Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 845

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. C.
Représentante ou représentant : R. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de
l’assurance‐emploi du Canada (599580) datée du
12 juillet 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 juillet 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Témoin de l’appelante
Date de la décision : Le 16 juillet 2024
Numéro de dossier : GE-24-1685

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale du Tribunal est d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler. Cela signifie qu’elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‐emploi. L’appelante pourrait donc avoir droit à des prestations.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance‐emploi du Canada a décidé que l’appelante était inadmissible à des prestations régulières d’assurance‐emploi à compter du 30 novembre 2022 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‐emploi, la partie appelante doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie appelante doit chercher un emploi.

[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire qu’elle était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que l’appelante n’était pas disponible parce qu’elle a limité sa recherche d’emploi à des postes de soins infirmiers sur appel chez son employeur. Elle fait valoir qu’elle n’a pas élargi ses démarches de recherche d’emploi, bien qu’on lui ait dit de le faire. Elle dit qu’il pourrait y avoir d’autres emplois convenables à sa disposition.

[6] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle a travaillé à titre occasionnel pour son employeur tout au long de sa période de demande, tout en cherchant un emploi à temps plein. Elle ajoute qu’elle a cherché des emplois en dehors du domaine des soins infirmiers, mais qu’aucun autre emploi convenable n’était libre.

Question en litige

[7] L’appelante était‐elle disponible pour travailler?

Analyse

[8] J’estime que le Tribunal a compétence pour décider si l’appelante était disponible compte tenu de la question de savoir si elle a prouvé qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle n’a pas été en mesure de trouver un emploi convenable. Je n’ai pas compétence pour décider si l’appelante était disponible compte tenu de ses « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenable.

[9] Deux dispositions différentes de la loi exigent que les parties appelantes démontrent qu’elles sont disponibles pour travailler. La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible conformément à ces deux dispositions.

[10] Premièrement, la Loi sur l’assuranceemploi prévoit qu’une partie appelante doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 1 » pour trouver un emploi convenable Le Règlement sur l’assuranceemploi énonce des critères qui aident à expliquer ce que signifient les « démarches habituelles et raisonnables », y compris la préparation d’un curriculum vitæ, l’inscription à des banques d’emplois en ligne, le réseautage, la présentation d’une demande d’emploi et la participation à des entrevuesNote de bas de page 2.

[9] Deuxièmement, la Loi sur l’assuranceemploi dispose qu’une partie appelante doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence donne trois éléments qu’une partie appelante doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sens, notamment qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait offert, qu’elle faisait des démarches pour trouver un emploi convenable et qu’elle n’établissait pas de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner au travailNote de bas de page 4.

[11] Dans sa décision initiale, la Commission mentionne que l’appelante a elle‐même déclaré être partie à la retraiteNote de bas de page 5.

[12] La Commission a parlé à l’appelante après qu’elle eut demandé une révision de sa décision initiale. Les notes mentionnent que l’appelante cherche d’autres emplois dans le domaine des soins infirmiers uniquement. On lui a dit d’élargir sa recherche d’emploiNote de bas de page 6. Il n’a pas été question d’autres démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi, notamment la préparation d’un curriculum vitæ, l’inscription à des banques d’emplois en ligne et le réseautage.

[13] La division d’appel du Tribunal a dit que, pour que la Commission juge une partie appelante inadmissible au motif qu’elle n’a pas fait de démarches « habituelles et raisonnables », elle aurait dû d’abord demander à l’appelante de prouver qu’elle a fait ces démarches, puis démontrer qu’elle ne s’est pas conformée à cette demande. La division d’appel a affirmé qu’il n’est pas de la compétence du Tribunal d’examiner les démarches habituelles et raisonnables d’une partie appelante si la Commission n’a pas d’abord fait ces demandes auprès d’une partie appelanteNote de bas de page 7.

[14] Je ne crois pas que le Tribunal ait compétence pour décider si l’appelante a fait des démarches « habituelles et raisonnables ». Je suis convaincue par la décision de la division d’appel et je m’y conforme. Il y a peu d’indications que la Commission a interrogé l’appelante au sujet de ses démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable. La Commission lui a plutôt dit d’élargir sa recherche d’emploi à des emplois relevant de domaines autres que celui des soins infirmiers.

