Assurance-emploi (AE)

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Citation : CL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 717

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision - Corrigendum

Partie appelante : C. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (602253) datée du 25 juillet 2023
rendue par la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Nathalie Léger
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 novembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Père de l’appelant
Date de la décision : Le 21 février 2024
Numéro de dossier : GE-23-2353

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif raisonnable au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) pour quitter son emploi.

[3] Par contre, il a démontré qu’il avait travaillé assez d’heures après son départ volontaire pour être admissible aux prestations d’assurance‑emploi.

Commentaires préalables

[4] Je souhaite souligner que ce dossier aurait dû être résolu beaucoup plus rapidement. Tout d’abord, il est pour le moins difficile de comprendre pourquoi la Commission a tout d’abord jugé qu’il n’était pas nécessaire de faire établir par Revenu Canada le nombre d’heures réellement travaillé par l’appelant au cours de la période de référence. Je souhaite rappeler que, selon la Loi, seul cet organisme a le pouvoir de rendre une telle décision. Le fait qu’il n’y ait pas de relevé d’emploi au dossier pour le deuxième employeur n’est pas une raison suffisante pour passer outre à cette obligation.Note de bas de page 1

[5] De plus, il est inexcusable que le Tribunal ait eu à faire deux demandes de rappel avant que la décision de Revenu Canada, pourtant rendue le 21 décembre 2023, ne lui soit transmise. Les Canadiens sont en droit de s’attendre à un meilleur service de la part de la Commission.

Aperçu

[6] L’appelant a quitté son emploi chez X le 2 juillet 2022 pour aller aux études dans une autre ville. Le même jour, il s’est trouvé un nouvel emploi chez X. Quelques semaines plus tard, il a obtenu un emploi dans son domaine d’études, la foresterie, pour l’entreprise X. Les feux de forêt de l’été 2023 ont forcé l’arrêt des travaux en forêt. Il a donc été mis à pied et a demandé des prestations d’assurance‑emploi.

[7] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a examiné les raisons de l’appelant pour quitter son emploi chez X. Elle a conclu que ce dernier a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi.

[8] L’appelant a demandé des prestations d’assurance‑emploi, mais la Commission a décidé qu’il n’avait pas travaillé assez d’heures après avoir quitté son emploi chez X pour y être admissibleNote de bas de page 2.

[9] Je dois décider si l’appelant a quitté volontairement son emploi et s’il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas. Je dois également décider s’il a travaillé assez d’heures, après ce départ, pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[10] La Commission affirme que l’appelant a quitté volontairement son emploi sans avoir épuisé toutes les solutions raisonnables dans son cas. Elle dit qu’il aurait pu, par exemple, chercher un nouvel emploi avant de quitter son emploi chez X.

[11] L’appelant n’est pas d’accord et soutient qu’il est injuste que la Commission ne  prenne pas en considération les heures accumulées à son emploi chez X. Il dit que même s’il n’a pas cherché de travail avant de quitter son emploi, il savait qu’il s’en trouverait un très rapidement. D’ailleurs, il s’en est trouvé un le jour même de son arrivée dans sa nouvelle ville.

[12] Il affirme qu’en prenant en considération les heures faites chez X, il aurait bien plus que les 700 heures nécessaires pour se qualifier. 

Question que je dois examiner en premier

Je vais accepter les documents déposés après l’audience

[13] Lors de l’audience, j’ai questionné l’appelant sur le fait qu’il semblait manquer un relevé d’emploi à son dossier. En effet, il a témoigné qu’il a travaillé chez X lors de son arrivée dans sa nouvelle ville, mais qu’il a ensuite travaillé pour un autre employeur, X, dans son domaine d’étude.

[14] Or, un seul relevé d’emploi se trouvait au dossier, celui pour le 2e employeur. Puisque les heures travaillées au X n’avaient pas été comptabilisées par la Commission, il était important d’obtenir le relevé d’emploi.

[15] C’est ce document que l’appelant a transmis après l’audience et c’est pour cette raison que j’accepte de le prendre en considération dans cette décisionNote de bas de page 3.

[16] Je vais également prendre en considération les documents déposés par la Commission à la suite de la demande qu’ils ont finalement présentée à Revenu Canada pour faire établir le nombre d’heures travaillées par l’appelant au cours de la période de référence.  

Questions en litige

[17] L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi chez X? Si oui, est-ce que c’était la seule solution raisonnable dans son cas?

[18] L’appelant a‑t‑il travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance‑emploi?

Analyse

Départ volontaire et solutions raisonnables

Départ volontaire sans justification

[19] L’appelant dit qu’il a volontairement quitté son emploi chez X parce qu’il ne pouvait pas être transféré dans sa nouvelle ville de résidence. C’est d’ailleurs ce qui est indiqué sur le relevé d’emploi émis par son employeur. Aucune circonstance autre que ses études dans une autre ville ne l’ont amené à quitter cet emploi.

[20] Puisque je n’ai aucun élément qui me permette de croire le contraire, j’accepte que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

Autres solutions raisonnables

[21] La loi prévoit qu’une partie appelante est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 4. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[22] La loi explique ce que veut dire « être fondé ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 5 .

[23] L’appelant est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 6. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand l’appelant a quitté son emploi.

[24] La Commission soutient qu’une solution raisonnable aurait été pour l’appelant de chercher un autre emploi et d’obtenir une assurance raisonnable d’un nouvel emploi avant de remettre sa démissionNote de bas de page 7. Elle plaide que le fait d’être convaincu de pouvoir trouver un tel emploi facilement n’est pas suffisant en vertu de la Loi.

