[TRADUCTION]
Citation : SJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1079
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à la permission de faire
appel
Partie demanderesse : | S. J. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 19 juillet 2024 (GE-24-1861) |
Membre du Tribunal : | Glenn Betteridge |
Date de la décision : | Le 2 septembre 2024 |
Numéro de dossier : | AD-24-518 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Questions en litige
- Je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel
- Conclusion
Décision
[1] S. J. n’a pas démontré que son appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne peux pas permettre à l’appel d’aller de l’avant.
[2] La décision de la division générale demeure donc la même.
Aperçu
[3] S. J. est le prestataire dans la présente affaire.
[4] Entre le début du mois d’avril 2023 et la fin du mois de janvier 2024, le prestataire a commencé et a quitté trois emplois. Il a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.
[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’il avait quitté volontairement chaque emploi sans justification (c’est-à-dire sans raison acceptable selon la loi)Note de bas de page 1. Par conséquent, il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 2. La Commission a maintenu sa décision lorsque le prestataire lui a demandé de la réviser.
[6] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté son appel. Elle a conclu qu’il avait quitté volontairement chaque emploi sans justification.
[7] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Je peux accorder la permission seulement si son appel a une chance raisonnable de succès. Cela signifie qu’il doit être possible de soutenir que la division générale a commis une erreur que la loi me permet d’examiner.
Questions en litige
[8] Je dois trancher les deux questions suivantes :
- Peut-on soutenir que le processus ou l’audience de la division générale était injuste envers le prestataire?
- Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante?
Je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel
[9] J’ai examiné le dossier d’appel de la division généraleNote de bas de page 3. De plus, j’ai écouté l’enregistrement de l’audience de la division généraleNote de bas de page 4 et j’ai lu la décision qu’elle a rendue. J’ai aussi examiné la demande que le prestataire a présentée à la division d’appelNote de bas de page 5.
[10] Je n’accorde pas au prestataire la permission de faire appel pour les raisons suivantes.
Critère juridique pour obtenir la permission de faire appel
[11] Pour accorder la permission de faire appel au prestataire, son appel doit avoir une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6. Cela signifie que le prestataire doit démontrer qu’il est possible de soutenir que la division générale a commis au moins l’une des erreurs suivantes :
- elle a offert un processus injuste, a préjugé l’affaire ou a fait preuve de partialité (erreur d’équité procédurale ou de justice naturelle);
- elle n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher (erreur de compétence);
- elle a commis une erreur de droit;
- elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 7.
[12] Ce critère juridique est facile à remplirNote de bas de page 8.
Ce que la loi dit au sujet du départ volontaire et de la justification
[13] Dans un appel lié au départ volontaire, la division générale doit décider de deux chosesNote de bas de page 9. Premièrement, elle doit décider si la Commission a démontré que la personne avait le choix de quitter son emploi et qu’elle a choisi de le faire. Deuxièmement, si la Commission a réussi à le démontrer, la division générale doit ensuite décider si la personne a prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi compte tenu des circonstances présentes quand elle l’a fait.
[14] Le prestataire et la Commission ont convenu qu’il avait quitté ses trois emploisNote de bas de page 10. Ainsi, l’audience de la division générale et la décision qu’elle a rendue portaient sur les circonstances présentes quand le prestataire a quitté chaque emploi et sur la question de savoir si le départ était sa seule solution raisonnable compte tenu de ces circonstances.
[15] Dans la plupart des cas, une personne doit tenter de régler les conflits avec son employeur ou démontrer qu’elle a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de démissionnerNote de bas de page 11.
On ne peut pas soutenir que le processus de la division générale était injuste ou que la membre a fait preuve de partialité ou a préjugé l’affaire du prestataire
[16] Le prestataire a coché la case indiquant que la division générale n’a pas respecté l’équité procéduraleNote de bas de page 12. Cependant, il n’a fourni aucune raison à l’appui de cet argument.
