[TRADUCTION]
Citation : JD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1066
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | J. D. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (640001) datée du 13 janvier 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Paul Dusome |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 12 mars 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelante |
Date de la décision : | Le 26 mars 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-496 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelante.
[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, l’appelante n’est pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.
Aperçu
[3] L’appelante a été suspendue de son emploi. Son employeur a déclaré qu’elle a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.
[4] L’appelante affirme qu’elle n’a pas refusé de se faire vacciner. L’employeur n’a pas répondu à ses préoccupations en matière de santé et de sécurité liées au vaccin. Il ne lui a pas remis une copie de la politique de vaccination avant son dernier jour de travail. Elle s’est conformée aux protocoles sanitaires tels que les tests de dépistage et l’utilisation d’équipement de protection individuelle. Elle n’a commis aucune inconduite. L’employeur l’a mise en congé sans procéder de manière équitable.
[5] La Commission a accepté la raison de la suspension que l’employeur a fournie. Elle a estimé que l’appelante avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle a donc conclu qu’elle était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 25 octobre 2021 au 1er avril 2023.
Question en litige
[6] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?
Analyse
[7] Pour décider si l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelante a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.
Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi?
[8] J’estime que l’appelante a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas reçu le vaccin contre la COVID-19. C’est la raison invoquée par l’employeur. Rien ne prouve que la suspension a été imposée pour une autre raison.
La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?
[9] Je conclus que l’appelante n’a pas été suspendue en raison d’une inconduite au sens de la loi pour les raisons exposées ci-dessous. Je commencerai par énoncer les faits sur lesquels cette décision est fondée, puis j’évaluerai si ces faits correspondent aux quatre éléments de la définition d’une inconduite au sens de l’assurance-emploi. Je conclus que la Commission n’a pas prouvé qu’il y a eu inconduite parce qu’elle n’a pas établi que ces quatre éléments nécessaires pour établir qu’il y a eu inconduite sont remplis.
[10] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 2. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas page 4.
[11] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas page 5.
[12] Enfin, la Commission doit prouver que l’inconduite reprochée est à l’origine de la suspension. Pour avoir gain de cause, la Commission doit démontrer que les quatre éléments ci-dessus sont remplis.
[13] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 6.
[14] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la conduite de l’appelante était délibérée. Elle savait ou aurait dû savoir que ne pas se faire vacciner pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers l’employeur. L’appelante savait ou aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue en conséquence. Son refus de se faire vacciner a entraîné sa suspension.
[15] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes. Elle n’a pas refusé de se faire vacciner. L’employeur n’a pas répondu à ses questions sur le travail à domicile ainsi que sur les risques pour la santé et la sécurité associés au vaccin et les conséquences négatives qui pouvaient en découler. La politique de vaccination ne faisait pas partie de son contrat de travail ni de la convention collective que son syndicat avait conclue avec l’employeur. L’employeur ne lui a pas fourni une copie de la politique de vaccination avant de la suspendre. Il n’a pas procédé de manière équitable. L’appelante a respecté les protocoles sanitaires comme les tests de dépistage et l’utilisation d’équipement de protection individuelle. Elle a toujours fait preuve de bonne foi au cours de son emploi.
Conclusions de fait
[16] L’appelante est une infirmière autorisée. Elle travaillait dans un établissement de soins de longue durée. Son travail consistait à évaluer l’état physique, mental et émotionnel des personnes qui y résidaient. Elle devait aussi administrer des médicaments et soigner des blessures.
[17] Au début de 2020, la COVID-19 a commencé à se propager au Canada et dans le monde entier. Divers gouvernements ont émis des directives à l’intention des établissements de santé sur les mesures à prendre en réponse à la COVID-19. Ces directives visaient parfois les établissements de soins de longue durée. Il n’y a pas d’éléments de preuve dans cet appel concernant de telles directives qui se seraient appliquées à l’employeur ou ce qu’elles auraient exigé.
[18] La principale source de preuve concernant la politique de vaccination de l’employeur est une copie de la politique révisée en octobre 2022. Celle-ci date d’un an après la suspension de l’appelante. Il n’y a pas de copie de la version de la politique antérieure à 2022. Je ne dispose pas d’éléments de preuve montrant quelles étaient les modalités de la politique de vaccination antérieure à 2022 en vigueur de 2021 jusqu’à la suspension de l’appelante et je ne peux pas m’appuyer sur la copie de la politique révisée comme preuve de ces modalités.
[19] Le principal élément de preuve concernant la politique de vaccination antérieure à 2022 provient de l’employeur. Dans sa lettre datée du 18 octobre 2021 dans laquelle il suspend l’appelante, l’employeur déclare que la politique [traduction] « exige que tout le personnel soit entièrement vacciné contre la COVID‐19 au plus tard le 24 octobre 2021 », à moins de disposer d’une exemption valide pour des raisons médicales ou liées aux droits de la personne. L’employeur a répété cette information dans les deux premières lettres qu’il a envoyées par la suite à l’appelante au sujet de la révision de son statut.
