Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1047

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (564291) rendue le 1er mai 2023 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 20 août 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 30 août 2024
Numéro de dossier : GE-24-2337

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour travailler pendant la période d’inadmissibilité. On ne peut donc pas déclarer l’appelante inadmissible au bénéfice des prestations pour cette raison.

Aperçu

[3] En novembre 2022, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a terminé l’examen de la demande de prestations que l’appelante avait présentée en juillet 2019. La Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations à partir du 17 mai 2020 parce qu’elle n’était pas capable de travailler. Selon la Commission, les problèmes de santé de l’appelante ont empêché son retour sur le marché du travail.

[4] L’appelante a demandé à la Commission de réviser sa décision initiale. Après avoir fait une révision, la Commission a confirmé sa décision initiale.

[5] L’appelante a porté cette décision en appel à la division générale.

[6] La division générale a tranché en faveur de l’appelante. Elle a conclu que celle‑ci était disponible pour travailler.

[7] La Commission a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel.

[8] La division d’appel a conclu que la division générale avait fait une erreur parce qu’elle n’avait pas décidé si l’appelante était capable de travailler ni quel type d’emploi serait convenable dans son cas.

[9] La division d’appel a renvoyé le dossier à la division générale pour qu’elle se prononce sur la capacité de travail et la disponibilité de l’appelante.

Question que je dois examiner en premier

Article 50(8) – Inadmissibilité

[10] Dans ses observations, la Commission dit avoir déclaré l’appelante inadmissible au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi. Cet article vise les personnes qui ne peuvent pas prouver à la Commission qu’elles font ou faisaient des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

[11] Après avoir examiné les éléments de preuve, je ne vois aucun document qui montre que la Commission aurait demandé à l’appelante de prouver qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables. Je ne vois rien non plus qui montre que la Commission aurait expliqué à l’appelante le type d’éléments à fournir pour prouver une telle chose.

[12] Même si la Commission et l’appelante ont bel et bien discuté de ses démarches de recherche d’emploi, je juge que le raisonnement décrit dans la décision TM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 11 est convaincant : il ne suffit pas que la Commission discute des démarches de recherche d’emploi avec l’appelante; elle doit plutôt lui en demander clairement la preuve et lui expliquer quels types d’éléments permettent normalement de prouver les qualités « habituelles et raisonnables » des démarches.

[13] Je ne vois pas non plus de conversation sur les démarches habituelles et raisonnables durant le processus de révision, ni aucune mention explicite de l’inadmissibilité de l’appelante au titre de l’article 50(8) de la Loi, ni rien d’autre au sujet de l’absence de démarches habituelles et raisonnables dans la décision de révision.

[14] Comme rien ne démontre que la Commission a demandé à l’appelante de prouver qu’elle avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable au titre de l’article 50(8) de la Loi, la Commission n’a pas déclaré l’appelante inadmissible au titre de cet article de loi. Par conséquent, je n’ai pas à me pencher sur cette question.

Question en litige

[15] L’appelante était‑elle disponible pour travailler?

Analyse

Capacité de travail

[16] Pour qu’on la considère comme disponible, il faut que l’appelante soit capable de travaillerNote de bas de page 1.

Version de la Commission

[17] Selon la Commission, l’appelante a un billet de son médecin qui indique qu’elle est incapable de travailler du mois de février 2020 au 14 juillet 2020Note de bas de page 2.

[18] La Commission précise que l’appelante lui a dit que, même si son médecin lui a recommandé de ne pas travailler, elle cherchait activement du travail.

[19] La Commission explique qu’elle aurait pu croire ce que lui a dit l’appelante si elle avait présenté un registre de ses recherches d’emploi, mais elle ne l’a pas faitNote de bas de page 3.

[20] Le fait que l’appelante occupait deux emplois à temps partiel, mais qu’elle a dû en quitter un, prouve aussi que la maladie de l’appelante l’empêchait de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable se libérait.

Version de l’appelante

[21] Selon l’appelante, son médecin peut bien écrire ce qu’il veut, mais elle était capable de travailler et elle cherchait activement du travail pendant toute la période où, selon son médecin, elle ne pouvait pas travailler. L’appelante explique qu’elle vit seule et ne reçoit aucune aide financière, alors il fallait qu’elle travaille pour subvenir à ses besoins.

