Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 863

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : C. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant  : Nikkia Janssen

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale
le 9 février 2024 (GE-23-3495)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 juillet 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 25 juillet 2024
Numéro de dossier : AD-24-126

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel de C. H.

[2] La division générale a commis une erreur de fait importante. Elle a réparti le mauvais montant hebdomadaire d’indemnités pour accidents du travail puis l’a déduit des prestations d’assurance-emploi que l’appelant avait reçues.

[3] Pour corriger cette erreur, j’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. J’accepte l’entente des parties sur la répartition des indemnités pour accidents du travail du prestataire. J’accepte également leur entente concernant le trop-payé que le prestataire doit (1 989 $).

Aperçu

[4] C. H. est le prestataire dans la présente affaire. En 2001, il s’est blessé au travail. Il a demandé et reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi à compter du 25 juillet 2021.

[5] Par la suite, la Commission des accidents du travail de la Nouvelle-Écosse lui a accordé des prestations de remplacement de la rémunération temporaire à compter du 7 septembre 2021. Il en a parlé à la Commission puis a fait appel de la décision de la Commission des accidents du travail.

[6] En juin 2023, le prestataire a gagné sa cause contre la Commission des accidents du travail. Celle-ci lui a versé des prestations à compter du 27 juillet 2021. Il a reçu un paiement forfaitaire rétroactif, qui comprenait une augmentation du taux (paiement forfaitaire de la Commission des accidents du travail pour 2023).

[7] La Commission est revenue en arrière et a réparti le paiement forfaitaire de la Commission des accidents du travail de 2023 sur les semaines de prestations d’assurance-emploi qu’il avait reçues en 2021. Cela a engendré un trop-payé de 2 504 $. La Commission a maintenu sa décision lorsque le prestataire lui a demandé de la réviser. Il a fait appel à la division générale du Tribunal, mais celle-ci a rejeté son appel.

[8] Le prestataire soutient que la Commission n’avait pas le droit de déduire son paiement forfaitaire de 2023 de la Commission des accidents du travail de ses prestations d’assurance-emploi de 2021. La Commission n’est pas d’accord. Cependant, elle affirme que la division générale s’est trompée au sujet du montant des indemnités pour accidents du travail qu’il recevait chaque semaine. Le prestataire est d’accord.

Questions en litige

[9] Il y a trois questions en litige dans le présent appel :

  • La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que le paiement forfaitaire de la Commission des accidents du travail pour 2023 était une rémunération qui devait être répartie et déduite des prestations d’assurance-emploi de 2021 que le prestataire a reçues?
  • La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a confirmé la répartition et la déduction par la Commission du paiement forfaitaire de la Commission des accidents du travail pour 2023?
  • Si la division générale a commis une erreur, comment dois-je la corriger?

Analyse

Rôle de la division d’appel

[10] La loi donne à la division d’appel le pouvoir de corriger une décision de la division générale lorsqu’une partie prestataire démontre que la division générale a commis l’une des erreurs suivantes :

  • Elle a fondé sa décision sur une erreur de droit.
  • Elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

La division générale n’a pas commis d’erreur de droit : le montant forfaitaire versé par la Commission des accidents du travail était une rémunération que la Commission devait répartir

[11] La division générale commet une erreur de droit lorsqu’elle interprète mal ou n’utilise pas le bon critère juridique de la Loi sur l’assurance-emploi ou du Règlement sur l’assurance-emploi.

[12] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas tranché sa cause en se fondant sur ce que l’agente de Service Canada lui a dit, sur le site Web de la Commission et sur le Guide de la détermination de l’admissibilité de l’assurance-emploi. Ces sources disent toutes la même chose : ses indemnités pour accidents du travail ne devraient pas être déduites de ses prestations d’assurance-emploi, parce qu’il n’a pas reçu le montant forfaitaire de la Commission des accidents du travail pendant la période où il était malade ou blessé.

[13] La Commission soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit. Le montant forfaitaire versé par la Commission des accidents du travail était une rémunération aux termes de l’article 35(2)(b) du Règlement sur l’assurance-emploi. La Commission devait donc répartir cette rémunération conformément à l’article 36(12)(d) du Règlement sur l’assurance-emploi.

Ce que la loi dit au sujet de la rémunération, de la répartition et de la déduction de la rémunération et des trop-payés

[14] L’article 35 du Règlement sur l’assurance-emploi précise quels types de revenus comptent comme rémunération. L’article 36 précise à la Commission la ou les semaines sur lesquelles elle doit répartir la rémunération.

