[TRADUCTION]
Citation : AB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 947
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à une demande de
permission de faire appel
Partie demanderesse : | A. B. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 16 juillet 2024 (GE-24-2306) |
Membre du Tribunal : | Janet Lew |
Date de la décision : | Le 8 août 2024 |
Numéro de dossier : | AD-24-505 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Questions en litige
- Je ne donne pas à la prestataire la permission de faire appel
- Conclusion
Décision
[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.
Aperçu
[2] La demanderesse, A. B. (prestataire), demande la permission de faire appel de la décision de la division générale.
[3] La division générale a conclu que la prestataire se trouvait à l’étranger du 24 novembre 2020 au 19 décembre 2020. La division générale a également conclu que la prestataire avait quitté le pays pour assister aux funérailles d’un membre de sa famille. La division générale a établi que la prestataire avait droit à sept jours de prestations d’assurance-emploi du 25 novembre 2020 au 1er décembre 2020. Cependant, la division générale a conclu que la prestataire demeurait inadmissible au bénéfice des prestations du 2 décembre 2020 au 19 décembre 2020.
[4] La prestataire soutient qu’elle devrait également recevoir des prestations d’assurance-emploi pour la période allant du 2 décembre 2020 au 19 décembre 2020. Elle affirme que même si elle était à l’étranger, elle était prête et disposée à travailler et capable de le faire à chaque jour. Elle souligne également qu’elle a cotisé au régime d’assurance-emploi pendant plus de 30 ans et qu’elle présentait une demande de prestations pour la première fois.
[5] La prestataire fait valoir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale et qu’elle a également commis des erreurs de droit et de fait. Plus précisément, elle affirme que l’intimée, la Commission de l’emploi et de l’assurance du Canada ne devrait pas être autorisée à lui demander le remboursement de prestations près de trois ans après qu’elles ont été versées initialement. Selon la prestataire, la Commission était en retard et manquait de rigueur et d’efficacité. La prestataire ajoute que la division générale a aussi commis des erreurs dans la façon dont elle l’a désignée dans sa décision.
[6] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendableNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est closeNote de bas de page 2.
[7] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je n’accorde pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec l’appel.
Questions en litige
[8] Voici les questions en litige :
- a) Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale?
- b) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au sujet de la capacité de la Commission de demander le remboursement de prestations?
- c) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au sujet de l’admissibilité de la prestataire aux prestations?
- d) Est-il possible de soutenir que la division générale a ignoré certains éléments de preuve?
- e) Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait qu’elle a commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?
Je ne donne pas à la prestataire la permission de faire appel
[9] La division d’appel rejette la demande de permission de faire appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès si la division générale peut avoir commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.
[10] Pour ce type d’erreur de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur qu’elle a commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 4.
La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale
[11] La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale.
[12] La justice naturelle porte sur l’équité du processus. Les parties qui se présentent devant la division générale ont droit à certaines garanties procédurales comme le droit de connaître les arguments avancés contre elles, d’y répondre et d’obtenir une décision rendue par une personne impartialeNote de bas de page 5. Une erreur de procédure concerne l’équité du processus d’appel à la division générale. Il ne s’agit pas de savoir si une partie croit que la décision est injuste.
[13] Dans la présente affaire, rien ne donne à penser que la prestataire n’a pas eu droit à une audience équitable ou l’occasion de plaider pleinement sa cause à la division générale. Rien ne laisse croire non plus que la membre de la division générale avait un parti pris ou qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité.
[14] Les arguments de la prestataire ne s’adressent pas à la membre de la division générale. Elle soutient plutôt que le Tribunal de la sécurité sociale lui a donné des renseignements inexacts et l’a induite en erreur. Elle affirme qu’on lui a fourni le mauvais lien pour faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel.
[15] Dans une lettre datée du 17 juillet 2024, le Tribunal a dit à la prestataire qu’elle pouvait demander la permission de faire appel si elle n’était pas d’accord avec la décision de la division générale. Le Tribunal lui a également dit que pour commencer ce processus, elle devait remplir un formulaire intitulé « Demande à la division d’appel ». Le Tribunal a fourni un lien vers une page Web où l’on peut trouver le formulaire de demande.
[16] En fait, le lien ne menait à aucun formulaire de demande, mais a plutôt dirigé la prestataire vers une [traduction] « page d’erreur ». Le lien Web du Tribunal ne menait pas au formulaire de demande comme on l’avait dit.
[17] Cette page contenait deux liens : l’un ouvrait une page d’accueil (celle du ministère de l’Emploi et du Développement social), et l’autre, une page qui donnait des coordonnées permettant d’obtenir de l’aide.
