Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : LL c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 1018

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : L. L.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (644338) datée du 19 mars 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elyse Rosen
Mode d’audience : VIDÉOCONFÉRENCE ET PAR ÉCRIT
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 18 juillet 2024
Numéro de dossier : GE-24-1638

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin pendant quelque partie que ce soit de sa période de prestationsNote de bas de page 1. Par conséquent, elle ne peut recevoir de prestations régulières d’assurance‑emploi.

Aperçu

[3] L’appelante souffre de trouble bipolaire. En janvier 2021, elle a pris congé à la suite d’un épisode bipolaire parce qu’elle était trop malade pour travailler.

[4] L’appelante soutient qu’en août 2021, elle se sentait beaucoup mieux et elle était en mesure de travailler. Mais elle a quand même été incapable de reprendre son emploi habituel. Elle fait valoir que, si elle était capable de bien fonctionner au quotidien, elle n’était en revanche pas assez bien pour composer avec les délais et la pression associés à son emploi habituel.

[5] L’appelante a demandé des prestations régulières. Sa demande a été établie au 22 août 2021 et elle a commencé à recevoir des prestations régulières à compter de cette date.

[6] En octobre 2021, l’appelante a également demandé des prestations d’invalidité par l’entremise de son assurance collective. Cette demande n’a été réglée qu’en mai 2023.

[7] En juin 2022, la Commission a communiqué avec l’appelante pour lui demander si elle était capable de travailler et disponible à cette fin. Elle a jugé qu’elle n’était pas disponible pour travailler et qu’elle n’était donc pas admissible au bénéfice des prestations. Elle lui a demandé de rembourser les prestations régulières qu’elle avait reçuesNote de bas de page 2.

[8] L’appelante a demandé à la Commission de réviser sa décision. Elle a fait valoir qu’elle devrait avoir droit à 15 semaines de prestations de maladie et à des prestations régulières par la suite. Dans sa demande de révision, elle a affirmé qu’elle était disponible pour travailler, mais qu’en raison de son état de santé, la plupart des emplois ne lui convenaient pasNote de bas de page 3. Elle n’a donc pas pu trouver d’emploi.

[9] L’appelante a fourni à la Commission un certificat médical confirmant qu’elle n’était pas capable de travailler du 1er août 2021 au 1er décembre 2022.

[10] Au terme de la révision, la Commission a décidé que l’appelante avait droit à 15 semaines de prestations de maladie. Elle a également décidé qu’elle n’avait pas droit à des prestations régulières parce qu’elle n’était pas capable de travailler pendant la période indiquée dans le certificat médical. Elle lui a demandé de rembourser les prestations régulières qu’elle avait reçues. La Commission a également réparti la somme globale que l’appelante a reçue après le règlement de sa demande de prestations d’invalidité. Elle a appliqué cette somme en réduction des prestations de maladie qu’elle avait décidé que l’appelante pouvait recevoir.

[11] En appel, l’appelante soutient qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin pendant toute sa période de prestations. Elle affirme que le certificat médical qu’elle a fourni à la Commission mentionne simplement qu’elle n’était pas capable d’occuper son emploi habituel au cours de la période qu’il précise. Elle fait valoir que, même si elle n’était pas prête à reprendre son emploi habituel, elle aurait pu occuper un emploi qui était compatible avec son état de santé. Elle dit que son état s’est progressivement amélioré au fil du temps. Elle souligne qu’elle s’est finalement sentie assez bien pour reprendre son emploi habituel. Elle a repris cet emploi en décembre 2022.

[12] L’appelante soutient également qu’elle a cotisé au régime d’assurance‑emploi pendant toute sa vie professionnelle et qu’elle n’a jamais présenté de demande auparavant. Elle croit qu’en tant que cotisante au régime, elle devrait être admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi lorsqu’elle en a besoin.

[13] Je dois décider si l’appelante était capable de travailler et disponible à cette fin à un moment ou un autre pendant sa période de prestations et si elle avait donc droit à des prestations régulières.

Questions que je dois examiner en premier

L’appelante ne fait pas appel de la répartition du paiement qu’elle a reçu au titre des prestations d’invalidité

[14] Au cours de l’audience, j’ai confirmé auprès de l’appelante qu’elle ne fait pas appel de la répartition du paiement qu’elle a reçu au titre des prestations d’invalidité en mai 2023. Je vais donc seulement décider si elle était capable de travailler et disponible à cette fin.

L’audience s’est poursuivie par écrit

[15] L’audience a d’abord été tenue par vidéoconférence.

