[TRADUCTION]
Citation : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1045
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | M. L. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision (648977) rendue le 5 mars 2024 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Susan Stapleton |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 29 mai 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelante |
Date de la décision : | Le 2 juillet 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-1343 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Question que je dois examiner en premier
- Questions en litige
- Question en litige no 1 — Antidatation
- Question en litige no 2 — Nombre d’heures
- Conclusion
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle remplit les conditions pour faire antidater sa demande de prestations (c’est‑à-dire en faire avancer la date). Par conséquent, on ne peut pas traiter sa demande comme si elle l’avait présentée plus tôt, soit le 19 mars 2023.
[3] L’appelante n’a pas démontré qu’elle a accumulé assez d’heures de travail pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations de maladie de l’assurance-emploi.
Aperçu
[4] L’appelante a cessé de travailler le 17 mars 2023. En avril 2023, elle a demandé des prestations, mais elle a annulé sa demande parce qu’elle n’avait pas besoin d’argent à ce moment‑là et elle pensait pouvoir refaire sa demande plus tardNote de bas de page 1.
[5] L’appelante a redemandé des prestations le 5 septembre 2023. Elle veut maintenant qu’on traite sa demande comme si elle l’avait présentée plus tôt, soit le 19 mars 2023Note de bas de page 2.
[6] La Commission a rejeté sa requêteNote de bas de page 3.
[7] Selon la Commission, si sa demande était antidatée au 19 mars 2023, l’appelante ne remplirait pas les conditions requises pour recevoir les prestations de maladie de l’assurance-emploi. La Commission explique que l’appelante aurait seulement 584 heures, alors qu’elle en a besoin de 600 pour remplir les conditions requisesNote de bas de page 4.
[8] La Commission ajoute que l’appelante n’a pas démontré qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations. Selon la Commission, elle n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation pour vérifier ses droits et ses obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.
[9] L’appelante n’est pas d’accord. Elle explique qu’elle a demandé des prestations le 11 avril 2023, puis qu’elle a retiré sa demande le 2 mai 2023 parce qu’elle n’avait pas un besoin urgent d’argent à ce moment-là. Elle a parlé à diverses personnes à la Commission. Elles lui ont dit qu’elle pouvait refaire sa demande de prestations à tout moment. On ne lui a pas dit que, quand elle le ferait, sa demande de prestations commencerait le jour où elle la présenterait, et non le jour de sa demande initiale, qui était le 11 avril 2023. On ne lui a jamais parlé de l’antidatation. La Commission lui a donné les mauvais renseignements sur la Loi et sur ses droits, ce qui, selon elle, a entraîné le rejet de sa demande de prestationsNote de bas de page 6.
[10] La Commission affirme aussi que l’appelante n’a pas accumulé assez d’heures de travail au cours de sa période de référence, c’est‑à-dire du 14 août 2022 au 2 septembre 2023 pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Elle explique que l’appelante a besoin de 600 heures pour remplir les conditions requises, mais qu’elle en a accumulé seulement 490Note de bas de page 7.
[11] L’appelante n’est pas d’accord. Elle pense avoir travaillé pendant au moins 600 heures durant les 52 semaines précédant le début de sa période de prestationsNote de bas de page 8.
Question que je dois examiner en premier
On a joint deux appels
[12] L’appelante a porté en appel au Tribunal deux décisions de révision rendues par la Commission. L’une portait sur la demande d’antidatation de la demande de prestations. L’autre portait sur la question de savoir si l’appelante avait accumulé assez d’heures d’emploi assurable pour l’établissement d’une période de prestations.
[13] Le Tribunal a attribué le numéro GE-24-1343 à l’appel sur l’antidatation. Il a donné le numéro GE-24-1345 à l’appel concernant les heures d’emploi assurable.
[14] Je peux traiter plusieurs appels ensemble s’ils portent sur une question commune, mais seulement si cela n’engendre aucune injustice pour les personnes qui participent aux appels.
[15] J’ai examiné les renseignements dans les deux dossiers. Je ne vois rien qui me porte à croire que joindre les deux appels serait injuste pour l’une ou l’autre des parties. J’ai donc décidé de les joindre, car les faits entourant l’antidatation et les heures d’emploi assurable sont semblables.
Questions en litige
[16] Peut‑on traiter la demande de prestations comme si l’appelante l’avait présentée le 19 mars 2023? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande (en avancer la date).
[17] L’appelante a-t-elle travaillé pendant un nombre d’heures suffisant pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations de maladie de l’assurance-emploi?
Question en litige no 1 — Antidatation
[18] Pour faire avancer la date d’une demande de prestations, il faut prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 9 :
- a) À la date antérieure (c’est‑à-dire la date à laquelle on veut faire avancer la demande), on remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.
- b) Un motif valable justifiait le retard durant toute la période du retard. Autrement dit, il y a une explication qui est acceptable selon la loi.
