[TRADUCTION]
Citation : AG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1014
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Appelante : | A. G. |
Intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (613166) datée du 31 octobre 2023 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Ambrosia Varaschin |
Mode d’audience : | En personne |
Date de l’audience : | Le 24 avril 2024 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelante Personne de confiance de l’appelante Interprète |
Date de la décision : | Le 29 mai 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-399 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.
[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi.
Aperçu
[3] L’appelante a initialement demandé des prestations de maladie, avant de convertir sa demande en demande de prestations régulières d’assurance‑emploi. Elle a reçu 15 semaines de prestations de maladie du 4 octobre 2020 au 16 janvier 2021 et 32 semaines de prestations régulières du 21 février au 2 octobre 2021Note de bas page 1.
[4] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a décidé que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance‑emploi à compter du 21 février 2021 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. Il s’agit d’une exigence continue. Cela signifie qu’elle doit chercher un emploi.
[5] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire qu’elle était disponible pour travailler.
[6] La Commission affirme que l’appelante a fourni des preuves et fait des déclarations contradictoires au sujet de sa capacité de travailler. Elle pourrait donc ne pas être disponible parce qu’elle était incapable en raison d’une maladie ou d’une blessure.
[7] La Commission affirme également que même si l’appelante est capable d’occuper un emploi convenable, elle est inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’est pas en mesure de fournir une preuve de ses démarches habituelles.
[8] L’appelante n’est pas d’accord et affirme que le retard de la Commission dans l’examen de sa demande de prestations est injuste. Elle ajoute qu’elle était capable de travailler, mais que ses problèmes de santé ont limité grandement les options pour un travail convenable. Elle dit qu’elle a cherché du travail, mais que c’était il y a plusieurs années et qu’elle n’a donc pas conservé beaucoup de dossiers.
Question en litige
[9] La Commission peut-elle réexaminer sa décision initiale?
[10] Si la Commission est autorisée à réexaminer sa décision initiale, je dois décider si l’appelante était capable de travailler et disponible à cette fin.
Analyse
La Commission peut-elle réexaminer rétroactivement l’admissibilité de l’appelante au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi?
[11] Je conclus que la loi confère à la Commission le pouvoir de réexaminer rétroactivement l’admissibilité de l’appelante au bénéfice des prestations. Je conclus également que la Commission a exercé ce pouvoir de façon judiciaire parce qu’elle a respecté les délais prescrits dans la loi.
[12] L’appelante soutient qu’il est injuste que la Commission ait retardé jusqu’au 28 juillet 2023 le réexamen de son admissibilité au bénéfice des prestations qu’elle a reçues en 2021. Elle affirme que cela a limité sa capacité de fournir des preuves d’une recherche d’emploi et de se rappeler avec exactitude les faits et les événements.
[13] La Loi sur l’assurance‑emploi (Loi) prescrit que la Commission peut réexaminer toute demande de prestations dans les 36 mois suivant le versement de prestations ou dans les 72 mois si elle est d’avis que des déclarations fausses ou trompeuses ont été faitesNote de bas page 2. Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaireNote de bas page 3. La Commission doit exercer ce pouvoir équitablement. En termes juridiques, cela signifie que la Commission doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas page 4.
[14] Je dois respecter le pouvoir discrétionnaire de la Commission. Habituellement, cela signifie que je ne peux pas modifier la décision de la Commission même si je ne suis pas d’accord avec elle. Toutefois, si la Commission n’a pas « exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire » (c’est‑à‑dire qu’elle a pris sa décision de façon équitable), je peux décider que la Commission n’a pas le pouvoir de réexaminer sa décision initiale.
[15] J’ai donc demandé à la Commission d’expliquer pourquoi elle avait réexaminé sa décision initiale et comment cette décision avait été rendue de façon judiciaire.
[16] Afin d’assurer une application uniforme et équitable de l’article 52 de la Loi, la Commission a élaboré une Politique de réexamen. Celle‑ci précise que la Commission ne réexaminera les demandes que dans les cas suivants :
- il y a un moins‑payé de prestations;
- des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi;
- des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
- le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit.
