[TRADUCTION]
Citation : SC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2065
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | S. C. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (584017) datée du 20 juillet 2023 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | John Noonan |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 10 novembre 2023 |
Personnes présente à l’audience : | Appelant Représentant/père de l’appelant |
Date de la décision : | Le 6 décembre 2023 |
Numéro de dossier : | GE-23-2245 |
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Décision
[1] L’appel est rejeté.
Aperçu
[2] L’appelant, S. C., est un travailleur/étudiant qui vit à T.-N.-L. Après avoir fait une révision, la Commission l’a avisé qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance-emploi du 8 mars 2021 au 24 juin 2022 [sic] et à compter du 8 septembre 2021 parce qu’il suivait un cours de formation de sa propre initiative et qu’il n’avait pas prouvé sa disponibilité pour le travail. L’appelant a affirmé qu’il était disponible pour travailler et qu’il cherchait activement un emploi. Il dit avoir fourni le nom et les coordonnées de deux entreprises où il a posé sa candidature. Le Tribunal doit décider si l’appelant a prouvé sa disponibilité conformément aux articles 18 et 50 de la Loi sur l’assurance-emploi et aux articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi.
Questions en litige
[3] Question no 1 : L’appelant était-il disponible pour travailler?
Question no 2 : Faisait-il des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir du travail?
Question no 3 : A-t-il établi des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?
Analyse
[4] Les dispositions législatives pertinentes sont présentées dans le document GD-4 du dossier d’appel.
[5] Il existe une présomption selon laquelle une personne aux études à temps plein n’est pas disponible pour travailler. Cette présomption de fait peut être réfutée si l’on prouve l’existence de circonstances exceptionnelles (voir la décision Cyrenne 2010 CAF 349).
[6] Cette présomption s’applique à une personne qui n’est pas disponible pour travailler lorsqu’elle suit un cours à temps plein de sa propre initiative. Pour réfuter cette présomption, l’appelant doit démontrer que son intention première est d’accepter immédiatement un emploi convenable, comme en témoignent ses démarches de recherche d’emploi, qu’il est prêt à prendre toutes les dispositions nécessaires ou qu’il est prêt à abandonner son cours. Il doit démontrer par sa conduite que le cours est d’importance secondaire et ne constitue pas un obstacle à la recherche et à l’acceptation d’un emploi convenable.
[7] Une personne qui suit un cours à temps plein sans y être dirigée par une autorité désignée par la Commission doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable d’obtenir un emploi convenable. Elle doit aussi répondre aux exigences de disponibilité au même titre que toutes les personnes qui demandent des prestations régulières d’assurance-emploi. Elle doit continuer à chercher un emploi et démontrer que les exigences du cours n’ont pas restreint sa disponibilité de façon à réduire de beaucoup ses chances de trouver un emploi.
[8] Les éléments suivants peuvent être pertinents lorsqu’on évalue la disponibilité :
- a) les exigences de présence au cours;
- b) la volonté de la partie prestataire d’abandonner ses études pour accepter un emploi;
- c) la question de savoir si la partie prestataire a déjà travaillé selon un horaire irrégulier;
- d) l’existence de « circonstances exceptionnelles » qui permettraient à la partie prestataire de travailler pendant ses études;
- e) les frais associés aux études.
[9] Pour être jugée disponible pour travailler, une partie prestataire doit : 1. avoir le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert; 2. exprimer ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable; 3. ne pas établir de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Il faut considérer les trois éléments pour prendre une décision (voir la décision Faucher, A-56-96 et Faucher, A-57-96).
Question no 1 : L’appelant était-il disponible pour travailler?
[10] Non.
[11] L’appelant a tenté de demander la Prestation canadienne d’urgence (PCU) par l’entremise de l’Agence du revenu du Canada (ARC), mais un agent lui a conseillé de présenter une demande par l’entremise de Service Canada.
[12] D’après les déclarations, les observations et la demande de l’appelant, il suivait un programme d’études à temps plein (école secondaire) pendant la période en question.
[13] Une autorité désignée ne l’a pas autorisé à participer à ce programme.