[22] Il est vrai qu’elle a quitté son poste chez le concessionnaire automobile pour des raisons de santé, mais elle était quand même capable de travailler.

[23] Elle dit qu’elle fait une dépression depuis 2009. Elle est outillée (grâce à des techniques psychologiques et physiques) pour composer avec la maladie.

[24] Vers la fin de son emploi chez le concessionnaire automobile, elle a commencé à ressentir des lourdeurs écrasantes à la poitrine et elle s’évanouissait. Ses symptômes l’inquiétaient beaucoup. Elle en a parlé à son médecin, qui a dit que c’était de l’anxiété.

[25] Elle devait donc prendre d’autres médicaments que ceux qu’elle utilisait pour traiter sa dépression.

[26] Elle a demandé un congé parce qu’elle voulait se concentrer sur ses symptômes anxieux et apprendre à les gérer avec l’aide de son médecin. Malheureusement, comme elle était trop nouvelle, le concessionnaire automobile ne pouvait pas lui donner congé. Leur relation de travail a donc pris fin.

[27] Elle raconte qu’après deux semaines, ses médicaments contre l’anxiété fonctionnaient bien et qu’elle était prête à reprendre ses activités.

[28] Selon l’appelante, c’est vrai qu’elle n’a pas consigné ses recherches d’emploi dans un document qu’elle pouvait présenter à la Commission. Elle explique toutefois qu’elle fait ses démarches en personne. Elle se rend dans des entreprises qui sont ou pourraient être en train d’embaucher, et elle parle directement aux gens sur place. Elle n’a donc aucun document électronique à déposer.

[29] Selon elle, le fait qu’elle ait obtenu un emploi dans un magasin de vêtements et dans une épicerie en juillet 2020 montre qu’elle essayait de trouver du travail.

[30] Elle a obtenu son emploi à l’épicerie parce qu’elle a entendu parler deux femmes qui travaillaient à la boulangerie; elles disaient qu’elles avaient besoin d’aide. Elle leur a donc demandé si l’entreprise cherchait à embaucher. Elles ont dit que oui et l’ont amenée voir la personne responsable de l’épicerie.

[31] L’appelante précise que le seul type de travail qui ne lui conviendrait pas est tout ce qui nécessite le traitement d’une grande quantité d’information. C’est trop lourd et trop difficile à gérer pour elle.

[32] Elle confirme avoir quitté son poste au magasin de vêtements, mais elle explique qu’avec deux emplois à temps partiel, elle faisait plus d’heures que dans un emploi à temps plein. Elle dit que c’était trop stressant pour elle d’enchaîner deux quarts de cinq heures l’un après l’autre.

[33] Elle affirme avoir obtenu un autre emploi (en service à la clientèle) peu de temps après avoir quitté la boulangerie (elle est partie parce que la formation laissait à désirer et que ce genre de travail n’était pas fait pour elle). Elle occupe ce nouvel emploi depuis.

Constatations

[34] Je juge que l’ensemble du témoignage de l’appelante est crédible. Je tire cette conclusion parce qu’il est plausible et appuyé par la preuve.

[35] J’estime que l’argument voulant que l’appelante ait été capable de travailler pendant la période d’inadmissibilité est plausible. En fait, la période durant laquelle elle ne pouvait pas travailler a duré seulement deux semaines. C’était après avoir quitté son emploi pour prendre le temps d’ajuster ses médicaments.

[36] Je juge sa version plausible parce que j’admets qu’elle cherchait du travail.

[37] Même si elle n’a pas consigné toutes ses démarches de recherche d’emploi, j’accepte le fait que c’est parce qu’elle a toujours posé sa candidature en personne, et non en ligne. Ainsi, elle n’a aucun courriel ni document électronique à déposer.

[38] Elle a fourni des éléments de preuve provenant de deux entreprises différentes, dont certains remontaient à 2011. Ils indiquent que l’appelante a été embauchée après être entrée dans leur magasin pour s’informer des possibilités d’emploiNote de bas de page 4.