[17] La Commission affirme qu’elle a réexaminé l’admissibilité de l’appelante à des prestations parce que, le 2 novembre 2021, cette dernière a dit à la Commission qu’elle n’était pas disponible pour travailler à compter du 6 septembre 2021 parce qu’elle s’était blessée au brasNote de bas page 5. Comme l’appelante s’était dite disponible pour travailler et qu’elle touchait déjà des prestations régulières d’assurance‑emploi pour la période du 5 septembre au 2 octobre 2021, la Commission a ouvert une enquêteNote de bas page 6.
[18] L’appelante avait épuisé son droit à des prestations de maladie le 16 janvier 2021. Du 21 février au 2 octobre 2021, elle a répondu « oui » à la question « Étiez‑vous prêt, disposé à travailler et capable de le faire chaque jour, du lundi au vendredi, pendant la période visée par cette déclaration? » Toutefois, à la suite de l’enquête, la Commission a décidé que l’appelante avait fait une ou plusieurs fausses déclarations au sujet de sa capacité de travailler et de sa disponibilité pour chacune de ses déclarationsNote de bas page 7.
[19] Étant donné que la Commission était d’avis que des prestations avaient été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse, la Politique de réexamen lui a permis de réexaminer ses décisions antérieures en matière d’admissibilité dans le délai de 72 mois. Une déclaration fausse ou trompeuse peut être intentionnelle ou négligente ou découler d’une erreur honnête.
[20] La Commission respectait amplement le délai prévu pour réexaminer les prestations versées entre le 21 février et le 2 octobre 2021. Elle a communiqué sa décision selon laquelle l’appelante n’était pas disponible pour travailler le 28 juillet 2023 et a informé cette dernière du trop payé le 5 août 2023Note de bas page 8. Puisque la période en question commence le 21 février 2021, la Commission a réexaminé sa décision initiale dans un délai de 31 mois, ce qui est bien en deçà des 72 mois prévus par la Loi.
[21] La Commission a donc le pouvoir de réexaminer l’admissibilité de l’appelante à des prestations.
Disponibilité
[22] Deux articles de la loi exigent que la partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible selon ces deux articles. Cette dernière doit donc satisfaire aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.
[23] Premièrement, la Loi prévoit que la prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas page 9. Le Règlement sur l’assurance‑emploi (Règlement) énonce des critères qui contribuent à expliquer ce que sont des « démarches habituelles et raisonnables »Note de bas page 10. Je vais examiner ces critères plus loin.
[24] Deuxièmement, la Loi dispose qu’un prestataire doit prouver qu’il est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’il est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas page 11. La jurisprudence énumère trois éléments qu’une partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas page 12. Je vais examiner ces éléments plus loin.
[25] La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon ces deux dispositions de la loi.
[26] Je vais maintenant examiner ces deux dispositions moi‑même pour décider si l’appelante était disponible pour travailler.
Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi
[27] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de l’appelante étaient habituelles et raisonnablesNote de bas page 13. Je dois établir si ses démarches étaient soutenues et si elles étaient orientées vers l’obtention d’un emploi convenable. Autrement dit, l’appelante doit avoir continué de chercher un emploi convenable.
[28] Je dois également prendre en considération les démarches effectuées par l’appelante pour trouver un emploi. Le Règlement dresse une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. Voici quelques‑unes de ces activitésNote de bas page 14 :
- l’évaluation des possibilités d’emploi;
- la rédaction d’un curriculum vitæ ou d’une lettre de présentation;
- l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou à des banques d’emplois en ligne;
- le réseautage;
- la communication avec des employeurs éventuels.
[29] La Commission affirme que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle cherchait un emploi. Selon la loi, les prestataires doivent être en mesure de prouver qu’ils faisaient des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver du travailNote de bas page 15.
[30] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle cherchait du travail, mais la pandémie de COVID‑19 a grandement limité le nombre d’emplois convenables qui s’offraient à elle. L’appelante affirme qu’elle ne peut soulever que des objets de moins de cinq livres en raison de blessures au bras. Elle affirme également que l’anglais est sa langue seconde, de sorte qu’elle ne peut effectuer que du travail de bureau de base comme la saisie de données et du classement. Elle ajoute qu’il y avait très peu d’emplois dans le commerce de détail ou la restauration en 2021 en raison de la pandémie, et que ceux qu’elle a trouvés l’obligeaient à soulever des objets beaucoup plus lourds qu’elle ne pouvait le faire. Elle affirme qu’elle n’a trouvé aucun emploi de base qu’elle ait pu postuler.