[19] Je conclus que l’appelante ne remplissait pas les conditions requises pour recevoir les prestations de maladie de l’assurance-emploi à la date antérieure, c’est‑à-dire le 19 mars 2023. En effet, si sa période de prestations avait commencé le 19 mars 2023, elle aurait accumulé seulement 584 heures pendant sa période de référence, mais il lui en faut 600.
[20] Pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations d’assurance-emploi, les prestataires doivent avoir subi un arrêt de rémunération et avoir accumulé un nombre précis d’heures d’emploi assurable durant leur période de référenceNote de bas de page 10.
[21] J’ai demandé à la Commission de présenter des observations sur la question de savoir si l’appelante remplirait les conditions requises pour recevoir des prestations si l’on avançait la date de sa demande au 19 mars 2023.
[22] Selon la Commission, l’appelante ne remplirait pas les conditions requises à la date antérieure. Plus précisément, elle dit que si sa période de prestations commençait le 19 mars 2023, elle aurait 584 heures, alors qu’elle en a besoin de 600 pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations de maladie de l’assurance-emploiNote de bas de page 11.
[23] J’ai donné à l’appelante l’occasion de répondre aux observations de la CommissionNote de bas de page 12. En guise de réponse, elle a présenté un relevé d’emploi pour la période allant du 17 août 2015 au 3 août 2022Note de bas de page 13 et des copies de ses feuillets T4 pour 2021 et 2022Note de bas de page 14.
[24] Durant son témoignage, l’appelante a dit qu’avant de travailler pour son employeuse, elle avait un poste à temps partiel chez un autre employeur. Elle a confirmé qu’elle n’avait exercé aucun autre emploi assurable que ceux qu’elle avait occupés à ces deux endroits.
[25] La Commission a calculé le nombre d’heures que l’appelante avait accumulées du 20 mars 2022 au 19 mars 2023. Elle a constaté qu’elle avait accumulé 584 heures durant cette période. La Commission a déposé sa feuille de calculNote de bas de page 15.
[26] Je juge que la preuve montre que l’appelante ne remplissait pas les conditions requises pour recevoir les prestations de maladie de l’assurance-emploi à la date antérieure, c’est‑à-dire le 19 mars 2023. En effet, elle avait accumulé seulement 584 heures. Le relevé d’emploi et les feuillets T4 que l’appelante a déposés ne montrent pas qu’elle aurait accumulé assez d’heures d’emploi assurable pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations de maladie de l’assurance-emploi si la date de sa demande était avancée au 19 mars 2023.
[27] Par conséquent, je conclus que l’appelante ne remplirait pas les conditions requises le 19 mars 2023. Elle ne remplit pas l’une des deux conditions pour faire avancer la date de sa demande de prestations. En conséquence, je n’ai pas à vérifier si un motif valable justifiait son retard. Comme elle doit remplir les deux conditions, on ne peut pas avancer la date de sa demande au 19 mars 2023.
Question en litige no 2 — Nombre d’heures
[28] L’appelante a demandé des prestations le 5 septembre 2023. Par la suite, sa demande a été reclassée en demande de prestations de maladieNote de bas de page 16.
Conditions à remplir pour recevoir des prestations
[29] Quand on cesse de travailler, on ne reçoit pas nécessairement des prestations d’assurance-emploi. Il faut prouver qu’on remplit les conditions requises pour recevoir des prestationsNote de bas de page 17. L’appelante doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle remplit les conditions requises.
[30] Pour remplir les conditions requises, il faut avoir travaillé pendant un nombre d’heures suffisant au cours d’une certaine période. Cette période s’appelle la « période de référenceNote de bas de page 18 ».
[31] En général, le nombre d’heures dépend du taux de chômage dans la région où l’on résideNote de bas de page 19. Selon la Commission, d’après la règle générale, l’appelante ne remplit pas les conditions requises pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’elle aurait besoin de 665 heures, mais elle en a accumulé seulement 490Note de bas de page 20. L’appelante n’a pas contesté la région économique qui s’applique à elle ni le nombre d’heures requis selon la règle générale. Rien ne m’amène à douter de ces deux éléments. J’accepte donc ces deux faits.
[32] Par ailleurs, la loi prévoit une autre façon de remplir les conditions requises pour recevoir des prestations spéciales, dont les prestations de maladie. On peut remplir les conditions requises pour recevoir des prestations spéciales si l’on a accumulé au moins 600 heuresNote de bas de page 21. Mais cette option s’applique seulement si l’on ne remplit pas les conditions requises par la règle généraleNote de bas de page 22.
[33] Aucun des éléments de preuve ne m’amène à croire que l’appelante remplit les conditions requises par la règle générale. Je conclus donc qu’il faut que l’appelante ait accumulé 600 heures au cours de sa période de référence pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations de maladie.
