Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 807

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. R.
Représentante ou représentant : Matthew Moyal
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (609235) datée du 31 août 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Katherine Parker
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 28 décembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 2 janvier 2024
Numéro de dossier : GE-23-2712

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Un motif valable est une raison acceptable selon la loi pour expliquer le retard. Cela signifie que la demande de l’appelante ne peut pas être traitée comme ayant été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a demandé des prestations d’assurance-emploi le 29 décembre 2022. Le 4 mai 2023, elle a demandé que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 1er juillet 2022Note de bas de page 2. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a toutefois rejeté cette demande.

[4] Je dois décider si l’appelante a démontré qu’elle avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[5] La Commission soutient que l’appelante n’avait pas de motif valable parce que sa situation n’était pas exceptionnelle et qu’elle ne s’était pas informée de ses droits et obligations. Selon la Commission, l’appelante avait fait preuve de négligence et les circonstances n’étaient pas indépendantes de sa volontéNote de bas de page 3.

[6] L’appelante n’est pas d’accord et affirme avoir présenté une demande de prestations à la fin du mois de juin 2022, soit à la fin de l’année scolaire. Elle a dit que la Commission avait commis des erreurs et qu’elle avait perdu sa demande. Selon l’appelante, la pandémie aurait causé un arriéré important et c’est la raison pour laquelle elle n’aurait pas fait de suivi. Elle croyait que sa demande était en cours de traitementNote de bas de page 4.

Question en litige

[7] La demande de prestations de l’appelante peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 1er juillet 2022? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.

Analyse

[8] Pour qu’une demande de prestations soit antidatée, l’appelante doit démontrer les deux choses suivantesNote de bas de page 5 :

  1. a) elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée (autrement dit, elle a une raison acceptable selon la loi pour expliquer le retard);
  2. b) elle remplissait les conditions requises à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande soit antidatée).

[9] Les principaux arguments dans la présente affaire portent sur la question de savoir si l’appelante avait un motif valable. Je vais donc commencer par cela.

[10] Pour établir qu’il existe un motif valable, l’appelante doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 6. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.

[11] L’appelante doit le démontrer pour toute la période du retardNote de bas de page 7. Cette période s’étend du jour où elle veut que sa demande soit antidatée au jour où elle a présenté sa demande. Par conséquent, la période de retard de l’appelante s’étend du 1er juillet 2022 au 4 mai 2023.

[12] L’appelante doit aussi démontrer qu’elle a vérifié assez rapidement si elle avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas de page 8. Cela veut dire que l’appelante doit démontrer qu’elle a fait de son mieux pour essayer de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible. Si l’appelante ne l’a pas fait, elle doit alors démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéeNote de bas de page 9.

[13] L’appelante doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

[14] L’appelante soutient qu’elle avait un motif valable justifiant son retard parce que des collègues lui ont dit de s’attendre à des retards. Elle affirme avoir entendu dire que la Commission tardait à traiter les demandes en raison de l’arriéré causé par la pandémie. Elle a donc attendu.

[15] La Commission affirme que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard parce qu’une personne raisonnable aurait communiqué avec la Commission pour s’informer au sujet de sa demande. La Commission a dit qu’il n’y avait aucune preuve démontrant qu’elle avait contribué au retard. Elle n’a pas pu trouver la demande que l’appelante a dit avoir présentée pendant l’été.

[16] La Commission a déclaré que la situation de l’appelante n’était pas exceptionnelle. Elle a dit qu’elle avait fait preuve de négligence et qu’elle aurait dû faire un suivi pour s’informer au sujet de sa demande.

[17] L’appelante a dit avoir présenté sa demande de prestations à l’été 2022. Toutefois, sa demande a été perdue. Je pense qu’il est plus probable que l’appelante n’a pas rempli sa demande au complet et qu’elle l’a oubliée. La Commission a déclaré que les demandes incomplètes demeurent dans le système pendant 72 heures, puis qu’elles sont suppriméesNote de bas de page 10. Je soupçonne que c’est ce qui est arrivé à l’appelante. Cependant, nous ne le saurons jamais parce qu’elle n’a jamais communiqué avec Service Canada, qu’elle n’a jamais déposé de déclaration de prestations pour cette période et qu’elle n’a plus jamais consulté son portail personnalisé de Service Canada jusqu’à ce qu’il soit trop tard.