[18] Si la prestataire avait cliqué sur le deuxième lien, elle aurait été dirigée vers une autre page. Cette autre page contenait un autre lien qui lui aurait permis de demander de l’aide, par téléphone ou par courriel. Cette page comportait également un lien qui donnait les coordonnées de personnes-ressources de divers ministères ou de programmes. La prestataire aurait donc pu trouver les coordonnées du Tribunal. Elle aurait pu téléphoner ou écrire au Tribunal pour obtenir de l’aide, même si cela signifiait demander qu’on lui envoie un formulaire de demande vierge par la poste.
[19] Telle qu’elle est écrite, la lettre du Tribunal datée du 17 juillet 2024 indiquait correctement les prochaines étapes pour la prestataire. La lettre donnait également le titre du formulaire à remplir pour faire appel de la décision de la division générale au palier suivant. La lettre disait aussi qu’elle avait 30 jours à compter de la date de réception pour présenter un formulaire de demande.
[20] Le processus de la division générale n’avait rien d’intrinsèquement injuste. Le Tribunal a commis une erreur en fournissant des renseignements désuets à la prestataire, mais tout préjudice potentiel découlant de l’erreur aurait eu une incidence pour la prestataire à la division d’appel. Les renseignements erronés auraient pu empêcher la prestataire de présenter sa demande à temps à la division d’appel ou même l’empêcher de le faire.
[21] En l’état actuel des choses, même si le Tribunal a donné à la prestataire un lien qui ne fonctionne plus, cela ne l’a pas empêchée de trouver le formulaire, puis de présenter une demande à la division d’appel.
[22] La prestataire a déposé une demande à la division d’appel le 1er août 2024, soit bien avant l’échéance de dépôt de 30 jours. De toute évidence, le lien désuet n’a pas compromis la capacité qu’avait la prestataire de faire appel.
[23] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale.
La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au sujet de la capacité de la Commission de demander le remboursement de prestations
[24] La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au sujet de la capacité de la Commission de demander le remboursement de prestations. La membre de la division générale a examiné cette question et a établi à juste titre que la Loi sur l’assurance-emploi permet à la Commission de revoir ses décisions en respectant certains délais.
[25] La prestataire soutient que la Commission était en retard et manquait de rigueur et d’efficacité. Elle affirme que la Commission a mis environ trois ans à examiner sa demande et à demander le remboursement des prestations. Elle avance que c’était trop long pour permettre à la Commission d’examiner sa demande.
[26] La division générale a conclu qu’au titre de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission dispose habituellement de trois ans pour examiner ses décisions. La division générale a également souligné que la Commission peut parfois avoir plus de trois ans pour examiner de nouveau ses décisionsNote de bas de page 6.
[27] L’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit ce qui suit :
Nouvel examen de la demande
52(1) Malgré l’article 111, mais sous réserve du paragraphe (5), la Commission peut, dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations.
...
Prolongation du délai de réexamen de la demande
(5) Lorsque la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d’un délai de soixante-douze mois pour réexaminer la demande.
[28] En juin 2022, la Commission a informé la prestataire qu’elle avait reçu des renseignements de l’Agence des services frontaliers du Canada indiquant qu’elle s’était rendue à l’étranger du 24 novembre 2020 au 19 décembre 2020. Ces renseignements ont donné lieu à un examen de la Commission. Après tout, la prestataire avait rempli des déclarations bimensuelles dans lesquelles elle avait indiqué qu’elle était au Canada du lundi au vendredi pendant toute cette périodeNote de bas de page 7. La prestataire n’a pas contesté le fait qu’elle était à l’étranger pendant tout ce temps.
[29] Comme la Commission était d’avis que la prestataire avait sciemment fait une fausse déclaration sur la question de savoir si elle était à l’étranger, la Commission avait 72 mois pour réexaminer la demande. Ainsi, bien que la prestataire fasse valoir que trois ans étaient trop longs pour que la Commission revoie sa décision, la Loi sur l’assurance-emploi lui donnait en fait 72 mois pour le faire, compte tenu des circonstances.
[30] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au sujet de la capacité de la Commission de revoir sa décision après presque trois ans. La division générale a cerné la loi applicable, puis elle a correctement appliqué la loi aux faits et elle a décidé que la Commission avait de nouveau examiné sa décision dans le délai prévu au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.
La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au sujet de son admissibilité aux prestations
[31] La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au sujet de son admissibilité aux prestations.