[17] La division générale commet une erreur si elle offre un processus injusteNote de bas de page 13. C’est ce qu’on appelle une erreur d’équité procédurale ou de justice naturelle. La question est de savoir si la personne connaissait les arguments qu’elle devait réfuter, si elle a eu l’occasion d’y répondre et si elle a eu droit à un décideur impartial pour examiner son dossier de façon complète et équitableNote de bas de page 14.
[18] J’ai examiné les documents dont la division générale disposait, écouté l’enregistrement de l’audience et lu la décision de la division générale. Rien ne me montre que la procédure de la division générale était injuste envers le prestataire ni que la membre a fait preuve de partialité ou qu’elle a préjugé l’affaire.
[19] Par conséquent, le prestataire n’a pas prouvé que le processus de la division générale était injuste envers lui.
On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante
[20] La division générale commet une erreur de fait importante si elle fonde sa décision sur une conclusion de fait qu’elle a tirée en ignorant ou en interprétant mal des éléments de preuve pertinentsNote de bas de page 15. Autrement dit, la preuve va carrément à l’encontre d’une conclusion de fait que la division générale a dû tirer pour rendre sa décision ou ne l’appuie pas du tout.
[21] La loi dit aussi que je peux présumer que la division générale a examiné tous les éléments de preuve, mais elle n’a pas à tous les mentionnerNote de bas de page 16.
[22] Le prestataire a coché la case indiquant que la division générale a commis une erreur de fait importanteNote de bas de page 17. Il a ensuite présenté trois arguments.
La division générale a examiné et traité les éléments de preuve contradictoires
[23] Premièrement, le prestataire a soutenu que la division générale n’avait pas de preuve que ce que son premier employeur avait dit à la Commission était vraiNote de bas de page 18. Il a dit que c’était faux. Le prestataire affirme que la division générale aurait dû examiner les courriels qu’il a envoyés à l’employeur.
[24] Je ne retiens pas l’argument du prestataire. La division générale a examiné et soupesé les éléments de preuve pertinents. Elle a reconnu que le prestataire avait dit que les déclarations de l’employeur étaient faussesNote de bas de page 19. De plus, elle a effectivement accepté le témoignage du prestataire selon lequel il avait travaillé une journée complèteNote de bas de page 20. Elle a donc examiné et traité les éléments de preuve contradictoires.
[25] La division générale a tiré une conclusion de fait sur la raison pour laquelle le prestataire a quitté son premier emploi : [traduction] « Je n’ai aucune raison de douter de la déclaration de l’appelant selon laquelle le poste de travail qu’on lui a attribué ne répondait pas à ses attentes. Cependant, j’estime selon le témoignage de l’appelant qu’il a quitté son emploi parce qu’il ne lui convenait pasNote de bas de page 21. » C’est ce que le prestataire a déclaré à l’audienceNote de bas de page 22.
[26] Le prestataire a déclaré qu’après avoir quitté son emploi, il a envoyé 10 courriels à l’employeur afin de recevoir sa rémunération pour la journée qu’il avait travaillée. Ces courriels ne portaient pas sur les circonstances présentes quand il a quitté son emploi. Elles portaient sur les événements survenus après sa démission. La division générale ne pouvait donc pas les examinerNote de bas de page 23.
[27] Par conséquent, la preuve appuie la conclusion de la division générale au sujet des circonstances présentes quand le prestataire a quitté son premier emploi. La division générale n’a pas mal compris ou ignoré les éléments de preuve pertinents.
La division générale n’a pas fondé sa décision sur la confusion entourant la preuve
[28] Deuxièmement, le prestataire a soutenu que la division générale avait mélangé ses éléments de preuve au sujet de la raison pour laquelle il avait quitté ses trois emplois. La membre de la division générale [traduction] « n’était pas bien organisée » et a mélangé les raisons pour lesquelles le prestataire avait quitté son deuxième emploi et celles pour lesquelles il avait quitté son troisième emploi. Le prestataire fait référence au paragraphe 23 de la décision de la division générale. Il précise que son élément de preuve selon lequel on ne lui a pas attribué un bureau convenable et selon lequel il a dû s’asseoir avec une personne travaillant aux opérations portait sur le deuxième emploi, et non sur le premier.