[31] Comme preuve de sa recherche d’emploi, l’appelante a fourni ce qui suit :
- Une capture d’écran montrant que son curriculum vitæ a été mis à jour le 29 août 2021Note de bas page 16.
- Un curriculum vitæNote de bas page 17.
- Captures d’écran tirées de sa boîte de réception, montrant les alertes d’emploi d’Indeed du 21 février au 1er octobre 2021Note de bas page 18.
- Capture d’écran de sa boîte de réception, montrant qu’elle a envoyé son curriculum vitæ par courriel pour un poste de commis à la facturation le 6 février (aucune année)Note de bas page 19.
[32] Je ne peux pas accepter la capture d’écran montrant une candidature à un poste de commis à la facturation parce qu’elle ne confirme pas à qui le courriel a été envoyé et parce que l’année n’est pas précisée. Compte tenu du format des autres courriels inclus, il est plus probable qu’improbable que le courriel ait été envoyé le 6 février 2024 plutôt que pendant la période applicable. Quoi qu’il en soit, en l’absence d’une date complète et du nom du destinataire, je ne peux accepter ce document comme preuve d’une demande d’emploi présentée entre le 21 février et le 2 octobre 2021.
[33] Je ne suis pas convaincue que les avis par courriel constituent une preuve suffisante que l’appelante a satisfait à la norme établie par l’article 50(8) de la Loi. Même si l’inscription aux alertes d’emploi est l’un des critères pris en compte par le Règlement au moment d’évaluer la recherche d’emploi d’un prestataire, le Règlement exige également que les démarches soient soutenues et dirigées. Le simple fait de recevoir des alertes par courriel et de les lire est un comportement passif qui ne demande que peu ou pas d’efforts. Il n’y a aucune preuve que l’appelante a donné suite à l’un ou l’autre des courriels ou qu’elle a communiqué avec l’un ou l’autre de ces employeurs.
[34] Fait intéressant, le curriculum vitæ de l’appelante mentionne ce qui suit :
- Elle est titulaire d’un diplôme en administration de bureau.
- Elle possède de [traduction] « solides compétences en communication verbale et d’écoute ».
- Elle compte plus de 10 années d’expérience en administration de bureau.
- Elle possède des [traduction] « compétences en saisie de données rapide et précise ».
- Elle est capable d’[traduction]« utiliser le traitement de texte, les tableurs, le courriel et d’autres outils de gestion de l’information ».
- De plus, dans le cadre de ses fonctions au « Trend Up Store », elle s’occupait de [traduction] « la promotion et de la publicité des produits dans les médias sociaux et en magasin »Note de bas page 20.
Cela contredit directement son témoignage selon lequel ses compétences en anglais se limitaient à transcrire de l’information (comme la saisie de données) et elle ne peut faire autre chose que du travail administratif de base.
[35] J’estime que l’appelante n’a pas prouvé que ses démarches de recherche d’emploi étaient raisonnables et habituelles. Il incombe aux prestataires de prouver qu’ils font des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travailNote de bas page 21. La Loi prescrit de façon claire qu’ils doivent fournir des preuves de ces démarchesNote de bas page 22.
[36] La Cour d’appel fédérale a confirmé que les prestataires qui soutiennent avoir fait des démarches raisonnables pour trouver un emploi convenable doivent être en mesure de fournir des détails particuliers sur ces démarches. Cela comprend le nom de l’entreprise ou du service, le titre du poste, la date à laquelle la demande a été présentée et la personne à qui ils ont parléNote de bas page 23.
[37] L’appelante n’a donc pas prouvé qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail.
[38] L’appelante a demandé à l’audience si elle serait en mesure de [traduction] « suppléer » à la période où elle devait documenter et participer activement à une recherche d’emploi. Elle affirme qu’elle serait disposée à chercher du travail maintenant et à soumettre des déclarations à la place de la période en question.
[39] L’appelante ne peut [traduction] « suppléer » à ses démarches de recherche d’emploi, ou à l’absence de démarches, après coup. La loi établit sans équivoque que les prestataires doivent être admissibles au bénéfice des prestations au moment où ils les reçoivent. De plus, pour être admissibles au bénéfice des prestations, les prestataires doivent notamment prouver qu’ils sont capables de travailler et disponibles à cette fin, mais incapables d’obtenir un emploi convenable, pour chaque jour ouvrable.
Capable de travailler et disponible à cette fin
[40] Je dois décider si l’appelante était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas page 24.