[25] L’appelant soutient qu’il a fait des démarches raisonnables en demandant à son employeur d’être transféré dans une succursale de sa nouvelle ville de résidence. Aussi, il indique qu’il savait qu’il ne serait pas difficile de trouver un nouvel emploi et que, de fait, il en a trouvé la journée même où il est déménagé. Finalement, il indique qu’il n’avait pas le choix de quitter son emploi chez X puisqu’il déménageait à environ 2.5 heures de route pour poursuivre ses études.

[26] La Loi sur l’assurance-emploi est une loi qui contient plusieurs règles qui ne sont pas toujours connues ou bien comprises par les prestataires. De plus, la Loi laisse souvent peu de marge de manœuvre à la Commission ou au Tribunal pour s’adapter aux situations qui pourraient mériter une certaine souplesse.

[27] Dans le présent dossier, il peut paraitre injuste d’appliquer l’article 30 de la Loi de manière littérale puisque l’appelant a immédiatement trouvé un nouvel emploi après son départ volontaire de chez X. Malheureusement, la Loi ne prévoit pas que le fait de quitter un emploi pour aller étudier ou travailler dans une autre ville soit une raison suffisante pour justifier un départ volontaire.

[28] La Loi ne prévoit pas non plus que le fait de trouver immédiatement un nouvel emploi puisse permettre d’éviter l’application des dispositions portant sur le départ volontaire. L’article 30 de la Loi est clair. Le premier paragraphe se lit comme suit : « Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations (…) s’il quitte volontairement un emploi sans justification (…) ».

[29] Le seul moyen pour un prestataire de pouvoir toucher des prestations est d’accumuler à nouveau le nombre d’heures minimum prévu par la Loi. Dans la prochaine section, je vais déterminer si l’appelant a accumulé le nombre d’heures nécessaires.

Comment être admissible aux prestations

[30] Chaque personne qui cesse de travailler ne reçoit pas automatiquement des prestations d’assurance‑emploi. Il faut démontrer qu’on y est admissibleNote de bas de page 8. L’appelant doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est admissible aux prestations.

[31] Pour être admissible, la personne doit avoir travaillé assez d’heures au cours d’une période établie. Cette période s’appelle la « période de référenceNote de bas de page 9 ».

[32] Le nombre d’heures dépend du taux de chômage dans la région de la personneNote de bas de page 10.

La région et le taux régional de chômage du prestataire

[33] La Commission a établi que la région du prestataire était le nord-ouest du Québec, et que le taux régional de chômage au moment visé était de 4.7 %Note de bas de page 11.

[34] Cela signifie que l’appelant devrait avoir travaillé au moins 700 heures durant sa période de référence pour être admissible aux prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 12.

L’appelant est d’accord avec la Commission

[35] L’appelant ne conteste pas les décisions de la Commission sur la région et le taux régional de chômage qui s’appliquent à lui.

[36] Aucune preuve ne m’amène à douter de cette décision. Par conséquent, j’accepte le fait que l’appelant doit avoir travaillé 700 heures pour être admissible aux prestations.

La période de référence du prestataire

[37] Comme je l’ai dit plus tôt, les heures prises en compte sont celles travaillées pendant la période de référence du prestataire. En général, la période de référence est la période de 52 semaines qui vient avant le début de la période de prestations d’une personneNote de bas de page 13.

[38] La période de prestations est différente de la période de référence. Il ne s’agit pas du même moment. La période de prestations est la période durant laquelle une personne peut recevoir des prestations d’assurance‑emploi.

[39] La Commission ne précise en aucun moment la période qu’elle utilise comme période de référence. Tout ce qu’elle indique, c’est qu’elle ne tient pas compte dans son calcul des heures accumulées chez X en application de l’article 30(5) de la Loi. Il faut en comprendre que la Commission utilise la période habituelle de 52 semaines.

[40] Je n’ai aucun motif de croire que cette période de référence n’est pas la bonne. L’appelant n’a fait aucune représentation à cet effet. Je conclus donc que la période de référence à appliquer est la période du 15 avril 2022 au 16 avril 2023.

Nombre d’heures que l’appelant a travaillé

[41] Comme mentionné précédemment, j’ai demandé à la Commission d’obtenir une décision de l’Agence du revenu du Canada (ARC) sur le nombre d’heures accumulées par l’appelant au cours de la période de référence. Je l’ai fait puisque je n’ai pas compétence pour trancher cette questionNote de bas de page 14. L’ARC a déterminé que l’appelant avait travaillé 214 heures chez X au cours de la période de référence.Note de bas de page 15

[42] Je n’ai pas le pouvoir de modifier ce nombre. Je l’utiliserai donc pour trancher l’appel du prestataire. Alors, l’appelant a-t-il travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations?

[43] J’estime que l’appelant a démontré qu’il avait travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi puisqu’il a accumulé 624 heures assurables chez X et 214 heures chez X Le total des heures accumulées est donc de 838 heures assurables. Puisque le seuil d’admissibilité est établi à 700 heures, l’appelant satisfait ce critère. La Commission reconnait également ce fait.Note de bas de page 16

Conclusion

[44] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour quitter son emploi chez X.

[45] Je conclus également que l’appelant a travaillé assez d’heures assurables après son départ volontaire de chez X pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[46] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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