[39] Je juge que, si c’est ce qu’elle faisait dès 2011 pour trouver du travail, cela montre qu’elle a sans doute continué de faire les choses ainsi jusqu’en 2020.

[40] J’admets donc qu’elle lisait les offres d’emploi annoncées dans son journal local, qu’elle se rendait dans les entreprises qui embauchaient pour postuler en personne et aussi qu’elle se présentait spontanément partout où elle pensait pouvoir trouver un emploi convenable pour s’informer sur les postes disponibles.

[41] Le fait qu’elle a effectivement obtenu deux emplois (un dans un magasin de vêtements et l’autre dans une épicerie) n’est pas contesté. Il vient même confirmer qu’elle cherchait du travail, car il est plutôt difficile de trouver un emploi sans faire de recherches.

[42] J’accepte aussi son témoignage voulant qu’elle a quitté son poste au magasin de vêtements non pas parce qu’elle était totalement incapable de travailler, mais plutôt parce qu’elle se sentait dépassée par le fait qu’elle travaillait plus dans ses deux emplois à temps partiel que si elle avait eu un poste à temps plein.

[43] J’estime qu’il est tout à fait plausible que ses deux horaires de travail totalisent plus d’heures qu’un emploi à temps plein. J’admets qu’elle travaillait environ 36 heures par semaine à un seul endroit (l’épicerie) parce que, si elle vivait seule et ne recevait aucune aide financière, il est plausible qu’elle ait besoin d’un horaire quasiment à temps plein pour subvenir à ses besoins.

[44] Avec un emploi pour ainsi dire à temps plein, il est facile de croire qu’elle ferait plus d’heures qu’un temps plein si elle occupait un autre emploi à temps partiel, ce qui représenterait une surcharge de travail.

[45] Même si elle a aussi quitté son emploi à l’épicerie, j’admets encore une fois que ce n’était pas parce qu’elle était incapable de travailler, mais plutôt parce qu’elle n’aimait pas les tâches ni la mauvaise qualité de la formation (comme elle l’a expliqué). J’accepte ce fait parce qu’elle dit avoir obtenu un autre emploi peu de temps après avoir quitté l’épicerie et qu’elle occupe encore cet emploi à ce jour.

[46] Je conclus donc que, pendant la période d’inadmissibilité, l’appelante était capable de travailler, malgré l’avis de son médecin, puisque les actes en disent plus long que les mots. J’admets aussi qu’elle faisait des démarches pour trouver du travail, car elle a fini par occuper deux emplois différents.

[47] Même si elle était capable de travailler, je considère que son problème de santé limitait le type de travail qu’elle pouvait faire et que tout travail qui l’obligerait à traiter une grande quantité d’information ne serait pas convenable pour elle, comme l’indique son témoignage.

Disponibilité pour le travail

[48] La jurisprudence nomme trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si l’appelante était disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 5 :

  1. a) Elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
  2. b) Elle faisait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est‑à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner travailler.

[49] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois regarder l’attitude et la conduiteNote de bas de page 6 de l’appelante pour toute la période d’inadmissibilitéNote de bas de page 7 (qui débute le 17 mai 2020).

Désir de retourner travailler

[50] L’appelante a démontré qu’elle voulait travailler pendant toute la période d’inadmissibilité.

[51] J’en arrive à cette conclusion parce que l’appelante affirme qu’elle devait travailler, car elle vivait seule et n’avait aucun autre soutien financier. Les besoins financiers constituent un puissant facteur de motivation pour le travail. Je peux donc accepter que de tels besoins aient fait naître chez elle un fort désir de travailler.

[52] De plus, elle a fini par accepter deux emplois, ce qui confirme qu’elle essayait de trouver du travail. Je peux imaginer que, si une personne ne voulait pas travailler, elle ne ferait rien pour essayer de trouver du travail et refuserait les emplois qui lui seraient offerts. 

Efforts pour trouver un emploi convenable

[53] L’appelante a prouvé qu’elle faisait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[54] Comme je l’ai déjà conclu plus haut, elle n’a pas de registre qui détaille ses démarches de recherche d’emploi, mais j’admets que c’est parce qu’elle a toujours posé sa candidature en personne. Elle n’a donc aucun courriel ni document électronique à déposer.