[41] Dans la présente affaire, la capacité de travailler de l’appelant est remise en question. Je commencerai donc par examiner si elle était capable de travailler à partir du 21 février 2021.
L’appelante était-elle capable de travailler?
[42] L’appelante n’était pas capable de travailler du 21 février au 2 octobre 2021. En fait, l’appelante a dit à la Commission qu’elle n’était pas encore capable de travailler le 31 octobre 2023Note de bas page 25.
[43] Si une partie prestataire est capable de travailler, cela signifie qu’elle peut exécuter les fonctions de son emploi régulier ou habituel, ou d’un autre emploi convenableNote de bas page 26.
[44] L’appelante occupait habituellement le poste d’adjointe de bureau ou d’adjointe scolaire au Calgary Board of Education et les postes de vendeuse et caissière dans un magasin de détailNote de bas page 27.
[45] L’appelante a demandé et obtenu un congé prolongé du Calgary Board of Education le 14 septembre 2020 pour des raisons médicales. Sa note médicale, datée du 15 septembre 2020, atteste qu’elle a des [traduction] « problèmes de santé complexes », notamment qu’elle souffre d’anxiété grave, qu’elle est incapable de travailler parce qu’elle souffre d’« anxiété craintive », de « stress sévère » et qu’elle est incapable de se concentrerNote de bas page 28.
[46] L’appelante devait retourner au travail le 28 février 2021. Le 27 janvier 2021, elle a demandé une prolongation de son congé du 1er mars au 29 juin 2021 parce que son état de santé mentale était demeuré inchangé. Comme l’école était fermée pendant les vacances d’été, cette demande signifiait que sa date de retour au travail concorderait avec le début de l’année scolaire suivante, soit à la fin d’août ou au début de septembre 2021Note de bas page 29. L’appelante n’est pas retournée au travail en septembre, même si son poste était à sa disposition. Le Calgary Board of Education lui a donc retiré ses fonctions parce qu’elle était absente depuis plus de 12 moisNote de bas page 30.
[47] L’appelante a fourni une note d’un médecin qui a prolongé son congé de maladie jusqu’en octobre au plus tôt. Le 8 septembre 2021, une infirmière praticienne a évalué son aptitude au travail. La note indique que l’appelante doit [traduction] « prolonger son congé autorisé pour raisons médicales » jusqu’au 7 octobre 2021. Elle précise également qu’elle devrait être [traduction] « réévaluée avant d’obtenir l’autorisation médicale nécessaire de reprendre pleinement ses fonctions actives »Note de bas page 31.
[48] Aucune preuve n’a été présentée pour démontrer que l’appelante a été autorisée par un médecin ou une infirmière praticienne à reprendre le travail.
[49] L’appelante a présenté la chronologie d’une blessure au bras qui, selon elle, était si grave qu’elle ne pouvait même pas tenir un couteau pour couper de la nourriture. Elle dit s’être blessée le 22 avril 2021 et avoir suivi des séances de physiothérapie le 16 juin 2021, le 24 juin 2021, le 15 juillet 2021, le 22 juillet 2021 et le 29 juillet 2021. Elle dit n’avoir été admissible qu’à cinq traitements de physiothérapie à la fois, de sorte qu’elle a recommencé ses traitements le 20 décembre 2021Note de bas page 32.
[50] L’appelante a admis à plusieurs reprises que ses souvenirs des événements et des détails sont, au mieux, imprécis. Par exemple, l’appelante ne se rappelait pas si l’école où elle travaillait était ouverte ou fermée en 2021. Et, du début de l’enquête de la Commission jusqu’à l’audience, l’appelante n’a pas été en mesure de se rappeler la date à laquelle elle s’est blessée au bras. Elle a d’abord dit qu’elle s’était blessée avant son congé, puis avant le début de l’étape scolaire en 2021, puis à l’été, et à l’audience, elle a dit qu’elle croyait que c’était en juillet. Elle a ensuite présenté des documents indiquant qu’elle s’était blessée en avril 2021.
[51] L’appelante a également dit à la Commission qu’elle [traduction] « devait en prendre note pour pouvoir tout garder en ordre » et qu’elle devait [traduction] « prendre un certain temps pour essayer de se souvenir de ce qui s’est passé »Note de bas page 33. Il a fallu rappeler à l’appelante les dates auxquelles elle a reçu des prestations de maladie et elle a admis à plusieurs reprises qu’elle n’était pas certaine des détails ou des dates pendant la période où elle a reçu des prestations régulières lorsqu’elle parlait avec la CommissionNote de bas page 34. De même, l’appelante n’a pas été en mesure de se souvenir des détails et des dates clés tout au long de son témoignage à l’audience.