[16] Le Tribunal n’a pas été en mesure de terminer l’audience le jour où elle était prévue. L’appelante s’était agitée et a été incapable de continuer. Nous avons convenu de suspendre et de nous réunir à nouveau un autre jour.

[17] Avant la poursuite de l’audience, l’appelante a communiqué avec le Tribunal pour l’informer qu’il serait trop difficile pour elle de poursuivre l’audience par la voie d’une vidéoconférence. Elle a demandé que l’audience se poursuive par écritNote de bas de page 4.

[18] Étant donné que j’avais eu l’avantage d’entendre le témoignage de l’appelante sur la plupart des questions pertinentes quant à ma décision et que j’avais peu d’autres questions à lui poser, j’ai décidé qu’il convenait d’acquiescer à la demande de l’appelante de poursuivre l’audience par écrit. Je ne craignais pas du tout que cela ne permette pas la tenue d’une audience équitable. L’audience s’est donc poursuivie par écrit.

[19] J’ai donné à l’appelante l’occasion de répondre à certaines questions que je me posais sur les quelques points qui restaient et que nous n’avions pas abordés pendant son témoignage. Elle a également été invitée à présenter des éléments de preuve et des arguments supplémentaires. Ses réponses à mes questions ainsi que ses preuves et arguments supplémentaires figurent aux onglets GD16, GD17 et GD18. Pour rendre ma décision, j’ai pris ces documents en considération, ainsi que tous les autres documents qui figuraient déjà au dossier, et le témoignage que l’appelante a donné pendant la partie de l’audience qui a eu lieu par vidéoconférence.

L’appelante n’a pas voulu déposer une contestation fondée sur la Charte

[20] Dans une lettre qu’elle a adressée au Tribunal, l’appelante a affirmé que la loi devrait s’appliquer différemment à son égard compte tenu de son invalidité. Elle semblait affirmer que les dispositions de la loi qui s’appliquent pour déterminer la disponibilité d’une partie prestataire pour travailler violent les droits que lui garantit la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

[21] J’ai informé l’appelante qu’elle devrait suivre un processus pour faire valoir que les dispositions de la loi violent les droits que lui garantit la Charte (c’est ce que nous appelons une contestation fondée sur la Charte). Je lui ai demandé si elle voulait plus de renseignements sur la façon de déposer une contestation fondée sur la Charte et je lui ai donné un délai pour m’informer de ses intentions.

[22] L’appelante n’a pas demandé plus de renseignements sur la façon de déposer une contestation fondée sur la Charte ni n’a mentionné qu’elle voulait déposer une telle contestation. Je lui ai donc écrit pour confirmer que j’en déduisais qu’elle n’avait pas l’intention de déposer une contestation fondée sur la Charte et qu’elle n’avait pas l’intention de soutenir qu’une disposition de la loi violait les droits qui lui sont garantis par la Charte. Je n’ai pas eu d’autres nouvelles d’elle à ce sujetNote de bas de page 5.

[23] Je n’ai donc pas examiné la question de savoir si les dispositions de la loi violent les droits que la Charte garantit à l’appelante lorsque j’ai rendu ma décision.

Question en litige

[24] L’appelante était-elle capable de travailler et disponible à cette fin?

Analyse

[25] Les personnes qui ne travaillent pas ne peuvent pas toutes recevoir des prestations d’assurance‑emploi. Pour obtenir des prestations, il faut remplir certaines conditions. La loi prescrit que, pour obtenir des prestations, il faut être à la fois capable de travailler et disponible à cette fin.

L’appelante était capable de travailler le 4 février 2022

[26] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, l’appelante doit prouver qu’elle est capable de travaillerNote de bas de page 6.

[27] La Commission affirme que l’appelante était trop malade pour travailler pendant sa période de prestations.

[28] L’appelante n’est pas d’accord. Elle admet que sa maladie l’a empêchée de reprendre son emploi habituel. Elle affirme toutefois qu’il y avait d’autres emplois qu’elle aurait pu occuper.

[29] Selon la loi, une partie prestataire n’est incapable de travailler que si elle est trop malade pour exercer les fonctions de son emploi habituel ou d’un autre emploi convenableNote de bas de page 7.

[30] Ce qui constitue un emploi convenable relève d’une question de fait. La loi prescrit cependant qu’un emploi n’est pas convenable si l’état de santé et les capacités physiques d’une partie prestataire ne lui permettent pas de se rendre au lieu de travail et d’effectuer le travailNote de bas de page 8.