[14] Selon ses observations, l’appelant n’est disponible qu’en dehors de son horaire de cours et les fins de semaine.
[15] Il avait d’abord déclaré qu’il était disponible pour travailler dans la région d’Avalon, probablement dans le nord-est d’Avalon, à X et à X. Cependant, lorsqu’il a été interrogé, il a dit qu’en raison de l’état de son véhicule et des restrictions liées à la COVID-19, il se concentrait sur les possibilités d’emploi plus proche de chez lui.
[16] L’appelant a terminé ses études secondaires et s’est inscrit à un programme d’études collégiales (certification en essais non destructifs).
[17] De toute évidence, l’appelant se concentrait avant tout sur ses études dans le but de s’inscrire à un programme collégial.
[18] Lors de l’audience, le témoin de l’appelant (son père) a déclaré que la famille avait décidé que si l’appelant devait quitter ses études pour occuper un emploi à temps plein, ce serait la bonne façon de procéder.
[19] Cela dit, il revenait tout de même à l’appelant de faire une recherche d’emploi exhaustive pendant qu’il recevait des prestations. ll n’avait pas à considérer la possibilité de quitter l’école parce qu’il ne postulait pas régulièrement à des offres d’emploi.
Question no 2 : Faisait-il des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail?
[20] Non.
[21] Il soutient maintenant qu’il accepterait n’importe quel travail.
[22] Il a indiqué qu’il avait postulé à trois postes au cours de la période en question; on a d’ailleurs retenu sa candidature pour l’un des emplois. En fait, les deux autres emplois n’étaient pas dans sa région. Le Canadian Tire le plus près se trouvait à X, et le X le plus près se trouvait à X – les deux exigeaient un déplacement qu’il n’était pas en mesure de faire.
[23] L’appelant n’a pas fait d’activités raisonnables de recherche d’emploi depuis le début de sa session de cours; on ne peut pas dire qu’il a fait une recherche d’emploi raisonnable et habituelle au sens de l’article 9.001 du Règlement.
[24] J’estime que l’appelant n’a pas démontré, pendant toute la durée de ce processus, qu’il faisait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable.
[25] L’appelant se concentrait, à juste titre, sur son cours et ne cherchait pas à obtenir un emploi.
[26] J’estime que sa conduite pendant la période en question ne démontre pas un désir sincère de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert.
Question no 3 : A-t-il établi des conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?
[27] Oui.
[28] L’appelant déclare maintenant qu’il aurait abandonné ses études, et qu’il était prêt à accepter un emploi à temps plein le soir et la fin de semaine. Quoi qu’il en soit, ses démarches raisonnables de recherche d’emploi étaient insuffisantes et il a investi du temps et de l’argent (avec sa famille) dans son programme d’études. Je juge donc que sa déclaration n’est pas conforme aux faits portés à ma connaissance.
[29] Il a déclaré qu’en raison des restrictions liées à la COVID-19, il ne devait être présent qu’environ une heure par jour. Il affirme que son école a fourni des renseignements inexacts.
[30] Toutefois, cela ne le dispense pas d’effectuer une recherche d’emploi raisonnable et complète. Les tribunaux ont déclaré qu’il est nécessaire de le faire même quand cela semble futile.
[31] Il était disponible pour travailler le soir ainsi que les fins de semaine.
[32] Les tribunaux ont conclu que les personnes qui sont disponibles pour travailler seulement en dehors de leur horaire de cours n’ont pas prouvé leur disponibilité au sens de la Loi et du Règlement.
[33] La déclaration initiale de l’appelant à Service Canada, selon laquelle il n’était disponible qu’en dehors de son horaire de cours, doit être considérée comme imposant de sérieuses restrictions à sa disponibilité (Duquet, 2008 CAF 313 et Gauthier, 2006 CAF 40).
[34] J’estime que l’appelant ne suivait pas une formation approuvée par une autorité désignée par la Commission. Il suivait le cours parce qu’il avait décidé personnellement de le faire en vue d’être qualifié pour un emploi à temps plein ou pour poser sa candidature à un programme d’études postsecondaires.
