Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

La prestataire, une enseignante, a obtenu un contrat de travail dans l’enseignement au Centre de Formation Professionnelle Alma (CFPA) à temps plein du 24 août 2022 au 28 juin 2023. Le 18 juin 2023, l’employeur lui a offert un autre contrat à temps plein pour l’année scolaire 2023-2024, conditionnel à un nombre suffisant d’inscriptions. Le 4 juillet 2023, le prestataire a présenté une demande d’assurance-emploi. Le 1er août 2023, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a avisé la prestataire qu’elle ne pouvait pas lui verser des prestations pendant les périodes de congé scolaire du 3 juillet 2023 au 22 août 2023, du 25 décembre 2023 au 5 janvier 2024, et du 4 mars 2024 au 8 mars 2024. La Commission a maintenu sa décision après révision.

La prestataire a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale. Elle a déterminé qu’il y avait eu un rupture du lien d’emploi entre la prestataire et le CFPA. Elle a déterminé que l’offre conditionnelle de l’employeur du 18 juin 2023 ne garantissait en rien la continuité de son emploi et que le contrat avait pris fin, tel qu’indiqué par le Relevé d’Emploi. La division générale a également déterminé que la prestataire enseignait à temps partiel. Elle a conclu que la prestataire rencontrait deux exceptions prévues au Règlement sur l’assurance-emploi, ce qui avait pour effet de la rendre admissible aux prestations. La Commission a fait appel de cette décision devant la division d’appel.

La Cour d’appel fédérale a confirmé que les personnes qui enseignent occasionnellement ou en suppléance et qui conclut un contrat temporaire en enseignement régulier au cours de l’année scolaire ne répondent plus à la définition d’exercer sur une base « occasionnelle » ou « de suppléance » au sens de l’article 33(2)(b) du Règlement sur l’assurance-emploi, même si elles conservent leur statut occasionnel ou de suppléance au sein du conseil scolaire. L’exception consentie à l’article 33(2)(b) met l’accent sur l’exercice de l’emploi et non sur le statut de la personne qui l’exerce. De plus, la Cour d’appel fédérale a établi qu’un contrat d’enseignement à temps plein pour une longue période ne peut pas être considéré comme étant sur une base « occasionnelle » ou « de suppléance » au sens de l’article 33(2)(b) du Règlement sur l’assurance-emploi.

La division d’appel a conclu que la division générale a ignoré les éléments de preuve qui lui ont été présentés et commis une erreur de droit en ce qui concerne l’interprétation et la portée de l’article 33(2)(b) du Règlement sur l’assurance-emploi. La division d’appel a aussi conclu que la division générale a commis une erreur de conclure que la prestataire rencontrait la condition prévue à l’article 33(2)(b) du Règlement sur l’assurance-emploi.

La division d’appel a accueilli l’appel de la Commission et a par la suite rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

La division d’appel a conclu que l’emploi d’enseignante de la prestataire était régulier et exercé de façon continue et prédéterminée et non sur une base occasionnelle ou de suppléance au sens de l’article 33(2)(b) du Règlement sur l’assurance-emploi. Elle n’était donc pas admissible aux prestations pour les périodes de congé scolaire spécifiées.

Contenu de la décision

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c CC, 2024 TSS 675

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Josée Lachance
Partie intimée : C. C.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
14 décembre 2023 (GE-23-2951)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 mai 2024
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée
Date de la décision : Le 18 juin 2024
Numéro de dossier : AD-24-25

Sur cette page

Décision

[1] L‘appel de la Commission est accueilli. La prestataire n’est pas admissible aux prestations pour les périodes de congé scolaire, soit du 3 juillet 2023 au 22 août 2023, du 25 décembre 2023 au 5 janvier 2024, et du 4 mars 2024 au 8 mars 2024.

