[TRADUCTION]
Citation : JS c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 719
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | J. S. |
Représentant : | C. F. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentante : | Rebekah Ferris |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (0) datée du 31 octobre 2022 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Raelene R. Thomas |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Les 29 et 30 mai 2024 |
Personnes présentes à l’audience : | Représentant de l’appelant Représentante de l’intimée Observatrice |
Date de la décision : | Le 19 juin 2024 |
Numéro de dossier : | GE-22-3596 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli en partie.
[2] La Commission n’a pas prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi le 15 novembre 2021 en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1. Pour cette raison, l’appelant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 15 novembre 2021 au 29 novembre 2021Note de bas de page 2.
[3] La Commission a prouvé que l’appelant a été congédié le 30 novembre 2021 en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi à partir de cette date.
Aperçu
[4] L’employeur de l’appelant a adopté une politique exigeant que tous les employés fournissent la preuve qu’ils étaient entièrement vaccinés contre la COVID-19. La politique prévoyait une mesure d’adaptation pour des motifs religieux. L’appelant a demandé une mesure d’adaptation à son employeur, mais elle lui a été refusée.
[5] L’employeur a mis l’appelant en congé sans solde à partir du 15 novembre 2021 parce qu’il n’a pas démontré qu’il était entièrement vaccinéNote de bas de page 3. L’appelant a été licencié le 30 novembre 2021 parce qu’il ne respectait toujours pas la politique de l’employeurNote de bas de page 4.
[6] La Commission a accepté les motifs de congédiement invoqués par l’employeur. Elle a conclu que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que l’appelant était exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.
[7] L’appelant n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Le représentant de l’appelant affirme que la politique de l’employeur est entrée en vigueur le 30 novembre 2021. Selon la politique, les employés avaient jusqu’à cette date pour démontrer qu’ils s’y conformaient. L’appelant tentait de se conformer à la politique, mais il a été congédié le 19 novembre 2021. Le représentant de l’appelant a fait valoir qu’il était impossible d’être congédié le 19 novembre 2021 pour ne pas s’être conformé à une politique qui n’est entrée en vigueur que le 30 novembre 2021. L’appelant ne pouvait prévoir qu’il pouvait perdre son emploi s’il ne fournissait pas de preuve de vaccination complète le 19 novembre 2021. De plus, au moment de son congédiement, le 19 novembre 2021, l’appelant n’avait enfreint aucune disposition de la politique. Par conséquent, selon le représentant de l’appelant, l’appelant n’a pas commis d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).
Questions que j’ai examinées en premier
L’appel a été renvoyé à la division générale
[8] L’appelant a interjeté appel du refus de ses prestations d’assurance-emploi auprès de la division générale du Tribunal pour la première fois en avril 2022. La membre de la division générale a rejeté de façon sommaire l’appel de l’appelant parce qu’elle a conclu que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, l’appelant n’a pas eu l’occasion de parler de son appel à l’audience.
[9] L’appelant a porté en appel la décision sommaire de rejet devant la division d’appel. La membre de la division d’appel a conclu que l’appel de l’appelant n’aurait pas dû être rejeté sommairement. Elle a ordonné que l’appel soit renvoyé à la division générale pour la tenue d’une audience. La présente décision découle de cette audience.
L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel
[10] Il arrive que le Tribunal envoie à l’employeur de l’appelant une lettre pour lui demander s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur. Ce dernier n’y a pas répondu.
[11] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme mis en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier ne me laisse croire que ma décision imposerait une obligation juridique à l’employeur.
L’appelant a présenté un avis de contestation fondée sur la Charte
[12] L’appelant a présenté au Tribunal un avis de contestation fondée sur la Charte le 5 janvier 2023. L’appelant a fait valoir qu’il ne contestait pas la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une disposition de la Loi ou des règles ou règlements pris en vertu de la Loi. L’appelant a fait valoir que le Tribunal était tenu d’établir un équilibre entre les valeurs de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) en application des articles 2(a), 7, 8 et 15 de la Charte et des objectifs législatifs de la Loi et des règlements d’application. C’est ce qu’on appelle l’« analyse de l’arrêt DoréNote de bas de page 5 ».
[13] Un autre membre du Tribunal, formé pour entendre et trancher les appels portant sur une violation de la Charte, a conclu que l’avis de contestation fondée sur la Charte de l’appelant ne satisfaisait pas aux exigences pour soulever une question constitutionnelle devant le TribunalNote de bas de page 6. Par conséquent, l’appel de l’appelant ne pouvait être examiné que selon les règles du processus d’appel normal et qu’aucun autre argument fondé sur la Charte ne serait pris en compte.
[14] Le membre du Tribunal a également dit que si l’appelant voulait invoquer la Charte comme outil d’interprétation, mais qu’il ne voulait pas contester la validité constitutionnelle d’un article de la Loi ou du Règlement sur l’assurance-emploi, il pouvait le faire sans avoir à déposer un avis de contestation fondée sur la Charte.
[15] Le représentant de l’appelant a par la suite informé le Tribunal que l’appelant ne présenterait pas d’observations sur la question des valeurs fondées sur la Charte, c’est-à-dire l’analyse de l’arrêt DoréNote de bas de page 7.