[55] Elle a fourni des éléments de preuve provenant de deux entreprises différentes, dont certains remontaient à 2011. Ils indiquent que l’appelante a été embauchée après être entrée dans leur magasin pour s’informer sur les possibilités d’emploiNote de bas de page 8.

[56] Je juge que, si c’est ce qu’elle faisait en 2011 pour trouver du travail, cela montre qu’elle a sans doute continué de faire les choses ainsi jusqu’en 2020.

[57] Je considère donc que ses démarches, c’est‑à-dire lire les annonces dans son journal local pour repérer les entreprises en période d’embauche, se rendre dans ces entreprises pour postuler en personne et, enfin, se présenter spontanément partout où elle pensait pouvoir trouver un emploi convenable pour s’informer sur les postes disponibles, constituent des efforts suffisants pour trouver un emploi.

[58] Ils sont suffisants, car ce sont des démarches raisonnables et continues qui ont bien mené à l’obtention de deux emplois différents.

Limitation indue des chances de retourner travailler

[59] Je conclus que l’appelante avait un problème personnel, c’est‑à-dire son anxiété et sa dépression, qui l’empêchait de postuler aux emplois où il faut traiter de grandes quantités d’information, mais ce type de limite est permis par la loi et n’est pas excessif.

[60] L’appelante a seulement l’obligation de postuler aux emplois convenables. Les postes qu’elle ne peut pas occuper pour des raisons de santé ne sont pas convenables. Elle n’a donc pas besoin de poser sa candidature sur ceux‑làNote de bas de page 9. En conséquence, si elle a décidé de ne pas postuler sur certains emplois où elle aurait dû traiter une grande quantité de renseignements, c’est correct, car la loi permet une telle chose.

[61] Quoi qu’il en soit, j’estime que ses problèmes de santé ne posaient pas trop de limites.

[62] Le fait qu’elle a effectivement obtenu deux emplois (un dans un magasin de vêtements et l’autre dans une épicerie) n’est pas contesté. Il vient même confirmer que ses problèmes de santé n’étaient pas trop limitants.

[63] J’ai déjà jugé que son témoignage sur la raison pour laquelle elle a quitté le magasin de vêtements (avec deux emplois à temps partiel, elle faisait plus d’heures que dans un poste à temps plein) et la boulangerie (elle n’aimait pas les tâches ni la mauvaise qualité de la formation) est crédible, car ce ne sont pas ses problèmes de santé qui l’ont poussée à quitter ces emplois.

[64] Je peux facilement croire qu’elle a quitté son emploi au magasin de vêtements parce que ses deux horaires de travail totalisaient plus d’heures qu’un emploi à temps plein et qu’elle avait plus d’heures à son autre emploi (elle dit qu’elle travaillait environ 36 heures par semaine à l’épicerie). Comme elle vivait seule et n’avait aucune aide financière, il est plausible que, pour subvenir à ses besoins, elle doive garder l’emploi lui offrant un horaire quasiment à temps plein.

[65] Comme l’emploi à l’épicerie était pour ainsi dire à temps plein, il est facile de croire qu’elle ferait plus d’heures qu’un temps plein si elle occupait un autre emploi à temps partiel, ce qui représenterait une surcharge de travail.

[66] Même si elle a aussi quitté son emploi à l’épicerie, j’admets encore une fois que ce n’était pas parce qu’elle était incapable de travailler, mais plutôt parce qu’elle n’aimait pas les tâches ni la mauvaise qualité de la formation (comme elle l’a expliqué). J’accepte ce fait parce qu’elle dit avoir trouvé un autre emploi peu de temps après et qu’elle occupe toujours cet emploi aujourd’hui.

Somme toute, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible pour travailler?

[67] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments de l’analyse, je juge que l’appelante a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[68] L’appel est accueilli.

[69] L’appelante a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour travailler pendant toute la période d’inadmissibilité.

[70] On ne peut donc pas la déclarer inadmissible au bénéfice des prestations pour cette raison.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.