Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1044

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : M. L.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 2 juillet 2024
(GE-24-1343 et GE-24-1345)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 30 août 2024
Numéro de dossier : AD-24-521 et AD-24-522

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée pour les deux demandes. Cela met un terme aux deux appels.

Aperçu

[2] La demanderesse, M. L. (prestataire), demande la permission de faire appel de la décision de la division générale sur deux questions en litige.

[3] La division générale a joint les deux appels. Elle a jugé que les questions soulevées dans chaque appel étaient semblables. Voici les deux questions en litige :

  1. i. Peut-on antidater (avancer la date de) la demande de prestations au 19 mars 2023Note de bas de page 1 pour qu’on puisse la traiter comme si la prestataire l’avait présentée ce jour‑là?
  2. ii. La prestataire avait-elle accumulé assez d’heures d’emploi assurable pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2?

[4] Je joins les deux demandes pour la même raison que la division générale. Les deux questions relèvent des mêmes faits. Plus important encore, les questions se chevauchent.

[5] La division générale a conclu que la prestataire ne répondait pas aux exigences qui auraient permis d’avancer la date de sa demande de prestations. Plus précisément, elle a conclu que, le 19 mars 2023, la prestataire ne remplissait pas les conditions requises pour recevoir des prestations. La division générale a donc décidé qu’on ne pouvait pas traiter la demande comme si la prestataire l’avait présentée ce jour‑là. La division générale a refusé d’antidater sa demande de prestations au 19 mars 2023.

[6] La division générale a aussi conclu que la prestataire n’avait pas accumulé assez d’heures durant sa période de référence pour l’établissement d’une période de prestations de maladie de l’assurance-emploi. Elle a conclu qu’elle avait accumulé 490 heures d’emploi assurable au lieu des 600 heures requises.

[7] Selon la prestataire, la division générale a fait une erreur de compétence. Elle affirme que les registres de paie fournis par son employeuse sont inexacts. Par conséquent, elle dit que la division générale a rendu une décision fondée sur des documents incomplets. Elle écrit qu’elle aimerait avoir plus de temps pour obtenir les documents démontrant qu’elle avait bel et bien accumulé assez d’heures pour remplir les conditions requises et recevoir les prestations de maladie. Elle écrit qu’il lui manque [traduction] « seulement à peu près 16 heuresNote de bas de page 3 », pourvu qu’elle puisse avancer la date de sa demande de prestations au 19 mars 2023.

[8] Avant que l’appel puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il faut que la cause soit défendableNote de bas de page 4. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est closeNote de bas de page 5.

[9] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je refuse de donner à la prestataire la permission de passer à la prochaine étape.

Questions préliminaires

[10] Le 28 août 2024, la prestataire a demandé plus de temps pour déposer d’autres documents pour appuyer son appel. Elle espère toujours que son employeuse produira un relevé d’emploi modifié qui montrera qu’elle a fait plus d’heures de travail que ce que le relevé indique actuellement. Elle veut que la division d’appel examine un relevé d’emploi qui a été corrigé.

[11] Même si l’employeuse de la prestataire corrige le relevé d’emploi, je ne pourrai pas en tenir compte. Ce serait un nouvel élément de preuve. En général, la division d’appel n’examine pas de tels éléments (pas dans les dossiers d’assurance-emploi), sauf dans certaines circonstances bien précisesNote de bas de page 6. Et les circonstances décrites dans le présent appel n’en font pas partie.

[12] Comme, la plupart du temps, la division d’appel n’examine pas les nouveaux éléments de preuve, j’ai refusé de donner plus de temps à la prestataire pour qu’elle obtienne d’autres documents.

Questions en litige

[13] Voici les questions à trancher :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas donné à la prestataire une chance équitable de présenter ses arguments?

Je refuse la permission de faire appel

[14] La division d’appel rejette la demande de permission de faire appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès si la division générale a possiblement fait une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 7.

[15] En ce qui concerne les erreurs de fait, il faut que la division générale ait fondé sa décision sur une erreur qu’elle a commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 8.

On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence

[16] La division générale devait décider deux choses : si la prestataire pouvait avancer la date de sa demande de prestations au 19 mars 2023 et si elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. La division générale s’est penchée sur les deux questions. Elle a agi dans les limites de son pouvoir et n’a abordé ou tranché aucune autre question. Je ne suis donc pas convaincue qu’on puisse soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence.

On ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas donné à la prestataire une chance équitable de présenter ses arguments

[17] En réalité, les arguments de la prestataire portent surtout sur le non-respect des principes de justice naturelle par la division générale. La prestataire laisse entendre qu’elle a besoin de plus de temps pour obtenir les documents qui, selon elle, montreront qu’elle avait accumulé assez d’heures d’emploi assurable.

[18] Le 14 août 2024, la division d’appel a écrit ces lignes à la prestataire :

[traduction]

Dans le courriel daté du 13 août 2024, vous écrivez que vous préparez tous les documents nécessaires pour appuyer votre dossier.

D’habitude, la division d’appel n’accepte pas les nouveaux éléments de preuve. Il n’est donc pas nécessaire d’en obtenir.

Vous devez plutôt mettre l’accent sur la détection de toute erreur de procédure, de compétence, de droit ou de fait que la division générale aurait peut-être commise.

