[TRADUCTION]
Citation : AG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2101
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | A. G. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (543725) datée du 2 novembre 2022 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Marisa Victor |
Mode d’audience : | En personne |
Date de l’audience : | Le 25 mai 2023 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 8 juin 2023 |
Numéro de dossier : | GE-22-3918 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Question en litige
- Question en litige no 1 : Antidatation
- Question en litige no 2 : Inconduite
- Conclusion
Décision
[1] L’appel est accueilli.
[2] L’appelant a démontré que des circonstances exceptionnelles ont entraîné son retard à demander des prestations. Autrement dit, l’appelant a fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, la demande de l’appelant peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.
[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2.
Aperçu
[4] Le présent appel porte sur deux questions. Premièrement, il y a la question de savoir si l’appelant peut antidater sa demande. Deuxièmement, il y a la question de savoir si l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.
Antidatation
[5] L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi le 5 mai 2022. Il demande maintenant que la demande soit traitée comme si elle avait été présentée avant, soit le 24 janvier 2022. C’est ce qu’on appelle « antidater » une demande. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette demande.
[6] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt ou que des circonstances exceptionnelles existaient.
[7] La Commission soutient que l’appelant n’avait pas de motif valable, car il n’a pas agi comme une personne raisonnable pour vérifier ses droits et ses obligations tout au long du retard. Elle affirme aussi qu’il n’existait aucune circonstance exceptionnelle.
[8] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il a agi dès qu’il a su qu’il pouvait demander des prestations d’assurance-emploi même sans avoir perdu son emploi. Il affirme avoir été suspendu de son emploi, mais pas congédié, et avoir été en train de contester cette suspension lorsqu’il a découvert qu’il pouvait demander des prestations.
Inconduite
[9] L’appelant a été suspendu de son emploi. Son employeur dit que l’appelant a été suspendu parce qu’il a agi à l’encontre d’une politique de vaccination : il n’a pas dit à l’employeur s’il avait été vacciné.
[10] Je dois décider si la Commission a démontré que l’appelant a commis une inconduite.
[11] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
[12] L’appelant ne conteste pas les faits, mais il affirme que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.
Question en litige
[13] La demande de prestations de l’appelant peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 24 janvier 2022?
[14] L’appelant a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?
Question en litige no 1 : Antidatation
Analyse
[15] L’appelant veut que sa demande de prestations d’assurance-emploi soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 24 janvier 2022. C’est ce qu’on appelle « antidater » une demande.
[16] Pour faire antidater une demande, l’appelant doit prouver qu’il avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période écouléeNote de bas de page 3. L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’il avait un motif valable justifiant son retard.
[17] De plus, pour démontrer qu’il avait un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances similairesNote de bas de page 4. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi de façon raisonnable et prudente, comme n’importe qui d’autre l’aurait fait en se trouvant dans une situation semblable.
[18] L’appelant doit également démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et les obligations que lui impose la loiNote de bas de page 5. L’appelant doit donc démontrer qu’il a essayé de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’il le pouvait. Si l’appelant n’a pas fait ces démarches, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles expliquent pourquoiNote de bas de page 6.
[19] L’appelant doit démontrer qu’il a agi de cette façon pendant toute la période du retardNote de bas de page 7. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande soit antidatée au jour où il a présenté sa demande. Par conséquent, la période de retard de l’appelant s’étend du 24 janvier au 24 avril 2022Note de bas de page 8.
[20] L’appelant a déclaré qu’il avait un motif valable justifiant son retard. Il ne savait pas qu’il pouvait présenter une demande puisqu’il était toujours un employé. Il a déclaré qu’il était en congé sans solde et n’avait pas été congédié. Il ne s’est donc pas rendu compte qu’il pouvait demander des prestations. Il dit avoir examiné une « boîte à outils de la gestion » qui décrivait sa situation comme étant un congé sans solde, mais sans perte d’emploi. Par conséquent, il a cru qu’il ne pouvait pas demander de prestations d’assurance-emploi. Il a continué à travailler, même le 24 janvier 2022, jusqu’à ce que son employeur lui dise d’arrêter. L’appelant lui a dit qu’il était prêt et disposé à revenir n’importe quand.
