Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 799

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : L. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Jessica Murdoch

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
30 janvier 2024 (GE-23-3431)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 juin 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 10 juillet 2024
Numéro de dossier : AD-24-160

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. La division générale a commis une erreur de fait. J’ai corrigé cette erreur en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre. Toutefois, le résultat est le même. La prestataire n’était pas disponible pour travailler du 26 décembre 2022 au 12 mars 2023. Elle est inadmissible aux prestations pendant cette période.

Aperçu

[2] L. C. est l’appelante. Je l’appellerai la prestataire parce que la présente demande concerne sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[3] La partie intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que la prestataire n’était pas admissible aux prestations à compter du 26 décembre 2022 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. La prestataire n’était pas d’accord et a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais celle-ci n’a pas modifié sa décision.

[4] La prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a accueilli son appel en partie. Elle a conclu que la prestataire était disponible après le 12 mars 2023, mais a confirmé qu’elle n’était pas disponible du 26 décembre 2022 au 12 mars 2023. La prestataire a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel.

[5] La division générale a commis une erreur de fait en omettant de tenir compte du fait que la prestataire travaillait comme conductrice d’autobus scolaire à temps partiel de janvier à la mi-mars 2023.

[6] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. J’ai tenu compte du fait que la prestataire travaillait à temps partiel de janvier à mars 2023. Toutefois, le résultat est le même. La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Questions préliminaires

[7] À l’audience de la division d’appel, la prestataire a évoqué le fait qu’elle cherchait des emplois à temps plein et des emplois de nuit au cours de la période qui s’étend des vacances scolaires de Noël 2022 à la semaine de relâche de mars 2023. Il s’agissait de nouveaux éléments de preuve. Elle n’a pas dit à la division générale qu’elle voulait chercher un autre emploi ou un emploi supplémentaire pendant cette période ni qu’elle avait fait des efforts en conséquence. De plus, il n’y a aucune preuve de cela dans le dossier de révision, ni ailleurs dans le dossier d’appel.

[8] La division d’appel ne peut pas tenir compte de nouveaux éléments de preuve qui n’étaient pas à la disposition de la division générale si ces éléments de preuve visent à tenter de prouver un fait pertinent pour l’issue de l’appel.Note de bas de page 1

[9] Je ne tiendrai pas compte des déclarations que la prestataire a faites à la division d’appel au sujet de son désir ou de ses efforts de trouver du travail du 26 décembre 2022 au 13 mars 2023, à l’exception de l’emploi de conductrice d’autobus à temps partiel qu’elle a occupé.

Question en litige

[10] Voici la question en litige dans le présent appel :

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante en ignorant ou en interprétant mal la preuve concernant l’emploi de la prestataire de janvier à mars 2023?

Analyse

[11] La division d’appel ne peut examiner que les erreurs qui relèvent de l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou bien a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.Note de bas de page 2

Équité procédurale

[12] Le seul moyen d’appel que la prestataire a choisi en remplissant sa demande à la division d’appel était le moyen d’appel concernant l’équité procédurale. Cependant, elle a aussi expliqué pourquoi elle faisait appel. Ses raisons ne laissaient pas croire qu’elle se souciait de l’équité du processus de la division générale.

Que signifie l’équité procédurale?

[13] L’équité procédurale concerne l’équité du processus. Il ne s’agit pas de savoir si une partie estime que le résultat de la décision est juste.

[14] Les parties devant la division générale ont droit à certaines protections procédurales, comme le droit d’être entendues et de connaître les arguments avancés contre elles, et le droit à un décideur impartial.

On ne peut pas soutenir que la division générale a agi d’une façon inéquitable sur le plan procédural

[15] La prestataire n’a pas dit qu’elle n’avait pas eu une chance équitable de se préparer à l’audience ni qu’elle ne savait pas ce qui se passait à l’audience. Elle n’a pas dit que l’audience ne lui avait pas donné une chance équitable de présenter ses arguments ou de répondre à ceux de la Commission. Elle ne s’est pas plainte de la partialité du membre de la division générale et n’a pas prétendu qu’il avait jugé l’affaire d’avance.

[16] J’ai lu la décision et examiné le dossier d’appel. Je n’ai rien vu qui me porterait à douter de l’équité du processus en raison de ce que la division générale aurait fait ou omis de faire.

Erreur de fait importante

[17] La prestataire n’a pas affirmé que la division générale avait commis une erreur de fait, mais elle a insisté sur le fait qu’elle avait dit à la division générale qu’elle a travaillé de janvier à mars 2023. Par conséquent, j’ai aussi examiné si la division générale avait commis une erreur de fait importante.

