Assurance-emploi (AE)

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Citation : CC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 702

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : C. C.
Représentant : Jérémie Dhavernas
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentants : Marcus Dirnberger et Yanick Bélanger

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
20 novembre 2023 (GE-23-1826)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 14 mai 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Représentants de l’intimée
Date de la décision : Le 21 juin 2024
Numéro de dossier : AD-23-1109

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi pour la période du 18 janvier 2021 au 30 avril 2021, ainsi que pour la période du 1 septembre 2021 au 14 janvier 2022.

Aperçu

[2] L’intimée (Commission) a décidé que l’appelant (prestataire) est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi pour la période du 18 janvier au 30 avril 2021, ainsi que pour la période du 1 septembre 2021 au 14 janvier 2022, puisqu’il n’était pas disponible pour travailler étant aux études à temps plein. Après le rejet de sa demande de révision, le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal.

[3] La division générale a déterminé que le prestataire n’avait pas réfuté la présomption de non-disponibilité des étudiants à temps plein. Elle a déterminé que le prestataire n’avait pas démontré un désir de retourner au travail et qu’il n’avait pas effectué des recherches suffisantes afin de trouver un emploi convenable. Elle a déterminé que le prestataire imposait des conditions personnelles qui limitaient ses chances de retourner en limitant ses recherches au domaine culturel et en limitant le nombre d’heures qu’il souhaitait travailler pendant ses études.

[4] La division d’appel a accordé au prestataire la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Le prestataire soutient que la division générale a erré en droit en concluant qu’il n’était pas disponible à travailler au sens de la loi pendant ses études à temps plein.

[5] Je dois décider si la division générale a erré en droit en concluant que le prestataire n’était pas disponible à travailler au sens de la loi pendant ses études à temps plein.

[6] Je rejette l’appel du prestataire.

Question en litige

[7] Est-ce que la division générale a erré en droit en concluant que le prestataire n’était pas disponible à travailler au sens de la loi pendant ses études à temps plein?

Observation préliminaire

[8] Afin de décider du présent appel, j’ai écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale tenue le 9 novembre 2023.

Analyse

Est-ce que la division générale a erré en droit en concluant que le prestataire n’était pas disponible à travailler au sens de la loi pendant ses études à temps plein?

[9] Le prestataire soutient ce qui suit :

  • la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a déterminé que son historique d’emploi n’était pas suffisant pour renverser la présomption de non-disponibilité, car il était à temps partiel;
  • la division générale a confondu la notion d’« emploi convenable » avec la notion d’« emploi régulier » établie par la jurisprudence pour constituer un historique permettant de renverser la présomption de non-disponibilité visant les travailleurs suivant une formation à temps plein;
  • la division générale a commis une erreur de droit en considérant la recherche d’emploi du prestataire dans son analyse de la présomption de non-disponibilité;
  • la division générale se devait d’analyser le caractère asynchrone de la formation comme une circonstance exceptionnelle pouvant potentiellement renverser la présomption;
  • la division générale a commis des erreurs dans son analyse des critères établis par la décision Faucher;
  • la division générale a commis une erreur en ne considérant pas l’obligation de la Commission d’émettre un avertissement avant d’établir une inadmissibilité si elle jugeait les recherches d’emploi du prestataire trop peu soutenues ou mal dirigées.

[10] La division générale a déclaré à juste titre qu’il existe une présomption réfutable selon laquelle un étudiant inscrit aux études à plein temps n’est pas disponible pour travailler.

[11] Le droit applicable n’exige pas qu’un prestataire ait conservé des antécédents d’emploi à temps plein pendant ses études pour réfuter la présomption selon laquelle, en tant qu’étudiant à temps plein, il n’est pas disponible pour travailler en vertu de l’article 18(1) (a) de la Loi sur l’assuranceemploi (Loi sur l’AE). Le droit permet plutôt à un prestataire de réfuter la présomption en apportant la preuve de circonstances exceptionnelles.Note de bas de page 1

[12] Je suis d’avis que la division générale a commis une erreur en ne considérant pas à bon droit les emplois à temps partiel antérieurs du prestataire et sa capacité démontrée de conserver un emploi à temps partiel à long terme, tout en poursuivant simultanément des études à temps plein. Il s’agit d’une circonstance exceptionnelle suffisante pour réfuter la présomption de non-disponibilité.Note de bas de page 2

[13] Cependant, renverser la présomption signifie seulement que le prestataire n'est pas présumé indisponible. La division générale devait encore examiner les exigences de la loi et décider si le prestataire était effectivement disponible.

[14] Pour être considéré comme disponible à travailler, un prestataire doit démontrer qu'il est capable et disponible à travailler et incapable d'obtenir un emploi convenable.Note de bas de page 3

[15] La disponibilité doit être déterminée en analysant trois facteurs :

  1. a) le désir de retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. b) l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.Note de bas de page 4

[16] De plus, la disponibilité est déterminée pour chaque jour ouvrable d'une période de prestations pour lequel le prestataire peut prouver que, ce jour-là, il était capable et disponible pour travailler et incapable d'obtenir un emploi convenable.Note de bas de page 5

[17] La division générale a déterminé que le prestataire n’avait pas démontré un désir de retourner au travail et qu’il n’avait pas effectué des recherches suffisantes afin de trouver un emploi convenable.

[18] La division générale a considéré que durant la session Hiver 2021, le prestataire a attendu jusqu’à la toute fin de la session universitaire avant d’envoyer six candidatures pour des emplois d’été (candidatures envoyées du 19 avril au 21 avril 2021 seulement). Durant la session Automne 2021, elle a considéré que le prestataire n’a déposé que trois candidatures, toutes déposées durant la même journée du 15 octobre 2021.