Dans votre demande à la division d’appel, vous avez déjà laissé entendre que la division générale ne vous a pas donné assez de temps pour rassembler les éléments de preuve qui vous permettraient de défendre votre position :

  1. Quels sont les éléments de preuve que vous tentiez d’obtenir pour appuyer votre appel à la division générale?
  2. En quoi étaient-ils pertinents?
  3. Avez-vous demandé plus de temps au Tribunal de la sécurité sociale (TSS) ou à la division générale pour obtenir cette preuve?
  4. Quand avez-vous fait cette demande au TSS ou à la division générale?
  5. À quel endroit dans le dossier peut-on voir que vous avez demandé plus de temps au TSS ou à la division générale? Est-ce que l’un ou l’autre vous a donné plus de temps ou a fixé une échéance? Si oui, avez-vous respecté les dates limites?

[19] La prestataire a répondu le 15 août 2024Note de bas de page 9. Elle a expliqué qu’elle avait de la difficulté à obtenir des documents auprès de son employeuse. Elle précise que son employeuse est de mauvaise foi et ne lui a pas encore fourni les bons renseignements pour montrer pendant combien d’heures elle a travaillé. La prestataire explique qu’on devrait lui donner le bénéfice du doute et lui accorder des prestations parce que son employeuse s’est trompée.

[20] La prestataire n’a pas répondu aux autres questions de la division d’appel. Elle n’a pas précisé si elle avait demandé à la division générale plus de temps pour obtenir d’autres éléments de preuve qui viendraient appuyer ses arguments. Elle n’a pas non plus précisé quand elle aurait fait une telle demande ni à quel endroit cette information se trouve dans le dossier d’audience de la division générale.

[21] D’après ce que je peux voir, la prestataire a déposé des documents après l’audience de la division générale, qui a eu lieu le 29 mai 2024. Elle a déposé des documents ou des observations les 30 et 31 mai ainsi que les 11 et 12 juin 2024. Dans son courriel du 30 mai 2024, elle a annoncé qu’elle enverrait d’autres pièces jointes pour appuyer sa position. Après avoir reçu cette information, la division générale a autorisé la prestataire à déposer d’autres documents. C’est ce que cette dernière a fait avant la mi-juin 2024.

[22] Par la suite, la prestataire n’a pas demandé plus de temps à la division générale pour obtenir d’autres documents. Rien dans le dossier d’audience n’indique que la membre de la division générale savait que la prestataire souhaitait avoir plus de temps pour mettre la main sur d’autres documents après la mi-juin 2024.

[23] Le 4 juillet 2024, la prestataire a réécrit au Tribunal. Elle se demandait où son dossier en était rendu. (La division générale avait déjà rendu sa décision, mais de toute évidence, la prestataire ne l’avait pas encore reçue.) La lettre que la prestataire a rédigée le 4 juillet 2024 laisse entendre que, ce jour-là, la prestataire ne faisait plus de démarches pour essayer d’obtenir plus de documents. Autrement dit, elle n’a pas demandé plus de temps à la division générale pour obtenir des documents.

[24] La division générale ne pouvait pas savoir que la prestataire pouvait peut-être mettre la main sur d’autres documents ni qu’elle aurait voulu avoir plus de temps pour le faire (même s’il n’y a aucune preuve qu’elle voulait plus de temps). Comme la division générale ignorait tout cela, on ne peut pas dire qu’elle n’a pas donné à la prestataire une chance équitable de présenter ses arguments.

[25] Dans la présente affaire, rien ne laisse croire que la prestataire n’a pas eu droit à une procédure équitable ou qu’elle n’a pas eu l’occasion de présenter tous ses arguments à la division générale. Rien ne semble indiquer non plus que la membre de la division générale avait un parti pris ou qu’il y a une crainte raisonnable de partialité.

[26] Je ne suis pas convaincue qu’il est possible de soutenir que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle ou qu’elle n’a pas donné à la prestataire une chance équitable de présenter ses arguments.

La prestataire affirme qu’elle peut encore obtenir d’autres documents pour appuyer sa position

[27] La prestataire laisse entendre qu’elle peut encore mettre la main sur d’autres documents qui montreront qu’elle a accumulé assez d’heures pour remplir les conditions requises et recevoir les prestations.

[28] Elle essaie toujours d’obtenir des documents auprès de son employeuse. Elle lui a écrit pour obtenir des documents corrigés. Mais son employeuse n’a toujours rien fait.

[29] Comme je l’ai mentionné plus haut, même si la prestataire obtient les documents corrigés, étant donné son mandat actuel, la division d’appel n’a pas le pouvoir de réévaluer les affirmations de la prestataire quand elle dit avoir accumulé assez d’heures de travail pour remplir les conditions requises et recevoir les prestations ou quand elle dit que sa demande devrait être antidatée.

[30] Si la prestataire parvient à obtenir les relevés d’emploi modifiés, elle peut les envoyer à la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Elle peut demander à la Commission d’examiner les documents en vue d’annuler ou de modifier sa décision en tenant compte de ces faits nouveaux.

[31] Autrement dit, si jamais de nouveaux faits ou documents sont disponibles, il se peut que la Commission puisse les examiner. Toutefois, il faudra probablement revoir la question de l’antidatation de sa demande de prestations.

Conclusion

[32] La permission de faire appel est refusée pour les deux questions. Cela met donc un terme aux deux appels.

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