[TRADUCTION]
Citation : NA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 797
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Parties appelante : | N. A. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentant : | Kevin Goodwin |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 21 décembre 2023 (GE-23-2637) |
Membre du Tribunal : | Janet Lew |
Mode d’audience : | En personne |
Date de l’audience : | Le 28 mai 2024 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelante Représentant de l’intimée |
Date de la décision : | Le 9 juillet 2024 |
Numéro de dossier : | AD-24-58 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] La division générale a correctement établi la période de référence de l’appelante, N. A. (prestataire), et les heures qu’elle a accumulées au cours de celle-ci.
[3] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit ou de fait en décidant que la prestataire n’a pas assez d’heures au cours de sa période de référence et qu’elle n’est donc pas admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi.
Aperçu
[4] La prestataire fait appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu qu’elle n’a pas accumulé assez d’heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence pour être admissible aux prestations de maladie. Elle a estimé qu’elle avait besoin de 600 heures pour y être admissible, mais qu’elle n’en avait que 595.
[5] La prestataire soutient qu’elle a assez d’heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence pour être admissible aux prestations de maladie. Elle dit que la division générale a commis trois erreurs : 1) elle n’a pas correctement établi sa période de référence, 2) elle a ignoré les éléments de preuve qui selon elle montraient qu’elle avait des heures additionnelles et 3) elle n’a pas prolongé sa période de référence.
[6] La prestataire soutient que si la division générale n’avait pas commis ces erreurs, elle aurait eu assez d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations de maladie. Elle demande à la division d’appel de rendre la décision qu’elle estime que la division générale aurait dû rendre.
[7] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, soutient que la division générale n’a commis aucune erreur. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel.
Questions en litige
[8] Les questions en litige dans cet appel sont les suivantes :
- a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait concernant le début et la fin de la période de référence de la prestataire?
- b) La division générale a-t-elle mal calculé les heures d’emploi assurable de la prestataire?
- c) La division générale a-t-elle omis d’examiner si la période de référence de la prestataire pouvait être prolongée?
Analyse
[9] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale si celle-ci a commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreurs de faitNote de bas de page 1.
[10] Pour ce type d’erreur de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 2.
La division générale n’a pas commis d’erreur concernant le début et la fin de la période de référence de la prestataire
[11] La division générale a estimé que la Commission avait correctement établi que la période de référence de la prestataire allait du 27 mars 2022 au 25 mars 2023. Outre le fait de citer l’article 8(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi, elle n’a pas expliqué comment elle en était arrivée à cette conclusion.
[12] La période de référence d’une partie prestataire dépend du début de sa période de prestations, et sa période de prestations débute à la date la plus tardive entre celle de son arrêt de rémunération et celle de sa demande initiale de prestationsNote de bas de page 3.
[13] La prestataire affirme que sa période de référence devrait être calculée à partir du 16 mars 2023, dernier jour où elle a travaillé. En général, la période de référence d’une personne correspond aux 52 semaines qui précèdent le début de sa période de prestationsNote de bas de page 4.
[14] La prestataire soutient que sa période de référence devrait correspondre aux 52 semaines précédant son arrêt de travail le 16 mars 2023. En d’autres mots, elle dit que sa période de référence devrait aller du 16 mars 2022 au 16 mars 2023. De cette façon, sa période de référence inclurait 14 heures d’emploi assurable qu’elle a travaillées dans la semaine du 20 mars 2022Note de bas de page 5.
[15] La Commission affirme que la période de prestations et, par conséquent, la période de référence de la prestataire ont commencé plus tard qu’elle ne le suggère. La Commission dit que sa période de prestations n’a commencé qu’après son arrêt de rémunération. Étant donné qu’elle a reçu une indemnité de congé de maladie après le 16 mars 2023, elle n’a pas pu subir un arrêt de rémunération à ce moment-là. La Commission soutient que les indemnités de congé de maladie constituent une rémunération assurable.
[16] La Commission dit aussi que si la période de référence de la prestataire allait du 16 mars 2022 au 16 mars 2023, 32 heures d’indemnité de congé de maladie ne pourraient plus être comptabilisées dans ses heures d’emploi assurable (la prestataire a reçu 32 heures d’indemnité de congé de maladie pour les 17, 20, 21 et 22 mars 2023Note de bas de page 6).
