[TRADUCTION]
Citation : AC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2092
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | A. C. |
Représentante ou représentant : | Daniel Freiheit |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (510967) datée du 17 août 2022 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Susan Stapleton |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 17 avril 2023 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelant Représentant de l’appelant |
Date de la décision : | Le 25 avril 2023 |
Numéro de dossier : | GE-22-3220 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec l’appelant.
[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.
Aperçu
[3] L’appelant travaille comme agent de recouvrement à l’Agence du revenu du Canada. L’employeur de l’appelant a mis en place une politique de vaccination obligatoire. La politique précise que tout le personnel doit être entièrement vacciné contre la COVID-19. Chaque membre du personnel devait confirmer son statut vaccinal au plus tard le 26 novembre 2021, au risque d’être mis en congé sans solde (suspension)Note de bas de page 2.
[4] L’appelant n’a pas communiqué son statut vaccinal à l’employeur et a été suspendu le 13 décembre 2021. Sa suspension a pris fin le 20 juin 2022, lorsque la politique de vaccination de l’employeur a été abolie.
[5] La Commission affirme que la raison pour laquelle l’appelant a été suspendu est une inconduite selon la loi. Elle affirme que l’appelant connaissait la politique de l’employeur et qu’il a volontairement refusé de la respecter en ne communiquant pas son statut vaccinal à l’employeur. Elle précise que l’appelant savait qu’il serait suspendu s’il ne respectait pas la politiqueNote de bas de page 3.
[6] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite de sa part. Il prétend que l’employeur n’a pas le droit d’accéder à ses renseignements médicauxNote de bas de page 4. Il ajoute que la politique de vaccination de l’employeur violait ses droits. L’appelant n’a jamais reçu de mesures disciplinaires au travail en raison d’une inconduiteNote de bas de page 5.
Question que je dois examiner en premier
[7] Lors de l’audience, l’appelant a déclaré que son employeur lui avait envoyé une lettre indiquant qu’il avait été suspendu de son emploi. Cette lettre ne se trouvait pas au dossier, alors j’ai demandé au représentant de l’appelant d’en soumettre une copie au Tribunal après l’audience, ce qu’il a faitNote de bas de page 6. Le représentant a aussi présenté une copie d’un courriel de l’employeur contenant la politique de vaccinationNote de bas de page 7, ainsi qu’une copie d’un courriel envoyé à l’appelant par sa gestionnaireNote de bas de page 8.
[8] J’ai accepté ces documents après l’audience, car ils sont directement liés à la question de l’inconduite.
Question en litige
[9] L’appelant a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?
[10] Pour répondre à cette question, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.
Analyse
Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi?
[11] J’estime que l’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur. Plus précisément, il n’a pas communiqué son statut vaccinal à son employeur.
[12] L’appelant a précisé dans sa demande de prestations d’assurance-emploi qu’il avait été suspendu parce qu’il ne voulait pas remplir une attestation concernant la politique de vaccination de l’employeurNote de bas de page 9.
[13] L’employeur a déclaré dans le relevé d’emploi de l’appelant qu’il était en congé en raison du non-respect de sa politique de vaccinationNote de bas de page 10.
[14] L’appelant a déclaré à la Commission qu’il refusait de communiquer son statut vaccinal à son employeur. Il a dit qu’il savait qu’il serait mis en congé sans solde ou qu’il serait congédié parce qu’il refusait de confirmer son statut vaccinal. Il a dit qu’il ne remplissait pas les exigences nécessaires pour être exempté de la vaccination, alors il n’a pas demandé d’exemption. Il ne croyait pas que l’employeur avait le droit d’accéder à ses renseignements médicauxNote de bas de page 11.
[15] L’employeur a dit à la Commission qu’il était d’accord avec ce que l’appelant avait dit à la Commission. Il n’a pas fourni d’attestation ni demandé d’exemptionNote de bas de page 12.
[16] Au cours du processus de révision, l’appelant a déclaré à la Commission qu’il avait été suspendu de son emploi le 10 décembre 2021 parce qu’il n’avait pas respecté la politique de vaccination obligatoire de l’employeur. Il a dit qu’il savait que l’employeur mettrait en place une politique de vaccination. Il a ajouté qu’il était aussi au courant des conséquences s’il ne respectait pas la politique dans les délais établis. Il a dit avoir pris la décision de ne pas suivre la politique pour des raisons personnelles. Il a dit qu’il n’avait aucune raison médicale ou religieuse de demander une exemption. Il a confirmé qu’il était retourné au travail le 20 juin 2022, lorsque la politique de vaccination a pris finNote de bas de page 13.