L’appelant n’était pas présent à l’audience
[16] Une audience peut avoir lieu sans l’appelant si ce dernier a reçu l’avis de l’audienceNote de bas de page 8. Je suis convaincue que l’appelant a reçu l’avis d’audience. Il lui a été envoyé par courriel, ainsi qu’à son représentant, aux adresses qu’ils ont fournies.
[17] L’audience a eu lieu à l’heure prévue le 29 mai 2024. Le représentant de l’appelant croyait que l’appelant serait présent, mais après 30 minutes, il n’a pas été possible de communiquer avec l’appelant. Comme l’audience devait se poursuivre le 30 mai 2024, j’ai ajourné la séance pour permettre au représentant de l’appelant de confirmer le choix de l’appelant d’assister ou non à l’audience.
[18] L’audience s’est poursuivie à l’heure prévue le 30 mai 2024. Le représentant de l’appelant a confirmé que l’appelant n’assisterait pas à l’audience et qu’il souhaitait que le représentant continue en son nom. L’audience a donc eu lieu à la date à laquelle elle a été fixée, mais en l’absence de l’appelant.
Une observatrice a assisté à l’audience
[19] Avant l’audience, la Commission a avisé le Tribunal qu’une observatrice assisterait à l’audience. L’avis a été envoyé à l’appelant et à son représentant. J’ai expliqué le rôle d’une observatrice (c’est-à-dire qu’elle ne participe pas à l’audience) et l’observatrice a dit qu’elle comprenait. L’audience s’est donc déroulée en présence d’une observatrice.
Inadmissibilité et exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploi
[20] Selon la Loi, le prestataire peut être inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi ou être exclu du bénéfice des prestations.
[21] L’inadmissibilité signifie que quelque chose vous empêche de recevoir des prestations d’assurance-emploi et qu’une fois que ce problème est réglé ou supprimé, l’inadmissibilité peut prendre fin. L’inadmissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison d’une suspension pour inconduite prend fin lorsque la période de suspension prend fin, que le prestataire perd ou quitte volontairement son emploi ou qu’il accumule suffisamment d’heures de travail chez un autre employeur pour être admissible à des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 9.
[22] L’« exclusion » signifie que la chose qui vous a empêché de recevoir des prestations d’assurance-emploi ne peut pas être modifiée ou éliminée. Par conséquent, une exclusion, une fois mise en place, ne prend fin que lorsque le prestataire accumule suffisamment d’heures d’emploi assurable dans un autre emploi pour être admissible à des prestations d’assurance-emploi ou qu’une inadmissibilité pour une autre raison lui est imposéeNote de bas de page 10.
L’appelant n’était pas en congé
[23] L’employeur de l’appelant lui a écrit le 12 novembre 2021 pour lui dire qu’il était mis en congé sans solde à compter du lundi 15 novembre 2021Note de bas de page 11. Il lui a ensuite écrit le 19 novembre 2021 pour dire que son emploi prenait fin le 30 novembre 2021Note de bas de page 12.
[24] L’appelant a demandé des prestations d’assurance‑emploi le 22 novembre 2021Note de bas de page 13. Dans sa décision initiale, la Commission a déclaré l’appelant inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 14 novembre 2021 parce qu’il a perdu son emploi le 19 novembre 2021 en raison de son inconduite.
[25] Dans le contexte de la Loi, une période de congé volontaire nécessite l’accord de l’employeur et du prestataire. Elle doit également comporter une date de fin dont ont convenu le prestataire et l’employeurNote de bas de page 14.
[26] Dans le cas de l’appelant, son employeur a mis fin à son emploi le 15 novembre 2021 lorsqu’il a été mis en congé sans solde.
[27] Le dossier d’appel ne contient aucun élément de preuve démontrant que l’appelant a demandé ou accepté de prendre une période de congé sans solde.
[28] L’article de la Loi sur l’inadmissibilité en raison d’une suspension fait référence aux agissements du prestataire qui ont mené à son chômage. Il indique que le prestataire qui est suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestationsNote de bas de page 15.
[29] La preuve démontre que les activités de l’employeur étaient réglementées par Transports Canada. Ce ministère exigeait que tous les non-passagers soient entièrement vaccinés à compter du 15 novembre 2021Note de bas de page 16. À cette date, l’appelant n’avait pas fourni de preuve qu’il était entièrement vacciné, de sorte qu’il a été mis en congé sans solde à partir du 15 novembre 2020 jusqu’à ce qu’il fournisse la preuve qu’il était entièrement vacciné, conformément à la politique de l’employeur ou le 30 novembre 2021, selon ce qui surviendrait en premier.
[30] Je suis convaincue que, pour l’application de la Loi, dans le cas du prestataire la période de congé sans solde à compter du 15 novembre 2021 peut être considérée comme une suspensionNote de bas de page 17.
[31] Comme il a été mentionné précédemment, l’inadmissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison d’une suspension pour inconduite prend fin lorsque le prestataire perd son emploi. Dans la présente affaire, l’emploi de l’appelant a pris fin le 30 novembre 2021. Par conséquent, la période d’inadmissibilité, si une inconduite avait été constatée, aurait duré du 15 novembre 2021 au 29 novembre 2021.