[31] L’appelante affirme qu’en août 2021, elle était suffisamment rétablie de l’épisode bipolaire qui l’a amenée à prendre un congé de maladie pour être capable de travailler. Toutefois, elle affirme que, du mois d’août 2021 au mois d’août 2022, elle n’aurait pu occuper qu’un emploi ne causant aucun stress, assorti de tâches simples et pouvant être effectué à distance, ou qui par ailleurs ne nécessitait aucun contact avec les gens.

[32] L’appelante a expliqué que son emploi habituel était très stressant. Et ce n’est que vers le mois de septembre 2022 qu’elle avait acquis suffisamment de résilience mentale pour pouvoir gérer ce niveau de stressNote de bas de page 9. Mais elle insiste sur le fait qu’elle aurait pu faire autre chose.

[33] L’appelante a fourni un certificat médical à la CommissionNote de bas de page 10. Celui‑ci mentionne qu’elle n’était pas capable de travailler du mois d’août 2021 au mois de décembre 2022.

[34] L’appelante soutient que malgré ce que dit le certificat médical, elle n’était pas entièrement incapable de travailler. Elle a témoigné que, lorsque son médecin a établi le certificat, il a interprété le terme « incapacité » comme signifiant l’incapacité d’exercer les fonctions de son emploi habituel. Mais il était d’avis qu’elle pouvait occuper un emploi qui n’était pas aussi exigeant mentalement que son emploi habituel. Elle dit qu’elle sait ça parce qu’elle et son médecin en ont discuté.

[35] Le témoignage de l’appelante concernant l’intention de son médecin lorsqu’il a établi le certificat médical était convaincant et crédible. J’admets que, lorsque le médecin de l’appelante a certifié qu’elle n’était pas capable, il voulait dire qu’elle ne pouvait pas exercer les fonctions de son emploi habituel. Cela correspond à ce que l’appelante a dit à la Commission dès le début de sa demandeNote de bas de page 11.

[36] L’appelante soutient qu’elle aurait été capable de travailler en août 2021. Mais je ne suis pas en mesure de conclure que c’est le cas.

[37] Le certificat médical qu’elle a fourni confirme que l’appelante a été hospitalisée du 19 octobre 2021 au 3 février 2022.

[38] L’appelante a expliqué qu’elle avait été accusée d’un crime, mais que le tribunal avait conclu qu’elle n’avait pas la capacité mentale de former une intention. Elle a donc été condamnée à la détention dans un hôpital jusqu’à son rétablissement.

[39] L’appelante affirme qu’elle aurait pu travailler à distance pendant qu’elle était hospitalisée et qu’elle avait l’équipement nécessaire à l’hôpital pour le faire.

[40] J’ai de la difficulté à accepter que l’appelante ait été en mesure de travailler en août 2021 alors qu’elle a été hospitalisée deux mois plus tard, après qu’un tribunal eut conclu que sa capacité mentale était déficiente. En outre, elle n’a obtenu son congé que le 3 février 2022. J’en conclus que le tribunal qui l’a condamnée a jugé que son incapacité mentale était continue jusqu’à cette date.

[41] J’ai également de la difficulté à accepter que l’appelante ait pu travailler pendant qu’elle était à l’hôpital et qu’on lui ait donné la liberté et l’autonomie requises pour le faire. D’autant plus qu’elle avait été condamnée à la détention dans un hôpital en lien avec des accusations criminelles déposées contre elle.

[42] Si un tribunal a conclu qu’en raison de son état de santé mentale, l’appelante ne pouvait être remise en liberté jusqu’en février 2022, je ne peux conclure qu’elle était suffisamment bien pour travaillerNote de bas de page 12. À mon avis, il est plus probable qu’improbable qu’elle n’aurait pas été autorisée à travailler pendant son hospitalisation.

[43] Mais je suis prête à accepter qu’elle était capable de travailler après qu’elle a reçu son congé le 3 février 2022.

[44] La Commission soutient que l’appelante a admis qu’elle était incapable de travailler en raison de sa maladie et qu’elle doit être déclarée incapable de travailler pendant toute sa période de prestations. Je ne suis pas d’accord. Il ressort clairement de la preuve que lorsque l’appelante a dit à la Commission qu’elle était trop malade pour travailler, elle faisait référence à son incapacité de reprendre son emploi habituel.