[17] Au cours du processus de révision, l’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant avait été suspendu parce qu’il n’avait pas respecté la politique de vaccination. Chaque membre du personnel devait confirmer son statut vaccinal au plus tard le 26 novembre 2021 ou présenter une demande d’exemption. À compter du 13 décembre 2021, toute personne qui ne voulait pas se faire vacciner ou qui ne voulait pas confirmer son statut vaccinal serait mise en congé sans solde. Tout le personnel a été avisé de la politique de vaccination par courriel avant la date d’entrée en vigueur du 8 novembre 2021. L’appelant n’a pas présenté de demande d’exemption médicale ou religieuse. L’employeur a précisé que l’appelant est retourné au travail le 20 juin 2022Note de bas de page 14.
[18] L’appelant a déclaré que l’employeur a envoyé un courriel aux membres du personnel contenant un lien vers la politique de vaccination. L’appelant a dit qu’il avait lu la politique et qu’il pensait que cela s’appliquait à tout le personnel, lui y compris.
[19] L’appelant a déclaré que selon la politique de vaccination de l’employeur, il devait être vacciné contre la COVID-19 et confirmer son statut vaccinal. Il a dit que selon la politique, s’il ne communiquait pas son statut vaccinal dans le délai prévu, il serait suspendu de son emploi.
[20] L’appelant a déclaré avoir refusé de confirmer son statut vaccinal parce qu’il s’agit de ses renseignements médicaux personnels. Lors de conversations informelles, il a dit à sa gestionnaire que c’est ainsi qu’il voyait les choses. Sa gestionnaire lui a suggéré de suivre la politique de l’employeur et de se faire vacciner. Elle lui a parlé des conséquences possibles s’il ne respectait pas la politique.
[21] L’appelant a déclaré qu’il n’a pas communiqué son statut vaccinal à l’employeur et qu’il a donc été suspendu de son emploi. Il a ajouté qu’il n’avait pas non plus suivi la formation en ligne requise selon la politique.
[22] L’appelant a déclaré avoir été surpris que l’employeur l’ait suspendu parce qu’à ce moment-là, il travaillait de la maison. Il travaillait à distance depuis mars 2020. Il n’avait aucun contact avec le public. Il ne voyait pas pourquoi il devait respecter la politique et ne pensait pas que l’employeur allait le mettre en congé.
[23] L’appelant a déclaré qu’il ne croyait pas que la politique de l’employeur était légale. Il n’y avait aucune politique exigeant la vaccination lorsqu’il a été embauché par l’employeur. S’il y en avait eu, il n’aurait pas accepté de travailler pour l’employeur.
[24] L’appelant a déclaré avoir déposé un grief par l’entremise de son syndicat. Il a dit qu’il n’y avait pas encore eu de décision définitive à ce sujet.
[25] L’employeur a écrit à l’appelant le 1er décembre 2021. Il a précisé que, comme il n’avait pas respecté sa politique de vaccination, il devait suivre une formation en ligne sur les avantages de la vaccination et recevoir la première dose du vaccin au plus tard le 10 décembre 2021. L’employeur a dit que s’il ne le faisait pas, il serait suspendu à compter du 13 décembre 2021, jusqu’à ce qu’il se conforme à la politiqueNote de bas de page 15.
[26] La gestionnaire de l’appelant lui a envoyé un courriel le 2 décembre 2021 pour lui dire qu’elle comprenait que l’appelant maintenait sa position de ne pas vouloir confirmer son statut vaccinal. Elle a précisé que l’appelant serait suspendu à partir du 13 décembre 2021Note de bas de page 16.
[27] L’appelant n’a pas communiqué son statut vaccinal à l’employeur. Il a donc été suspendu à compter du 13 décembre 2021.
La raison de la suspension de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi?
[28] J’estime que la raison de la suspension de l’appelant est une inconduite selon la loi.
[29] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique lorsque l’employeur congédie ou suspend une personneNote de bas de page 17.
[30] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Cependant, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si la suspension de l’appelant est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est‑à‑dire les questions et les critères à prendre en compte quand on examine la question de l’inconduite.
[31] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 18. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 19. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 20.
[32] Il y a inconduite si l’appelant savait ou avait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 21.
[33] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance‑emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à l’appelant. Je n’ai pas à décider si son employeur l’a injustement suspendu ou s’il aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 22. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.