Aperçu

[2] L’intimée (prestataire) est enseignante. Elle a obtenu un contrat de travail dans l’enseignement au X à temps plein (100%) du 24 août 2022 au 28 juin 2023. Le 18 juin 2023, l’employeur lui a offert un autre contrat à temps plein (100%) pour l’année scolaire 2023-2024, conditionnel à un nombre suffisant d’inscriptions.

[3] Le 4 juillet 2023, la prestataire a présenté une demande d’assurance-emploi. Le 1er août 2023, l’appelante (Commission) a avisé la prestataire qu’elle ne pouvait pas lui verser des prestations pendant les périodes de congé scolaire du 3 juillet 2023 au 22 août 2023, du 25 décembre 2023 au 5 janvier 2024, et du 4 mars 2024 au 8 mars 2024.

[4] La prestataire a demandé la révision de cette décision mais la Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès de la division générale.

[5] La division générale a déterminé qu’il y a eu une rupture du lien d’emploi entre la prestataire et le X. Elle a déterminé que l’offre conditionnelle du 18 juin 2023 ne garantissait en rien la continuité de son emploi et que le contrat avait pris fin, tel qu’indiqué par le Relevé d’Emploi (RE). La division générale a également déterminé que la prestataire enseignait à temps partiel. Elle a conclu que la prestataire rencontre deux exceptions prévues au Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE), ce qui a pour effet de la rendre admissible aux prestations.

[6] La Commission a obtenu la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Elle fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte des éléments portés à sa connaissance et qu’elle a erré en droit.

[7] Je dois décider si la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et erré dans son interprétation de l’article 33(2) du Règlement sur l’AE.

[8] J’accueille l’appel de la Commission.

Question en litige

[9] Est-ce que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et erré dans son interprétation de l’article 33(2) du Règlement sur l’AE?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[10] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.Note de bas de page 1

[11] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. 

[12] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Est-ce que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et erré dans son interprétation de l’article 33(2) du Règlement sur l’AE?

La position des parties

[13] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de fait et de droit lorsqu'elle a statué qu’aux termes de l'article 33(2) (a) du Règlement sur l’AE, la prestataire avait droit à des prestations pendant les périodes de congé prévues dans l’année scolaire malgré le fait que son employeur lui avait fait une offre pour un nouveau contrat avant la fin de l’année scolaire.

[14] La Commission soutient que le fait que la prestataire n’ait pas signé de contrat écrit avant l’automne et la possibilité que l’offre ne se concrétise pas faute d’inscriptions ne démontre pas qu’il n’y a pas de continuité d’emploi entre les deux contrats.

[15] La Commission soutient que la division générale a également commis une erreur de droit lorsqu’elle a indiqué que la prestataire rencontrait une deuxième condition d’exemption parce qu’elle avait démontré être une employée à temps partiel. Elle soutient qu’un emploi à temps partiel exercé sur une base régulière et assujetti à un contrat d’enseignement, comme celui de la prestataire pour l’année scolaire 2022-2023, ne permet pas de rencontrer la condition d’exemption énoncée à l’article 33(2) (b) du Règlement sur l’AE.

[16] La prestataire fait valoir que la division générale n’a commis aucune erreur de fait ou de droit. Elle fait valoir que son RE indique qu’il y a eu fin de contrat et que la date de retour est inconnue. Tel qu’indiqué dans sa demande de prestations, elle ne savait pas qu’elle serait engagée avant le 23 août 2023. Elle a signé son contrat officiellement au mois d’octobre 2023.

Assurance-emploi : Les modalités supplémentaires pour les enseignants

[17] La division générale devait se prononcer sur l’inadmissibilité imposée à la prestataire en application de l’article 33(2) du Règlement sur l’AE pour les périodes de congé scolaire soit du 3 juillet 2023 au 22 août 2023, du 25 décembre 2023 au 5 janvier 2024, et du 4 mars 2024 au 8 mars 2024.