[20] La Commission a discuté avec l’employeur à trois reprises à la fin du mois de novembre 2023. Ces discussions ont porté uniquement sur l’obtention de documents liés à la politique de vaccination et au congé de l’appelante. La Commission a de nouveau discuté avec l’employeur en janvier 2024. Cette discussion concernait la modification de la politique en avril 2023 visant à supprimer l’obligation vaccinale. Cette modification a permis à l’appelante de retourner au travail le 17 avril 2023 sans être vaccinée. Elle n’a pas répondu parce qu’elle dit qu’elle n’a reçu la lettre de l’employeur que plus tard en 2023 alors que le syndicat était impliqué. L’employeur l’a alors congédiée.
[21] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas vu de copie de la politique de vaccination contre la COVID-19 jusqu’à ce qu’elle reçoive le document GD3 dans le présent appel. Ce document contient la politique révisée d’octobre 2022.
[22] L’appelante a aussi affirmé que jusqu’à sa suspension en octobre 2022, l’employeur n’avait donné aucune information sur une politique de vaccination obligatoire. Il n’y avait pas eu d’affichage d’informations dans l’établissement ni de communication verbale au sujet d’une telle politique. L’employeur avait exigé que le personnel subisse régulièrement des tests de dépistage de la COVID-19 et communique les résultats. Il avait également exigé l’utilisation d’équipement de protection individuelle. L’appelante s’est conformée à ces exigences. L’employeur a également fourni des informations sur les vaccins disponibles dans l’établissement pour le personnel ainsi que les résidentes et les résidents. Il a recommandé au personnel de se faire vacciner, mais ne l’a pas exigé.
[23] L’appelante a aussi déclaré qu’en 2021, il avait été question parmi le personnel d’une politique de vaccination contre la COVID-19 à venir, mais qu’aucune information concrète n’avait été communiquée à ce sujet. L’employeur avait organisé des séances d’information portant sur les mesures de sécurité comme l’équipement de protection individuelle et l’isolement des résidentes et résidents infectés. Au cours des séances, on avait aussi recommandé la vaccination au personnel, mais rien de plus. L’employeur n’avait pas averti l’appelante qu’elle devait se faire vacciner pour continuer à travailler.
[24] L’appelante n’a pas demandé d’exemption pour des raisons médicales ou liées aux droits de la personne.
[25] J’accepte le témoignage détaillé de l’appelante au lieu de la mince preuve fournie par l’employeur. La Commission a eu peu de conversations avec l’employeur. Celui-ci a fourni une copie de la politique de vaccination révisée. La Commission s’est appuyée sur cette politique révisée pour justifier sa décision. Comme je l’ai mentionné plus haut, je ne peux pas m’appuyer sur la politique de vaccination révisée pour établir quelles étaient les modalités de la politique de vaccination antérieure à 2022.
[26] Le seul élément de preuve fourni par l’employeur concernant une obligation vaccinale contre la COVID-19 avant 2022 est sa déclaration dans la lettre du 18 octobre 2021 adressée à l’appelante. Cet élément de preuve ne me convainc pas qu’il y avait une obligation vaccinale au moment de la suspension de l’appelante. Il n’y a aucun élément de preuve indiquant que les conséquences du non‐respect de cette prétendue obligation ont été portées à l’attention de l’appelante.
Décision sur la question de l’inconduite
[27] Je dois maintenant me fonder sur ces conclusions de fait pour décider si la Commission a prouvé que les quatre éléments de la définition d’une inconduite au sens de l’assurance-emploi sont remplis.
[28] Premièrement, l’appelante a-t-elle agi de manière délibérée en ne se faisant pas vacciner? Oui. Il s’agissait d’un choix intentionnel, voulu et conscient de sa part. Elle avait vu les effets négatifs du vaccin chez des personnes qui avaient été vaccinées. Elle a demandé à l’employeur des informations sur les effets du vaccin sur la santé et la sécurité. Elle s’est également renseignée sur un éventuel congé payé au cas où elle devait s’absenter en raison des séquelles du vaccin. N’ayant reçu aucune réponse de l’employeur, elle a décidé de ne pas se faire vacciner.
[29] Deuxièmement, la conduite de l’appelante constituait-elle un manquement à une de ses obligations envers l’employeur? Non. La preuve ne démontre pas que l’appelante était assujettie à une obligation vaccinale en octobre 2021. La seule obligation vaccinale démontrée par la Commission est celle qui figure dans la politique de vaccination révisée d’octobre 2022. Par conséquent, la Commission n’a pas prouvé que l’appelante a effectivement manqué à une de ses obligations envers l’employeur en ne se faisant pas vacciner en octobre 2021.
