Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JS c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 727

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (624753) datée du 27 octobre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 12 janvier 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 23 janvier 2024
Numéro de dossier : GE-23-3342

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter une demande de prestations d’assurance‑emploi. Autrement dit, l’appelant n’a pas donné d’explication que la loi accepte. Par conséquent, les demandes de l’appelant ne peuvent pas être traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt.

Aperçu

[3] En général, pour recevoir des prestations d’assurance‑emploi, la partie prestataire doit présenter une demande pour chaque semaine durant laquelle elle n’a pas travaillé et pour laquelle elle souhaite recevoir des prestationsNote de bas de page 1. Ainsi, elle présente des déclarations à la Commission de l’assurance‑emploi du Canada toutes les deux semaines. Habituellement, les demandes sont faites en ligne. Il y a des délais à respecter pour présenter une demandeNote de bas de page 2.

[4] L’appelant n’a présenté aucune demande après la date limite. Il souhaite que les demandes soient traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt, à compter du 17 juillet 2022, afin qu’il puisse recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[5] Pour cela, l’appelant doit prouver qu’il avait un motif valable justifiant le retard.

[6] La Commission a décidé que l’appelant n’avait pas de motif valable et a refusé sa demande. La Commission affirme que l’appelant n’a pas de motif valable parce qu’il s’est concentré sur son cours et ses études plutôt que sur sa demande d’assurance-emploi. Sa commotion cérébrale ne l’a pas empêché de présenter des déclarations puisqu’il a pu poursuivre ses études.

[7] L’appelant n’est pas d’accord et affirme que sa commotion cérébrale majeure l’a gravement handicapé pendant des mois. Il n’a pas déposé ses déclarations en raison de ses fonctions mentales limitées et de sa mauvaise mémoire.

Question en litige

[8] L’appelant avait-il un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations d’assurance‑emploi?

Analyse

[9] L’appelant souhaite que ses demandes de prestations d’assurance-emploi soient traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt, soit à partir du 17 juillet 2022. C’est ce que l’on appelle l’antidatation des demandes.

[10] Pour qu’une demande soit antidatée, l’appelant doit prouver qu’il avait un motif valable justifiant le retard pendant toute la période du retardNote de bas de page 3. L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est donc dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant le retard.

[11] De plus, pour prouver qu’il avait un motif valable, l’appelant doit démontrer qu’il a agi comme l’aurait fait toute personne raisonnable et prudente dans des circonstances semblablesNote de bas de page 4. Autrement dit, il doit démontrer qu’il s’est conduit comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans une situation semblable.

[12] L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas de page 5. L’appelant doit donc démontrer qu’il a fait de son mieux pour s’informer sur ses droits et ses responsabilités dès que possible. Si l’appelant n’a pas pris de telles mesures, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéNote de bas de page 6.

[13] L’appelant doit démontrer qu’il a agi ainsi pour toute la période du retardNote de bas de page 7. Cette période s’étend de la date à laquelle il veut que sa demande soit antidatée jusqu’à la date à laquelle il a réellement fait sa demande. Donc, pour l’appelant, la période du retard s’étend du 17 juillet 2022 au 31 mai 2023, date à laquelle il a demandé à la Commission d’antidater ses demandes.

[14] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant le retard parce que sa commotion cérébrale majeure l’a gravement handicapé pendant des mois. Il n’a pas déposé ses déclarations en raison de ses fonctions mentales limitées et de sa mauvaise mémoire. Il avait oublié qu’il avait présenté une demande de prestations d’assurance-emploi et ne s’en est souvenu que lorsqu’il a terminé ses études en avril 2023 et qu’il a commencé à chercher du travail.

[15] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard pour la période du 17 juillet 2022 au 31 mai 2023, parce qu’il s’est concentré sur son cours et ses études plutôt que sur sa demande d’assurance-emploi. Sa commotion cérébrale ne l’a pas empêché de présenter des déclarations puisqu’il a pu poursuivre ses études durant cette période.

[16] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations parce qu’il n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard pendant toute la période du retard, pour les motifs énoncés ci-après.

Faits à l’origine du litige

[17] L’appelant pratiquait des activités sportives depuis onze ans, soit depuis qu’il fréquentait l’école secondaire, qui étaient axées sur l’entraînement personnel, surtout pour le soccer. Il avait subi des blessures au genou et au dos au secondaire lors de ses activités sportives. Au cours de ces années, il a acquis de l’expérience dans le traitement des blessures sportives et en réadaptation.