[21] L’appelant a déclaré avoir fait des recherches du 24 janvier au 5 mai 2022 sur la possibilité de contester le congé sans solde. Il affirme aussi que ses recherches et ses efforts pour contester sa situation ont nécessité beaucoup d’attention mentale et ont été difficiles sur le plan émotionnel. Sur la base de ses résultats de recherche, il a déposé un grief et a déposé des documents auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Ce n’est que le 5 mai 2022, alors qu’il discutait avec d’autres collègues en congé sans solde, qu’il a appris qu’il pouvait demander des prestations d’assurance‐emploi. L’appelant a déclaré avoir aussitôt fait une demande.
[22] Selon l’appelant, il a peu d’expérience avec l’assurance-emploi. Il a dit qu’il a un diplôme d’études secondaires. Il a déclaré avoir présenté une demande d’assurance‐emploi une autre fois seulement, pour son congé parental. Son employeur l’avait alors guidé pendant le processus, contrairement à cette fois-ci.
[23] De plus, l’appelant a affirmé qu’il se trouvait dans des circonstances exceptionnelles. Il a déclaré que les circonstances exceptionnelles entourant la pandémie avaient permis au gouvernement d’adopter la politique de vaccination dont il est ici question. Selon l’appelant, la pandémie de COVID-19 a aussi créé des circonstances exceptionnelles pour lui. Il a dit que si la pandémie est une circonstance exceptionnelle qui permet à un employeur de modifier unilatéralement un contrat de travail, alors lui aussi peut s’appuyer sur cette même circonstance. Il dit que la période de la pandémie a été très déroutante. En raison des restrictions liées à la COVID-19 et de sa résidence à l’extérieur de la ville, il ne pouvait pas se rendre en personne à un bureau de Service Canada. Il a ajouté qu’il avait un bébé naissant et un autre enfant de moins de 2 ans, ce qui compliquait sa situation.
[24] Enfin, l’appelant affirme que l’antidatation de son appel ne causerait pas de préjudice puisque la Commission avait déjà admis qu’aucun problème n’était lié à sa disponibilité. Il affirme que la Commission avait initialement refusé d’antidater sa demande parce qu’il serait difficile de démontrer sa disponibilité. L’appelant affirme que ce n’est plus le cas.
[25] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard. Elle soutient que l’appelant connaissait le régime d’assurance-emploi, car il avait présenté une demande de prestations parentales. Elle dit que l’appelant a démontré sa capacité à faire des recherches et à prendre les mesures nécessaires pour s’informer sur ses droits, comme en témoignent son grief et sa plainte pour non-respect des droits de la personne. Enfin, la Commission affirme qu’il n’a démontré l’existence d’aucune circonstance exceptionnelle qui aurait fait obstacle à la présentation d’une demande.
[26] J’estime que l’appelant a prouvé que des circonstances exceptionnelles justifiaient son retard à demander des prestations, si l’on tient compte de l’ensemble de sa situation. D’abord, l’appelant n’avait pas compris qu’il pouvait demander des prestations durant un congé sans solde, car il manquait d’expérience avec l’assurance‐emploi et il n’avait pas perdu son emploi. De plus, la possibilité de discuter de la situation avec des collègues était limitée en raison de la pandémie. En effet, il faisait du télétravail en région rurale et il ne pouvait pas se rendre en personne à un bureau de Service Canada. L’appelant avait aussi un bébé naissant et un autre jeune enfant. Il s’inquiétait de perdre un revenu nécessaire pour subvenir aux besoins de sa jeune famille et il faisait des recherches pour contester son congé. S’il avait pu retourner au travail ou avoir gain de cause en appel, il n’aurait pas été admissible aux prestations d’assurance-emploi. De plus, il a agi dès le jour où il a appris qu’il pouvait demander des prestations d’assurance-emploi. L’appelant souligne également l’absence de préjudice étant donné que la Commission a reconnu qu’il était disponible. Pris ensemble, ces facteurs font en sorte qu’il existait des circonstances exceptionnelles justifiant le retard de l’appelant.
[27] La demande d’antidatation de l’appelant est accueillie.
Question en litige no 2 : Inconduite
[28] Selon la loi, une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‐emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite, qu’il s’agisse d’un congédiement ou d’une suspensionNote de bas de page 9.
[29] Pour savoir si l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois déterminer la raison de la suspension. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.
Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu?