[18] Il y a erreur de fait lorsque la division générale fonde sa décision sur une conclusion erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[19] La prestataire a raison de dire qu’elle a déclaré qu’elle travaillait comme conductrice d’autobus à temps partiel pour son employeur après les vacances de Noël de 2022 et tout au long de la période de janvier à mars 2023.Note de bas de page 3

[20] La division générale n’a pas mentionné le témoignage de la prestataire, et ses conclusions laissent croire qu’elle a mal compris ou négligé cet élément de preuve. Voici les conclusions de la division générale qui se rapportent à cette période :

  • la prestataire ne voulait pas retourner au travail;
  • elle n’était pas intéressée à travailler à ce moment-là;
  • elle n’était pas prête à travailler;
  • elle a obtenu un emploi chez son ancien employeur seulement à la fin de juillet 2023;
  • elle a décidé de ne pas travailler ni de chercher du travail.

[21] La preuve selon laquelle la prestataire a repris son travail de conductrice d’autobus à temps partiel est un élément pertinent et aurait dû être prise en considération au moment d’évaluer si elle satisfaisait au critère de disponibilité énoncé dans la décision Faucher.Note de bas de page 4

[22] La Commission concède que la division générale a commis une erreur de fait en omettant de tenir compte de l’emploi à temps partiel qu’occupait la prestataire de janvier à mars 2023.

[23] J’admets que la division générale a commis une erreur de fait importante. Elle aurait dû tenir compte de l’importance de son emploi à temps partiel pour trancher la question de sa disponibilité.

Réparation

[24] Je dois décider ce que je vais faire pour corriger l’erreur de la division générale. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen.Note de bas de page 5

[25] La prestataire et la Commission ont toutes deux recommandé que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre. J’accepte leur recommandation. Le dossier est suffisamment complet pour que je puisse le faire.

La prestataire était-elle admissible aux prestations d’assurance-emploi du 26 décembre 2022 au 12 mars 2023?

[26] La prestataire a déclaré qu’elle avait travaillé pendant quatre ans comme conductrice d’autobus scolaire à temps partiel avant de demander des prestations.Note de bas de page 6 Elle a déclaré que ce n’était qu’en mars 2023 qu’elle a commencé à chercher du travail à temps plein.Note de bas de page 7 La prestataire a dit qu’elle ne pouvait pas travailler à temps plein de décembre à mars en raison de ses obligations en matière de garde d’enfants. Elle devait déposer ses enfants à l’école ou être à la maison si ses enfants étaient malades.Note de bas de page 8

[27] La prestataire n’était pas intéressée à travailler à temps plein du 26 décembre 2023 [sic] au 12 mars 2023, inclusivement. Elle a dit qu’elle pouvait travailler seulement à temps partiel. Comme elle l’a expliqué dans le présent appel, c’est exactement ce qu’elle a fait. Elle est retournée au début de janvier 2023 pour travailler comme conductrice d’autobus à temps partiel pour le même employeur.

[28] Les prestataires doivent seulement prouver leur disponibilité pour un emploi « convenable ». Le Règlement sur l’assurance-emploi prévoit qu’un « emploi convenable » est un emploi dans lequel les heures de travail ne sont pas incompatibles avec les obligations familiales des prestataires.Note de bas de page 9

[29] Les heures que la prestataire travaillait comme conductrice à temps partiel lui permettaient de s’occuper de ses enfants, de sorte que son horaire n’était pas incompatible avec ses obligations familiales : il s’agissait d’un emploi convenable. Elle a prouvé qu’elle était « disponible » pour travailler conformément à ses habitudes et à son horaire de travail précédent parce qu’elle travaillait selon un horaire similaire.

[30] De plus, les antécédents de travail de la prestataire étaient à temps partiel et ses prestations d’assurance-emploi auraient été calculées en utilisant sa rémunération hebdomadaire provenant de son emploi à temps partiel. Il aurait donc été possible pour elle d’établir sa disponibilité en fonction de sa disponibilité pour un travail à temps partiel seulement.Note de bas de page 10

[31] Toutefois, dans la présente affaire, la prestataire occupait entièrement sa « disponibilité » à travailler comme conductrice à temps partiel. Le fait qu’elle était disponible pendant les heures où elle travaillait n’établit pas son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi pour la même période.