[45] La Commission soutient également que le fait que l’appelante a reçu des prestations d’invalidité démontre qu’elle était trop malade pour travailler. L’appelante a expliqué cependant que son assureur définissait l’invalidité comme étant l’incapacité d’exercer les fonctions de son emploi habituel. Donc, le fait qu’elle a reçu des prestations d’invalidité ne me permet pas de conclure qu’il n’y avait aucun emploi convenable qu’elle était assez bien pour occuper.

[46] À mon avis, l’appelante a prouvé qu’elle était capable d’occuper une forme ou une autre d’emploi convenable au 4 février 2022. J’estime que tout emploi qui lui aurait permis de travailler de la maison, de ne pas interagir avec le public et d’exercer un certain contrôle sur son horaire et qui aurait été peu stressant lui aurait convenu à compter de cette date.

[47] Étant donné que j’ai conclu que l’appelante était capable d’occuper une forme ou une autre d’emploi convenable du 4 février 2022 à la fin de sa période de prestations le 20 août 2022, j’examinerai maintenant la question de savoir si elle était disponible pour travailler pendant cette période.

L’appelante n’était pas disponible pour travailler

[48] J’estime que l’appelante n’était pas disponible pour travailler du 4 février au 20 août 2022.

[49] Selon deux articles différents de la loi, la personne qui demande des prestations doit, pour obtenir celles‑ci, démontrer qu’elle est disponible pour travaillerNote de bas de page 13.

[50] L’un de ces articles ne s’applique que lorsque la Commission demande à la partie prestataire de fournir une preuve de sa recherche d’emploiNote de bas de page 14. La Commission n’en a rien fait dans la présente affaire. Je ne me concentrerai donc que sur l’autre article de la loiNote de bas de page 15.

[51] La loi prescrit qu’une personne qui demande des prestations d’assurance‑emploi doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 16.

[52] La jurisprudence (c’est‑à‑dire les décisions des tribunaux) énonce trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si une personne qui demande des prestations est disponible pour travailler (les facteurs Faucher)Note de bas de page 17.

[53] Ces trois éléments sont les suivants :

  1. i. vouloir retourner au travail dès qu’un emploi convenable sera offert;
  2. ii. faire des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable;
  3. iii. ne pas établir de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de trouver un emploi convenable.

[54] Les trois conditions doivent être remplies pour que je puisse conclure que l’appelante était disponible pour travailler. Il incombe à l’appelante de prouver qu’elle satisfait à tous les facteurs Faucher.

[55] Pour décider si l’appelante a satisfait à tous les facteurs Faucher, je dois examiner son attitude et ce qu’elle a fait ou n’a pas fait pour être disponible pour travailler.

[56] Les trois facteurs Faucher concernent la disponibilité pour occuper un emploi convenable.

[57] Je le répète, ce qui constitue un emploi convenable est une question de fait.

[58] La loi établit un certain nombre de critères pour déterminer si un emploi est un emploi convenable, mais ces critères ne sont pas exhaustifsNote de bas de page 18. La situation personnelle et les antécédents professionnels d’une partie prestataire sont pertinents pour déterminer si un emploi est convenable pour cette partie prestataire en particulier. Son état de santé doit aussi être pris en considération. Et ce qui constitue ou non un emploi convenable pour une partie prestataire peut changer au fil du temps.

[59] L’appelante fait valoir que les personnes qui souffrent du trouble bipolaire ont de nombreuses difficultés à trouver du travail. Elle soutient que seulement une personne souffrant de cette maladie sur trois est capable de travailler. Selon elle, comme ces personnes ont besoin de mesures d’adaptation et de milieux de travail très favorables, il y a très peu d’emplois convenables qui leur sont offerts. Je le crois.

[60] J’estime que la disponibilité de l’appelante doit être évaluée en fonction de ce que serait un emploi convenable pour elle compte tenu de sa situation particulière et qu’elle doit tenir compte de sa maladieNote de bas de page 19.

[61] Toutefois, l’appelante n’a pas démontré qu’elle satisfait aux facteurs Faucher.

i. Volonté de retourner au travail

[62] Je suis convaincue que l’appelante voulait retourner au travail. Je ne suis pas convaincue en revanche qu’elle était prête à y retourner dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[63] Elle a témoigné que son emploi habituel était à la fois intéressant et stimulant. Elle aimait son travail et estimait qu’elle y était très douée. Le travail avait pour effet de renforcer son estime de soi.

[64] Elle affirme que, pendant son congé, la stimulation intellectuelle et l’estime de soi que lui procurait son travail lui ont manqué. Être à la maison et n’avoir rien à faire n’était pas bon pour sa santé mentale.