[30] Je conclus que l’appelant a été suspendu parce qu’il s’est opposé à la politique de vaccination de son employeur.
[31] Les deux parties conviennent que c’est la raison de sa suspension.
[32] J’accepte le fait que l’appelant a été suspendu parce que son employeur croyait que l’appelant allait à l’encontre de la politique de vaccination.
La raison du congédiement est-elle une inconduite au sens de la loi?
[33] La raison du congédiement de l’appelant n’est pas une inconduite au sens de la loi.
[34] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (l’ensemble des décisions des tribunaux) nous montre comment décider si la cause du congédiement de l’appelant constitue une inconduite au sens de la loi. La jurisprudence établit le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.
[35] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la façon d’agir doit être délibérée. Autrement dit, il faut que la façon d’agir soit consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 10. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 11. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 12.
[36] Il y a inconduite si l’appelant savait ou devait savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 13.
[37] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas de page 14.
[38] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à l’appelant. Je n’ai pas à décider si l’appelant a subi de la discrimination ou si l’employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 15. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.
[39] Il existe une décision de la Cour d’appel fédérale appelée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 16. Dans cette affaire, M. McNamara a été congédié de son emploi en vertu de la politique de son employeur sur le dépistage des drogues. Il a fait valoir qu’il n’aurait pas dû être congédié parce que le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances, notamment parce qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire qu’il était incapable de travailler de façon sécuritaire en raison d’une consommation de drogue, et que les résultats du dernier test effectué auraient dû être toujours valides. Essentiellement, M. McNamara a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que les actions de son employeur concernant son congédiement n’étaient pas correctes.
[40] En réponse aux arguments de M. McNamara, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’elle a toujours dit que, dans les dossiers d’inconduite, « il n’appartient pas au conseil ou au juge-arbitre de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt, il leur appartient de dire si l’acte ou l’omission reproché à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». La Cour a ajouté que, dans l’interprétation et l’application de la loi, « ce qu’il convient de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a souligné qu’une personne congédiée à tort « a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».
[41] Une décision qui a suivi l’affaire McNamara est Paradis c Canada (Procureur général)Note de bas de page 17. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage des drogues. M. Paradis a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, que les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas travaillé avec les facultés affaiblies et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et aux lois provinciales sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur l’affaire McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur n’est pas un facteur pertinent pour évaluer l’existence d’une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 18.
[42] Une autre décision semblable de la Cour d’appel fédérale s’intitule Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 19. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a fait valoir que, comme la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une invalidité, son employeur était tenu de lui fournir des mesures d’adaptation. La Cour a répété qu’il faut mettre l’accent sur l’acte ou l’omission de l’employé, et que le fait que l’employeur n’a offert aucune mesure d’adaptation à l’employé n’est pas un facteur pertinentNote de bas de page 20.
[43] Ces décisions ne concernent pas les politiques de vaccination contre la COVID-19. Mais les principes qu’elles abordent sont toujours pertinents. De plus, ces mêmes principes ont été confirmés dans une décision récente de la Cour fédérale, intitulée Cecchetto c Canada (Procureur général), qui traite directement d’une inconduite liée au non-respect de la politique de vaccination de l’employeurNote de bas de page 21.
[44] Par conséquent, mon rôle n’est pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de décider s’il avait raison de suspendre l’appelant. Je dois plutôt me concentrer sur l’acte ou l’omission de l’appelant et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.
[45] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :
- L’employeur avait adopté une politique de vaccination contre la COVID-19.
- L’employeur a clairement avisé l’appelant de ses attentes sur la communication du statut vaccinal.
- L’appelant connaissait la politique et a demandé une exemption en octobre 2021.
- Le gestionnaire de l’appelant lui a parlé de la politique et de la demande d’exemption. L’employeur a communiqué à de nombreuses reprises avec l’appelant par téléphone, puis par courriel et par lettres pour faire des suivis.
- L’appelant savait ou aurait dû savoir ce qui arriverait s’il ne respectait pas la politique et ne confirmait avoir reçu tous les vaccins.
[46] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :
- Il a tenté de se conformer à la politique en refusant d’y donner son consentement, en demandant une exemption dans le délai prévu et en présentant des documents à l’appui de sa demande d’exemption.