[15] Cela signifie que je me pencherai uniquement sur la question de savoir si l’appelante est disponible en application de la deuxième disposition de la loi sur la disponibilité.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[16] La jurisprudence énonce trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si l’appelante était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 8 :

  • elle voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert;
  • elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable;
  • elle n’a pas établi de conditions personnelles qui pourraient avoir limité indûment ses chances de retourner travailler.

[17] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois me pencher sur l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas de page 9.

Vouloir retourner au travail

[18] L’appelante a démontré qu’elle voulait reprendre le travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[19] L’appelante a pris sa retraite des soins infirmiers en décembre 2020, après 36 années de service. Elle dit qu’elle a regretté avoir pris sa retraite parce que son mari n’a pas pris lui aussi sa retraite et qu’elle s’est sentie isolée, surtout pendant la pandémie de COVID-19.

[20] L’appelante affirme que le gouvernement a demandé aux infirmières à la retraite de retourner au travail, et c’est donc ce qu’elle a fait en mars 2021. Elle a travaillé à la clinique de vaccination et au service de chimiothérapie. Elle planifie de travailler encore quelques années.

[21] L’appelante affirme qu’elle a demandé des prestations d’assurance‐emploi en raison d’un manque de travail. Mais elle continue de travailler occasionnellement au service de chimiothérapie, tout au long de sa période de demande et à l’heure actuelle, tout en cherchant un emploi à temps plein. Elle affirme qu’il n’y avait aucun emploi à temps plein au service de chimiothérapie.

[22] J’estime que l’appelante a démontré qu’elle voulait reprendre le travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert. Je me fie à son témoignage selon lequel elle planifiait de travailler encore quelques années. Je me fie également à sa conduite, car elle a continué à accepter les quarts de travail en soins infirmiers qui lui étaient offerts.

Démarches pour trouver un emploi convenable

[23] L’appelante a effectué assez de démarches pour trouver un emploi convenable.

[24] L’appelante a 58 ans.

[25] Elle est titulaire d’un diplôme en sciences infirmières datant de 1982. Elle affirme que la plupart des emplois en sciences infirmières exigent maintenant un baccalauréat en sciences infirmières, au minimum. Elle affirme qu’elle bénéficie de droits acquis en tant qu’infirmière diplômée, de sorte que certains emplois en soins infirmiers demeurent à sa disposition.

[26] L’appelante vit dans une petite communauté. Il y a un dépanneur. Le témoin de l’appelante (son époux) affirme que cette communauté se trouve dans une région qui traverse une dépression économique et dont le taux de chômage est élevé.

[27] Dans la communauté voisine, le témoin affirme que les employeurs sont notamment l’hôpital, Service Canada, quelques restaurants, une école, un couple de garages, ainsi qu’un concessionnaire automobile. Il y a aussi un grand bureau administratif pour un service de traversier.

[28] Le témoin affirme que la plupart des gens de la région travaillent en rotation à l’extérieur de la communauté, au sein d’industries comme les plateformes pétrolières extracôtières, la voile, l’exploitation minière et les pipelines. Selon lui, ces emplois nécessitent tous des études et une formation spécialisées.

[29] L’appelante affirme que toutes les offres d’emploi pour l’hôpital sont faites à titre occasionnel. Elle affirme qu’il n’y avait pas de postes permanents à temps plein. Elle raconte qu’elle n’avait plus d’ancienneté à son retour de la retraite.

[30] L’appelante affirme qu’elle a déjà travaillé à l’urgence. Elle ajoute qu’il s’agissait d’un emploi physiquement exigeant.

[31] L’appelante soutient que, plus tôt dans sa carrière, en 2005, elle a subi une blessure au dos. Elle fait valoir qu’il lui serait difficile de reprendre un emploi physiquement exigeant. Elle dit avoir de la difficulté à soulever des objets et à rester assise ou debout pendant de longues périodes.

[32] L’appelante affirme qu’au cours des 8 à 10 dernières années, elle a travaillé en chimiothérapie, car ce n’était pas aussi exigeant physiquement que la salle d’urgence.

[33] L’appelante affirme que son travail à la clinique de vaccination était également moins exigeant physiquement, car la majeure partie du travail consistait à préparer et à administrer des vaccins.

[34] L’appelante affirme avoir mis à jour son curriculum vitæ.