[19] La division générale a considéré que les démarches passives du prestataire, soit de recevoir une infolettre et des alertes Indeed, étaient insuffisantes et que la loi exige plutôt des démarches véritables et soutenues de recherches d’emploi.

[20] Je ne vois aucune erreur commise par la division générale dans son analyse des deux premiers critères de Faucher. Le moment et la recherche de travail limitée du prestataire démontrent une absence de désir de trouver du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert. Elle démontre également que le prestataire désirait avant tout accorder priorité à ses études pendant les périodes en litige.

[21] La division générale a également déterminé que le prestataire imposait des conditions personnelles qui limitaient ses chances de retourner sur le marché du travail puisqu’il ne voulait travailler que dans le milieu culturel.

[22] Le prestataire soutient qu’il a travaillé dans le milieu culturel et s’est qualifié aux prestations en travaillant dans ce type d’emploi dans sa période de référence. Ainsi, cet emploi est son emploi convenable selon la Loi et le Règlement sur l’AE et selon la jurisprudence, notamment la décision Page qui énonce que « l’emploi convenable est défini par rapport à l’emploi occupé par le prestataire avant qu’il ne le perde. »Note de bas de page 6

[23] Les faits dans le dossier de monsieur Page sont différents de la présente affaire. Monsieur Page a effectué plusieurs périodes d’emploi sur une période prolongée pour le même employeur dans le domaine de l’hôtellerie pendant qu’il étudiait à temps plein.

[24] En se basant sur les caractéristiques énoncées dans la Loi sur l’AE pour décrire ce qu’est un emploi non convenable, la division générale dans Page a déterminé qu’un emploi convenable représente entre autres, un emploi du même genre (ex. : nature de l’emploi, rémunération et conditions d’emploi) que celui exercé par un prestataire dans le cadre de son occupation ordinaire ou habituelle.Note de bas de page 7

[25] Je constate que l’historique d’emploi du prestataire démontre qu’il a occupé divers genres d’emplois pendant ses études. Il a notamment occupé un emploi dans un restaurant-café pendant sa période de référence.Note de bas de page 8 Il s’agit manifestement d’un emploi convenable pour le prestataire au sens de la Loi sur l’AE et du Règlement sur l’AE.

[26] Devant la division générale, le prestataire a témoigné à l’effet qu’il cherchait un emploi pendant les périodes en litige ayant plus rapport au milieu culturel, qui est son domaine d’études, malgré l’impact dévastateur de la pandémie sur ce milieu.Note de bas de page 9 Il n’était pas intéressé à retourner travailler dans un restaurant-café.Note de bas de page 10

[27] La preuve soutient la conclusion de la division générale et démontre que contrairement à monsieur Page, le prestataire a imposé des conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.Note de bas de page 11 

[28] D’ailleurs, la Cour d’appel fédérale dans Page souligne qu’elle a rendu plusieurs décisions suivant lesquels des étudiants à temps plein n’étaient pas admissibles aux prestations d’assurance-emploi parce qu’ils avaient restreint le genre d’emploi qu’ils cherchaient.Note de bas de page 12

[29] Je ne vois donc aucune erreur commise par la division générale dans son analyse du troisième critère de Faucher.

[30] Je dois ajouter que même si j’étais venu à la conclusion que le prestataire n’a pas imposé de conditions personnelles en limitant ses recherches au domaine culturel, la preuve présentée soutient la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n'était pas disponible pour travailler au sens de la Loi et du Règlement sur L’AE étant donné que ses recherches d'emploi étaient insuffisantes et sporadiques.Note de bas de page 13

[31] Le prestataire soutient finalement que la division générale a commis une erreur en ne considérant pas l’obligation de la Commission d’émettre un avertissement avant d’établir une inadmissibilité si elle jugeait les recherches d’emploi du prestataire trop peu soutenues ou mal dirigées.

[32] Dans une décision antérieure impliquant les parties aux présentes, la division d’appel a décidé que la Commission a utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire suivant l’article 153.161 de la Loi sur l’AE lorsqu’elle a décidé de réviser la réclamation du prestataire.Note de bas de page 14

[33] En mettant en œuvre cet article pendant la pandémie, le Parlement a clairement voulu insister sur le pouvoir de la Commission de vérifier si un prestataire suivant un cours, un programme d'enseignement ou une formation avait droit aux prestations d'assurance-emploi, et ce, même après le versement des prestations. Ce serait faire fi de la volonté du législateur que de décider que, dans ce contexte exceptionnel, le prestataire puisse toucher des prestations en l’absence d’avertissement.

[34] La Cour d’appel fédérale dans Page nous a rappeler que la division d’appel ne peut, en matière d’assurance-emploi, intervenir à l’égard des conclusions de fait de la division générale que si cette dernière a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale. L’article 58(1) (c) de la Loi sur le MEDS ne confère donc à la division d’appel qu’une compétence limitée à l’égard des conclusions de fait ou des conclusions mixtes de droit et de fait de la division générale.

[35] Je ne suis donc pas habilité à réexaminer les conclusions de fait ou les conclusions mixtes de droit et de fait de la division générale parce que cette dernière ne les a pas tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments qui ont été portés à sa connaissance.

[36] Pour ces raisons, je n’ai d’autres choix que de rejeter l’appel du prestataire.

Conclusion

[37] L’appel est rejeté. Le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi pour la période du 18 janvier 2021 au 30 avril 2021, ainsi que pour la période du 1 septembre 2021 au 14 janvier 2022

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