[65] Elle dit avoir voulu retourner au travail également pour des raisons financières.

[66] Dès qu’elle a été suffisamment rétablie pour gérer le stress de son emploi habituel, elle a commencé à organiser son retour au travail. Elle a repris son emploi habituel en décembre 2022.

[67] J’estime que son attitude et sa conduite démontrent un désir de reprendre son emploi habituel. Mais elle ne m’a pas convaincue qu’elle voulait travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert. Comme je l’explique plus en détail ci‑après, elle n’était pas prête à chercher ou à accepter des emplois qui lui seraient convenables.

ii. Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[68] J’estime que l’appelante n’a pas fait de démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[69] L’appelante a dit qu’elle avait parlé à des amis et à des membres de sa famille et qu’elle leur avait demandé de l’aide pour trouver un emploi convenable.

[70] Elle affirme qu’elle a passé une journée entière à parcourir des offres d’emploi sur des sites Web de recherche d’emploi pour tenter de trouver quelque chose qui pourrait lui convenir compte tenu de ses problèmes de santé. Elle affirme que 99 % des emplois semblaient ne pas convenir. Elle s’est découragée et elle n’a plus jamais regardé.

[71] L’appelante affirme qu’une de ses amies, dont le travail consistait à faire des transcriptions, lui a suggéré de postuler le même emploi. Mais, l’appelante affirme‑t‑elle, il fallait pour postuler satisfaire à un trop grand nombre d’exigences. Elle devait obtenir une attestation de sécurité et fournir une référence. Elle estimait que c’était trop d’efforts étant donné qu’elle s’attendait à ce que l’emploi soit temporaire. Et son amie ne voulait pas lui donner une référence en raison de sa maladie. À son avis, il serait probablement difficile de trouver une référence compte tenu de son récent épisode bipolaire et du fait qu’elle avait dû prendre un congé. Elle a donc décidé de ne pas essayer d’obtenir une référence ou une attestation de sécurité et elle n’a pas postulé l’emploi.

[72] Ce sont les seules démarches qu’elle a faites pour trouver un emploi.

[73] L’appelante affirme que je dois tenir compte de son invalidité lorsque je décide si elle a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi. Elle affirme qu’elle était fragile sur le plan émotionnel et qu’elle avait des tendances suicidaires. C’était décourageant de chercher du travail alors que 99 % des emplois trouvés n’étaient pas convenables. Elle soutient que cela a compromis sa santé mentale. Elle dit qu’elle ne devrait pas être obligée de faire les mêmes démarches de recherche d’emploi qu’une personne qui ne souffre pas de trouble bipolaire. Elle affirme que la poursuite des recherches aurait mis sa santé en péril.

[74] Je suis d’accord avec l’appelante pour dire que son invalidité est un facteur pertinent lorsque je décide si elle a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable. J’admets qu’un nombre limité d’emplois étaient convenables pour elle et que cela était décourageant et aurait pu avoir une incidence sur sa santé mentale.

[75] Toutefois, l’invalidité de l’appelante ne l’exonère pas de l’obligation de chercher sérieusement du travail.

[76] Je conclus que les démarches de l’appelante n’étaient pas suffisantes. Même s’il y avait peu d’emplois qui pourraient lui convenir, passer une seule journée à parcourir les offres d’emploi sur une période de plusieurs mois n’est pas suffisant, même dans son état. Pour être disponible pour travailler, il faut faire des démarches constantes pour chercher du travail par tous les moyens possibles. Et, à mon avis, l’appelante ne l’a pas fait.

[77] Comme l’appelante dit qu’elle était assez bien pour travailler, je dois conclure qu’elle était assez bien pour chercher du travail. Je peux comprendre qu’elle n’ait pas eu la force et la stabilité mentales nécessaires pour chercher de façon aussi soutenue que peut le faire une personne en bonne santé mentale. Mais je n’accepte pas qu’elle n’ait pas pu chercher du tout après la seule journée passée à le faire. Cette prétention est incompatible avec son témoignage selon lequel elle était capable de travailler. Comme elle m’a convaincue qu’elle était capable de travailler à compter du 4 février 2022, j’estime qu’elle était suffisamment bien pour entreprendre une recherche d’emploi plus soutenue que celle qu’elle a effectuée.

[78] Je conclus donc que l’appelante n’a pas fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

iii. Limiter indûment ses chances de retourner au travail

[79] J’estime que l’appelante a établi des conditions personnelles qui ont limité indûment ses chances de trouver un emploi convenable.

