[TRADUCTION]
Citation : KB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 951
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | K. B. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (621368) datée du 26 octobre 2023 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Gary Conrad |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 25 juillet 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 2 août 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-1878 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à démissionner parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
Aperçu
[3] L’appelant a quitté son emploi.
[4] L’appelant affirme avoir démissionné parce que ses heures de travail avaient fortement chuté et qu’il ne gagnait plus assez d’argent pour payer son loyer.
[5] Sa propriétaire l’a mis à la porte; il devait trouver un autre logement. Un ami lui a offert une chambre à un loyer raisonnable, mais c’était à deux heures de route.
[6] L’appelant ne trouvait pas d’autre logement abordable, alors il a accepté l’offre de ses amis, a quitté son emploi et a déménagé.
[7] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelant. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (qu’il avait choisi de le quitter) sans justification. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations.
[8] La Commission affirme que l’appelant aurait pu demander une aide financière à sa famille, à ses amis ou au gouvernement, jusqu’à ce qu’il travaille plus souvent.
[9] La Commission affirme qu’il revenait à l’appelant de faire un effort réel pour résoudre ses difficultés autrement qu’en quittant son emploi rémunérateur.
Question en litige
[10] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?
[11] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire. Je dois ensuite décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi.
Analyse
Les parties conviennent que le départ de l’appelant était volontaire
[12] J’admets que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant convient qu’il a démissionné et aucune preuve ne le contredit.
Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le départ était justifié
[13] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a fait.
[14] La loi prévoit que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas page 1. Avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver qu’on était fondé à le faireNote de bas page 2.
[15] Selon la loi, l’appelant est « fondé » à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, sa démission est le seul choix raisonnable à ce moment-làNote de bas page 3.
[16] L’appelant doit prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploiNote de bas page 4. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas page 5.
Ce que dit l’appelant
[17] L’appelant affirme qu’il a seulement démissionné parce qu’il s’était fait expulser de son appartement.
[18] Il occupait un poste occasionnel à temps partiel et, après l’affluence qui a précédé Noël, il ne recevait presque plus d’heures de travail.
[19] Il ne gagnait donc pas assez d’argent pour payer son loyer, et sa propriétaire l’a mis à la porte.
[20] Il a essayé de trouver un logement abordable près de son travail, mais aucun ne respectait son budget.
[21] Un ami qui vivait dans une ville à deux heures de route lui a offert de louer une chambre à très bas prix. Il a accepté l’offre et s’est fait reconduire à son nouveau logement par son père, puisque le permis de l’appelant avait été suspendu.
[22] L’appelant affirme qu’il a quitté son emploi parce qu’il ne pouvait pas continuer à l’occuper après son déménagement.
[23] L’appelant affirme qu’il avait dû déménager pour ne pas devenir sans-abri. Il dit qu’il ne trouvait aucun endroit où rester. Il a commencé à recevoir de l’aide sociale seulement à la fin du mois de mars. Ses parents n’avaient pas les moyens de l’aider. Il ne pouvait pas retourner vivre chez eux puisque leur sous-sol, où se trouvait son ancienne chambre, était inondé.
[24] L’appelant affirme qu’il a essayé de trouver du travail dans sa nouvelle ville avant de déménager, mais sans succès. De plus, son employeur n’a pas pu lui offrir une mutation, puisqu’il occupait seulement un poste occasionnel à temps partiel.
Ce que dit la Commission
[25] La Commission affirme qu’une jurisprudence abondante démontre que l’appelant ne peut pas forcer les contribuables à assumer le fardeau économique qui découle de sa décision de déménager ou de son incapacité à atteindre un certain niveau de vie.
[26] Elle affirme que l’appelant a fait le choix personnel de quitter son emploi et de déménager et qu’il aurait dû trouver un emploi dans sa nouvelle ville avant de le faire.
[27] Elle soutient aussi que l’appelant aurait pu demander une mutation, chercher un logement moins cher, demander une aide financière au gouvernement ou demander de l’aide à ses amis et à sa famille.
Mes conclusions sur la justification
[28] Je considère que l’appelant n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi, malgré sa situation personnelle malheureuse.
[29] J’admets que l’appelant recevait peu de quarts de travail, ce qui lui causait des problèmes financiers. Cependant, j’estime que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui au lieu de démissionner.
[30] Il aurait pu demander à ses parents de demeurer avec eux. Même si son ancienne chambre au sous-sol était inondée, il aurait pu rester ailleurs dans la maison et ainsi garder son emploi.
[31] Le fait que son père ait fait deux heures de route pour le reconduire à son nouveau domicile démontre que ses parents souhaitaient l’aider.
[32] Il aurait également été raisonnable de leur demander de l’aide financière.
[33] Je peux admettre que les moyens financiers de ses parents étaient limités, car ils s’occupaient de leur sous-sol inondé. Toutefois, l’appelant a déclaré qu’il essayait d’obtenir de l’aide sociale du gouvernement et qu’il a reçu de l’argent de cette façon à la fin de mars 2023Note de bas page 6. Par conséquent, il aurait peut-être pu rembourser ses parents et avoir besoin de leur aide pendant une période très courte.
[34] J’estime qu’il aurait été raisonnable pour lui de chercher des heures de travail ailleurs dans sa région. Il mentionne avoir fait des travaux (comme pelleter des entrées) pour gagner de l’argentNote de bas page 7. Une solution raisonnable aurait donc été de continuer à chercher d’autres emplois, de postuler auprès d’agences de travail temporaire ou de travail à la journée et d’essayer d’avoir d’autres sources de revenus, au lieu de démissionner et déménager.
[35] Je suis très sensible à la situation de l’appelant, mais le fait qu’il avait de la difficulté à payer son loyer et à trouver un logement abordable n’est pas une justification pour démissionner. La jurisprudence a bien établi que des raisons personnelles non liées à l’emploi, comme celles de l’appelant, ne fournissent pas aux prestataires une justification pour quitter leur emploiNote de bas page 8. Les prestataires doivent avoir des raisons très solides et convaincantes de quitter leur emploi et de se placer en situation de chômage. La raison du départ [traduction] « doit transcender le critère purement personnel si l’on veut établir l’existence d’une justificationNote de bas page 9 ».
[36] Il est impossible de conclure à l’existence d’une justification même lorsqu’il y a un risque d’itinérance ou de violence et que les prestataires ressentent le besoin de déménager en raison de problèmes personnels ou familiaux. La Loi sur l’assurance-emploi [traduction] « représente un régime d’assurance pour les personnes qui se retrouvent sans emploi, non pas pour les personnes qui déménagentNote de bas page 10 ».
Conclusion
[37] L’appel est rejeté.
[38] Bien que l’appelant ait quitté son emploi pour ce qu’il estime être une bonne raison, les tribunaux ont clairement conclu qu’un motif valable est différent d’une justification selon la loi. Il ne suffit pas que l’appelant prouve que sa démission était vraiment raisonnableNote de bas page 11. L’appelant a fait le choix personnel de quitter son emploi et il avait plusieurs autres solutions raisonnables au lieu de démissionner quand il l’a fait. Même s’il avait peut-être de bonnes raisons personnelles, ce n’est pas la même chose qu’une justification au sens de la loiNote de bas page 12.
[39] L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi, il est donc exclu du bénéfice des prestations.