[17] La Commission affirme que selon la façon dont la prestataire calcule sa période de référence, elle gagnerait 14 heures d’un côté, mais en perdrait 32 de l’autre. Autrement dit, la prestataire n’aurait toujours pas assez d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations de maladie.
[18] Comme je l’ai indiqué ci-dessus, la période de référence d’une personne dépend du début de sa période de prestations. Selon l’article 10(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi, une période de prestations débute, selon le cas :
- a) le dimanche de la semaine au cours de laquelle survient l’arrêt de rémunération;
- b) le dimanche de la semaine au cours de laquelle est formulée la demande initiale de prestations, si cette semaine est postérieure à celle de l’arrêt de rémunérationNote de bas de page 7.
[19] Il ressort clairement de ce qui précède qu’il faut déterminer la semaine au cours de laquelle l’arrêt de rémunération de la prestataire est survenu et la semaine au cours de laquelle elle a présenté sa demande initiale de prestations. Ensuite, sa période de prestations débute le dimanche de la semaine la plus tardive des deux. Dans cette affaire, la semaine de l’arrêt de rémunération est la plus tardive.
[20] Il convient donc d’examiner quand l’arrêt de rémunération a eu lieu. Les parties ne s’entendent pas sur ce point.
[21] La prestataire affirme que son arrêt de rémunération s’est produit le 16 mars 2023, une fois qu’elle a cessé de travailler en raison de son état de santé. Elle dit que sa période de prestations a commencé le dimanche de cette semaine-là.
[22] La Commission soutient que l’arrêt de rémunération n’a pas eu lieu à ce moment‑là parce que la prestataire a reçu une indemnité de congé de maladie pour les 17, 20, 21 et 22 mars 2023Note de bas de page 8.
[23] Selon l’article 14(1) du Règlement sur l’assurance-emploi, un arrêt de rémunération survient lorsqu’une personne assurée est licenciée ou cesse d’être au service de son employeur et se trouve à ne pas travailler pour cet employeur durant une période d’au moins sept jours consécutifs « à l’égard de laquelle aucune rémunération provenant de cet emploi, autre que celle visée au paragraphe 36(13)Note de bas de page 9, ne lui est payable ou attribuée » (c’est moi qui souligne).
[24] Donc, si la prestataire a reçu une rémunération provenant de son emploi pendant cette période, il n’y a pas eu d’arrêt de rémunération. Si l’indemnité de congé de maladie que la prestataire a reçue constitue une rémunération, elle n’a pas subi d’arrêt de rémunération le 16 mars 2023 et sa période de prestations n’a pas commencé à cette date.
[25] L’article 35(2) du Règlement sur l’assurance-emploi définit ce qui est considéré comme une rémunération. La rémunération est le revenu intégral d’une partie prestataire provenant de tout emploi, et comprend les indemnités de congé de maladie.
[26] L’indemnité de congé de maladie de la prestataire constitue une rémunération. Comme la prestataire a reçu cette rémunération les 17, 20, 21 et 22 mars 2023, un arrêt de rémunération n’est pas survenu le 16 mars 2023.
[27] La période de prestations de la prestataire n’a commencé que le dimanche de la semaine au cours de laquelle l’arrêt de rémunération est survenu, à savoir le dimanche 26 mars 2023. Ainsi, la période de référence de la prestataire, soit la période de 52 semaines qui précède sa période de prestation, va du dimanche 27 mars 2022 au samedi 25 mars 2023.
[28] La division générale n’a pas commis d’erreur concernant le début et la fin de la période de référence de la prestataire.
La division générale n’a pas mal calculé les heures d’emploi assurable de la prestataire
[29] La division générale n’a pas mal calculé les heures d’emploi assurable de la prestataire. Confrontée à des éléments de preuve contradictoires, la division générale était en droit d’évaluer et de soupeser les éléments preuve et de décider lesquels elle préférait. De plus, même si la division générale avait pris en compte trois heures supplémentaires, cela n’aurait pas changé le résultat. La prestataire n’aurait toujours pas eu assez d’heures pour être admissible aux prestations de maladie.