[18] Selon l’article 33(2) du Règlement sur l’AE, une personne qui exerce un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé. L’expression « toute période de congé » comprend les vacances d’été.

[19] L’article 33(2) du Règlement sur l’AE contient trois exceptions à cette règle générale. Il s’agit de trois exceptions distinctes et non d’une exception assortie de trois conditions. Ces trois exceptions sont les suivantes :

  1. a) le contrat de travail de la prestataire dans l’enseignement a pris fin;
  2. b) son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;
  3. c) elle remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.

L’article 33(2) (b) du Règlement sur l’AE : l’enseignement doit être exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance

[20] La Cour d’appel fédérale a confirmé que les personnes qui enseignent occasionnellement ou en suppléance et qui concluent un contrat temporaire en enseignement régulier au cours de l’année scolaire ne répondent plus à la définition d’exercer sur une base « occasionnelle » ou « de suppléance » au sens de l’article 33(2) (b) du Règlement sur l’AE, même si elles conservent leur statut occasionnel ou de suppléance au sein du conseil scolaire.Note de bas de page 2 L’exception consentie à l’article 33(2)(b) met l’accent sur l’exercice de l’emploi et non sur le statut de la personne qui l’exerce.Note de bas de page 3

[21] De plus, la Cour d’appel fédérale a établi qu’un contrat d’enseignement à temps plein pour une longue période ne peut pas être considéré comme étant sur une base « occasionnelle » ou « de suppléance » au sens de l’article 33(2)(b) du Règlement sur l’AE.Note de bas de page 4

[22] La preuve démontre clairement que l’emploi d’enseignante de la prestataire était régulier et exercé de façon continue et prédéterminée et non sur une base occasionnelle ou de suppléance au sens de l’article 33(2) (b) du Règlement sur l’AE.

[23] La division générale a donc ignoré les éléments de preuve qui lui ont été présentés et commis une erreur de droit en ce qui concerne l’interprétation et la portée de l’article 33(2) (b) du Règlement sur l’AE.

[24] Je suis donc justifié d’intervenir.

L’article 33(2) (a) du Règlement sur l’AE : Le contrat de travail de l’enseignant doit avoir pris fin

[25] En ce qui a trait à l’article 33(2) (a) du Règlement sur l’AE, la Cour d’appel fédérale a établi le critère juridique applicable : y a-t-il eu une rupture claire dans la continuité de l’emploi de la prestataire, faisant en sorte qu’elle soit devenue chômeuse?

[26] Dans sa décision, la division générale s’est beaucoup appuyée sur le fait que l’employeur a indiqué sur le RE que le contrat d’emploi a pris fin le 28 juin 2023, et sur le fait que l’offre d’emploi de la prestataire était conditionnelle.

[27] L’exception prévue par l’article 33(2)(a) du Règlement sur l’AE vise à aider le personnel enseignant dont la relation avec l’employeur est véritablement rompue à la fin de la période d’enseignement. Le fait qu'il puisse exister un intervalle entre deux contrats pendant lequel l'enseignante n'est pas sous contrat, ne fait pas en sorte qu'il y a une véritable rupture de la relation entre l'enseignante et son employeur.Note de bas de page 5

[28] Il est également bien établi que l’on ne peut trancher la question de savoir si un enseignant était visé ou non par l’exception uniquement sur la base d’une date de fin de travail indiquée dans un contrat. Toutes les circonstances d’un prestataire doivent être prises en considération à la lumière de l’objectif et de l’intention de la loi.Note de bas de page 6 

[29] Il apparaît à l’examen de la décision de la division générale que cette dernière n’a pas correctement considéré toutes les circonstances afin de chercher s’il y avait eu une véritable rupture dans la continuité de l’emploi de la prestataire de sorte qu’elle soit devenue chômeuse.