[18] En mars 2022, il était gardien de but pendant un match de soccer. Pendant le match, il a été frappé trois fois à la tête par un ballon qui était botté vers le but. Il a reçu deux de ces coups à la tempe. Il a continué à jouer jusqu’à la fin du match. Aucun soigneur ou médecin n’était présent pendant le match. Il a consulté son médecin au cours du mois qui a suivi, mais il n’était pas certain de la date exacte. Quand l’incident s’est produit, il étudiait en vue d’obtenir un diplôme en kinésiologie. Il était alors en deuxième année du programme de trois ans.

[19] L’appelant a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 19 juillet 2022. Dans la demande, il a indiqué qu’il avait quitté son emploi précédent le 27 août 2021 pour fréquenter l’école. Il a expliqué qu’il avait pris la décision personnelle d’aller à l’école et qu’il suivait le cours, qui devait commencer le 9 septembre 2021. Il a répondu « non » à la question de savoir s’il suivait ou s’il suivrait un cours. Il n’a pas voulu ajouter un certificat médical à la demande. La demande montre qu’une personne a aidé l’appelant à remplir la demande. Cette personne était sa mère.

[20] L’appelant n’a jamais produit ses déclarations bimensuelles après avoir présenté la demande de prestations d’assurance-emploi. Il est retourné aux études en septembre 2022, mais n’a pas terminé ses études ni obtenu de diplôme lorsqu’il a terminé en avril 2023. Le 31 mai 2023, il a présenté une demande d’antidatation de ses demandes au 17 juillet 2022. La Commission a rejeté la demande d’antidatation et la demande de révision subséquente de l’appelant parce que, selon elle, il n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

L’explication de l’appelant concernant le retard à produire des déclarations

[21] L’appelant a dit à la Commission qu’en raison de la commotion cérébrale il était incapable de se concentrer, qu’il avait des problèmes de mémoire et qu’il n’était pas en mesure de remplir des formulaires. La seule preuve médicale présentée était la note de son médecin de famille datée du 25 septembre 2023, date à laquelle le médecin l’a vu. Le médecin le soignait depuis la blessure en 2002. Le médecin confirme le diagnostic de commotion cérébrale. L’appelant présentait des symptômes à long terme, notamment de la dépression, de l’irritabilité, des maux de tête, une faible concentration, un manque de motivation et des problèmes de mémoire. Il était incapable de travailler ou de jouer au soccer. Les symptômes se sont poursuivis jusqu’en 2023 malgré de nombreuses tentatives de traitement et de thérapie. Le médecin conclut la note en disant que l’appelant [traduction] « n’était pas en mesure de travailler depuis sa commotion cérébrale ». L’appelant a confirmé les déclarations du médecin à l’audience, mais a corrigé la date de son retour aux études. Il ne s’agissait pas de septembre 2023 comme l’a indiqué le médecin, mais de septembre 2022. L’appelant n’est pas retourné aux études en septembre 2023.

[22] Les symptômes ont vraiment commencé à l’été 2022. Il a encore tous les symptômes, mais son état s’est quelque peu amélioré. Il a complètement oublié l’assurance-emploi après avoir présenté sa demande. Après avoir fait sa demande, il n’a communiqué avec la Commission qu’en mai 2023.

[23] Il a effectivement poursuivi ses cours de kinésiologie en septembre 2022. Comme il était déjà inscrit, il n’a pas eu à présenter de demande. Il devait réussir huit autres cours au plus tard en avril 2023 pour obtenir son diplôme. Il s’est inscrit à huit cours. En raison de ses symptômes, il n’avait réussi que deux cours en avril 2023, et ses notes étaient très faibles. Pour les cours qu’il a réussis, il s’est appuyé sur les connaissances acquises pendant qu’il était soignant personnel et traitait des blessures. Pendant l’automne 2022, il ne pouvait consacrer au début qu’une heure par jour à ses travaux scolaires. Il se sentait épuisé après un cours magistral d’une heure. À la mi-novembre, son état s’était amélioré et lui permettait de consacrer quatre heures et demie par jour à ses travaux scolaires.

[24] En décembre 2022, il a été frappé à la tête une fois par un ballon de soccer pendant qu’il jouait un match. Cet incident l’a fait régresser et a aggravé ses symptômes. De décembre à avril 2023, il a manqué de nombreux cours, avait un mauvais sommeil et une mauvaise santé mentale et physique. En avril 2023, il n’avait pas réussi suffisamment de cours pour obtenir son diplôme. Il n’est pas retourné aux études en septembre 2023. Il est possible qu’il y retourne plus tard pour terminer ses études.