[32] Et, comme il est indiqué ci-dessous, l’appelant a par la suite été licencié en raison de son non-respect de la politique de l’employeur. Cela signifie que la période d’exclusion du bénéfice des prestations commence le 30 novembre 2021.
Questions en litige
[33] L’appelant a-t-il été suspendu de son emploi en raison de son inconduite?
[34] L’appelant a-t-il été congédié en raison d’une inconduite?
[35] L’appelant a‑t‑il perdu son emploi en raison d’une inconduite?
Analyse
[36] Je dois décider si l’appelant a été suspendu de son emploi et ensuite congédié en raison de son inconduite. Pour ce faire, je dois trancher deux questions. Premièrement, je dois établir pourquoi l’appelant a été suspendu et par la suite congédié de son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère que les raisons de sa suspension et de son congédiement constituent une inconduite.
Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu et ensuite congédié de son emploi?
Suspension
[37] Je conclus que l’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il n’était pas entièrement vacciné, comme l’exigeait Transports Canada.
[38] L’employeur a écrit à l’appelant le 12 novembre 2021 pour lui indiquer qu’à compter du 15 novembre 2021, il était assujetti à l’exigence de Transports Canada selon laquelle tous les non-passagers devaient être entièrement vaccinés contre la COVID-19. Le poste et le travail de l’appelant étaient visés par l’exigence de Transports Canada. Il n’avait pas fourni de preuve qu’il était entièrement vacciné le 12 novembre 2021 et on l’avait avisé qu’il serait mis en congé sans solde (suspendu) à compter du 15 novembre 2021.
[39] Aucun élément de preuve ne montre que l’appelant a été suspendu pour une autre raison. Je conclus donc que l’appelant a été suspendu à compter du 15 novembre 2021 parce qu’il n’était pas entièrement vacciné, comme l’exigeait Transports Canada.
Congédiement
[40] Je conclus que l’appelant a été congédié parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique de son employeur qui exigeait que les employés, qui n’avaient pas de mesures d’adaptation conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne, démontrent qu’ils étaient entièrement vaccinés contre la COVID-19.
[41] Selon la politique de l’employeur, [traduction] « À compter du 30 novembre 2021, tous les employés doivent démontrer qu’ils sont entièrement vaccinés, sans exception, sauf en cas d’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour l’un des motifs protégés par la Loi canadienne sur les droits de la personne ». La politique précisait également que [traduction] « entièrement vacciné » voulait dire [traduction] « 14 jours après une série complète de vaccins contre la COVID-19 ». On s’attendait à ce que les employés attestent de leur statut vaccinal en remplissant un formulaire d’attestation et de vérification relatif à la COVID-19 et en montrant à leur gestionnaire un dossier de vaccination émis par le gouvernement indiquant la date à laquelle la dernière dose a été reçue.
[42] L’appelant a demandé à son employeur une exemption à la vaccination pour des raisons religieuses. Sa demande a été refusée le 9 novembre 2021.
[43] L’employeur a écrit à l’appelant le 19 novembre 2021 qu’il mettrait fin à l’emploi de l’appelant le 30 novembre 2021 parce qu’il n’avait pas fourni de formulaire d’attestation et de vérification indiquant qu’il s’était conformé à la politique de l’employeur.
[44] La preuve m’indique que l’appelant a été congédié de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination obligatoire de son employeur.
La raison de la suspension et du congédiement de l’appelant est‑elle une inconduite selon la loi?
[45] Les circonstances de la suspension de l’appelant à partir du 15 novembre 2021 ne satisfont pas au critère juridique d’inconduite selon le droit et au sens de la Loi.
[46] Les circonstances du congédiement de l’appelant le 30 novembre 2021 satisfont au critère juridique relatif à l’inconduite selon le droit et au sens de la Loi.
[47] Voici les motifs de mes conclusions.
Ce que dit la loi
[48] Il ne faut pas oublier que l’« inconduite » a un sens précis aux fins de l’assurance‑emploi qui ne correspond pas nécessairement à son usage quotidien. Un employé peut être non admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi ou exclu du bénéfice de celles-ci en raison d’une inconduite au sens de la Loi, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il a fait quelque chose de « mal » ou de « répréhensibleNote de bas de page 18 ».
[49] La Loi ne dit pas ce que signifie une inconduite. Par contre, la jurisprudence (décisions des tribunaux judiciaires et administratifs) nous montre comment décider si la suspension et ensuite le congédiement de l’appelant résultent d’une inconduite selon la Loi. La jurisprudence énonce le critère juridique relatif à l’inconduite, soit les questions et les critères que je peux prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.
[50] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 19. L’inconduite comprend aussi une conduite si téméraire qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 20. L’appelant n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 21. Autrement dit, l’inconduite, comme le terme est utilisé dans le contexte de la Loi et du Règlement sur l’assurance-emploi, n’exige pas qu’un employé agisse avec une intention malveillante, comme certains pourraient le supposer.
[51] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspendu ou congédiéNote de bas de page 22.