[32] Pour être admissible aux prestations, une partie prestataire doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible pour le faire. Mais ce n’est pas tout. Une partie prestataire peut recevoir des prestations seulement si elle a démontré qu’elle était « incapable d’obtenir un emploi convenable ».Note de bas de page 11 La prestataire n’a pas montré qu’elle était incapable d’obtenir un emploi convenable. Elle avait trouvé un emploi convenable pour les heures de la journée pendant lesquelles elle estimait qu’elle était disponible.

[33] La prestataire a clairement indiqué qu’elle n’était pas prête à chercher un emploi à temps plein avant le 13 mars 2023. Il est théoriquement possible qu’aucun emploi « convenable » ne soit disponible pour lui permettre de travailler plus d’heures. Comme je l’ai mentionné plus haut, une partie prestataire doit seulement être disponible pour un emploi convenable. Il est possible que la prestataire n’aurait pas pu trouver un deuxième emploi à temps partiel ou un emploi à temps plein qui lui aurait permis de remplir également ses obligations familiales.  

[34] Même si c’est possible, je ne peux pas simplement présumer que la prestataire n’aurait pas pu trouver un autre emploi convenable. Il incombe à la prestataire de prouver qu’elle était disponible pour un emploi convenable. Si la prestataire veut soutenir qu’il est peu probable qu’elle aurait trouvé un autre emploi convenable, elle doit fournir des éléments de preuve.

[35] La division générale ne disposait d’aucun élément de preuve montrant que la prestataire avait cherché à savoir si elle pouvait accumuler un plus grand nombre d’heures de travail tout en gérant ses obligations familiales.Note de bas de page 12 Rien ne montre qu’elle ait envisagé d’accumuler plus d’heures ou de prolonger ses quarts de travail, ni qu’elle ait cherché un autre emploi à temps plein, ni qu’elle ait essayé d’obtenir un autre emploi à temps partiel. La prestataire a dit qu’elle ne cherchait pas un autre emploi parce que ses enfants devaient aller à l’école et avaient besoin de soins s’ils tombaient malades, mais elle a dit à la Commission qu’un voisin était disposé à leur rendre service de temps à autre.Note de bas de page 13 Elle n’a pas fourni d’autres éléments de preuve montrant qu’elle n’aurait pas pu s’arranger pour que ses enfants soient amenés à l’école ou pour qu’ils soient supervisés pendant qu’elle était au travail.

[36] J’admets donc que son emploi à temps partiel de conductrice d’autobus n’était pas le seul emploi convenable pour lequel elle devait être disponible afin d’être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[37] Pour prouver qu’elle était disponible, la prestataire devait démontrer qu’elle avait le désir de retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert, démontrer qu’elle a exprimé ce désir par ses démarches de recherche d’emploi et démontrer qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles qui limitaient indûment sa capacité de retourner au travail. Il s’agit des facteurs de la décision Faucher; ceux-ci servent à évaluer la disponibilité.

[38] La prestataire a dit à la division générale qu’elle n’était pas prête à retourner au travail à temps plein avant le 13 mars 2023. J’admets donc qu’elle n’avait pas le désir d’obtenir un emploi à temps plein dès qu’il serait disponible. À l’extérieur de son emploi actuel, elle n’a pas cherché un autre emploi ou un emploi supplémentaire, de sorte que ses démarches de recherche d’emploi étaient clairement insuffisantes. Rien ne prouve qu’elle a envisagé un autre type d’emploi que celui de conductrice d’autobus au cours de la période allant de janvier à mars 2023. Elle n’a donc pas démontré qu’elle n’a pas établi de conditions qui limitaient indûment ses chances de retourner travailler.

[39] Si la prestataire n’a pas réussi à satisfaire ne serait-ce qu’un des facteurs de la décision Faucher, je peux conclure qu’elle n’était pas disponible. Je conclus qu’elle n’a satisfait à aucun des facteurs pour la période du 26 décembre 2022 au 12 mars 2023.

[40] Pour cette période, je conclus que la prestataire a obtenu un emploi convenable pour les heures pendant lesquelles elle travaillait réellement et qu’elle n’a pas démontré qu’elle était disponible en dehors de ces heures. Dans l’ensemble, ces conclusions signifient qu’elle n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pour la période du 26 décembre 2022 au 12 mars 2023.

[41] Autrement, je confirme la décision de la division générale à tous les égards.

Conclusion

[42] Je rejette l’appel. J’ai corrigé l’erreur de la division générale et j’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. La prestataire demeure inadmissible aux prestations du 26 décembre 2022 au 12 mars 2023.

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