Période de référence
[34] La période de prestations est différente de la période de référence. Elles n’ont pas lieu en même temps. La période de prestations est la période durant laquelle on peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.
[35] En général, la période de référence est la période de 52 semaines qui précède le début de la période de prestationsNote de bas de page 23.
[36] La loi prévoit la possibilité de prolonger une période de référence lorsqu’une personne prouve qu’elle n’a pas exercé un emploi assurable durant une des semaines comprises dans sa période de référence pour l’une des raisons suivantes :
- elle était incapable de travailler en raison d’une maladie, d’une blessure, d’une mise en quarantaine ou d’une grossesse prévue par règlement;
- elle était détenue dans une prison, un pénitencier ou une autre institution de même nature et n’a pas été déclarée coupable de l’infraction pour laquelle elle était détenue ni de toute autre infraction se rapportant à la même affaire;
- elle recevait de l’aide dans le cadre d’une autre mesure de soutien à l’emploi que celle prévue à l’article 59(c);
- elle touchait des indemnités en vertu d’une loi provinciale du fait qu’elle avait cessé de travailler parce que la continuation de son travail la mettait en danger ou mettait en danger son enfant à naître ou l’enfant qu’elle allaitaitNote de bas de page 24.
[37] La Commission a ajouté trois semaines à la période de référence de l’appelante en raison d’une maladie. Sa période de référence commençait donc le 14 août 2022Note de bas de page 25.
[38] J’admets que la période de référence de l’appelante va du 14 août 2022 au 2 septembre 2023.
Nombre d’heures de travail
L’appelante n’est pas d’accord avec la Commission
[39] La Commission a décidé que l’appelante a travaillé pendant 490 heures au cours de sa période de référence, c’est-à-dire du 14 août 2022 au 2 septembre 2023.
[40] L’appelante n’est pas d’accord. Elle pense qu’elle a travaillé pendant au moins 600 heures durant les 52 semaines qui précèdent sa période de prestationsNote de bas de page 26.
[41] L’appelante a travaillé pour l’employeuse du 28 septembre 2022 au 17 mars 2023. La Commission a reçu une décision de l’Agence du revenu du Canada qui confirme que l’appelante a accumulé 490 heures d’emploi assurable pendant cette périodeNote de bas de page 27.
[42] L’appelante a déposé les copies de ses feuillets T4 pour 2021 et 2022Note de bas de page 28. Mais ces documents ne précisent pas le nombre d’heures d’emploi assurable que les prestataires ont accumulé. L’appelante a aussi présenté un relevé d’emploi pour la période du 17 août 2015 au 3 août 2022Note de bas de page 29. Par contre, sa période de référence commence seulement le 14 août 2022. Ainsi, le nombre d’heures inscrit sur ce relevé d’emploi ne permet pas d’établir sa période de prestations.
[43] Comme l’indique la feuille de calcul de la Commission, l’appelante n’a accumulé aucune heure du 14 août 2022 au 24 septembre 2022Note de bas de page 30.
[44] À l’audience, l’appelante a confirmé qu’elle n’avait exercé aucun autre emploi assurable.
[45] Par conséquent, je conclus que les heures qui permettent d’établir la période de prestations sont les 490 heures de travail que, suivant la décision de l’Agence du revenu du Canada, l’appelante a accumulées du 28 septembre 2022 au 17 mars 2023.
[46] Je suis obligée de suivre la décision de l’Agence sur le nombre d’heures d’emploi assurableNote de bas de page 31. Je ne peux pas décider que le nombre d’heures n’est pas celui qui apparaît dans la décision de l’Agence. En l’absence de preuve montrant que l’appelante a fait des démarches pour faire appel de la décision de l’Agence, celle‑ci est définitive et s’applique à sa demande de prestations.
[47] Par conséquent, je conclus que l’appelante a accumulé 490 heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence.
[48] Il faut que l’appelante ait accumulé 600 heures d’emploi assurable durant sa période de référence pour qu’une période de prestations de maladie de l’assurance-emploi soit établie à son profit. Je ne peux pas modifier ou annuler cette exigence. Je n’ai pas le pouvoir nécessaire pour passer outre ou déroger aux conditions d’admissibilité prévues par la Loi.
[49] L’appelante a accumulé seulement 490 heures. Par conséquent, elle ne remplit pas les conditions requises pour faire établir sa période de prestations et recevoir des prestations de maladie de l’assurance-emploi.
Conclusion
[50] On ne peut pas traiter la demande de prestations comme si l’appelante l’avait présentée le 19 mars 2023 parce qu’elle ne remplit pas les conditions requises pour recevoir des prestations à cette date.
[51] L’appelante n’a pas accumulé assez d’heures pour l’établissement d’une période de prestations de maladie de l’assurance-emploi.
[52] Par conséquent, l’appel est rejeté pour les deux questions.