[52] Une violation voulue de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduiteNote de bas de page 23.
[53] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu de son emploi et ensuite congédié en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu de son emploi et ensuite congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 24.
Questions que je peux trancher
[54] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux rendre aucune décision quant à savoir si l’appelant a d’autres options au titre d’autres lois ou devant d’autres tribunes. Il ne m’appartient pas de décider si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard de l’appelantNote de bas de page 25. Je ne peux examiner qu’une chose : si ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi.
[55] Une décision de la Cour fédérale porte sur des faits semblables à la présente affaireNote de bas de page 26. Il s’agit là aussi d’une personne qui était exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle avait perdu son emploi par suite de son refus de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID‑19 de son employeur. Le demandeur a soutenu que le refus de se conformer à une politique vaccinale imposée unilatéralement par un employeur ne constitue pas une inconduite et qu’il n’a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficaceNote de bas de page 27. Le demandeur a eu l’impression d’être victime de discrimination en raison de son choix médical personnel.
[56] Dans la décision Cecchetto, la Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le demandeur avait manqué à ses obligations et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi. La Cour a affirmé que le demandeur dispose d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses revendications.
[57] Dans cette affaire, la Cour a confirmé le rôle limité du Tribunal. Elle a dit que le Tribunal doit décider si le demandeur a été congédié et si le motif était une inconduite. La Cour a affirmé que le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à examiner des questions juridiques, éthiques et factuelles soulevées par le demandeur parce que celles‑ci dépassent la portée du mandat du TribunalNote de bas de page 28.
[58] Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir s’il y a eu violation de la convention collective de l’appelant ou de son offre d’emploiNote de bas de page 29.
[59] La Cour fédérale a également rendu une décision, Kuk c Canada (Procureur général), sur la question de savoir si une inconduite peut survenir dans des circonstances où la politique de vaccination ne fait pas partie d’un contrat de travailNote de bas de page 30. La Cour fédérale a conclu que, pour qu’il y ait inconduite, il n’était pas nécessaire qu’il y ait eu violation du contrat de travail. Une inconduite pourrait survenir même en cas de violation d’une politique qui ne faisait pas partie du contrat de travail initial.
[60] Dans Kuk c Canada (Procureur général), la Cour a écrit ce qui suit au para 34 :
[…] Comme la Cour d’appel fédérale l’a conclu dans l’arrêt Nelson, il n’est pas nécessaire que la politique écrite d’un employeur figure dans le contrat de travail original pour justifier l’inconduite : voir aux para 22-26. Une politique écrite communiquée à un employé peut constituer en soi une preuve suffisante de sa connaissance objective que le non-respect de cette politique « était de nature à entraîner son congédiement ». Le contrat et la lettre d’offre du demandeur ne comprennent pas toutes les modalités, expresses ou implicites, de son emploi […] Il est bien accepté en droit du travail que les employés ont l’obligation de respecter les politiques de santé et de sécurité mises en œuvre par leur employeur au fil du temps.
[61] Dans l’affaire Paradis c Canada (Procureur général), 2016 CF 1282, le prestataire s’est fait refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui confère l’Alberta Human Rights Act (loi sur les droits de la personne de l’Alberta). La Cour fédérale a conclu que l’affaire relevait d’une autre instance.
[62] La Cour fédérale a affirmé que, pour sanctionner le comportement de l’employeur, le prestataire a d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance‑emploi fasse les frais de ce comportement.
[63] Dans la décision Mishibinijima c Canada (Procureur général), 2007 CAF 36, la Cour d’appel fédérale a affirmé que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance‑emploi.
[64] La jurisprudence, c’est-à-dire les décisions des tribunaux, indique clairement que mon rôle n’est pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de décider s’il avait raison d’adopter ces politiques, de suspendre l’appelant et de le congédier ensuite ou de ne pas prendre de mesures d’adaptation à son égard. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi.
Les observations de la Commission
[65] La Commission affirme qu’elle a conclu que le licenciement de l’appelant constituait une inconduite au sens de la Loi parce qu’il savait que le non-respect de la politique de vaccination obligatoire de l’employeur entraînerait son licenciement. Elle indique également que la situation de l’appelant ne donne lieu à aucune discrimination fondée sur l’un ou l’autre des motifs de distinction illicite énumérés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne parce que les croyances et le statut vaccinal ne sont pas des motifs de distinction illiciteNote de bas de page 31.
[66] La Commission affirme que le défaut de l’appelant de se conformer à la politique obligatoire de son employeur constitue une inconduite. Elle indique qu’il a eu l’occasion de modifier sa conduite lorsqu’il a été suspendu, mais qu’il ne l’a pas fait avant la date limite de vaccination. Il a demandé et s’est fait refuser une mesure d’adaptation pour motif religieux. L’employeur de l’appelant lui a rappelé que s’il choisissait de ne pas se conformer, il serait licencié d’ici le 30 novembre 2021. La Commission affirme que l’appelant a continué de ne pas se conformer, sachant que sa conduite nuirait à ses fonctions professionnelles et entraînerait son congédiement. Elle dit qu’il s’agit d’un type d’acte délibéré qui constitue une inconduite selon la LoiNote de bas de page 32.
