Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 709

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : C.S.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance‑emploi du Canada (642446), datée du
30 janvier 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Peter Mancini
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 20 mars 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 11 avril 2024
Numéro de dossier : GE-24-621

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante n’a pas prouvéNote de bas de page 1 qu’elle devrait avoir plus de temps pour demander à la Commission de réviser sa décision initiale selon laquelle l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Aperçu

[2] La Commission a décidé que l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle n’était pas admissible au bénéfice des prestations. L’appelante n’est pas d’accord avec cette décision. Comme elle a demandé tardivement la révision de la décision, elle devait obtenir une prolongation de délai de la part de la Commission. Cette dernière a refusé d’accorder plus de temps à l’appelante parce qu’elle a conclu que son explication selon laquelle elle n’avait pas lu le paragraphe de la lettre l’informant du délai concernant une demande de révision n’était pas une explication raisonnable de son retard.

[3] L’appelante n’est pas d’accord et affirme qu’elle a demandé tardivement une révision de la décision pour plusieurs raisons. Lorsqu’elle a déposé son avis de révision, elle a dit qu’elle n’avait pas reçu la lettre lui faisant part du rejet de sa demande parce qu’elle avait déménagé. Elle a dit plus tard qu’elle avait reçu la lettre, mais qu’elle n’en avait pas lu le dernier paragraphe. Au cours de l’audience relative à l’appel, elle a déclaré qu’elle avait reçu des informations erronées de la Commission ou qu’elle avait mal interprété des informations reçues de la Commission concernant le délai de révision.

[4] Je dois décider si la Commission a pris sa décision correctement lorsqu’elle a refusé de donner plus de temps à l’appelante pour obtenir une révision de sa décision. Le cas échéant, la décision de la Commission est maintenue. Sinon, je dois me mettre à la place de la Commission et rendre la décision qu’elle aurait dû rendre.

Question que je dois examiner en premier

[5] L’audience relative à cette affaire devait avoir lieu le 6 mars 2024. L’avis d’audience avait été envoyé aux parties et j’ai convoqué l’audience à l’heure prévue. La veille de l’audience en soirée, l’appelante a envoyé un courriel dans lequel elle a mentionné qu’elle ne se présenterait pas, car elle avait un rendez‑vous médical. Le courriel de l’appelante n’a été affiché que le jour de l’audience et je n’en connaissais pas l’existence. J’ai attendu afin de voir si l’appelante se joindrait à l’audience. La ligne d’assistance du Tribunal a appelé l’appelante et lui a laissé deux messages.  Lorsqu’elle ne s’est pas présentée, j’ai décidé de tenir l’audience en son absence, mais j’ai ensuite été informé de son courriel et, plutôt que de tenir l’audience le 6 mars, j’ai ajourné l’audience au 20 mars 2024. Je ne crois pas que cette décision ait causé un préjudice à l’appelante ou à l’intimée.

Question en litige

[6] La Commission a-t-elle rendu sa décision correctement lorsqu’elle a refusé de donner plus de temps à l’appelante pour demander une révision de sa décision de lui refuser des prestations en raison de son inconduite? Sinon, je vais me mettre à la place de la Commission et rendre la décision qu’elle aurait dû rendre.

Analyse

[7] Les parties appelantes ont 30 jours pour demander à la Commission de réviser une décisionNote de bas de page 2. Si elles ne respectent pas ce délai, la Commission a le pouvoir de leur accorder une prolongation de délaiNote de bas de page 3.

[8] La loi énonce les facteurs que la Commission doit prendre en considération pour décider si les parties appelantes peuvent avoir plus de temps pour demander une décision de révisionNote de bas de page 4. Toutes les parties appelantes qui demandent plus de temps doivent :

  • Fournir une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai.
  • Avoir manifesté une intention constante de demander la révisionNote de bas de page 5.
  • Parfois, les parties appelantes doivent également démontrer :
  • Qu’il existe des chances raisonnables de succès.
  • Que l’autorisation du délai supplémentaireNote de bas de page 6 ne serait pas injusteNote de bas de page 7.

[9] Les parties appelantes doivent satisfaire aux quatre facteurs notamment parce qu’elles ont demandé la révision après l’expiration du délai de 365 jours suivant le jour où la Commission leur a communiqué la décision OU qu’elles ont fait une autre demande de prestations après que la Commission leur a communiqué la décision OU qu’elles ont demandé à la Commission d’annuler ou de modifier la décision dont elles souhaitent obtenir la révision. 

[10] La Commission affirme, dans ses observations, que ces quatre facteurs ne s’appliquent pas dans la présente affaire. La Commission n'a qu'à examiner les deux premiers facteurs énoncés au paragraphe 8. En effet, la demande de révision n’a pas été faite après l’expiration du délai de 365 jours suivant le jour où la Commission a communiqué la décision à l’appelante, aucune autre demande de prestations n’a été faite et aucune demande n’a été présentée à la Commission pour annuler ou modifier la décision qu’elle souhaite faire réviser.