[80] Les restrictions que l’appelante a imposées à sa recherche d’emploi et qui découlent de sa maladie ne sont pas des conditions personnelles. Bien qu’elles aient pu limiter ses chances de trouver du travail, je suis d’avis que tout emploi qu’elle n’était pas assez bien pour occuper n’était pas un emploi convenable.

[81] Mais l’appelante n’était pas disposée à accepter un travail qui lui aurait été convenable.

[82] L’appelante a expliqué qu’elle est très instruite. Elle a dit qu’elle n’était pas disposée à accomplir un travail qu’elle considérait comme étant inférieur à sa capacité intellectuelle. Elle a témoigné qu’elle aurait pu trouver un travail de mise en rayon des livres, par exemple, mais que ce n’était pas assez bien pour elle. Elle n’était pas prête à faire ce genre de travail.

[83] Dans la mesure où la situation personnelle et l’expérience de travail antérieure d’une personne sont pertinentes pour déterminer quels emplois sont convenables, étant donné les restrictions de l’appelante touchant son état de santé, il lui incombait d’adopter une vision plus large du type de travail qu’elle était disposée à faire. À mon avis, un emploi de mise en rayon des livres lui aurait convenu jusqu’à ce qu’elle soit assez bien pour occuper un emploi plus exigeant qui correspondrait davantage à son niveau de scolarité et à ses capacités intellectuelles.

[84] Je conclus également que l’appelante n’était pas disposée à occuper un emploi dont l’obtention nécessitait des efforts. Elle a dit qu’elle estimait que ça ne valait pas la peine de consacrer du temps à l’obtention d’attestations de sécurité ou de références pour un emploi qui à son avis serait temporaire.

[85] En refusant d’accepter ou de tenter d’obtenir un travail qu’elle ne jugeait pas assez bien pour elle et en n’étant pas disposée à faire des efforts supplémentaires, comme obtenir des attestations de sécurité ou des références pour obtenir un emploi, l’appelante a limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[86] Compte tenu de mon analyse des facteurs Faucher, je ne peux conclure que l’appelante était disponible pour travailler. Elle ne voulait pas retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert, elle n’a pas fait de démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable et elle a assorti sa recherche d’emploi de conditions qui ont limité indûment ses chances de trouver du travail.

[87] Je compatis avec l’appelante. J’imagine qu’il est très difficile d’entrer sur le marché du travail et de le demeurer lorsqu’on souffre d’un trouble bipolaire. Son ancien employeur a été en mesure de lui fournir les mesures d’adaptation dont elle a besoin pour travailler, et je suis contente pour elle.

[88] Toutefois, l’appelante ne m’a pas convaincue qu’avant de reprendre son emploi habituel, elle était disponible pour travailler, mais incapable d’obtenir un emploi convenable parce qu’il y avait si peu d’emplois convenables. Son attitude et ses démarches, prises dans le contexte de sa maladie, ne correspondaient tout simplement pas à l’attitude et aux efforts d’une personne disponible pour travailler au sens de la loi.

Le fait de contribuer au régime d’assurance‑emploi ne garantit pas l’admissibilité à des prestations

[89] L’appelante soutient qu’elle a cotisé au régime d’assurance‑emploi pendant toute sa vie professionnelle et qu’elle n’a jamais fait de demande auparavant. Elle croit que cela devrait lui donner droit à des prestations. Mais elle se trompe.

[90] Le régime d’assurance‑emploi n’est pas un compte d’épargne, mais plutôt un régime d’assurance. Comme pour tout autre régime d’assurance, il faut satisfaire à certaines conditions pour toucher des prestationsNote de bas de page 20. Dans la présente affaire, l’appelante ne satisfait pas à toutes ces exigences.

[91] Les sommes que l’appelante a cotisées au régime d’assurance‑emploi ne lui appartiennent pas; il s’agit de primes d’assurance visant à assurer contre le risque de chômage dans certaines conditions. Comme ces conditions n’étaient pas remplies, elle n’avait pas droit aux prestations régulières qu’elle recevait. Elle doit donc les rembourser.

Conclusion

[92] L’appel est rejeté.

[93] Je conclus que l’appelante n’était pas capable de travailler avant le 4 février 2022.

[94] Je conclus qu’à cette date, elle n’était pas disponible pour travailler.

[95] Cela signifie qu’elle n’est pas admissible au bénéfice des prestations régulières qu’elle a reçues et qu’elle doit les rembourser.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.