Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 831

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire
appel

Partie demanderesse : A. E.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 avril 2024
(GE-23-2646)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 17 juillet 2024
Numéro de dossier : AD-24-353

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur, A. E. (prestataire), demande la permission de faire appel de la décision de la division générale datée du 10 avril 2023.

[3] La division générale a conclu que le prestataire avait quitté volontairement son emploi. Elle a aussi conclu qu’il n’avait pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand il l’a fait. La division générale a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[4] La division générale a aussi conclu que le prestataire n’avait pas accumulé assez d’heures d’emploi assurable après avoir quitté son emploi pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi.

[5] Le prestataire affirme qu’il avait accumulé assez d’heures d’emploi assurable pour avoir droit aux prestations. Il soutient que la membre de la division générale a commis des erreurs de compétence, de procédure, de droit et de fait sur cette question. Il ne conteste pas les conclusions de la division générale selon lesquelles il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi.

[6] Avant que l’appel du prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendableNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est closeNote de bas de page 2.

[7] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je n’accorde pas au prestataire la permission d’aller de l’avant avec l’appel.

Questions en litige

[8] Voici les questions en litige :

  1. a) Peut-on soutenir que la division générale a enfreint les principes de justice naturelle?
  2. b) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a calculé si le prestataire avait accumulé assez d’heures pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi?
  3. c) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait quant à la question de savoir si le prestataire avait accumulé assez d’heures pour avoir droit aux prestations?

Je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel

[9] La permission de faire appel est refusée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès si la division générale peut avoir commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.

[10] Pour ces types d’erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 4.

Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a enfreint les principes de justice naturelle

[11] Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a enfreint les principes de justice naturelle.

[12] Le prestataire affirme qu’il n’a pas eu droit à une audience équitable ou qu’il n’a pas eu l’occasion de présenter pleinement ses arguments. Il soutient que la membre de la division générale l’a interrompu pendant l’audience lorsqu’il a essayé de lire une citation sur l’équité procédurale. Il cite le paragraphe 9 de la décision de la division générale : « L’appelant a demandé que son appel soit accueilli en vertu de l’article 58 de la Loi sur les tribunaux administratifs. »

[13] Autrement dit, le prestataire affirme que la membre de la division générale ne lui a pas donné une chance équitable de faire valoir pourquoi l’article 58 de la Loi sur les tribunaux administratifs de la Colombie-Britannique régissait les actions de la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, et de la division générale au cours des procédures administratives.

[14] Comme l’a souligné la membre de la division générale, la Loi sur les tribunaux administratifs de la Colombie-Britannique est une loi provinciale. Elle n’a pas force exécutoire sur une entité fédérale. De plus, en tant qu’organisme fédéral, la division générale n’a pas le pouvoir de rendre des décisions en vertu de la Loi sur les tribunaux administratifs de la Colombie-Britannique.

[15] Mis à part la question de compétence, il n’est pas clair en quoi l’objet de l’article 58 de la Loi sur les tribunaux administratifs était pertinent pour l’appel du prestataire à la division générale. L’article relève de la partie 9 de la Loi sur les tribunaux administratifs, qui traite de la responsabilité et du contrôle judiciaire. L’article lui‑même porte sur la norme de contrôle judiciaire qui s’applique dans une procédure de contrôle judiciaire.

[16] L’appel à la division générale n’avait pas la nature d’une procédure de contrôle judiciaire, de sorte qu’il n’y avait aucune raison ni aucun fondement pour que la division générale examine la question de la norme de contrôle judiciaire ou applique l’article 58 de la Loi sur les tribunaux administratifs.

[17] Les questions dont la division générale était saisie étaient de savoir si le prestataire avait quitté volontairement son emploi, s’il était fondé à le faire et s’il avait accumulé assez d’heures d’emploi assurable pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi. La division générale s’est concentrée sur ces questions.

[18] Le prestataire avait droit à une audience équitable. Il a notamment eu l’occasion de présenter ses arguments de façon équitable et le droit à une décideuse impartiale qui s’est acquittée fidèlement de ses fonctions. Cependant, le droit du prestataire à une audience équitable ne s’étendait pas à la présentation d’arguments complets qui n’avaient manifestement rien à voir avec l’instance. Un décideur doit notamment gérer efficacement une audience. Il était donc approprié que la membre de la division générale dirige le prestataire vers des questions qui étaient pertinentes à l’instance.

[19] De plus, même si le prestataire affirme qu’il n’a pas eu l’occasion de présenter pleinement son cas, il n’était pas limité à livrer un témoignage ou à présenter des observations de vive voix. Il aurait pu déposer des documents et des arguments écrits. En effet, il a soumis plusieurs documents et enregistrements audio au Tribunal de la sécurité sociale. La division générale les a acceptés, y compris ceux que le prestataire a déposés après l’audience.