[30] Les éléments de preuve présentés à la division générale montrent que la prestataire a exercé l’emploi d’enseignante auprès du X avant et pendant sa période de référence. Elle était sous contrat dans l’enseignement au X à temps plein (100%) du 24 août 2022 au 28 juin 2023. Le 18 juin 2023, l’employeur lui a offert un contrat à temps plein (100%) pour l’année scolaire 2023-2024, conditionnel à un nombre suffisant d’inscriptions. Elle a accepté l’offre conditionnelle en juin 2023. Elle a effectivement repris son emploi le 23 août 2023.

[31] La prestataire fait valoir qu’elle n’a pas acceptée l’offre d’emploi au mois de juin, mais bien le 23 août 2023, et que son contrat a été signé seulement en octobre 2023. Cependant, la preuve démontre que lors d’entrevues tenues par la Commission, la prestataire a initialement déclaré à deux reprises avoir accepté l’offre conditionnelle de l’employeur en juin 2023.Note de bas de page 7

[32] Je suis d’avis que même si l’on devait considérer que la prestataire a accepté l’offre d’emploi que le 23 août 2023, il n’y a toujours pas eu de rupture claire du lien d’emploi car elle reçut une offre d’emploi en juin 2023, s’attendait à retourner pour une troisième année consécutive advenant un nombre suffisant d’inscriptions, et à effectivement retourner à l’école pour enseigner, même si elle n’a pas signé un contrat formel avant le mois d’octobre 2023.

[33] La preuve qui a été présentée à la division générale ne démontre pas une rupture claire dans la continuité de l’emploi d’enseignante de la prestataire.

[34] À la lumière de tous les faits du dossier et des enseignements de la Cour d’appel fédérale, la division générale a commis une erreur de conclure que la prestataire rencontrait la condition prévue à l’article 33(2) (a) du Règlement sur l’AE.

[35] Je suis donc justifié d’intervenir.

État de chômage

[36] La division générale ne s’est pas prononcée sur la question de la semaine de chômage. La prestataire ne conteste pas qu’elle n’était plus en chômage à partir du  23 août 2023. Il n’est donc pas nécessaire pour moi de trancher cette question.

Réparation

[37] Considérant que les parties ont eu l'opportunité de présenter leur cause devant la division générale, je rendrai la décision qui aurait dû être rendue par la division générale.

[38] La preuve prépondérante montre que la prestataire a exercé l’emploi d’enseignante auprès du X avant et pendant sa période de référence. Elle était sous contrat dans l’enseignement au X à temps plein (100%) du 24 août 2022 au 28 juin 2023. Le 18 juin 2023, l’employeur lui a offert un contrat à temps plein (100%) pour l'enseignement de la même matière aux mêmes classes pour l’année scolaire 2023-2024, conditionnel à un nombre suffisant d’inscriptions. Elle a accepté l’offre conditionnelle en juin 2023. Elle a effectivement repris son emploi le 23 août 2023.

[39] La preuve démontre que l’emploi d’enseignante de la prestataire était régulier et exercé de façon continue et prédéterminée et non sur une base occasionnelle ou de suppléance au sens de l’article 33(2) (b) du Règlement sur l’AE.

[40] La preuve ne démontre pas une rupture claire dans la continuité de l’emploi d’enseignante de la prestataire au sens de l’article 33(2) (a) du Règlement sur l’AE.

[41] La prestataire ne rencontre pas les exceptions prévues à l’article 33(2) du Règlement sur l’AE. Elle n’est donc pas admissible aux prestations durant les périodes de congé scolaire, soit du 3 juillet 2023 au 22 août 2023, du 25 décembre 2023 au 5 janvier 2024, et du 4 mars 2024 au 8 mars 2024.

Conclusion

[42] L‘appel de la Commission est accueilli. La prestataire n’est pas admissible aux prestations pour les périodes de congé scolaire, soit du 3 juillet 2023 au 22 août 2023, du 25 décembre 2023 au 5 janvier 2024, et du 4 mars 2024 au 8 mars 2024.

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