[29] Au paragraphe 23 de sa décision, la division générale a fait référence aux notes de la Commission au sujet de sa conversation avec le prestataire concernant son premier emploi. Ces notes précisent ceci : [traduction] « Le client dit qu’on ne lui a pas attribué son propre bureau et qu’il a dû s’asseoir avec une personne travaillant aux opérations, malgré le fait qu’il ait été embauché pour un poste de supervision. On a demandé au client s’il y avait une indication claire que l’employeur n’aurait pas de bureau à lui offrir le lendemain ou dans la semaine, ou si l’employeur lui avait dit qu’il s’agirait de son bureau permanentNote de bas de page 24. »
[30] Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur ni mal compris la preuve de la Commission. Il s’agissait du premier emploi du prestataire.
[31] Même si la Commission s’est trompée à ce sujet, c’est-à-dire qu’elle a confondu les éléments de preuve, la division générale n’a pas fondé sa décision sur cette confusion. Le prestataire a reconnu avoir quitté son emploi parce que celui-ci ne lui convenait pas. Par conséquent, la confusion n’avait aucune incidence sur la décision de la division générale selon laquelle le départ du prestataire n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Le prestataire aurait pu conserver son emploi jusqu’à ce qu’il en trouve un autreNote de bas de page 25.
La division d’appel ne peut pas soupeser la preuve à nouveau
[32] Troisièmement, le prestataire a fait valoir que même si la division générale a reconnu les raisons pour lesquelles il avait quitté son deuxième et son troisième emploi, elle a décidé qu’il n’était pas fondé à le faireNote de bas de page 26. Pour les deux emplois, le prestataire affirme que les circonstances étaient considérées comme de la discrimination au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il ne mentionne pas le motif de distinction (par exemple, la race, le sexe, la couleur et la religion) sur lequel il s’appuie.
[33] Pour le deuxième et le troisième emploi, la division générale a évalué la preuve, sans mal comprendre ni ignorer d’élément pertinent. Elle a cerné et examiné les circonstances prévues à l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi sur lesquelles le prestataire s’est appuyé pour justifier sa décision de quitter chaque emploi. Elle a aussi décidé que le départ du prestataire n’était pas la seule solution raisonnable compte tenu des circonstances.
[34] La preuve dont disposait la division générale, c’est-à-dire les documents et le témoignage du prestataire, n’appuie pas l’argument du prestataire selon lequel il a été victime de discrimination de la part de son employeur dans son deuxième et son troisième emploi. L’argument du prestataire semble reposer sur une mauvaise compréhension du sens juridique de la discrimination et du critère juridique qui y est lié.
[35] Le prestataire n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a soupesé la preuve pour en arriver à ses conclusions de fait ni avec son application du droit établi à ces conclusions. Malheureusement pour le prestataire, je ne peux pas soupeser la preuve à nouveauNote de bas de page 27. De plus, le prestataire n’a pas démontré que la division générale a ignoré ou mal interprété les éléments de preuve pertinents concernant les circonstances présentes quand le prestataire a quitté son deuxième et son troisième emploi et les autres solutions raisonnables dans ces circonstances.
[36] En résumé, le prestataire n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur de fait importante.
Conclusion
[37] Le prestataire n’a pas démontré qu’il est possible de soutenir que la division générale a commis une erreur que la loi me permet d’examiner. Autrement dit, son appel n’a aucune chance raisonnable de succès.
[38] Je ne peux pas accorder au prestataire la permission de faire appel de la décision de la division générale. Par conséquent, son appel n’ira pas de l’avant, et la décision de la division générale demeure la même.