[30] Troisièmement, l’appelante savait-elle ou aurait-elle dû savoir qu’il était possible qu’elle soit suspendue si elle ne se conformait pas? Non. Même s’il y avait eu une obligation vaccinale en octobre 2021, rien ne prouve qu’il y avait des conséquences prévues pour les personnes non vaccinées. Comme il ressort clairement des observations de la Commission, celle-ci s’est appuyée sur la politique révisée d’octobre 2022 pour justifier son affirmation selon laquelle l’appelante était consciente des conséquences de ne pas se faire vacciner.
[31] Quatrièmement, l’appelante a-t-elle été suspendue parce qu’elle n’était pas vaccinée? Oui. C’est la raison invoquée par l’employeur. En l’absence de preuve d’une autre raison justifiant la suspension, et uniquement sur cette base, j’accepte la raison de la suspension que l’employeur a fournie.
[32] L’appelante a cité un certain nombre de décisions du Tribunal à l’appui de sa position selon laquelle elle n’a pas commis d’inconduite. Ces décisions portaient sur les politiques de certains employeurs relatives à la COVID-19 et des allégations d’inconduite. L’appelante a déclaré que son cas était semblable à la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1428. Malheureusement, cette décision a été annulée par la décision de la division d’appel du Tribunal Commission de l’assurance-emploi du Canada c AL, 2023 TSS 1032. Cette décision de l’aide donc pas.
[33] L’appelante a aussi fait référence à la décision JP c Commission de l’assurance‐emploi du Canada, 2023 TSS 627. Cette décision a été rendue par la division d’appel du Tribunal, qui a annulé la décision de la division générale défavorable au prestataire sur la question de l’inconduite. La division d’appel a accueilli l’appel pour des raisons de procédure et a renvoyé l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience. Le résultat de cette nouvelle audience n’a pas été publié.
[34] L’appelante a aussi cité la décision FA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1116. Cette décision portait sur une situation factuelle très différente et ne s’applique donc pas à la situation de l’appelante dans le présent appel. Le prestataire dans la décision FA a demandé une exemption religieuse. L’employeur l’a suspendu avant d’avoir pris une décision sur la demande d’exemption. Le prestataire s’était donc conformé à la politique de vaccination obligatoire en demandant une exemption. Ainsi, au moment où il a été suspendu, il n’avait pas commis d’inconduite en ne se conformant pas à la politique.
[35] Ensuite, il y a la décision LN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1654, qui semble être favorable à l’appelante. Le membre de la division générale y a conclu que la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur n’imposait pas à la prestataire l’obligation de se faire vacciner. En effet, cette politique était incompatible avec le contrat de travail et la convention collective de la prestataire. L’appelante a soulevé un point similaire dans la présente affaire. Cette décision n’a pas été portée en appel et est valide. Cependant, elle ne fait pas partie d’un courant de jurisprudence majoritaire au Tribunal et n’aide donc pas l’appelante. Les décisions de la division générale rendues par ce même membre sur des inconduites liées à une politique de vaccination contre la COVID-19 ont été infirmées en appel dans les décisions AL et JB.
[36] Finalement, l’appelante a mentionné la décision JB c Commission de l’assurance‐emploi du Canada, 2022 TSS 1797. La division générale a accueilli l’appel du prestataire contre le refus de lui verser des prestations pour non-respect d’une politique de vaccination contre la COVID-19. La division d’appel a infirmé cette décision et conclu que le prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite (Commission de l’assurance-emploi du Canada c JB, 2023 TSS 1062).
Les autres arguments que l’appelante a présentés à l’appui de son appel que je n’ai pas le pouvoir d’examiner
[37] Le point de départ ici est la compétence limitée du Tribunal de trancher les questions relatives à l’assurance-emploi. Contrairement aux cours supérieures, le Tribunal ne dispose pas d’une vaste compétence pour traiter toutes les questions de fait ou de droit qui peuvent lui être présentées. Le Tribunal a seulement compétence pour examiner une décision de révision précise rendue par la CommissionNote de bas page 7. De plus, son examen de cette décision de révision se limite à ce que prévoit la Loi sur l’assurance‐emploi. Bon nombre des autres arguments de l’appelante soulèvent des questions qui ne relèvent pas de la compétence du Tribunal. Certaines de ces questions relèvent de la compétence des cours ou d’autres tribunaux ou commissions.