[52] L’appelante a fait de multiples déclarations contradictoires et des déclarations qui sont contredites par des éléments de preuve ou d’autres déclarations. Par exemple, elle a dit qu’elle s’était blessée au bras avant l’année scolaire de 2021 et que le Calgary Board of Education ne l’avait pas repriseNote de bas page 35, et qu’il [traduction] « n’avait pas communiqué avec elle pour savoir quand elle pourrait retourner au travail après qu’elle lui eut dit qu’elle ne pouvait pas travailler en septembre 2020 en raison d’une dépression »Note de bas page 36. Toutefois, elle a de toute évidence communiqué avec le Calgary Board of Education pour obtenir une prolongation de son congé en janvier 2021. Il semble ensuite qu’elle ait choisi de ne pas reprendre son poste ou de ne pas demander une autre prolongation de son congé, même si une note médicale attestant qu’elle ne pouvait pas retourner au travail lui a été remiseNote de bas page 37.
[53] L’appelante a également dit à la Commission qu’elle avait postulé [traduction] « de nombreux emplois dans le commerce de détail, des restaurants, des magasins de vêtements, etc. et qu’elle avait distribué son curriculum vitæ dans le centre commercial local »Note de bas page 38. Toutefois, à l’audience, elle a affirmé qu’elle n’avait pas postulé beaucoup emplois parce qu’en raison de la COVID‑19, la plupart des points de vente au détail et des restaurants étaient fermés. Elle a dit qu’elle avait vu quelques emplois de caissière, mais qu’elle n’avait pas postulé ceux‑ci en raison de sa capacité limitée de soulever des objets, et qu’elle avait vu de nombreux emplois de bureau, mais qu’elle ne les avait pas postulés en raison de sa barrière linguistique ou parce qu’elle ne pouvait pas bien taper.
[54] Étant donné que les souvenirs de l’appelante diffèrent considérablement de ses propres déclarations et de celles d’autres personnes, je ne peux leur accorder beaucoup de poids. Je dois donc me fonder sur la preuve médicale fournie et sur les déclarations de l’agent des ressources humaines de son employeur pour connaître les dates et les détails exacts.
[55] J’estime que l’appelante n’était pas capable de travailler pour cause de maladie ou de blessure au 14 septembre 2020. Elle était en congé pour raisons médicales parce qu’elle souffrait d’anxiété grave à compter de cette date jusqu’à ce que ses fonctions lui soient retirées en septembre 2021, et elle a fourni une note médicale attestant qu’elle a continué d’être incapable de travailler à compter du 8 septembre 2021, jusqu’à ce qu’elle obtienne l’autorisation médicale de revenir. Il n’y a aucune preuve que l’appelante avait été médicalement autorisée à retourner au travail, et elle a dit à la Commission qu’elle n’était pas encore assez bien pour travailler le 31 octobre 2023.
L’appelante était‑elle disponible pour travailler?
[56] Non. L’appelante n’était pas disponible pour travailler au sens de la loi. J’estime qu’à compter du 21 février 2021, elle n’aurait pas été disponible pour travailler sans sa maladieNote de bas page 39.
[57] La jurisprudence énonce trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si l’appelante était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas page 40 :
- a) Elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
- b) Elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
- c) Elle n’a établi aucune condition personnelle qui pourrait avoir limité indûment (c’est‑à‑dire trop) ses chances de retourner travailler.
[58] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas page 41.
Volonté de retourner sur le marché du travail
[59] L’appelante n’a pas montré qu’elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.
[60] L’appelante a cessé de travailler pour des raisons de santé, mais elle n’a fourni aucune preuve d’un plan de traitement ou de démarches pour retourner sur le marché du travail.
[61] L’appelante a déclaré que sa recherche pour trouver des emplois convenables (en raison de ses limitations pour ce qui est de soulever des objets) est gravement limitée par ses compétences linguistiques et ses compétences en dactylographie, mais elle n’a fait aucun effort pour atténuer l’un ou l’autre de ces problèmes afin d’accroître son employabilité.
