a quitté cet emploi chez X le 31 janvier 2024.

[13] Je conclus que l’appelante a quitté volontairement cet emploi.

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, était-elle fondée à le faire?

[14] Non.

[15] Lors de son audience, l’appelante a déclaré qu’elle travaillait chez X en tant que responsable de la réception et qu’elle faisait tout le travail administratif.

[16] Elle a donné les raisons pour lesquelles son mari a décidé de vendre sa participation dans l’entreprise à son partenaire.

[17] Elle a déclaré qu’elle n’avait pas été congédiée, mais qu’elle avait senti qu’elle devait démissionner pour ne pas se retrouver dans une situation embarrassante.

[18] L’appelante a travaillé pour X du 16 juin 2012 au 28 janvier 2024 avant de démissionner.

[19] L’appelante déclare que le propriétaire l’a incitée à partir. Plus précisément, son mari a vendu sa part de l’entreprise à son associé, F., qui l’a remplacée. Elle pensait qu’il serait gênant de continuer à travailler après que son mari ait quitté l’entreprise et qu’elle ne se sentirait plus la bienvenue. L’appelante cite l’article 29(c)(xiii) de la Loi sur l’assurance-emploi, où l’on parle d’« incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi ».

[20] Dans une déclaration à la Commission, l’appelante a précisé qu’on ne l’avait pas incitée à quitter son emploi après que son mari a vendu sa moitié de l’entreprise à son partenaire, F.

[21] F. ne lui a pas dit de quitter son emploi.

[22] Elle a expliqué que c’était délicat et qu’elle pensait que F. voulait embaucher des membres de sa famille. Elle n’en a pas discuté avec lui parce qu’elle croyait que ce serait gênant si elle restait. Elle a cherché un autre emploi avant de partir, mais n’a pas demandé de congé parce qu’elle ne pensait pas que cela aurait été possible.

[23] L’employeur a fait valoir qu’il a repris l’entreprise le 1er février 2024. L’appelante a décidé de partir lorsque son mari a quitté l’entreprise. L’employeur a indiqué qu’elle n’avait pas été forcée de partir et qu’il l’appelle encore pour obtenir de l’aide avec la comptabilité. Il n’aurait pas été opposé à ce qu’elle reste, mais elle n’en a jamais discuté avec lui.

[24] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas démissionné, n’avait pas été congédiée et n’avait pas été mise à pied, mais qu’elle avait bel et bien décidé de partir.

[25] Après avoir reçu une décision défavorable à l’égard de sa demande de révision, l’appelante affirme dans son appel que l’employeur avait commencé à former la personne qui la remplacerait et que le milieu de travail était devenu toxique.

[26] Si tel était le cas, il incombe à l’appelante d’étayer ces affirmations.

[27] Ces affirmations sont réfutées par le fait que l’employeur n’a pas discuté avec l’appelante de son intention de partir et qu’il l’appelle encore pour lui demander de l’aide.

[28] Bien entendu, l’employeur a commencer à former la personne qui remplacerait l’appelante étant donné qu’elle lui avait donné son avis de démission.

[29] Toute personne a le droit de quitter un emploi, mais cette décision ne donne pas automatiquement droit à des prestations d’assurance-emploi. Il est inévitable qu’une personne qui est admissible à des prestations soit appelée à prouver qu’elle remplit les conditions de la loi.

[30] J’estime que l’appelante avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi chez X quand elle l’a fait. Elle aurait pu continuer à travailler jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi plus convenable. Elle aurait aussi pu tenter de trouver une solution avec son employeur concernant les risques d’embarras qu’elle craignait.

[31] Je ne dispose d’aucun élément de preuve montrant que l’appelante ait demandé des conseils médicaux concernant des problèmes de stress avant de démissionner.

[32] Je conclus que l’appelante a fait le choix personnel de quitter son emploi et que même si cette décision a pu lui sembler justifiée, elle ne répond pas à la norme du motif valable permettant le versement de prestations.

[33] Cela a été confirmé lors de l’audience lorsque l’appelante a déclaré ce qui suit : [traduction] « J’ai pensé qu’il valait mieux que je parte ».

[34] L’appelante a quitté son emploi alors qu’elle ne répondait à aucune des raisons admissibles énoncées à l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[35] Ni moi, ni la Commission, ni le Tribunal n’avons le pouvoir de contourner, d’ignorer ou de modifier les exigences dictées par la loi, même pour un motif de compassion (voir la décision Canada (Procureur général) c Knee, 2011 CAF 301).

[36] Le Tribunal et la Commission n’ont pas le pouvoir, discrétionnaire ou non, de déroger à des dispositions législatives et à des conditions claires imposées par la Loi sur l’assurance-emploi ou le Règlement sur l’assurance-emploi pour des motifs d’équité ou de compassion, des difficultés financières ou des circonstances atténuantes.

Conclusion

[37] Après avoir examiné attentivement toutes les circonstances, je conclus que l’appelante n’a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. La question n’est pas de savoir s’il était raisonnable pour l’appelante de quitter son emploi, mais plutôt si ce départ était la seule solution raisonnable qui s’offrait à elle (voir la décision Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129). Étant donné que l’appelante a quitté volontairement son emploi, j’estime qu’elle avait d’autres solutions raisonnables que démissionner au moment où elle l’a fait et qu’elle ne satisfait donc pas au critère prévu à l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi lui permettant d’être fondée à quitter son emploi. L’appel est rejeté.

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