[38] Les questions suivantes ne relèvent pas de la compétence du Tribunal. Premièrement, il y a l’interprétation et l’application d’une convention collective entre un syndicat et un employeur. Ces questions sont traitées dans le cadre de procédures d’arbitrage ou par des commissions des relations du travail. Les cas de congédiement injustifié d’une personne sont traités par les cours. Le droit en matière de congédiement injustifié (ou injuste) tel que les cours l’ont développé ne s’applique pas à l’interprétation de la notion d’inconduite dans le contexte de l’assurance-emploi. Cela répond à la déclaration de l’appelante selon laquelle [traduction] « poser des questions pour obtenir un consentement éclairé n’implique pas une “inconduite” au sens des normes d’emploi ». De plus, les questions relatives à des violations présumées de la législation sur la santé et la sécurité au travail sont traitées par l’instance compétente, et non par le Tribunal ou les cours.
[39] Pour poursuivre sur les questions qui ne relèvent pas de la compétence du Tribunal, l’appelante s’est appuyée sur le droit au consentement éclairé à un traitement médical. Elle allègue que le fait que l’employeur n’ait pas répondu à ses questions sur la sécurité du vaccin l’a privée de son droit de donner son consentement éclairé. Le consentement éclairé à un traitement médical implique que les professionnels de la santé soient les personnes qui donnent les informations à la patiente ou au patient. L’appelante a implicitement reconnu ce fait lorsqu’elle a déclaré qu’elle prendrait les informations de l’employeur et les examinerait avec une ou un médecin. Une personne peut alors donner ou refuser son consentement au traitement proposé. L’appelante avait la possibilité de consulter une ou un médecin sans recevoir d’informations de l’employeur. L’appelante a aussi déclaré qu’en l’absence de consentement éclairé, l’administration du vaccin constitue une infraction de voies de fait au sens du Code criminel et est contraire au Code de Nuremberg. Les questions relatives à l’un ou l’autre de ces codes doivent être tranchées par les cours.
[40] Toujours au chapitre des questions qui ne relèvent pas de la compétence du Tribunal, il y a la question de l’examen des actions de l’employeur. Le rôle du Tribunal n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir s’il s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant ou en congédiant la personne de manière injustifiée. Le Tribunal se limite plutôt à décider si la personne s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension ou son congédiementNote de bas page 8. L’accent est mis sur la conduite de la personne employée, et non sur la conduite de l’employeur. L’appelante a évoqué sa bonne conduite dans le cadre de son travail. Elle a respecté les protocoles sanitaires comme les tests de dépistage et l’utilisation d’équipement de protection individuelle. Elle a toujours fait preuve de bonne foi au cours de son emploi. Toutefois, une bonne conduite n’annule pas une inconduite alléguée aux fins de l’assurance-emploi.
[41] L’appelante se base aussi sur sa déclaration selon laquelle l’employeur n’a pas procédé de manière équitable. Cela inclurait notamment le fait qu’il n’a pas répondu à ses demandes de renseignements. Il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur ce point. L’appelante demande également comment un employeur peut décider unilatéralement d’ajouter une politique de vaccination comme condition pour conserver son emploi alors que cette politique ne faisait pas partie de son contrat de travail ou de la convention collective. Un employeur dispose d’une grande marge de manœuvre pour définir ses politiques et décider d’une suspension ou d’un congédiement. Il peut suspendre ou congédier une personne non syndiquée à tout moment. Un employeur a le droit de modifier ses politiques. Son personnel est tenu de respecter ces modifications. Cela répond à l’argument de l’appelante selon lequel l’obligation vaccinale ne faisait pas partie de son contrat initial, de sorte qu’elle n’était pas tenue de s’y conformer. L’appelante était tenue de se conformer à la politique de vaccination s’il est prouvé qu’il y avait une telle politique en vigueur. L’appelante peut intenter une action en justice pour congédiement injustifié, déposer une plainte liée aux normes du travail ou déposer un grief en vertu de la convention collective, suivie d’un arbitrage en matière de relations de travail. L’appelante a fait référence à des décisions arbitrales pour appuyer ses arguments. Ces décisions concernent le droit sur les relations de travail et ne sont donc pas pertinentes au droit relatif à l’assurance-emploi. Cela répond également à l’argument de l’appelante concernant l’annulation de la politique de vaccination par l’employeur en 2023. Elle a dit que le changement temporaire de politique visant à exiger la vaccination montre qu’elle n’a pas commis d’inconduite. Les décisions relatives aux cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi sont rendues en fonction des faits et des politiques en vigueur au moment des événements. Dans la présente affaire, la période pertinente s’est terminée en octobre 2021. Le changement de politique de 2023 n’est pas pertinent pour juger d’une inconduite en 2021.
L’appelante a-t-elle donc été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?
[42] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelante n’a pas été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.
Conclusion
[43] La Commission n’a pas prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. L’appelante n’est donc pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
[44] Par conséquent, l’appel est accueilli.