[25] Après avoir terminé ses études, l’appelant a déménagé dans une autre province pour chercher du travail. La personne qui l’a aidé à remplir sa demande lui a rappelé sa demande d’assurance-emploi. Il a communiqué avec la Commission, a appris qu’il avait la demande existante et a demandé qu’elle soit antidatée. La Commission a rejeté sa demande en raison de l’absence de motif valable justifiant le retard dans la présentation des déclarations bimensuelles.

Décision sur la question de l’antidatation

[26] Pour qu’une demande soit antidatée, l’appelant doit prouver qu’il avait un motif valable justifiant le retard pendant toute la période du retard. Pour démontrer qu’il avait un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables. L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposait.

[27] La période du retard va du 17 juillet 2022 au 31 mai 2023. Il n’est pas contesté que l’appelant n’a communiqué avec la Commission à aucun moment au cours de cette période. Il n’est pas contesté non plus que l’appelant n’a pas produit de déclarations bimensuelles pendant cette période.

[28] L’appelant a affirmé qu’il avait agi comme une personne raisonnable et prudente dans des circonstances semblables. Il n’a pas pu faire les déclarations en raison des circonstances découlant de la commotion cérébrale. Ces circonstances étaient notamment la dépression, l’irritabilité, les maux de tête, une faible concentration, un manque de motivation et une mauvaise mémoire. Il avait oublié qu’il avait présenté une demande d’assurance-emploi jusqu’en mai 2023, moment où on la lui a rappelée. Comme il l’a dit dans son témoignage, sa mémoire lui a fait défaut pendant une longue période. Ce n’était pas un choix personnel de sa part de se concentrer sur ses études et de négliger la présentation de ses déclarations. Sa capacité de poursuivre ses études a accaparé toutes ses capacités mentales affaiblies en raison de la commotion cérébrale.

[29] Le problème que pose l’argument de l’appelant est qu’il y avait un écart entre la demande de prestations d’assurance-emploi faite le 19 juillet 2022 et son retour aux études le 2 septembre 2022. Durant cette période, il n’a pas fait d’études. Ses capacités mentales affaiblies n’ont pas toutes été accaparées par des études durant cette période. Il venait de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi le 19 juillet 2022. Je n’accepte pas l’argument selon lequel il (ou une personne raisonnable dans sa situation) aurait complètement oublié l’assurance-emploi à partir de ce moment jusqu’à son retour aux études en septembre.

[30] Le raisonnement énoncé au paragraphe précédent a aussi une incidence sur la conclusion quant à l’exigence selon laquelle l’appelant (ou une personne raisonnable dans sa situation) doit démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et les obligations que lui impose la loi. L’appelant n’a pris aucune mesure pour se renseigner sur son droit et ses obligations. Je n’accepte pas l’argument selon lequel il (ou une personne raisonnable dans sa situation) aurait complètement oublié l’assurance-emploi alors qu’il n’avait aucun revenu et qu’il venait tout juste de présenter une demande d’assurance-emploi.

[31] Le critère de la personne raisonnable pour évaluer l’obligation de vérifier les droits et obligations peut être assoupli en cas de circonstances exceptionnellesNote de bas de page 8. La norme applicable aux circonstances exceptionnelles est assez élevée. Par exemple, le fait d’être occupé par ses études, de travailler et de changer d’emploi, d’éprouver des difficultés financières et de déménager ne sont pas des circonstances exceptionnelles, même lorsqu’elles sont prises en compte de façon cumulativeNote de bas de page 9. Je ne peux pas trancher un appel sur la base de circonstances suscitant la sympathie ou de considérations générales d’équité, comme on l’entend généralement. Je dois trancher l’appel en me fondant sur les faits qui ont été prouvés et sur les règles juridiques de l’assurance-emploi qui s’appliquentNote de bas de page 10. Dans le présent appel, l’appelant avait de graves déficiences causées par une commotion cérébrale. Ces déficiences ont duré, avec quelques légères modifications, pendant toute la période du retard. Mais les déficiences ne l’ont pas empêché de contacter la Commission. Les déficiences ont eu une grande incidence sur sa capacité à faire ses études à partir de septembre 2022. Mais entre la demande d’assurance-emploi du 19 juillet 2022 et le début de ses études le 2 septembre 2022, il n’a pas fait d’études et ne travaillait pas. Sa capacité réduite d’étudier en septembre 2022 a montré qu’il avait la capacité de traiter avec l’assurance-emploi au cours de l’été 2022. L’appelant ne peut donc pas démontrer que sa situation était exceptionnelle au point de l’empêcher de vérifier ses droits et obligations en matière d’assurance-emploi pendant toute la période du retard.

Conclusion

[32] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard dans la présentation de sa demande de prestations pendant toute la période du retard. Par conséquent, ses demandes ne peuvent pas être traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt.

[33] L’appel est rejeté.

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