[30] La prestataire soutient que la division générale a mal calculé ses heures d’emploi assurable. Elle affirme avoir accumulé plus de 600 heures, alors que la division générale a conclu qu’elle n’en avait que 595.
[31] La prestataire a travaillé pour deux employeurs différents : X et Y. Il y a des talons de paie pour les deux. Ils indiquent ce qui suit :
X
PÉRIODES DE PAIE | HEURES |
---|---|
Du 1er au 31 décembre 2022 | 128 |
Du 1er au 31 janvier 2023 | 152 |
Du 1er au 28 février 2023 | 124 |
Du 1er au 31 mars 2023 | 87 |
Du 1er au 30 juin 2023 | 32 (indemnité de congé de maladie) |
Nombre total d’heures d’emploi assurable | 523 heures |
Y
PÉRIODES DE PAIE | HEURES | HEURES RÉELLES SELON LA PRESTATAIRE |
---|---|---|
Du 16 au 31 mars 2022 | 14* | 14* |
Du 1er au 15 avril 2022 | 15.3 | 15.3 |
Du 16 au 30 avril 2022 | 22.3 | 22.3 |
Du 1er au 15 mai 2022 | 34.15 | 37.15 |
Nombre total d’heures d’emploi assurable | 71.75 | 74.75 |
* Ces heures se situent en dehors de la période de référence et ne comptent donc pas.
[32] La prestataire est d’accord avec les talons de paie de X. Elle convient qu’elle a accumulé 523 heures d’emploi assurable.
La prestataire affirme qu’il manque trois heures
[33] La prestataire n’est pas d’accord avec le nombre total d’heures qu’elle a travaillées pour Y. Elle affirme qu’un des talons de paie est erroné parce qu’il manque trois heures. Elle dit que 37,15 heures devraient être indiquées pour la période de paie du 1er au 15 mai 2022. Elle a consigné ses heures et tenu un agenda qui le montre.
[34] Cependant, la prestataire affirme qu’elle n’a pas réussi à obtenir de son employeur qu’il lui verse la somme appropriée ou qu’il corrige le talon de paie pour indiquer qu’elle a travaillé 37,15 heures. Elle dit que cet employeur a cessé ses activités. En d’autres termes, elle ne peut pas le localiser pour faire en sorte qu’il corrige son erreur.
[35] La prestataire n’a pas présenté d’autre élément de preuve à la division générale pour démontrer les tentatives qu’elle a pu faire pour amener son employeur à corriger la prétendue erreur.
[36] La prestataire affirme que la division générale a ignoré ses éléments de preuve qui montrent qu’elle a travaillé 37,15 heures plutôt que 34,15 heures. Toutefois, face à des éléments de preuve contradictoires, la division générale avait le droit d’évaluer et de soupeser les éléments de preuve et de décider lesquels elle préférait. En dernier ressort, en cas de désaccord sur les heures de travail, la prestataire devrait demander à l’Agence du revenu du Canada de rendre une décision sur l’assurabilité des emplois qu’elle a occupés.
[37] Toutefois, même s’il n’était pas contesté que la prestataire a travaillé 37,15 plutôt que 34,15 heures d’emploi assurable pour la période de paie du 1er au 15 mai 2022, elle n’aurait toujours pas le nombre d’heures requis pour être admissible aux prestations de maladie. Elle aurait tout de même besoin de trouver deux heures supplémentaires.
La prestataire affirme que les 14 heures qu’elle a travaillées du 16 au 31 mars 2022 devraient être comptabilisées dans ses heures d’emploi assurable
[38] La prestataire soutient que les 14 heures de la période de paie du 16 au 31 mars 2022 devraient être prises en compte. Toutefois, ces heures ne font pas partie de sa période de référence allant du 27 mars 2022 au 25 mars 2023.
[39] La prestataire a déposé des déclarations électroniques lorsqu’elle a présenté sa demande. Elle a déclaré dans une de celles-ciNote de bas de page 10 qu’elle a travaillé ces 14 heures au cours de la semaine du 20 mars 2022 au 26 mars 2022. Elle n’a déclaré aucune heure entre le 27 mars 2022 et le 2 avril 2022.
[40] Par conséquent, ces 14 heures ne peuvent pas être prises en compte parce qu’elles se situent en dehors de la période de référence de la prestataire.