[15] Lorsque la Commission répartit la rémunération sur une semaine pendant laquelle la personne est admissible aux prestations d’assurance-emploi, l’article 19(2) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que la Commission doit déduire une partie de cette rémunération des prestations d’assurance-emploi.

[16] Comme dans la présente affaire, une personne peut recevoir un revenu après avoir reçu des prestations d’assurance-emploi. Si ce revenu est considéré comme une rémunération, la Commission doit le répartir sur certaines semaines, puis le déduire des prestations d’assurance-emploi que la personne a reçues au cours de chacune de ces semaines. Il en résultera un trop-payé que la personne devra rembourser à la CommissionNote de bas de page 2.

Le paiement forfaitaire de 2023 de la Commission des accidents du travail était une rémunération et la Commission devait la répartir

[17] Je suis d’accord avec l’argument de la Commission. La division générale n’a pas commis d’erreur de droit.

[18] La division générale a décidé que les indemnités pour accidents du travail que le prestataire a reçues en 2023 constituaient une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3. Même si la division générale n’y a pas fait expressément référence, l’article 35(2)(b) précise que la rémunération comprend « les indemnités que le prestataire a reçues ou recevra pour un accident du travail ou une maladie professionnelle, autres qu’une somme forfaitaire ou une pension versées par suite du règlement définitif d’une réclamation ».

[19] La division générale a vérifié s’il était possible que ces prestations ne soient pas une rémunération au titre de l’exception prévue à l’article 35(7)Note de bas de page 4. Il était correct de décider qu’elles ne relevaient pas de cette exception. La preuve devant la division générale montre qu’en 2023, le prestataire a reçu un paiement forfaitaire de la Commission des accidents du travail (et une augmentation du taux) pour le remplacement de la rémunération temporaire. Ces prestations ne constituent pas une pension.

[20] La division générale a également eu raison de conclure que la Commission devait répartir les indemnités pour accidents du travail au titre de l’article 36(12) du Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[21] Selon cet article, la Commission devait répartir les indemnités pour accidents du travail sur les semaines pendant lesquelles les indemnités étaient payées ou payables. Autrement dit, il importe peu que le prestataire ait effectivement reçu le paiement forfaitaire de la Commission des accidents du travail en 2023. Il importe que le paiement forfaitaire de la Commission des accidents du travail lui ait été versé pour les semaines de 2021 où il avait légalement droit à ces prestations.

Je ne peux pas accepter les arguments du prestataire au sujet des erreurs qu’il dit que la division générale a commis

[22] Le prestataire soutient que la division générale aurait dû suivre ce que l’agente de Service Canada lui a dit en juillet 2023, après une enquête complète. Elle lui a dit qu’il n’avait pas à rembourser les prestations d’assurance-emploi en raison du montant forfaitaire de la Commission des accidents du travail qu’il a reçu en juin 2023. Elle lui a dit : [traduction] « aucune somme d’argent n’est due ».

[23] Malheureusement pour le prestataire, je ne peux pas accepter son argument. Les tribunaux ont affirmé qu’une personne ne peut pas se fier à des renseignements erronés fournis par la Commission ou les personnes la représentant qui sont contraires à la loiNote de bas de page 6. Autrement dit, la Commission et le Tribunal doivent respecter la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi.

[24] Le prestataire a également soutenu que la décision de la division générale va à l’encontre des renseignements figurant sur le site Web de la Commission. Il soutient que le site Web précise que seules les indemnités pour accidents du travail reçues « pendant » la période de maladie ou de blessure sont considérées comme une rémunérationNote de bas de page 7. Il a également soutenu que le site Web disait qu’il devait signer un engagement de rembourser les prestationsNote de bas de page 8. Comme la Commission ne l’a pas obligé à le faire, il dit qu’il n’a pas à les rembourser.

[25] Malheureusement pour le prestataire, je ne peux pas accepter son argument. Le site Web de la Commission n’est pas une loi. Et il n’a pas force de loi. Par conséquent, la Commission ne peut pas modifier la Loi sur l’assurance-emploi ou le Règlement sur l’assurance-emploi avec ce qu’elle écrit sur le site Web.