[67] À l’audience, la représentante de la Commission a fait valoir que la Cour d’appel fédérale a statué que le refus de se conformer à la politique d’un employeur satisfait à tous les éléments du critère d’inconduite. L’appelant a dit à un agent de Service Canada qu’il avait reçu la politique de l’employeur et qu’il savait ce qu’elle disait. La politique de l’employeur n’était pas ambiguë. Les conséquences de la non-conformité ont été communiquées.
[68] La représentante de la Commission a fait remarquer que l’appelant était convaincu qu’il ne se ferait pas vacciner. Il était clair pour l’employeur que l’appelant ne se ferait pas vacciner ou ne se conformerait pas à la politique. La représentante de la Commission a fait valoir que les questions de l’appelant concernant le refus de l’employeur de lui accorder une exemption ne relèvent pas du Tribunal.
Les observations de l’appelant
[69] Le représentant de l’appelant affirme que l’appelant n’a pas enfreint la politique de l’employeur avant son congédiement. Il affirme que l’appelant tentait activement de se conformer à la politique au moment du congédiement.
[70] Le représentant de l’appelant a souligné que l’employeur avait annoncé la politique pour la première fois dans une note de service le 15 septembre 2021. Les employés auraient quelques mois pour se faire vacciner. Le 20 octobre 2021, l’appelant a présenté une lettre personnelle et une lettre de trois pasteurs ou aînés de son église visant à demander une exemption au vaccin pour des motifs religieux. Le 9 novembre 2021, l’employeur a envoyé un courriel à l’appelant pour l’informer qu’il n’était pas prêt à lui accorder une mesure d’adaptation quant à sa décision de ne pas se faire vacciner en raison de sa religion. L’appelant a répondu à ce courriel par un courriel expliquant davantage ses croyances et ses préoccupations concernant le refus de sa demande par l’employeur.
[71] Le représentant de l’appelant a fait valoir que la politique de l’employeur prévoit ce qui suit : [traduction] « À compter du 30 novembre 2021, tous les employés doivent démontrer qu’ils sont entièrement vaccinés, sans exception, sauf en cas d’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour l’un des motifs protégés par la Loi canadienne sur les droits de la personne ». Et « les employés qui ne démontrent pas qu’ils se conforment à la présente politique d’ici le 30 novembre 2021 seront licenciés ».
[72] Le représentant de l’appelant a affirmé que le terme clé est l’expression « à compter de ». Il affirme que les employés avaient jusqu’au 30 novembre 2021 pour démontrer qu’ils se conformaient à la politique. La politique était très claire sur la façon de se conformer et sur le moment où la conformité était requise.
[73] Le représentant de l’appelant a indiqué que l’appelant tentait de se conformer à la politique de l’employeur lorsqu’il a présenté sa demande d’exemption. La demande de l’appelant a été rejetée le 9 novembre 2021 et il a demandé une révision le 11 novembre 2021.
[74] Le 12 novembre 2021, l’employeur a écrit à l’appelant pour lui rappeler les modalités de la politique : l’appelant avait jusqu’au 30 novembre 2021 pour se conformer à la politique.
[75] Toutefois, le 19 novembre 2021, l’employeur a écrit notamment ce qui suit à l’appelant :
[traduction]
Vous avez été avisé par lettre le 12 novembre 2021 que vous seriez mis en congé sans solde en raison du non-respect des exigences de Transports Canada en matière de vaccination. Cette lettre indiquait clairement que le fait de continuer à ne pas s’y conformer entraînerait le licenciement le 30 novembre 2021. […]
Par conséquent, en prévision de l’entrée en vigueur de la Politique de vaccination contre la COVID-19 de [nom de l’employeur] le 30 novembre 2021, nous vous informons par la présente lettre que votre non-respect continu de la politique constitue un manquement à votre contrat de travail et entraîne votre licenciement à compter du 30 novembre 2021Note de bas de page 33.
[76] Le représentant de l’appelant a fait valoir que la lettre du 19 novembre 2021 indique que la politique a été enfreinte en date du 19 novembre 2021 parce que l’appelant ne s’était pas conformé et continuait de ne pas le faire. Même si la politique n’entrait en vigueur que le 30 novembre 2021, l’appelant a été congédié le 19 novembre 2021. Le représentant de l’appelant a fait valoir qu’il était impossible que l’appelant ait contrevenu à une politique qui n’est entrée en vigueur que 11 jours plus tard.
[77] Le représentant de l’appelant a souligné qu’il n’y avait pas de [traduction] « nous prévoyons la non-conformité » ou [traduction] « il n’y a aucun moyen pour vous de vous conformer » dans la lettre du 19 novembre 2021. Tout ce que l’employeur savait à cette date, c’est que l’appelant n’était pas vacciné. C’est ce sur quoi l’employeur s’est fondé lorsqu’il a été congédié.