[20] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a enfreint les principes de justice naturelle ou que le prestataire n’a pas eu une audience équitable ou une chance équitable de présenter ses arguments.

Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a calculé s’il avait accumulé assez d’heures pour avoir droit aux prestations

[21] Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit quant au fait de savoir s’il avait accumulé assez d’heures pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi. Le prestataire affirme que la division générale a utilisé la mauvaise période pour calculer s’il avait assez d’heures. Il affirme qu’elle aurait dû inclure les heures qu’il avait accumulées avant le 7 décembre 2022. Toutefois, la division générale a bel et bien utilisé la bonne période.

[22] La division générale a examiné si le prestataire avait accumulé assez d’heures d’emploi assurable pour avoir droit aux prestationsNote de bas de page 5. Elle a calculé si le prestataire avait accumulé assez d’heures au cours de la période suivant le départ de son emploi le 7 décembre 2022. Après avoir jugé que le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi, la division générale a décidé qu’elle ne pouvait pas tenir compte des heures que le prestataire avait accumulées dans le cadre de l’emploi qu’il a occupé jusqu’au 7 décembre 2022.

[23] C’est ainsi que la division générale a interprété l’article 30(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi. Voici ce que prévoit cet article :

Exclusion : inconduite ou départ sans justification

30(1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage […].

[24] Le prestataire ne conteste pas les conclusions de la division générale selon lesquelles il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi ou selon lesquelles le départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, l’article 30(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi s’appliquait.

[25] L’article 30(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi précise clairement qu’une partie prestataire peut avoir droit à des prestations même après avoir été exclue. Cependant, elle peut seulement inclure les heures d’emploi assurable qu’elle a accumulées « depuis [qu’elle] a perdu ou quitté cet emploi ».

[26] La division générale a utilisé la bonne période pour calculer si le prestataire avait accumulé assez d’heures pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi. Elle a seulement inclus les heures d’emploi assurable que le prestataire a accumulées après avoir quitté son emploi le 7 décembre 2022.

[27] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a calculé si le prestataire avait accumulé assez d’heures pour avoir droit aux prestations.

Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait quant à la question de savoir s’il avait accumulé assez d’heures pour avoir droit aux prestations

[28] Le prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait quant à la question de savoir s’il avait accumulé assez d’heures pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi. Lorsque la division générale a calculé s’il avait accumulé assez d’heures au cours de la période suivant le départ de son emploi le 7 décembre 2022, elle a examiné tous les relevés d’emploi. Les conclusions de la division générale concordaient avec la preuve.

[29] Le prestataire soutient que la division générale a ignoré une grande partie de la preuve concernant ses heures :

  • Une agente de la Commission lui a dit qu’il avait assez d’heures et de revenus pour avoir droit aux prestationsNote de bas de page 6. Elle lui a assuré que [traduction] « ces heures seront incluses dans le calculNote de bas de page 7 ». Après avoir additionné toutes les heures figurant dans les relevés d’emploi au dossier, elle lui a dit : [traduction] « Vous avez certainement assez d’heures et de revenus pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 8. »
  • La Commission lui a écrit le 11 mai 2023 pour l’informer qu’il avait accumulé 655 heuresNote de bas de page 9.
  • Le prestataire a demandé des relevés d’emploi. Autrement dit, il attend toujours des relevés d’emploi qui, selon lui, montrent qu’il a accumulé plus d’heures.

Commentaires de l’agente

[30] Le prestataire veut s’appuyer sur les commentaires d’une agente qui lui a dit qu’il avait accumulé assez d’heures pour avoir droit aux prestations. Cependant, d’après ce que l’agente a dit, il est clair qu’elle allait devoir vérifier que rien n’excluait le prestataire du bénéfice des prestations. Autrement dit, il n’était pas officiel qu’il pouvait utiliser toutes ces heures.

[31] L’agente a souligné que le relevé d’emploi indiquait que le prestataire avait été congédiéNote de bas de page 10. Elle voulait être convaincue que le congédiement n’était pas justifié. Par exemple, l’employeur aurait pu congédier le prestataire parce qu’il estimait qu’il ne convenait pas au posteNote de bas de page 11. Si l’employeur n’avait pas congédié le prestataire pour un motif valable, cela n’aurait eu aucune incidence sur son droit aux prestations. L’agente a laissé entendre que si le prestataire avait été congédié pour un motif valable (comme une inconduite), il serait exclu du bénéfice des prestationsNote de bas de page 12.

[32] L’agente a souligné que le prestataire avait demandé des prestations le 16 août 2023Note de bas de page 13. Elle a précisé qu’elle examinerait les heures accumulées au cours de la période de référence de 52 semaines précédant la date de sa demande. Elle a donc dit qu’elle inclurait toutes les heures figurant dans les relevés d’emploi remontant jusqu’au 16 août 2022.