[34] Dans une décision de la Cour d’appel fédérale qui s’intitule McNamara, un prestataire a affirmé qu’il devrait avoir droit à des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait injustement congédiéNote de bas de page 23. Il avait perdu son emploi à cause de la politique de son employeur sur le dépistage des drogues. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, car le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire qu’il était incapable de travailler de façon sécuritaire parce qu’il aurait consommé de la drogue. De plus, les résultats de son test de dépistage précédent auraient dû être toujours valides.
[35] La Cour d’appel fédérale a répondu en faisant remarquer qu’elle a toujours affirmé que, dans les dossiers d’inconduite, la question est de savoir si l’action ou l’omission de la personne employée est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, que la personne ait été injustement congédiée ou nonNote de bas de page 24.
[36] La Cour d’appel fédérale a aussi dit que l’interprétation et l’application de la loi se concentrent sur le comportement de la personne employée, et non sur celui de l’employeur. Elle a fait remarquer qu’il y avait d’autres solutions pour les personnes injustement congédiées. Ces solutions pénalisent le comportement de l’employeur au lieu de faire en sorte que les actions de l’employeur coûtent de l’argent aux contribuables en versement de prestationsNote de bas de page 25.
[37] Dans une affaire plus récente intitulée Paradis, un prestataire a été congédié pour avoir échoué à un test de dépistage de droguesNote de bas de page 26. Le prestataire a soutenu qu’il avait été injustement congédié, car les résultats du test montraient qu’il n’avait pas travaillé avec des facultés affaiblies. Il a affirmé que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à sa politique et à la loi provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a dit que le comportement de l’employeur n’était pas un facteur pertinent pour évaluer s’il y avait eu une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 27.
[38] Dans une autre affaire semblable intitulée Mishibinijima, un prestataire a perdu son emploi en raison de son trouble lié à la consommation d’alcoolNote de bas de page 28. Le prestataire a soutenu que son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation parce que le trouble lié à la consommation d’alcool est considéré comme une déficience. La Cour d’appel fédérale a encore une fois affirmé qu’il fallait se concentrer sur ce que la personne employée avait fait ou n’avait pas fait. Le fait que l’employeur ne lui avait pas offert de mesures d’adaptation n’était pas pertinentNote de bas de page 29.
[39] Ces dossiers ne portent pas sur les politiques de vaccination contre la COVID-19. Toutefois, ce qu’ils disent est tout de même pertinent. Dans une décision très récente qui portait sur une politique de vaccination contre la COVID-19, un prestataire a soutenu qu’il n’avait jamais reçu de réponses satisfaisantes à ses questions sur l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 et des tests antigéniques. Le prestataire a aussi déclaré qu’aucun décideur n’avait abordé la façon dont une personne pouvait être forcée à prendre un médicament non testé ou de procéder à un test de dépistage alors que cela viole l’intégrité physique fondamentale de la personne et équivaut à de la discrimination fondée sur des choix médicaux personnelsNote de bas de page 30.
[40] En rejetant l’affaire, la Cour fédérale a écrit ce qui suit :
Bien que le demandeur soit manifestement frustré du fait qu’aucun des décideurs n’a examiné ce qu’il considère comme étant les questions fondamentales de droit ou de fait qu’il a soulevées [...] [l]e principal problème avec cet argument du demandeur vient du fait qu’il reproche aux décideurs de ne pas avoir examiné une série de questions qu’ils ne sont pas légalement autorisés à examinerNote de bas de page 31.
[41] La Cour a aussi écrit ceci :
La division générale et la division d’appel [du Tribunal] ont un rôle important à jouer au sein du système judiciaire, mais ce rôle est limité et précis. En l’espèce, ce rôle consistait à établir les raisons pour lesquelles le demandeur avait été congédié et à déterminer si ces raisons constituaient une « inconduiteNote de bas de page 32 ».
[42] Ainsi, la jurisprudence établit clairement que mon rôle n’est pas d’examiner le comportement ou les politiques de l’employeur et de décider s’il était correct de suspendre l’appelant. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.
[43] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu en raison de son inconduiteNote de bas de page 33.
[44] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :
- l’appelant était au courant de la politique de vaccination de l’employeur et du délai pour s’y conformer;
- l’appelant savait que s’il ne communiquait pas son statut vaccinal à l’employeur, il pouvait être suspendu de son emploi;
- l’appelant a volontairement refusé de confirmer son statut vaccinal et a donc été suspendu.
[45] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :
- la politique de l’employeur était illégale et violait ses droits;
- son statut vaccinal est un renseignement médical privé;
- son employeur n’a pas le droit d’accéder à ses renseignements médicaux personnels;
- il travaillait de la maison et n’avait aucun contact avec le public;
- il n’a jamais reçu de mesures disciplinaires au travail en raison d’une inconduite.