[62] L’appelante n’a pas été congédiée par le Calgary Board of Education; ses fonctions lui ont été retirées simplement, et elle n’a pas tenté de communiquer avec son employeur pour voir si elle pouvait retourner au travail à un titre ou dans un rôle davantage administratif.
Démarches pour trouver un emploi convenable
[63] L’appelante n’a pas effectué suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable.
[64] J’ai tenu compte de la liste des activités de recherche d’emploi susmentionnée pour statuer sur ce deuxième élément. À l’égard de cet élément, la liste est fournie à titre indicatif seulementNote de bas page 42.
[65] Les démarches de l’appelante pour trouver un nouvel emploi ont consisté notamment à demander à plusieurs voisins et connaissances s’il y avait des emplois disponibles pour elle et à mettre à jour son curriculum vitæ. Elle s’est aussi inscrite aux alertes‑emplois d’Indeed. J’ai expliqué ces motifs précédemment lorsque j’ai examiné la question de savoir si l’appelante a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.
[66] Ces démarches n’étaient pas suffisantes pour satisfaire aux exigences de ce deuxième facteur parce qu’elles n’ont pas témoigné d’un effort continu et dirigé pour trouver du travail. Au mieux, l’appelante a fait des efforts occasionnels pour chercher activement du travail, soulignés par l’effort passif de lire les alertes d’emploi d’Indeed dans son courriel.
[67] Il s’agit d’une exigence continue. La Loi prescrit en des termes clairs que l’appelante doit continuer de faire des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi, même lorsqu’une recherche semble futile. Les tribunaux ont confirmé à plusieurs reprises l’obligation de chercher activement un emploi, même si cela semble inutile.
[68] [Traduction] « La Loi précise bien que, pour être admissible à des prestations, un prestataire doit établir sa disponibilité pour travailler et, pour ce faire, il doit se chercher un emploi… Qu’importe le peu de chances de succès qu’un prestataire puisse voir dans une recherche d’emploi, la loi est conçue de telle façon que seuls ceux qui sont réellement en chômage et qui cherchent activement un emploi toucheront des prestations. »Note de bas page 43 On a statué également que même lorsqu’un prestataire doit faire face à des obstacles importants pour trouver un emploi convenable, il doit chercher activement du travailNote de bas page 44.
Conditions pouvant limiter indûment les chances de retourner au travail
[69] L’appelante n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner au travail.
[70] Les limitations de l’appelante sont liées soit à des problèmes de santé et à des blessures, soit à un manque de formation. Ce ne sont pas des conditions personnelles parce qu’elles sont plus ou moins indépendantes de sa volonté.
Alors, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible à cette fin?
[71] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin sans sa maladie ou sa blessure.
Conclusion
[72] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. Pour cette raison, je conclus qu’elle ne peut pas toucher de prestations d’assurance‑emploi.
[73] L’appelante a demandé une radiation de son trop payé à l’audience. Comme je le lui ai expliqué, je n’ai pas le pouvoir de radier un trop payé, mais elle peut demander à la Commission d’envisager de radier sa detteNote de bas page 45. Je crois comprendre que la Commission a déjà refusé sa demande et que l’appelante a porté cette décision en appel à la Cour fédérale. La Cour fédérale est le bon endroit pour régler la question d’une radiation à cette étape.
[74] L’appelante a également demandé que son trop payé soit reporté jusqu’à ce qu’elle reçoive le Supplément de revenu garanti et le Régime de pensions du Canada parce qu’elle n’a actuellement aucun revenu. Comme pour la demande de radiation, je n’ai pas le pouvoir de prendre cette décision. L’appelante devra discuter d’un plan de paiement ou d’une éventuelle radiation d’une dette envers la Couronne pour difficultés financières avec l’Agence du revenu du Canada.
[75] Je sais bien que ce n’est pas la décision que l’appelante a demandée et qu’elle éprouve des difficultés financières importantes en conséquence. Toutefois, la loi ne peut être interprétée « d’une manière contraire à son sens ordinaire »Note de bas page 46 et la loi « ne permet aucun écart et ne donne aucune discrétion », quelles que soient les circonstances individuellesNote de bas page 47.
[76] J’encourage l’appelante à s’informer de son admissibilité à la prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada et à la nouvelle prestation canadienne d’invalidité, puisqu’elle semble incapable de travailler en raison d’une maladie.
[77] Par conséquent, l’appel est rejeté.