Assurance-emploi (AE)

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Citation : AM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 879

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (0) datée du 7 mai 2024
rendue par la Commission de l’assurance-emploi
du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 juillet 2024
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 25 juillet 2024
Numéro de dossier : GE-24-1793

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La Commission n’avait pas toutes les informations, lorsqu’elle a décidé de refuser la demande de prolongation de délai de l’appelant.

Aperçu

[2] Pendant la pandémie de la COVID-19, l’appelant présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi d’urgence.

[3] La Commission informe l’appelant que les renseignements bancaires fournis sont erronés. Elle n’est pas en mesure de déposer dans son compte des prestations d’urgence, dont une avance de 2000 $. Par la suite, elle lui transmet un chèque par courrier.

[4] L’année suivante, l’appelant constate que la Commission a émis un relevé fiscal pour l’avance de 2000 $. L’appelant communique avec le service des fraudes, parce qu’il n’a pas déposé le chèque de 2000 $. Il est informé qu’une enquête sera faite pour établir si le chèque a été encaissé.

[5] Croyant la situation en voie de se régler, l’appelant reçoit un avis de dette. La Commission lui réclame l’avance de 2000 $. L’appelant est avisé qu’il doit demander la révision de la décision.

[6] La Commission refuse de réviser la décision, parce que l’appelant n’a pas donné une explication raisonnable pour justifier son retard ni démontré son intention de contester. En fait, la Commission n’a pas été en mesure d’obtenir son explication concernant son retard ni les informations concernant ses démarches.

[7] La Commission considère qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnairement correctement en refusant de prolonger la période de délai d’appel.

[8] L’appelant n’est pas d’accord. Il a fait des démarches auprès du service des fraudes et il a communiqué avec la Commission.

Questions en litige

  1. La demande de révision a-t-elle été présentée en retard ?
  2. La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en rejetant la demande de l’appelant de prolonger la période de 30 jours pour présenter une demande de révision ?

Analyse

[9] Toute personne qui fait l’objet d’une décision de la Commission peut demander la révision de cette décision dans les 30 jours suivant la date où elle en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorderNote de bas de page 1.

[10] La décision de la Commission d’accorder un délai supplémentaire pour présenter une demande de révision est un pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 2. Le pouvoir discrétionnaire de la Commission doit être exercé selon les critères du Règlement sur les demandes de révision.

[11] La Commission peut accorder plus de temps à une partie prestataire pour la présentation d’une demande de révision si elle est convaincue qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et si l’appelant a manifesté l’intention constante de demander la révisionNote de bas de page 3.

[12] De plus, lorsque la demande est présentée plus d’un an après la décision initiale, la Commission doit être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et ne porte pas préjudiceNote de bas de page 4.

[13] Je dois décider si, en rejetant la demande de prolongation du délai pour présenter une demande de révision, la Commission a agi de bonne foi, à des fins et pour des motifs légitimes, qu’elle a pris en compte tous les facteurs pertinents, ignorant tout facteur non pertinent, et qu’elle a agi de manière non discriminatoireNote de bas de page 5.

[14] Je peux intervenir seulement si je détermine que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement. Si je conclus qu’elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, alors je rendrai la décision que la Commission aurait dû rendre.

1. La demande de révision a-t-elle été présentée en retard ?

[15] Oui. L’appelant a présenté sa demande de révision en retard. Il a reçu l’avis de compte le 7 mai 2022. Il a demandé la révision de la décision le 8 décembre 2022. Le retard est de 202 jours.

2. La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en rejetant la demande de l’appelant de prolonger la période de 30 jours pour présenter une demande de révision ?

[16] Je constate que le retard est de 202 jours. La Commission devait donc décider de la prolongation du délai selon les deux premiers critères : a) une explication raisonnable et b) l’intention constante de demander la révision.

  1. a) Une explication raisonnable

[17] Je retiens que l’appelant présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi le 25 mars 2020. À ce moment-là, les règles de l’assurance-emploi ont changé en raison de la pandémie de la COVID-19. Ainsi, les demandes de prestations d’assurance-emploi régulières sont transformées en prestations d’assurance-emploi d’urgence.

[18] Pendant cette période, la Commission verse des avances de 2000 $, soit l’équivalent de 4 semaines de prestations, afin d’aider rapidement les Canadiennes et les Canadiens. C’est le cas de l’appelant.

[19] Le 30 mars 2020, la Commission informe l’appelant que les coordonnées bancaires fournies sont inexactes. La Commission n’étant pas en mesure de procéder au dépôt, elle lui envoie un chèque de 2000 $.

[20] Le 24 février 2021, l’appelant communique avec la Commission pour obtenir des informations concernant un T4 pour l’année 2020. La communication est rompue.