[78] Le représentant de l’appelant a fait valoir que pour qu’il soit conclu qu’il y a eu inconduite le manquement à la politique doit être suffisamment important pour que l’employé puisse entrevoir des mesures disciplinaires. Selon lui, le Tribunal doit tenir compte de toutes les circonstances. La question à poser est la suivante : l’appelant a-t-il enfreint la politique de son employeur? Le représentant de l’appelant a affirmé qu’en date du 19 novembre 2021 il était impossible de commettre une violation parce que la politique n’est entrée en vigueur que le 30 novembre 2021. La lettre de l’employeur du 12 novembre 2021 indiquait que l’appelant avait eu jusqu’au 30 novembre 2021 pour se conformer à la politique. La lettre de l’employeur datée du 19 novembre 2021 indique que l’appelant ne s’était pas conformé à la politique, mais aussi qu’il ne la respectait toujours pas. Le représentant de l’appelant a soutenu que ce qui était prévisible pour l’appelant était la date limite du 30 novembre 2021. Mais, à partir du 19 novembre 2021, cette date limite ne s’applique plus. De l’avis du représentant de l’appelant, l’appelant ne pouvait pas le prévoir le 19 novembre 2021.
[79] Par conséquent, selon le représentant de l’appelant, la raison du congédiement de l’appelant était son non-respect le 19 novembre 2021. L’appelant a fait de son mieux, et un effort de bonne foi, pour se conformer à la politique. Il a présenté sa demande d’exemption et une lettre de ses chefs religieux. Même s’il était en congé sans solde, il était toujours employé techniquement jusqu’au 30 novembre 2021. Il n’y a pas eu de chevauchement entre la perte de son emploi et l’entrée en vigueur de la politique. Il a été congédié le 30 novembre 2021 et la politique est entrée en vigueur le 30 novembre 2021. Il a donc été licencié en même temps que l’entrée en vigueur de la politique.
[80] Le représentant de l’appelant a souligné que l’employeur de l’appelant a parlé à un agent de Service Canada du code de conduite et des certificats de l’employeurNote de bas de page 34. Le représentant de l’appelant a dit qu’il ne croyait pas que le code ou les certificats étaient pertinents ou utiles à la question. L’appelant n’a aucun doute que la politique de l’employeur était valide ou qu’il avait le droit de l’imposer. La question est de savoir si l’appelant a enfreint la politique.
[81] Le représentant de l’appelant a dit que la décision DL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 281, n’était pas pertinente à la situation de l’appelant. Toutefois, il n’existe pas de jurisprudence concernant un employé qui a été congédié avant l’entrée en vigueur d’une politique ou la violation anticipée d’une politique. Par analogie, le représentant de l’appelant a donné l’exemple d’un employé qui est constamment en retard au travail, qui arrive dans le stationnement de l’employeur une minute avant le début de son quart de travail et qui traverse le stationnement à la course pour se rendre au travail. L’employeur qui fait une telle observation pourrait penser que l’employé contreviendra à la politique à l’avenir, mais il ne s’agit pas d’une inconduite. Il peut y avoir une crainte qu’un employé ne se conformera pas à une politique à l’avenir, mais il n’y a pas d’inconduite dans ce cas.
[82] Le représentant de l’appelant a convenu que l’appelant travaillait dans un secteur réglementé par Transports Canada. Il a également noté que l’argument avancé au para 30 des observations de l’appelant n’était plus présenté par lui ou par l’appelantNote de bas de page 35.
Mes conclusions
[83] La Commission n’a pas prouvé que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite.
[84] La Commission a prouvé que l’appelant a été congédié en raison d’une inconduite.
[85] Voici les motifs de mes conclusions.
Suspension
[86] L’employeur a informé l’appelant le 12 novembre 2021 qu’il était assujetti à l’exigence de Transports Canada selon laquelle tous les non-passagers devaient être entièrement vaccinés à compter du 15 novembre 2021. La lettre indiquait que l’appelant n’avait pas démontré qu’il était entièrement vacciné conformément à la politique de l’employeur. L’appelant a été avisé que, comme son travail et son lieu de travail étaient assujettis à l’exigence de Transports Canada, il serait mis en congé sans solde (suspendu).
[87] Je conviens que les activités de l’employeur étaient réglementées par Transports Canada. Toutefois, il n’y a dans le dossier d’appel aucune preuve d’une directive à l’intention de l’employeur décrivant en détail les exigences de vaccination de Transports Canada, si et quand cette directive a été communiquée aux employés, et si cette directive ou l’employeur a indiqué que les employés devaient se conformer à l’exigence d’ici le 15 novembre 2021, sinon ils risquaient d’être mis en congé sans solde (suspension).
[88] Le dossier d’appel comporte un « Formulaire de demande d’exemption pour motif religieux » de Transports Canada rempli par l’appelant le 15 novembre 2021. Le formulaire requiert une explication détaillée de la façon dont la croyance religieuse d’une personne l’empêche de se faire vacciner. Le formulaire contient également une section « Confirmation de l’exemption par l’employeur » que l’employeur doit remplir conformément à la politique de vaccination obligatoire applicable à l’ensemble de l’aéroport. Cette section du formulaire est vide.
[89] Le dossier d’appel ne renferme aucun élément de preuve quant au moment où une demande d’exemption devait être présentée ou traitée conformément à l’exigence de Transports Canada. Aucun élément de preuve ne montre que la demande de l’appelant a été examinée par l’employeur ou, si elle a été examinée, que la demande a été approuvée ou refusée.