[33] Toutefois, il n’est pas clair si l’agente était au courant de la demande antérieure du 15 avril 2023 ou du fait que le prestataire avait quitté volontairement son emploi le 7 décembre 2022. Le relevé d’emploi pour cet emploi indique que le prestataire a quitté son poste. Il s’agissait d’éléments importants à considérer.

[34] La division générale n’a pas ignoré la preuve concernant les appels téléphoniques entre le prestataire et la CommissionNote de bas de page 14. Elle a conclu qu’elle n’avait tout simplement pas établi que le prestataire avait accumulé au moins 700 heures d’emploi assurable. Bien que l’agente ait dit que le prestataire avait accumulé assez d’heures, la division générale n’a pas été en mesure de déterminer la période ou les heures que l’agente avait prises en considération pour chaque emploi. La division générale ne savait pas non plus si l’agente était au courant que le prestataire avait quitté volontairement son emploi le 7 décembre 2022 ou si l’agente avait décidé si le prestataire était fondé à quitter cet emploi ou s’il avait d’autres solutions raisonnables.

[35] La division générale a conclu que les commentaires de l’agente ne démontraient tout simplement pas que le prestataire avait accumulé 700 heures d’emploi assurable depuis qu’il avait quitté son emploi sans justification le 7 décembre 2022. Les conclusions de la division générale concordaient avec la preuve.

La Commission a déclaré que le prestataire avait accumulé 655 heures d’emploi assurable

[36] Dans sa lettre initiale, la Commission a écrit que le prestataire avait accumulé 655 heures d’emploi assurableNote de bas de page 15. Elle a aussi conclu qu’il avait besoin de 700 heures d’emploi assurable pour avoir droit aux prestations.

[37] Toutefois, la Commission a écrit que le prestataire avait accumulé ces 655 heures entre le 10 avril 2022 et le 8 avril 2023.

[38] La Commission ne précise pas à quel moment le prestataire a accumulé les 655 heures. Il n’y a pas de relevé d’emploi pour le début de 2022. Cependant, on peut supposer que le prestataire a accumulé une partie des 655 heures entre le 10 avril 2022 et le 7 décembre 2022. En effet, la division générale a décidé que le prestataire avait accumulé 202 heures après le 7 décembre 2022.

[39] Comme l’a expliqué la division générale, l’article 30(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que cette dernière peut seulement tenir compte des heures d’emploi assurable accumulées par le prestataire depuis qu’il a quitté son emploi le 7 décembre 2022.

[40] Par conséquent, comme la période (au cours de laquelle les 655 heures ont été accumulées) remontait au 10 avril 2022, la décision de la Commission selon laquelle le prestataire avait accumulé 655 heures n’a pas permis d’établir que le prestataire avait accumulé ces heures depuis qu’il avait quitté son emploi le 7 décembre 2022.

[41] De plus, même si le prestataire avait accumulé 655 heures d’emploi assurable après avoir quitté son emploi le 7 décembre 2022, cela serait quand même insuffisant. Cela ne correspond pas aux 700 heures dont il avait besoin pour avoir droit aux prestations.

Relevés d’emploi en souffrance

[42] Il se peut que le prestataire ait accumulé des heures d’emploi assurable supplémentaires. Comme il le dit, il a demandé des relevés d’emploi qui montreront qu’il a accumulé des heures supplémentaires. Toutefois, la division générale pouvait seulement rendre une décision en fonction des éléments de preuve dont elle disposait.

[43] Le dossier d’audience comprenait quatre relevés d’emploiNote de bas de page 16. Comme je l’ai déjà mentionné, en raison de l’article 30(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi, la division générale pouvait seulement tenir compte des heures d’emploi assurable accumulées par le prestataire depuis qu’il avait quitté son emploi le 7 décembre 2022. La division générale ne pouvait donc pas tenir compte des 88 heures d’emploi assurable accumulées par le prestataire entre le 21 novembre 2022 et le 7 décembre 2022.

[44] La division générale a accepté les heures figurant sur les autres relevés d’emploi. Le prestataire a accumulé ces heures après avoir quitté son emploi le 7 décembre 2022. Il y avait un total de 202 heures.

[45] La division générale a jugé qu’en l’absence de témoignages ou de documents démontrant que le prestataire avait accumulé plus d’heures d’emploi assurable depuis qu’il avait quitté son emploi sans justification, elle n’a pas été en mesure de conclure qu’il avait travaillé les 700 heures nécessaires pour avoir droit aux prestations.

[46] Si l’employeur ou les employeurs du prestataire produisent ces relevés d’emploi ou si le prestataire est en mesure d’établir d’une façon ou d’une autre qu’il a accumulé des heures supplémentaires, il peut les transmettre à la Commission. La Commission pourra alors décider si le prestataire a accumulé assez d’heures d’emploi assurable pour avoir droit aux prestations.

Conclusion

[47] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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