[35] Si l’appelant n’était pas disponible pour travailler à cause de raisons personnelles, aucun motif valable ne peut justifier le refus d’un emploi convenable (Bertrand, A-613-81).
[36] Tandis que j’appuie les efforts de l’appelant pour terminer ses études et trouver un emploi convenable, j’estime qu’il n’a pas présenté de preuve de « circonstances exceptionnelles » qui réfuteraient la présomption de non-disponibilité pendant qu’il suivait un cours à temps plein. Il n’est donc pas admissible au bénéfice des prestations.
[37] En soi, une simple déclaration de disponibilité ne suffit pas pour qu’une personne s’acquitte du fardeau de la preuve (CUB 18828 et 33717).
[38] En ce qui concerne le stress que l’appelant et sa famille ont subi en raison du trop-payé, voici ce que je peux en dire :
[39] La Commission reconnaît qu’en raison de la pandémie de COVID-19, certaines exigences liées à la disponibilité pour le travail pendant les études ont été assouplies jusqu’en septembre 2021. Avant le 27 septembre 2020, la disponibilité d’une partie prestataire pour travailler aurait été examinée par la Commission lorsque la personne précisait qu’elle suivait un programme de formation non dirigé (non recommandé). À partir du 27 septembre 2020, la disponibilité n’a plus été automatiquement examinée lorsqu’une personne présentait une demande de prestations ou une déclaration bimensuelle et mentionnait qu’elle suivait un programme de formation non dirigé, mais qu’elle était tout de même disponible pour travailler au besoin. Plutôt que d’être examinée, la formation était automatiquement acceptée. Toutefois, la Commission a toujours le pouvoir d’examiner la disponibilité d’une partie prestataire et d’imposer une inadmissibilité rétroactive ou actuelle, si elle décide que sa disponibilité pour le travail, comme l’exigent la loi et la jurisprudence, n’a pas été prouvée. Si une partie prestataire fait une déclaration ou fournit des renseignements qui mettent en doute sa disponibilité pendant qu’elle suit un programme de formation non dirigé, la Commission peut, conformément à l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi, « exiger que [la partie prestataire] prouve qu’[elle] fait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable ».
[40] Autrement dit, la Commission a choisi d’examiner la disponibilité de l’appelant après avoir approuvé sa demande et refuse maintenant de lui verser des prestations en se fondant sur les mêmes renseignements honnêtes qu’il a fournis dans sa demande. Pour ce faire, la Commission s’est appuyée sur l’article 50(8) de la Loi.
[41] En ce qui concerne la demande d’annulation du trop-payé de l’appelant, le Tribunal n’a pas compétence en la matière. Seule la Commission peut rendre une telle décision.
[42] Toutefois, le Tribunal peut commenter les circonstances qui ont mené au trop-payé.
[43] Les caractéristiques communes que l’on retrouve dans les situations et les circonstances menant à l’annulation d’un trop-payé sont que la partie prestataire ne peut pas être tenue directement responsable des événements ayant mené au trop-payé. Autrement dit, la partie prestataire n’a joué aucun rôle dans les événements ou n’a exercé aucun contrôle réel sur ceux-ci, sauf pour demander et recevoir les prestations de bonne foi.
[44] En l’espèce, la Commission a approuvé les prestations à partir des mêmes renseignements qu’elle utilise maintenant pour les refuser et en demander le remboursement. L’appelant n’a joué aucun rôle dans le processus d’approbation, car il a répondu honnêtement et correctement à toutes les questions qui lui ont été posées.
[45] Il est important d’éviter les situations où une partie prestataire est tenue de payer pour des retards ou des erreurs causés par la Commission, lorsque la situation échappe complètement au contrôle de la partie prestataire.
[46] Qu’il s’agisse d’une erreur ou du respect de la politique susmentionnée de la Commission, les décisions concernant l’approbation des prestations échappaient au contrôle de l’appelant et étaient entièrement entre les mains de la Commission.