[90] À mon avis, la preuve concernant le non-respect de l’exigence de Transports Canada d’être entièrement vacciné ne permet pas de conclure à une inconduite. Cela s’explique par le fait que les exigences de Transports Canada n’ont pas été présentées en preuve. Par conséquent, je ne peux pas conclure que l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il risquait d’être suspendu parce qu’il ne s’était pas conformé à l’exigence de Transports Canada d’être entièrement vacciné d’ici le 15 novembre 2021. En conséquence, la Commission n’a pas prouvé que l’appelant avait été suspendu en raison de son inconduite.
[91] C’est pourquoi l’appelant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi pendant la période de suspension.
Congédiement
[92] Le représentant de l’appelant a fait valoir que l’appelant n’aurait pas pu commettre d’inconduite au moment de son congédiement le 19 novembre 2021. Il affirme que c’est parce que la politique de l’employeur n’est entrée en vigueur que le 30 novembre 2021. Pour appuyer cet argument, il a souligné que la politique dit ce qui suit :
[traduction]
« À compter du 30 novembre 2021, tous les employés doivent démontrer qu’ils sont entièrement vaccinés, sans exception, sauf en cas d’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour l’un des motifs protégés par la Loi canadienne sur les droits de la personne ».
« Les employés qui ne démontrent pas qu’ils se conforment à la présente politique d’ici le 30 novembre 2021 seront licenciés ».
[93] Pour étayer encore l’argument selon lequel la politique de l’employeur n’était pas en vigueur avant le 30 novembre 2021, le représentant de l’appelant a remarqué que la lettre de l’employeur datée du 12 novembre 2021, qui mettait l’appelant en congé sans solde, lui donnait jusqu’au 30 novembre 2021 pour fournir un formulaire d’attestation et de vérification dûment rempli.
[94] De plus, le représentant de l’appelant a noté que la lettre de l’employeur du 19 novembre 2021 faisait référence à un [traduction] « non-respect continu » comme suit :
[traduction]
« En prévision de l’entrée en vigueur de la Politique de vaccination contre la COVID-19 de [employeur] le 30 novembre 2021, nous vous informons par la présente lettre que votre non-respect continu constitue un manquement à votre contrat de travail et entraîne votre licenciement à compter du 30 novembre 2021 ».
[95] Je ne suis pas d’avis que la politique est entrée en vigueur le 30 novembre 2021. La politique de l’employeur a été communiquée à tous les employés le 14 octobre 2021Note de bas de page 36. Au bas de la deuxième page de la politique, la date du « 12 octobre 2021 » apparaît à droite de « Date de la dernière mise à jourNote de bas de page 37 ». À mon avis, les mots [traduction] « À compter du 30 novembre 2021 » qui sont utilisés dans la politique ne représentent pas la date d’entrée en vigueur de la politique, mais la date à laquelle les employés doivent démontrer qu’ils sont entièrement vaccinés ou qu’ils ont obtenu une mesure d’adaptation. De plus, l’interprétation ordinaire des mots « se conforment à la présente politique d’ici le 30 novembre 2021 » établit la date limite pour qu’un employé atteste de son statut vaccinal contre la COVID-19 au moyen du formulaire de l’employeur accompagné d’un dossier de vaccination émis par le gouvernement.
[96] Je ne suis pas d’avis non plus que l’appelant a été licencié le 19 novembre 2021. La lettre de l’employeur datée du 19 novembre 2021 informe l’appelant que son licenciement entrera en vigueur le 30 novembre 2021. Il a maintenu sa relation d’emploi, bien qu’il ait été en congé sans solde, jusqu’au 30 novembre 2021. La preuve m’indique que l’appelant a été congédié le 30 novembre 2021.
[97] Selon la politique, l’expression [traduction] « entièrement vacciné » signifie [traduction] « 14 jours après une série complète de vaccins contre la COVID-19 autorisés dans chaque administration ». La définition pouvait [traduction] « être modifiée à la suite des directives de santé publique applicables ». À mon avis, ce libellé, lorsqu’il est interprété conjointement avec l’expression « À compter du 30 novembre 2021 », signifie que pour être « entièrement vacciné », un employé devait avoir reçu la deuxième et dernière dose d’un vaccin à deux doses ou la seule dose d’un vaccin à une dose au plus tard à minuit entre le lundi 15 novembre 2021 et le mardi 16 novembre 2021.
[98] Comme je l’ai mentionné précédemment, la politique prévoyait une obligation de prendre des mesures d’adaptation pour des motifs protégés par la Loi canadienne sur les droits de la personne.
[99] L’appelant a demandé une mesure d’adaptation en raison de ses croyances religieuses. L’employeur l’a informé par courriel le 9 novembre 2021 que sa demande d’exemption n’avait pas été acceptée. Ce courriel indiquait également ce qui suit : [traduction] « Vous devrez démontrer votre conformité à la politique de vaccination contre la COVID-19 de [nom de l’employeur] d’ici le 30 novembre 2021Note de bas de page 38 ».