[21] Le 7 mai 2022, la Commission transmet un avis de dette à l’appelant, concernant l’avance de 2000 $.

[22] Le 24 novembre 2022, l’appelant communique avec la Commission concernant l’avis de dette. Il déclare ne pas avoir eu besoin de l’avance de 2000 $. Il n’a pas encaissé le chèque et il ne sait pas où il se trouve. Lors d’un appel précédent, on lui a suggéré de communiquer avec le service des fraudes. C’est ce qu’il a fait.

[23] L’appelant présente sa demande de révision le 7 décembre 2022. Il déclare avoir reçu la décision le 5 septembre 2022.

[24] La Commission tente de rejoindre l’appelant le 27 septembre 2023. Elle laisse un message dans la boite vocale. Le 29 septembre 2023, l’appelant met fin à l’appel de la Commission. Le 3 octobre 2023, la Commission tente de nouveau de rejoindre l’appelant sans succès. Le 3 octobre 2023, elle rend une décision sans avoir obtenu les explications de l’appelant. La Commission refuse de réviser la décision.

[25] Selon la Commission, l’appelant n’a pas fourni une explication raisonnable pour justifier son retard. En fait, il n’a pas fourni une explication à la Commission.

[26] Pour sa part, l’appelant déclare qu’il n’a pas été en mesure de répondre aux appels, parce qu’il travaillait dans une cabane à sucre. Il était difficile pour lui de communiquer avec la Commission. De plus, il n’est pas familier avec les technologies et les modes de communications.

[27] L’appelant déclare également qu’il s’est informé auprès de la Commission, lorsqu’il a reçu un relevé fiscal. Par la suite, il a déposé une plainte auprès du service des fraudes, puisqu’il n’a jamais encaissé le chèque.

[28] L’appelant est finalement informé que le chèque a été encaissé au mois d’août 2020. Le compte bancaire ayant servi à faire la transaction ne lui appartient pas.  

[29] Par ailleurs, étant donné qu’il a déposé une plainte au service des fraudes, il croyait que l’enquête mènerait à l’annulation de la dette. Il ne pensait pas qu’il devait également présenter une demande de révision.

[30] Je comprends la décision de la Commission, puisqu’elle n’avait pas l’explication. Étant donné que j’ai obtenu l’explication de l’appelant qui est la même depuis le processus d’appel, je suis convaincue que l’explication est raisonnable. Il s’agit d’un fait nouveau dont j’ai tenu compte pour rendre ma décision.

  1. b) L’intention constante de demander la révision

[31] Je retiens que l’appelant s’est informé en 2021 concernant le relevé fiscal émis pour les prestations d’assurance-emploi d’urgence. Il n’est pas en mesure de terminer sa démarche. Pour l’appelant, la situation est réglée, parce qu’il n’a pas encaissé le chèque.

[32] Le 4 mai 2022, la Commission établit un trop payé. Elle transmet un avis de dette le 7 mai 2022.

[33] L’appelant fait des démarches auprès du service des plaintes pour fraude. Il apprend plus tard que le chèque a été encaissé au mois d’août 2020 dans un compte qui ne lui appartient pas.

[34] Le 24 novembre 2022, il reçoit une lettre lui réclamant la somme de 2000 $. Il se rend compte que le dossier n’est pas réglé. Il présente une demande de révision au début du mois de décembre 2022, lorsqu’il en est informé.

[35] Le 3 octobre 2023, la Commission rend sa décision, soit près d’un an plus tard. Elle refuse de réviser la décision du 4 mai 2022. Encore une fois, elle n’a pas obtenu les informations de l’appelant.

[36] Je comprends la position de la Commission. Elle n’a pas obtenu d’informations de la part de l’appelant pour déterminer s’il a démontré avoir eu l’intention constante de contester la décision.

[37] Cependant, après avoir pris en compte le témoignage crédible de l’appelant, le maintien de sa version tout au long du processus d’appel devant le Tribunal, je suis d’avis que l’appelant a démontré qu’il avait l’intention constante de demander la révision.

[38] Je constate que l’appelant a des lacunes dans ses moyens de communication et il ne prend pas le chemin le plus court pour arriver à son objectif. Par exemple, avant de déposer un avis d’appel devant le Tribunal, il a fait une demande d’accès aux renseignements personnels auprès de Service CanadaNote de bas de page 6. Ce n’est pas le meilleur moyen, mais cela démontre qu’il voulait contester la décision. Qui plus est, l’enquête pour fraude ne semble pas terminée.

Conclusion

[39] La Commission n’avait pas toutes les informations, lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai de révision de l’appelant.

[40] L’appel est accueilli.

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