[47] Une partie d’un trop-payé peut être annulée lorsque celui-ci survient parce que la Commission n’a pas rendu de décision par rapport à une demande. Il s’agit de situations où une partie prestataire a fourni des renseignements et où, avant que la Commission ne les traite, des prestations ont été versées à tort. La partie du trop-payé qui n’aurait pas eu lieu, s’il n’y avait pas eu de retard, peut être annulée. La Commission commet une erreur lorsque des prestations sont versées à tort parce qu’elle n’a pas traité la demande de façon appropriée (voir la section 17.2.0 du Guide de la détermination de l’admissibilité). Cela peut se produire lorsque la Commission ignore certains renseignements au dossier ou lorsque des erreurs se produisent dans le calcul d’un ou de plusieurs éléments de la demande [voir l’article 56(2)(b)(i) du Règlement sur l’assurance-emploi].
[48] En l’espèce, l’appelant a commencé son cours en pleine connaissance de cause et avec le consentement implicite de la Commission. La Commission a versé des prestations en fonction de cette connaissance et de ce consentement, puis a attendu plus d’un an avant d’annuler l’approbation et de demander à l’appelant de rembourser le trop-payé. Le montant total du trop-payé a été versé parce que la Commission a tardé à donner suite aux renseignements qui lui ont été présentés à de nombreuses reprises par l’appelant.
[49] C’est la Commission qui a le pouvoir de réduire ou d’annuler un trop-payé, mais cela n’est pas automatique. Il faut présenter une demande à la Commission. Il faut préciser les répercussions qu’une telle dette aurait (et a toujours) sur les finances de la partie prestataire, le stress lié à la dette et ce qui a causé la dette.
[50] La décision de la Commission à ce sujet ne peut pas faire l’objet d’un appel devant le Tribunal. Seule la décision de la Commission qui a engendré le trop-payé est assujettie à une révision aux termes de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi. La responsabilité qui revient aux parties prestataires de rembourser un trop-payé et les intérêts qui en découlent ne peut faire l’objet d’une révision parce qu’il ne s’agit pas de décisions rendues par la Commission. De plus, la responsabilité devient celle d’une « personne débitrice » plutôt que celle d’une « partie prestataire ». Le recours de la partie prestataire concernant ces questions consiste à demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale du Canada.
[51] Ce processus doit être amorcé par l’appelant. Il doit demander à la Commission d’annuler la dette.
[52] Je n’ai pas le pouvoir de réduire ou d’annuler le trop-payé. Le Tribunal n’a pas la compétence nécessaire pour trancher de telles questions.
[53] L’appelant demande l’annulation du trop-payé. Je suis d’accord avec la position exprimée par la Commission, et je signale que selon la loi, la décision de la Commission concernant l’annulation d’une somme due ne peut pas faire l’objet d’un appel devant le Tribunal de la sécurité sociale. Par conséquent, je ne peux pas trancher les questions relatives à une demande d’annulation ou de réduction d’un trop-payé.
[54] La Cour fédérale du Canada a la compétence pour juger un appel portant sur l’annulation d’un trop-payé. Par conséquent, si l’appelant souhaite déposer un appel en ce sens, il doit s’adresser à la Cour fédérale du Canada.
[55] Finalement, je ne vois rien dans le dossier montrant que la Commission a informé l’appelant au sujet du programme d’annulation de la dette mis en place par l’Agence du revenu du Canada (ARC). Si le remboursement immédiat du trop-payé aux termes de l’article 44 de la Loi sur l’assurance-emploi lui cause des difficultés financières, l’appelant peut communiquer avec le Centre d’appels de la gestion des créances de l’ARC en composant le 1-866-864-5823. Il pourrait être en mesure de prendre d’autres dispositions de remboursement en fonction de sa situation financière personnelle.
Conclusion
[56] Après avoir dûment tenu compte de toutes les circonstances, je conclus que l’appelant n’a pas réussi à réfuter la présomption selon laquelle il n’était pas disponible pour travailler pendant qu’il suivait un cours à temps plein. Par conséquent, l’appel concernant la disponibilité est rejeté.