Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

Citation : BB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 648

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : B. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : Louis Gravel

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
28 janvier 2024 (GE-23-3388)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 4 juin 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 7 juin 2024
Numéro de dossier : AD-24-130

Sur cette page

Décision

[1] L‘appel est accueilli. Le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

Aperçu

[2] L’appelant (prestataire) a quitté son emploi le 2 août 2022 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. L’intimée (Commission) a examiné les raisons du prestataire pour quitter son emploi. La Commission a déterminé qu’au lieu de quitter son emploi quand il l’a fait, le prestataire aurait pu s’assurer d’avoir un autre emploi avant de quitter. Il aurait pu également consulter un médecin pour son problème de fatigue ou encore discuter avec l’employeur des difficultés qu’il vivait avant de quitter.

[3] Le prestataire a demandé la révision de la décision. La Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire a quitté son emploi. Elle a déterminé que la réduction d’heures était probablement momentanée compte tenu de la période des vacances. La division générale a déterminé que le prestataire aurait dû attendre d’avoir une offre d’emploi concrète avant de quitter. Il aurait également pu se renseigner afin de contacter la personne appropriée afin de discuter de ses heures de travail.

[5] Le prestataire a obtenu la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Il fait valoir que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à son attention et erré en droit pour conclure qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi.

[6] Je dois décider si la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et erré en droit dans son interprétation des articles 29(c) (iv), (vi) et (vii) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur L’AE).

[7] J’accueille l’appel du prestataire.

Question en litige

[8] Est-ce que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et erré en droit dans son interprétation des articles 29(c) (iv), (vi) et (vii) de la Loi sur l’AE?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.Note de bas de page 1

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. 

[11] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Observations préliminaires

[12] Il est bien établi que je dois prendre en considération que la preuve qui a été présentée à la division générale. En effet, une audience devant la division d’appel n’est pas une nouvelle opportunité de présenter sa preuve. Les pouvoirs de la division d’appel sont limités par la loi.Note de bas de page 2

Est-ce que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et erré en droit dans son interprétation des articles 29(c) (iv), (vi) et (vii) de la Loi sur l’AE?

[13] Devant la division générale, le prestataire a affirmé que l’employeur n’a pas respecté son contrat de travail en ne lui payant pas la prime de salaire et en ne respectant pas toutes les heures annoncées dans l’offre d’emploi. Il a tenté à plusieurs reprises de contacter quelqu’un des ressources humaines, mais sans succès.

[14] Le prestataire a également affirmé qu’il mettait sa sécurité en danger en prenant la route après son quart de travail, puisqu’il lui est arrivé de s’endormir au volant. Il a finalement soutenu avoir l’assurance d’un emploi au moment de son départ.

[15] La division générale devait déterminer si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a quitté.

[16] Un prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[17] La division générale n’a pas retenu l’argument du prestataire concernant la prime de salaire non versée. Elle a considéré que le prestataire a quitté le 2 août 2022, alors qu’il n’avait pas encore reçu sa première paie. Il n’était donc pas en mesures de savoir si la prime avait été effectivement payée par l’employeur au moment de son départ. Elle a déterminé que le prestataire n’avait pas reçu l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat au moment de quitter son emploi.

[18] La division générale a également déterminé que le problème de sommeil au volant du prestataire n’était pas une situation prévue par la loi puisque cela ne concernait pas son travail.

[19] Lors de l’audience du présent appel, le prestataire ne m’a pas convaincu qu’il y avait lui pour moi d’intervenir en ce qui concerne les paragraphes (iv) et (vi). La preuve devant la division générale supporte amplement ses conclusions de fait et de droit.

[20] Cependant, le prestataire insiste pour dire que l’employeur a fait défaut de respecter son contrat de travail en réduisant les heures annoncées dans l’offre d’emploi. Cela a eu pour effet de modifier de façon importante ses conditions de rémunération.

[21] Je constate que l’offre d’emploi de l’employeur précise que le nombre d’heures sera « environ 5 heures par jour, du lundi au vendredi ».Note de bas de page 3

[22] La preuve démontre que l’employeur ne s’est pas conformé à l’offre d’emploi qu’il a publié. Le relevé d’emploi émis par l’employeur indique que 24 heures ont été travaillées par le prestataire au cours des deux semaines où il a été à l’emploi, soit environ la moitié des heures prévues par l’offre d’emploi. Le prestataire a travaillé seulement deux heures la dernière journée de travail.

[23] La division générale a déterminé qu'étant donné le peu de temps passé au travail et la période de vacances, il est fort possible qu'il s'agisse simplement d'une baisse momentanée du nombre d'heures requises et non d'une modification permanente des conditions de travail.

[24] Je suis d’avis que la division générale a rendu sa décision en se basant sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[25] En effet, il existe deux problèmes reliés à la conclusion de fait de la division générale. Premièrement, l’offre de l’employeur mentionne clairement que l’employé sera offert environ 5 heures par jour. Il n’y a rien qui indique que le nombre d’heures fera l’objet d’une importante modification pendant les périodes de vacances. Deuxièmement, la conclusion de la division générale est basée sur une hypothèse, soit une baisse de l’achalandage de l’employeur pendant la période de vacances. Aucun élément de preuve lui a été présenté qui supporte cette conclusion.

[26] Je suis également d’avis que la division générale a erré dans son interprétation de l’article 29(c) (vii) de la Loi sur l’AE.

[27] En effet, même si l’employeur n’a pas modifié le salaire du prestataire, les heures réduites de travail qu’il lui a imposé, contrairement aux heures annoncées dans l’offre d’emploi, ont eu pour effet de modifier considérablement la rémunération globale du prestataire.Note de bas de page 4

[28] Compte tenu des erreurs de la division générale, je suis justifié d’intervenir.

Réparation

[29] Considérant que les parties ont eu l'opportunité de présenter leur cause devant la division générale, je rendrai la décision qui aurait dû être rendue par la division générale.Note de bas de page 5

[30] Un prestataire ne doit pas démontrer qu’il n’existait aucune autre solution que de quitter son emploi. Son fardeau de preuve exige plutôt qu’il démontre qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que de quitter en tenant compte de toutes les circonstances de son cas.

[31] En l'espèce, la preuve prépondérante démontre que le prestataire n’avait pas d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi.

[32] Le relevé d’emploi émis par l’employeur indique que 24 heures ont été travaillées au cours des deux semaines où il a été à l’emploi, soit environ la moitié des heures prévues par l’offre d’emploi. Ceci a eu pour effet de modifier considérablement la rémunération globale du prestataire.

[33] Le prestataire devait se rendre au travail en voiture dans la nuit pour se voir offrir parfois aussi peu que deux heures de travail par l’employeur. Il n’avait pas beaucoup de personnel de gestion durant la nuit. Il a appelé à trois reprises les ressources humaines et a laissé des messages, sans jamais avoir eu un retour d’appel. Il a demandé sur le plancher si cela arriverait souvent que les heures étaient réduites et s’est fait dire que cela risquait d’arriver souvent car le volume de camion à décharger est très fluctuant.Note de bas de page 6 Discuter avec le syndicat n’aurait rien changer à cette situation. Il a fait des démarches raisonnables dans les circonstances afin de discuter de la situation avec son employeur. Il a également cherché un autre emploi avant de quitter.

[34] Compte tenu de toutes les circonstances, je conclus que le prestataire était fondé à quitter son emploi au titre de l’article 29(c) (vii) de la Loi sur l’AE.

[35] Il y a lieu d’accueillir l’appel du prestataire.

Conclusion

[36] L’appel est accueilli.  Le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

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