[32] La prestataire était à l’étranger, mais elle affirme qu’elle était toujours prête et disposée de travailler et capable de le faire à chaque jour. Essentiellement, elle soutient qu’elle était disponible pour travailler à distance, même à l’extérieur du pays. Toutefois, comme la division générale l’a souligné, en règle générale, une personne ne peut pas recevoir de prestations quand elle est à l’étranger, à moins que sa situation ne corresponde à l’une ou l’autre des exceptions à la règle générale.
[33] Même s’il est vrai que la prestataire a pu chercher un emploi et qu’elle avait la possibilité de travailler à distance à partir d’un autre pays, les exigences de la Loi sur l’assurance-emploi concernant la disponibilité et le fait d’être à l’étranger n’ont pas changé pour prévoir des prestations pendant qu’une personne cherche un emploi et fait du télétravail tout en étant à l’étranger.
[34] La division générale a cerné la loi applicable et l’a appliquée aux faits. Elle a conclu que, comme la prestataire était à l’étranger pour assister aux funérailles, elle avait droit à des prestations pendant sept jours seulement, au titre de l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi.
[35] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au sujet de l’admissibilité de la prestataire aux prestations pendant qu’elle était à l’étranger.
La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré certains éléments de preuve
[36] La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré le fait qu’elle a cotisé au régime d’assurance-emploi pendant plus de 30 ans et qu’elle n’avait jamais présenté de demande auparavant. Ces considérations n’étaient tout simplement pas pertinentes à l’admissibilité de la prestataire aux prestations.
[37] La prestataire soutient que, comme elle a cotisé au régime d’assurance-emploi pendant plus de 30 ans et qu’elle n’avait jamais présenté de demande auparavant, elle devrait pouvoir compter sur le programme et recevoir des prestations.
[38] Cependant, le programme de l’assurance-emploi fonctionne comme un régime d’assurance. Une personne qui cotise doit remplir certaines conditions d’admissibilité pour avoir le droit de recevoir des prestations. Elle ne peut avoir fait ou omis de faire quelque chose qui la rend inadmissible ou qui l’exclut du bénéfice des prestations.
[39] Comme la division générale l’a fait remarquer, une personne ne peut généralement pas recevoir de prestations quand elle est à l’étrangerNote de bas de page 8, bien qu’il y ait des exceptionsNote de bas de page 9. L’une des exceptions était applicable à la prestataire. Autrement, la règle générale s’appliquait.
[40] Le fait que la prestataire ait cotisé au régime d’assurance-emploi pendant plus de 30 ans ou qu’elle n’ait pas présenté de demande auparavant n’était pas pertinent. La division générale n’était donc pas obligée d’examiner ces éléments de preuve au moment de décider si la prestataire avait droit à des prestations d’assurance-emploi.
[41] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a ignoré certains éléments de preuve.
La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur des erreurs de fait
[42] La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait qu’elle a commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La division générale a clairement commis des erreurs au sujet du sexe de la prestataire. Toutefois, la division générale n’a pas fondé sa décision sur ces erreurs.
[43] Comme la prestataire le fait remarquer, la division générale l’a désignée à la fois comme une femme et comme un homme dans sa décision. Par exemple, au paragraphe 7, la division générale a écrit : « Je lui ai demandé s’il voulait présenter autre chose. Si elle voulait envoyer quoi que ce soit d’autre, je lui ai demandé de le faire au plus tard le 15 juillet 2024 ».
[44] De toute évidence, la division générale a commis des erreurs en qualifiant la prestataire d’homme. Cependant, ces erreurs ne soulèvent pas un argument défendable parce que la division générale n’a pas décidé de l’admissibilité de la prestataire en fonction du fait qu’elle est une femme ou un homme. L’erreur doit avoir une incidence sur l’issue de l’affaire.
[45] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur des erreurs de fait. Pour établir l’existence d’une cause défendable, il doit y avoir un type précis d’erreur, ce qui n’a pas été confirmé. Les types d’erreurs de fait n’atteignent pas le niveau qui permette à la division d’appel d’intervenir.
Le trop-payé
[46] La prestataire a reçu des avis de detteNote de bas de page 10. La Commission demande le remboursement de prestations. La prestataire a demandé à la division générale de lui accorder une dispense ou de réduire le montant du trop-payé. Toutefois, la division générale et, du reste, la division d’appel n’a pas le pouvoir d’accorder une dispense ou de réduire le trop-payé.
[47] Si la prestataire consulte l’avis de dette, elle verra qu’il expose les options qui s’offrent à elle. Elle y trouvera aussi des coordonnées pour obtenir de l’aide. La division générale a également fait référence à ces options.
[48] Si elle ne l’a pas déjà fait, la prestataire peut communiquer avec le Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada pour demander un allègement ou des renseignements sur les modalités de remboursement.
Conclusion
[49] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.