[41] La division générale n’a pas mal calculé le nombre d’heures d’emploi assurable que la prestataire a travaillées au cours de sa période de référence allant du 27 mars 2022 au 25 mars 2023.
La division générale n’a pas omis d’examiner si la période de référence de la prestataire pouvait être prolongée
[42] La division générale n’a pas examiné si la période de référence de la prestataire pouvait être prolongée, mais la situation de la prestataire ne permettait pas une prolongation.
[43] L’article 8(2) de la Loi sur l’assurance-emploi énumère les circonstances dans lesquelles une période de référence peut être prolongée. Lorsqu’une personne n’a pas exercé, pendant une ou plusieurs semaines, un emploi assurable pour l’une des raisons ci-après, cette période de référence peut être prolongée d’un nombre équivalent de semaines :
- a) elle était incapable de travailler par suite d’une maladie ou d’une blessure prévue par règlement;
- b) elle était détenue dans une prison, un pénitencier ou une autre institution de même nature et n’a pas été déclarée coupable de l’infraction pour laquelle elle était détenue;
- c) elle recevait de l’aide dans le cadre d’une mesure de soutien à l’emploi;
- d) elle touchait des indemnités en vertu d’une loi provinciale du fait qu’elle avait cessé de travailler parce que la continuation de son travail la mettait en danger ou mettait en danger son enfant à naître ou l’enfant qu’elle allaitait.
[44] Il n’y a aucune preuve que l’une ou l’autre des circonstances décrites aux alinéas b) à d) était présente. La prestataire était incapable de travailler en raison d’une maladie prévue par règlement pendant sa période de référence, alors l’article a) pourrait s’appliquer.
[45] L’article 8(2) de la Loi sur l’assurance-emploi exige également qu’une personne prouve « de la manière que la Commission peut ordonner, qu’elle n’a pas exercé, pendant une ou plusieurs semaine, un emploi assurable » parce qu’elle était incapable de travailler en raison d’une maladie ou d’une blessure prévue par règlement.
[46] La Commission soutient que l’article 8(2) de la Loi sur l’assurance-emploi signifie qu’une personne ne doit pas être disponible pour travailler pendant toute la période en question.
[47] La prestataire affirme avoir cessé de travailler le jeudi 16 mars 2023. Elle dit donc que la semaine du 19 au 25 mars 2023 devrait pouvoir lui permettre de prolonger sa période de référence. Elle soutient qu’elle n’était pas disponible pour travailler pendant tout cette semaine-là. Plus important encore, elle fait valoir qu’elle n’a pas exercé d’emploi assurable pendant toute cette semaine parce qu’elle était incapable de travailler en raison de sa maladie.
[48] La Commission fait valoir que la prestataire ne peut pas s’appuyer sur la semaine du 19 au 25 mars 2023 pour prolonger sa période de référence parce que son employeur lui a versé une indemnité de congé de maladie pendant quatre jours les 17, 20, 21 et 22 mars 2023. Autrement dit, la Commission soutient qu’en versant à la prestataire une indemnité de congé de maladie, l’employeur a démontré qu’elle exerçait toujours un emploi assurable.
[49] En effet, l’article 10.1(1) du Règlement sur l’assurance-emploi prévoit ce qui suit :
Lorsqu’un assuré est rétribué par l’employeur pour une période de congé payé, il est réputé avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures qu’il aurait normalement travaillées et pour lesquelles il aurait normalement été rétribué pendant cette période.
[50] Bien que la prestataire n’ait pas travaillé et n’ait pas reçu de salaire pour la semaine du 19 au 25 mars 2023, elle a reçu une indemnité de congé de maladie et elle est pour cette raison réputée avoir exercé un emploi assurable au titre de l’article 10.1(1) du Règlement sur l’assurance-emploi.
[51] Comme la prestataire est réputée avoir exercé un emploi assurable, elle ne satisfait pas à l’exigence de l’article 8(2) de la Loi sur l’assurance-emploi voulant qu’elle n’ait pas exercé d’emploi assurable pendant toute la semaine en question. Sa période de référence ne peut donc pas être prolongée
Conclusion
[52] L’appel est rejeté. La division générale n’a commis aucune erreur concernant la période de référence ni dans son calcul des heures d’emploi assurable de la prestataire.