[100] L’appelant a répondu au courriel du 11 novembre 2021 pour expliquer davantage les raisons pour lesquelles il avait demandé l’exemptionNote de bas de page 39.
[101] L’employeur a écrit à l’appelant le 12 novembre 2021 pour l’informer qu’il était mis en congé sans solde (suspension) à compter du 15 novembre 2021Note de bas de page 40. Dans la lettre, l’employeur indiquait que l’appelant n’avait pas encore démontré qu’il était entièrement vacciné au moyen du formulaire d’attestation et de vérification. La lettre indiquait également que le congé sans solde se poursuivrait jusqu’à ce que l’appelant démontre qu’il se conformait à l’exigence ou à la politique ou jusqu’au 30 novembre 2021, selon ce qui surviendrait en premier. Si l’appelant n’était pas en mesure de fournir un formulaire d’attestation et de vérification dûment rempli, [traduction] « il pourrait être considéré comme n’étant pas conforme à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’entreprise, ce qui pouvait entraîner le licenciement ».
[102] L’appelant n’était toujours pas vacciné le 30 novembre 2021.
[103] Le Tribunal ne doute pas des croyances religieuses de l’appelant. C’est plutôt le choix de l’appelant de ne pas suivre la politique de l’employeur qui est en cause. Les tribunaux ont clairement indiqué qu’il ne m’appartenait pas de trancher la question de savoir si l’employeur a refusé à tort d’accorder à l’appelant une exemption à la vaccination ou de lui accorder une mesure d’adaptation en raison de sa religion.
[104] La Cour fédérale a affirmé que « la conduite de l’employeur ne constitue pas un facteur pertinent » pour trancher la question de savoir si un prestataire a été congédié en raison de son inconduite. L’accent est plutôt mis sur la question de savoir si l’acte ou le manquement reproché au prestataire équivalait à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas de page 41.
[105] La preuve m’indique que l’appelant savait, le 9 novembre 2021, que sa demande de mesures d’adaptation n’avait pas été approuvée. Il a demandé à son employeur de réviser sa décision lorsqu’il a envoyé un courriel à l’employeur le 11 novembre 2021 pour lui expliquer davantage les raisons pour lesquelles il n’était pas en mesure de se conformer à la politique.
[106] Le 12 novembre 2021, l’appelant a été informé qu’il était mis en congé sans solde (suspension) à partir du 15 novembre 2021 parce qu’il n’avait pas démontré qu’il était entièrement vacciné, comme l’exigeait Transports Canada. Il a été averti que, s’il continuait de ne pas respecter la politique, il serait congédié. Cette preuve m’indique que l’appelant savait le 12 novembre 2021 qu’il pourrait perdre son emploi s’il ne se conformait pas à la politique en fournissant la preuve qu’il était entièrement vacciné.
[107] Comme il a été mentionné précédemment, pour être entièrement vacciné, l’employé doit avoir reçu la deuxième et dernière dose d’un vaccin à deux doses ou une dose d’un vaccin à dose unique avant minuit entre le 15 novembre 2021 et le 16 novembre 2021.
[108] La preuve montre que l’appelant savait à la mi-octobre qu’il devait être entièrement vacciné ou qu’il devait obtenir des mesures d’adaptation au plus tard le 30 novembre 2021. Il avait reçu la politique de l’employeur et avait demandé une mesure d’adaptation conformément à cette politique. Le 9 novembre 2021, il savait qu’il n’avait pas de mesure d’adaptation. Il a également été informé dans le courriel du 9 novembre 2021 qu’il pourrait perdre son emploi s’il n’était pas entièrement vacciné. L’employeur a également informé l’appelant le 12 novembre 2021 qu’il pouvait perdre son emploi s’il n’était pas entièrement vacciné au plus tard le 30 novembre 2021. C’est à partir de ces renseignements que l’appelant a fait le choix conscient, délibéré et voulu de ne pas se conformer à la politique de l’employeur sur la COVID-19 en sachant qu’en agissant de la sorte il était réellement possible qu’il perde son emploi et qu’il ne soit pas en mesure d’exécuter ses obligations envers son employeur.
[109] Comme il n’a pas fourni de preuve qu’il était entièrement vacciné contre la COVID-19, l’appelant a été licencié le 30 novembre 2021. Par conséquent, il n’était pas en mesure d’exécuter ses obligations envers son employeur. Cela signifie que l’appelant avait l’élément mental du caractère délibéré lorsqu’il a choisi de ne pas fournir de preuve de vaccination parce qu’il était au courant des conséquences de sa décision de ne pas fournir de preuve de vaccination et qu’il a choisi de ne pas tenir compte de l’effet que son choix aurait sur l’exécution de ses obligations.
[110] Compte tenu de la preuve, je suis convaincu que l’appelant a agi délibérément lorsqu’il a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. La Commission a donc prouvé que l’appelant a été congédié en raison de son inconduite.
Conclusion
[111] La Commission n’a pas prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi le 15 novembre 2021 en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 15 novembre 2021 au 29 novembre 2021Note de bas de page 42.
[112] La Commission avait prouvé que l’appelant avait été congédié le 30 novembre 2021 en raison de son inconduite. C’est pourquoi l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi à partir de cette date.
[113] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.