[11] Je ne suis pas d’accord avec la Commission pour dire que seulement deux facteurs s’appliquent, soit les deux premiers facteurs énoncés au paragraphe 8 de la présente décision, les deux facteurs énoncés à l’article 1(1) du Règlement sur les demandes de révision (Règlement) pris en vertu de Loi. Il est important de noter que l’appelante a présenté une nouvelle demande de prestations (prestations de maladie) après avoir reçu la lettre rejetant sa demande de prestations régulières, de sorte que j’estime que la Commission aurait dû prendre en compte les autres facteurs énoncés au paragraphe 8 de la présente décision, ceux de l’article 1(2) du Règlement, dans l’évaluation de la demande de l’appelante.

[12] Je conclus que la Commission savait que l’appelante avait fait une autre demande de prestations après avoir reçu sa lettre de refus. Dans le dossier de la décision, l’agent de la Commission a demandé si la maladie de l’appelante l’empêchait ou non de demander une révisionNote de bas de page 8.

[13] La Commission a-t-elle rendu sa décision correctement lorsqu’elle a refusé la demande de l’appelante?

[14] La décision de la Commission d’accorder ou non un délai supplémentaire à l’appelante est discrétionnaireNote de bas de page 9. Cela signifie qu’il est loisible à la Commission de décider si l’appelante a satisfait ou non aux exigences pour obtenir la prolongation. Je dois examiner comment la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire, c’est‑à‑dire examiner la façon dont la Commission a rendu la décision, plutôt que la décision elle‑même.

[15] Je ne peux pas me mettre à la place de la Commission et décider si je crois qu’on devrait accorder plus de temps à l’appelante, à moins que je décide d’abord que la Commission n’a pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délaiNote de bas de page 10.

[16] L’appelante doit prouver queNote de bas de page 11 la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement.

[17] La Commission affirme qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a décidé de ne pas accorder de prolongation de délai. L’appelante affirme que la Commission n’a pas pris la décision correctement, et je suis d’accord avec elle. La Commission aurait dû examiner les quatre facteurs énoncés dans la réglementation et non seulement les deux premiers. Cela s’explique par le fait que l’appelante a fait une autre demande de prestations après avoir reçu son refus de prestations dans sa demande initiale.

[18] J’ai trouvé une façon dont la Commission n’a pas pris sa décision correctement. Une seule erreur est requise pour que je doive me mettre à la place de la Commission et rendre la décision qu’elle aurait dû rendre.

[19] Avant de me mettre à la place de la Commission, j’aimerais expliquer un point important. Mon rôle consiste maintenant à rendre la décision correctement. Cela ne signifie pas nécessairement que j’en arriverai à un résultat différent en ce qui concerne la question de savoir si l’appelante devrait obtenir plus de temps. Cela signifie plutôt que je prendrai la décision de la bonne façon. Je passerai en revue chacun des facteurs dans l’ordre et je déciderai si l’appelante y a satisfait.

Une explication raisonnable pour demander une prolongation de délai

[20] L’appelante a demandé des prestations régulières le 18 juin 2023. Dans une lettre datée du 10 juillet 2023, elle a été informée qu’on lui refusait des prestations à compter du 18 juin 2023 parce que, de l’avis de la Commission, elle avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Le sixième paragraphe de cette lettre explique comment déposer une demande de révision officielle de la décision. Les renseignements informant l’appelante que la demande de révision devait être déposée dans les 30 jours suivant la date de la lettre sont en caractères gras.

[21] L’appelant a ensuite demandé et a obtenu des prestations de maladie qui ont été versées du 20 août 2023 au 23 décembre 2023.

[22] Une fois ces prestations de maladie terminées, l’appelante a demandé une révision de son refus de prestations régulières. Elle l’a fait en janvier 2024. La demande elle‑même est datée du 4 janvier 2024.  La date de réception estampillée par la Commission est le 15 janvier 2024. C’est bien après le délai de 30 jours pour déposer une demande de révision comme le prévoit la Loi.

[23] Dans sa demande de révision, l’appelante a fait valoir qu’en juin 2023, elle a été congédiée en raison de problèmes de santé et non d’une inconduite. Elle a dit qu’elle n’avait pas reçu la lettre de révision parce qu’elle avait déménagé.

[24] La Commission a fourni la preuve d’une conversation qui a eu lieu entre l’appelante et un employé de Service Canada le 3 février 2024. Au cours de cette conversation, l’appelante a changé son récit et a dit qu’elle avait bel et bien reçu la lettre avant de déménager et qu’elle avait été informée de vive voix de la décision de la Commission avant de recevoir la lettre. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas présenté sa demande de révision plus tôt, elle a répondu qu’elle n’avait pas lu le paragraphe de la lettre contenant les renseignements sur les délais. Elle a confirmé que le fait qu’elle avait reçu des prestations de maladie ne l’empêchait pas de présenter la demande de révisionNote de bas de page 12.