[46] Le représentant de l’appelant a présenté les observations suivantes au nom de l’appelant :
- La Commission n’a pas prouvé qu’il y avait une obligation expresse ou implicite de se faire vacciner et de communiquer son statut vaccinal à l’employeur dans le cadre du contrat de travail de l’appelant.
- Il n’y avait rien dans le contrat de travail de l’appelant ni dans sa convention collective qui exigeait la vaccination ou la confirmation de son statut vaccinal.
- Aucune preuve ne démontre que le contrat de travail ou la convention collective de l’appelant a été dûment révisé en novembre 2021, lorsque l’employeur a mis en place sa politique de vaccination.
- Ni l’appelant ni son syndicat n’ont accepté que l’employeur modifie unilatéralement les conditions de son emploi.
- On peut se demander si la politique de vaccination de l’employeur était légale.
[47] La politique de vaccination de l’employeur était une condition d’emploi. L’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le pouvoir d’élaborer et de mettre en place des politiques en milieu de travail. Lorsque l’employeur a mis en place cette politique comme exigence pour l’ensemble du personnel, cette dernière est devenue une condition expresse de l’emploi de l’appelantNote de bas de page 34.
[48] L’appelant soutient que la politique de l’employeur violait ses droits prévus par la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).
[49] Au Canada, un certain nombre de lois protègent les droits d’une personne, comme le droit à la vie privée ou le droit à la non-discrimination. La Charte est l’une de ces lois. Il y a aussi la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et plusieurs autres lois fédérales et provinciales, comme le projet de loi C‑45, qui protègent les droits et libertés.
[50] Ces lois sont appliquées par différentes cours et différents tribunaux.
[51] Le Tribunal peut décider si une disposition de la loi, du règlement ou d’une loi connexe sur l’assurance-emploi porte atteinte aux droits d’une partie appelante en vertu de la Charte. L’appelant n’a cerné aucun article de la loi, du règlement ou d’une loi connexe sur l’assurance-emploi qui violerait ses droits garantis par la Charte.
[52] Le Tribunal n’a pas le pouvoir d’examiner si une mesure prise par un employeur viole les droits fondamentaux d’une partie appelante en vertu de la Charte. Cela dépasse ma compétence. Le Tribunal n’est pas non plus autorisé à rendre des décisions fondées sur la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne ou toute autre loi provinciale protégeant les droits et libertés.
[53] L’appelant peut avoir d’autres recours pour faire valoir ses allégations selon lesquelles la politique de l’employeur a violé ses droits. Ces questions doivent être traitées par la cour ou le tribunal approprié. C’est ce que la Cour fédérale a clairement affirmé dans la décision CecchettoNote de bas de page 35.
[54] Après avoir étudié le dossier, entendu l’appelant et tenu compte des observations des parties, je suis d’accord avec la Commission. Je conclus que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.
[55] Je conclus que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :
- l’employeur avait une politique selon laquelle tout le personnel devait se faire vacciner;
- la politique précise que chaque membre du personnel devait confirmer son statut vaccinal;
- l’employeur a communiqué sa politique à l’appelant et a précisé ce à quoi il s’attendait en ce qui concerne la vaccination et la confirmation du statut vaccinal;
- l’appelant connaissait les conséquences s’il ne respectait pas la politique de l’employeur;
- l’appelant a consciemment et délibérément refusé de confirmer son statut vaccinal, ce qui a entraîné sa suspension.
[56] L’appelant a déclaré qu’il ne pensait pas que l’employeur allait le suspendre. Il a dit qu’il travaillait de la maison depuis mars 2020 et qu’il n’avait aucun contact avec le public. Il ne voyait donc pas pourquoi il devait se conformer à la politique.
[57] Cependant, l’appelant a aussi déclaré à la Commission qu’il savait que l’employeur le suspendrait s’il ne confirmait pas son statut vaccinal dans le délai prévu.
[58] Je comprends que l’appelant ne voulait pas confirmer son statut vaccinal à l’employeur parce qu’il s’agit de ses renseignements médicaux personnels. Je suis sensible à sa situation. Cependant, je ne peux pas modifier la loi. Selon mes conclusions précédentes, je conclus que la Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, c’est-à-dire pour avoir refusé de suivre la politique de vaccination de l’employeur.
Alors, l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?
[59] Je conclus que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. En effet, les actions de l’appelant ont mené à sa suspension. L’appelant a agi délibérément. Il savait qu’en refusant de communiquer son statut vaccinal à l’employeur, il serait suspendu.
Conclusion
[60] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
[61] Par conséquent, l’appel est rejeté.