[35] Elle dit qu’elle a examiné des offres d’emploi sur Facebook. Elle dit être au courant de tous les emplois qui sont offerts dans la région, grâce au réseautage et à Facebook.

[36] L’appelante affirme qu’elle a cherché des possibilités d’emploi à l’hôpital. Elle a réseauté avec des gestionnaires de l’hôpital et de la santé publique.

[37] L’appelante affirme qu’elle a également cherché des emplois à l’extérieur du domaine des soins infirmiers. Mais elle dit qu’elle n’a postulé aucun emploi à l’extérieur des soins infirmiers, car aucun n’était convenable. Par exemple, l’appelante dit ce qui suit :

  • Elle a cherché un emploi dans un établissement de soins personnels local, mais il s’agissait d’un travail à temps partiel sur appel, payant le salaire minimum jusqu’à 17 $ l’heure. Elle affirme que ce n’était pas mieux que le travail à temps partiel sur appel qu’elle effectuait au service de chimiothérapie, où elle gagnait plus de 44 $ l’heure.
  • Elle a envisagé un travail de bureau, y compris des emplois au service des traversiers et dans les écoles, mais ces employeurs exigeaient que les candidats aient suivi des cours en administration de bureau.
  • Elle affirme que les autres emplois disponibles, dont des emplois dans les restaurants, étaient trop exigeants physiquement.

[38] L’appelante affirme que ses compétences en informatique sont rudimentaires. Elle soutient que le service de chimiothérapie utilise encore des dossiers papier, et que la clinique de vaccination a utilisé un programme informatique bien précis sur lequel elle a été formée. Elle dit ne pas être en mesure d’utiliser Excel et PowerPoint.

[39] Les démarches de l’appelante pour trouver un emploi ont consisté notamment à préparer son curriculum vitæ, à chercher des emplois sur Facebook, à faire du réseautage et à examiner des emplois pour déterminer s’ils conviennent. Ces démarches étaient suffisantes pour satisfaire aux exigences de ce deuxième facteur parce qu’elles ont été faites de façon constante.

Conditions pouvant limiter indûment les chances de retourner au travail

[40] L’appelante n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner au travail.

[41] La Commission affirme que l’appelante a limité sa recherche d’emploi à des emplois dans le domaine des soins infirmiers sur appel chez son employeur. Elle fait valoir qu’elle n’a pas élargi ses démarches de recherche d’emploi, bien qu’on lui ait dit de le faire. Elle dit qu’il pourrait y avoir d’autres emplois convenables à sa disposition.

[42] L’appelante affirme qu’elle ne l’a pas fait parce qu’elle a cherché des emplois en dehors du domaine des soins infirmiers, mais qu’aucun autre emploi convenable n’était libre. Elle affirme qu’elle cherchait un travail à temps plein.

[43] Je m’appuie sur une décision de la division d’appel, dans laquelle le Tribunal affirme qu’une partie appelante qui n’est pas disposée à occuper un emploi qui excéderait ses capacités physiques et que son état de santé ne lui permet pas d’occuper n’établit pas de conditions personnelles. La division d’appel affirme qu’une partie appelante n’est pas tenue d’être disponible pour des emplois à moins que ceux‐ci ne soient convenables. Tout emploi qui excéderait ses capacités ne serait pas un emploi convenableNote de bas de page 10.

[44] J’estime que l’appelante n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner au travail. La Commission a dit qu’il pourrait y avoir d’autres emplois qui conviendraient à l’appelante, mais elle n’a donné aucun exemple. Étant donné que l’appelante a démontré que les emplois qui étaient à sa disposition dans sa collectivité, y compris des emplois dans des restaurants, ne lui convenaient compte tenu de son état de santé et de ses capacités physiques, car elle avait de la difficulté à soulever des objets et à rester debout ou assise pendant de longues périodesNote de bas de page 11. J’estime que l’emploi à l’établissement de soins personnels ne convient pas, car le taux de rémunération qui y était offert était inférieur à celui qu’offre la profession habituelle de l’appelanteNote de bas de page 12.

Alors, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible à cette fin?

[45] Selon mes conclusions sur les trois éléments, j’estime que l’appelante a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[46] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. Pour cette raison, je conclus que l’appelante n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‐emploi. L’appelante pourrait donc avoir droit à des prestations.

[47] L’appel est donc accueilli.

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