[25] La Commission a conclu que le fait que l’appelante n’a pas lu la lettre qu’elle a reçue de la Commission décrivant ses options pour demander une révision n’était pas un motif raisonnable de prolonger le délai pour présenter une demande de révision.

[26] Au cours de l’audience, l’appelante a dit qu’elle avait reçu de la Commission des informations erronées. Elle a fait valoir qu’on lui avait dit qu’elle pouvait présenter une demande de révision et que la décision serait rendue dans un délai de 30 jours, et non qu’elle disposait d’un délai de 30 jours pour demander une révision. Elle a dit initialement que c’était en novembre 2023 et qu’elle avait pris la conversation en note, mais elle n’a pas cette note. Elle a dit avoir parlé des informations erronées à la personne qui l’a informée de la décision de rejeter la demande de révision. Elle a dit lui en avoir parlé en janvier 2024.

[27] Interrogée, l’appelante a dit qu’elle avait peut‑être reçu les informations erronées de la Commission lorsqu’elle a parlé à une personne en juillet 2023, date à laquelle elle a été informée du refus de prestations. Elle a dit avoir parlé à quelqu’un en juillet et de nouveau en novembre 2023. Elle pourrait avoir obtenu les informations erronées lors de l’un ou des deux appels. L’appelante n’était pas certaine.

[28] L’appelante a fourni différentes explications sur les raisons pour lesquelles la demande de révision a été si tardive. Les explications ont changé au fil du temps. Étant donné que l’appelante a donné différentes raisons pour lesquelles elle n’a pas présenté de demande de révision dans le délai prescrit, j’estime que son témoignage n’est pas fiable dans l’examen de ce facteur. Je conclus que l’appelante n’a pas fourni d’explication raisonnable pour demander un délai supplémentaire.

L’appelante a-t-elle manifesté l’intention constante de demander une révision?

[29] L’appelante n’a pas manifesté l’intention constante de demander une révision.  Elle a dit à la Commission que sa maladie ne l’empêchait pas de demander une révision. L’appelante a dit qu’elle a parlé à un agent de sa demande de révision à un moment donné en juillet (lorsqu’elle a reçu l’avis de refus de vive voix) ou en novembre 2023, mais qu’elle n’a pas de notes sur ces conversations à communiquer au Tribunal. Elle a reçu son refus de prestations régulières en juillet 2023 et dit avoir soulevé la question auprès de la Commission dans une conversation qui s’est déroulée quatre mois plus tard, en novembre. Elle a déposé son avis de révision en janvier 2024.  J’estime que le témoignage de l’appelante concernant la conversation tenue en novembre avec la Commission n’est pas fiable, et je ne suis pas convaincu qu’elle a eu lieu. Mais même si c’était le cas, j’estime qu’une conversation tenue avec la Commission entre juillet 2023 et janvier 2024 ne témoigne pas d’une intention constante de demander une révision.

L’appelante a-t-elle établi que la demande de révision a des chances raisonnables de succès?

[30] Ni l’appelante ni la Commission n’ont fourni de renseignements concernant la demande de prestations régulières de l’appelante. L’appelante affirme dans sa demande de révision qu’elle a été congédiée en raison d’une double infection et qu’elle a fourni à l’employeur une note du médecin. La Commission affirme que l’appelante a été congédiée en raison d’une inconduite. En l’absence d’autres renseignements, je ne peux affirmer que l’appelante a démontré l’existence de chances raisonnables de succès.

L’appelante a-t-elle démontré que l’autorisation du délai supplémentaire pour présenter la demande ne porterait pas préjudice à la commission ni d’ailleurs à aucune autre partie?

[31] L’appelante n’a présenté aucune preuve que l’autorisation du délai supplémentaire pour présenter la demande ne porterait pas préjudice à la Commission ni d’ailleurs à aucune autre partie. 

[32] J’ai tenu compte des quatre facteurs que la Commission aurait dû prendre en considération pour rendre sa décision. Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait une explication raisonnable pour demander un délai supplémentaire pour demander la révision, ni qu’elle a manifesté une intention constante de demander une révision, comme l’exige l’article 1(1) du Règlement. De plus, je n’ai aucune preuve qui permette de croire que l’autorisation du délai supplémentaire pour présenter la demande ne porterait pas préjudice à la Commission ni d’ailleurs à aucune autre partie, et je n’ai aucune preuve qu’il y avait des chances raisonnables de succès si la demande de révision était accueillie.

Conclusion

[33] L’appel est rejeté.

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