- La politique de vaccination de l’employeur enfreignait son droit à ne pas subir de discrimination génétique et son droit aux mesures d’adaptation.
- Avant la pandémie de COVID-19, l’appelant a accepté l’emploi précisément parce qu’il s’agissait d’un poste de télétravail. Par conséquent, aucune mesure d’adaptation n’était nécessaire pour lui permettre de continuer à travailler de la maison.
- L’appelant affirme qu’il n’a jamais consenti à la politique et que son imposition unilatérale viole le droit contractuel.
- L’employeur ne s’est pas conformé à sa propre politique et n’a pas donné à l’appelant un délai de deux semaines après le rejet de sa demande de mesures d’adaptation.
[47] Je conclus que la Commission n’a pas prouvé qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant ne pouvait pas savoir, raisonnablement ou autrement, qu’il pouvait être suspendu en raison de sa conduite.
[48] Personne ne conteste le fait que l’appelant était au courant de la politique de l’employeur. Il savait qu’il devait confirmer son statut vaccinal et être vacciné contre la COVID-19 ou avoir obtenu une exemption selon la politique. Cependant, il n’a pas eu le temps de se conformer à la politique.
[49] La demande de mesures d’adaptation de l’appelant a été rejetée verbalement le 21 janvier 2022 et il a été placé en congé trois jours plus tard, soit le 24 janvier 2022. L’appelant n’a pas eu de délai de deux semaines, conformément à la politique, pour choisir de s’y conformer ou de l’enfreindre.
[50] Il est bien établi qu’un non-respect délibéré de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 22.
[51] Dans la présente affaire, rien n’indique que l’appelant a délibérément enfreint la politique de l’employeur avant d’être suspendu le 24 janvier 2022. Jusqu’alors, l’appelant avait suivi les étapes pour demander une exemption et avait fourni à son gestionnaire les raisons de cette demande conformément à la politique. Il s’agit d’une indication que l’appelant a tenté de se conformer à la politique.
[52] L’appelant a su qu’il ne respectait pas la politique seulement lorsque son gestionnaire lui a dit que sa demande d’exemption avait été rejetée le 21 janvier 2022.
[53] Cependant, son employeur ne lui a pas donné l’occasion de satisfaire aux autres exigences de la politique, soit confirmer sa vaccination complète, avant sa suspension. De plus, son gestionnaire lui a dit qu’il lui fournirait plus de détails sur le refus de ses mesures d’adaptation lorsqu’il aurait les renseignements. L’appelant aurait donc possiblement pu préciser sa demande d’exemption.
[54] Pour que la façon d’agir de l’appelant soit une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, il doit avoir commis l’acte volontairement. La conduite en question est que l’appelant ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID.
[55] Je suis d’avis que l’appelant n’a pas agi de façon délibérée en ne se conformant pas à la politique avant sa suspension le 24 janvier 2022.
[56] Même si une personne n’a pas communiqué son statut vaccinalNote de bas de page 23, la politique permet à une personne non vaccinée d’être en conformité si elle obtient une exemption approuvée. L’appelant avait demandé une exemption. Sa demande d’exemption a été rejetée trois jours avant sa suspension et son gestionnaire lui avait dit qu’on lui fournirait peut-être d’autres renseignements.
[57] Avant que l’exemption soit refusée, l’appelant ne pouvait pas savoir, raisonnablement ou autrement, qu’il pouvait être suspendu pour sa conduite. Certains éléments indiquaient aussi qu’une exemption n’était pas complètement hors d’atteinte. Même si c’était le cas, il aurait dû avoir deux semaines pour décider s’il allait ou non se conformer à la politique, et communiquer son statut vaccinal. Je conclus donc que l’appelant n’avait pas volontairement enfreint la politique de l’employeur au moment de sa suspension.
L’appelant a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?
[58] Selon mes conclusions précédentes, je conclus que l’appelant n’a pas été suspendu en raison d’une inconduite.
[59] En effet, la Commission n’a pas démontré que les gestes posés par l’appelant étaient volontairement non conformes à la politique de l’employeur.
Conclusion
[60] L’appelant a démontré l’existence de circonstances exceptionnelles et que sa demande de prestations d’assurance-emploi devrait donc être antidatée.
[61] La Commission n’a pas prouvé que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
[62] Par conséquent, l’appel est accueilli.