[26] Il semble également que le prestataire interprète mal ce qui se trouve sur le site Web de la Commission. Le terme « pendant » désigne le revenu d’emploi perdu, et non les prestations reçues, lorsque la personne était malade ou blessée. Dans le cas du prestataire, il a reçu des prestations de la Commission des accidents du travail pour remplacer le revenu qu’il a perdu pendant qu’il était malade ou blessé. Le site Web de la Commission précise que ces paiements temporaires sont considérés comme une rémunération aux fins des prestationsNote de bas de page 9.

[27] Enfin, le prestataire a soutenu à l’audience de la division d’appel que la division générale aurait dû suivre ce que dit le Guide. Il fait valoir qu’il dit la même chose que le site Web au sujet des indemnités pour accidents du travail reçues « pendant » la période de maladie ou de blessure.

[28] Malheureusement pour le prestataire, je ne peux pas accepter cet argument. Le Guide est un document d’orientation non contraignantNote de bas de page 10. Il n’a pas force de loi. Il ne peut donc pas l’emporter sur la Loi sur l’assurance-emploi ou son règlement. De plus, le Guide n’appuie pas l’argument du prestataire, il appuie l’argument de la Commission. L’article 5.11.3 du Guide précise ce qui suit : « Les indemnités de la CAT [Commission des accidents du travail] que le prestataire a reçues ou recevra, autres que les sommes forfaitaires ou les pensions versées par suite du règlement définitif d’une réclamation de la CAT, constituent une rémunération aux fins des prestations [RAE 35(2)b)]. »

La division générale a commis une erreur au sujet du montant des indemnités hebdomadaires qu’elle devait répartir

[29] La division générale commet une erreur de fait importante si elle fonde sa décision sur une conclusion de fait qu’elle a tirée en ignorant ou en interprétant mal la preuveNote de bas de page 11. Autrement dit, la preuve va carrément à l’encontre d’une conclusion de fait tirée par la division générale ou ne l’appuie pas.

[30] La Commission a concédé (c’est-à-dire qu’elle a accepté) que la division générale avait eu tort d’accepter le montant hebdomadaire des indemnités pour accidents du travail que la Commission a utilisé (800 $)Note de bas de page 12. La division générale a eu tort de rejeter l’argument du prestataire selon lequel 666 $ était le bon montant hebdomadaireNote de bas de page 13.

[31] Les documents de la Commission des accidents du travail et ses dossiers bancaires montraient que l’indemnité hebdomadaire pour accidents du travail du prestataire n’était pas de 800 $Note de bas de page 14. Pour la plupart des semaines, il a reçu 667 $.

[32] Compte tenu de cette erreur sur les faits, la division générale a confirmé le trop-payé de 2 504 $ et a rejeté l’appel du prestataire. Autrement dit, elle a fondé sa décision sur cette erreur. Cela signifie que la division générale a commis une erreur de fait importante.

Corriger l’erreur en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre

[33] La loi me donne le pouvoir de corriger l’erreur de la division généraleNote de bas de page 15.

[34] Le prestataire et la Commission ont convenu que si je concluais à une erreur, je devais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je suis d’accord. Les deux parties ont eu une occasion pleine et équitable de présenter des éléments de preuve à la division générale. Et elles acceptent toutes les deux la preuve dont j’ai besoin pour rendre ma décision.

[35] La Commission a rédigé une explication écrite de sa position concernant la répartition révisée et le trop-payéNote de bas de page 16. Elle a également envoyé un tableau utile qui montre :

  • comment elle a réparti les indemnités hebdomadaires pour accidents du travail du prestataire sur les semaines de 2021 où il recevait également des prestations d’assurance-emploi;
  • le montant des prestations d’assurance-emploi qu’il avait le droit de recevoir chaque semaine après avoir déduit ses indemnités hebdomadaires pour accidents du travail;
  • le trop-payé réviséNote de bas de page 17.

[36] Le prestataire a examiné ces renseignements. Il était d’accord avec la répartition effectuée par la Commission avec les bons montants d’indemnités hebdomadaires pour accidents du travail qu’il avait reçus. De plus, il était d’accord avec le trop-payé révisé de 1989 $ (plutôt que le trop-payé de 2 504 $ dans l’avis de dette).

[37] J’accepte l’entente des parties. Elle est appuyée par la loi et par la preuve au dossier de la division générale.

Conclusion

[38] J’accueille l’appel du prestataire.

[39] J’ai corrigé l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre.

[40] J’accepte l’entente des parties sur la répartition et la déduction du paiement forfaitaire de 2023 versé par la Commission des accidents du travail. Et j’accepte leur entente sur le montant révisé du trop-payé du prestataire (1 989 $).

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