[18] L’appelante a présenté un résumé de ses arguments aux pages GD5‑2 et GD5‑3 du dossier d’appel. Je répondrai à chaque question ci-dessous. Nous avons examiné les arguments de l’appelante à l’audience, et le représentant de l’appelante a confirmé que nous avions couvert tous les éléments :

  • L’appelante prétend que le régime d’assurance-emploi était soumis à des pressions sans précédent. Elle a dit que sa demande initiale présentée à l’été 2022 n’en avait peut-être pas fait exception. Elle n’explique pas comment il a pu en être ainsi. Ce sont des collègues qui lui en auraient parlé. Par conséquent, il s’agit d’une anecdote ou d’un ouï-dire. L’appelante n’a pas communiqué avec Service Canada pour vérifier si sa demande était visée. Je me serais attendue à ce qu’une personne raisonnable appelle pour savoir où en était sa demande.
  • L’appelante a dit qu’elle éprouvait des difficultés financières et qu’elle était en situation d’urgence. J’accepte son témoignage et ses éléments de preuve selon lesquels elle avait besoin d’un revenu. Toutefois, une personne raisonnable aurait fait quelque chose pour savoir où en était sa demande, étant donné qu’elle avait besoin d’argent.
  • L’appelante a dit que la Commission ne l’avait pas traitée de façon uniforme. Il s’agissait d’une mauvaise compréhension du processus. Nous en avons discuté à l’audience. J’ai expliqué que la décision rendue à l’hiver avait été annulée après révision. La Commission a accueilli les déclarations tardives que l’appelante a déposées en décembre 2022. Si l’appelante était confuse, elle a eu l’occasion de demander à la Commission d’expliquer la situation. Je ne vois pas en quoi cela a eu une incidence sur ses responsabilités de faire le suivi de sa demande initiale.
  • L’appelante a dit que l’absence d’un numéro de confirmation ne signifie pas qu’elle n’en a pas reçu un. Je suis d’accord. Il est possible qu’elle ait reçu un numéro de confirmation et qu’elle ne l’ait pas noté. Lorsque la demande est complète, la partie prestataire reçoit des renseignements détaillés sur son rôle et ses responsabilités. On lui fournit des liens, des guides et des numéros de téléphone à composer en cas de besoin. Le numéro de confirmation n’est pas la raison pour laquelle l’appelante n’a pas fait de suivi.

[19] J’estime que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable de demander des prestations en retard parce qu’elle a attendu six mois avant de s’informer au sujet de sa demande. Puis, elle a attendu quatre mois de plus pour demander une antidatation. Pendant cette période, elle s’est fiée à des renseignements anecdotiques et à l’hérésie de ses collègues. Ses collègues lui ont dit de s’attendre à des retards, alors elle a attendu.

  • L’appelante a dit qu’elle a présenté une demande à l’été 2022, mais qu’elle ne se rappelait pas la date exacteNote de bas de page 11. D’ailleurs, on ne l’a jamais trouvée dans le système. L’appelante a fait un suivi en décembre 2022, mais elle a seulement présenté sa demande d’antidatation en mai 2023. Cela pourrait être lié au fait qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait demander l’antidatation de sa demande. Cependant, une personne responsable aurait trouvé plus d’informations en décembre 2022 lorsqu’elle a présenté sa demande à l’hiver.
  • L’appelante n’est jamais retournée sur son portail de Service Canada pour vérifier l’état de sa demande avant de présenter sa demande en décembre 2022. Si elle l’avait fait, elle aurait su où en était sa demande. Si sa demande n’avait pas été remplie, elle aurait pu la renouveler et déposer ses déclarations en temps opportun.
  • Au cours des six mois d’attente, l’appelante n’a jamais présenté de déclaration hebdomadaire de sa rémunération ou de ses heures. Lorsqu’une personne demande des prestations d’assurance-emploi, elle doit produire une déclaration. L’appelante a dit qu’elle ne savait pas qu’elle devait le faire, mais le système fournit un guide pratique à ce sujet. Elle n’a pas vérifié ce qu’on exigeait d’elle.
  • L’appelante a fourni des éléments de preuve notariés montrant qu’elle avait grandement besoin d’une aide financière pendant cette même périodeNote de bas de page 12. Je m’attendrais à ce qu’une personne raisonnable dans de telles circonstances ait communiqué avec la Commission pour essayer de faire traiter sa demande en priorité ou d’accélérer le traitement de sa demande, étant donné qu’elle avait des difficultés financières. Cela aurait été particulièrement important parce que l’appelante croyait qu’il y avait un arriéré. Je me serais attendue à ce qu’elle soit encore plus diligente et proactive. Cependant, elle n’a pas fait de suivi.
  • L’appelante n’a jamais communiqué avec la Commission pendant qu’elle attendait. Elle a dit qu’elle attendait que la Commission l’appelle ou lui envoie un courriel. Selon moi, il est déraisonnable de penser que la Commission téléphone aux parties prestataires pour régler leur demande. Surtout si l’appelante croyait que la Commission avait accumulé du retard.
  • Si l’appelante pensait que sa demande serait retardée en raison de la pandémie, je pense qu’il aurait été raisonnable d’attendre quelques semaines. Cependant, cela n’explique pas pourquoi elle aurait attendu six mois sans jamais faire de suivi ni pourquoi elle aurait cru que la Commission lui téléphonerait.

[20] Je n’ai pas besoin de vérifier si l’appelante remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure. Si l’appelante n’a pas de motif valable, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[21] L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période écoulée.

[22] L’appel est rejeté.

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