Assurance-emploi (AE)

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Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c MM, 2024 TSS 836

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Julie Meilleur
Partie intimée : M. M.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
13 décembre 2023 (GE-23-2481)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 juillet 2024
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée
Interprète
Date de la décision : Le 18 juillet 2024
Numéro de dossier : AD-23-1126

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’intimée (prestataire) n’a pas démontré sa disponibilité à travailler pour la période du 19 mars au 22 août 2023.

Aperçu

[2] L’appelante (Commission) a décidé que la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 19 mars 2023, parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. La Commission a déterminé que la prestataire n’était pas disponible parce qu’elle n’avait pas renouvelé son permis de travail avant sa date d’échéance et donc, qu’elle ne pouvait bénéficier du statut implicite accordé par Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada (IRCC).

[3] Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal.

[4] La division générale a déterminé que la prestataire voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert et qu’elle avait fait des démarches suffisantes. La division générale a également déterminé que la prestataire n’avait pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler puisque l’absence de permis ne l’a pas empêché de travailler pendant près de dix mois après l’expiration de son permis. La division générale a conclu que la prestataire était disponible au sens de la loi.

[5] La division d’appel a accordé à la Commission la permission d’en appeler de la décision de la division générale. La Commission soutient que la division générale a erré en concluant que la prestataire avait démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi alors qu’elle n’était pas autorisée à travailler au Canada. Elle soutient que l’absence d’un permis de travail établit visiblement une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de réintégrer le marché du travail.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur en concluant que la prestataire était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) alors qu’elle n’était pas autorisée à travailler au Canada.

[7] J’accueille l’appel de la Commission.

Question en litige

[8] Est-ce que la division générale a commis une erreur en concluant que la prestataire était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’AE alors qu’elle n’était pas autorisée à travailler au Canada?

Remarques préliminaires

[9] Il est bien établi que la division d’appel n’accepte pas de nouvelle preuve, sauf exceptions qui ne s’applique pas dans le présent dossier.Note de bas page 1

[10] Afin de décider du présent appel, j’ai écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale tenue le 5 décembre 2023.

Analyse

Mandat de la division d’appel

[11] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.Note de bas page 2

[12] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[13] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l'appel.

Est-ce que la division générale a commis une erreur en concluant que la prestataire était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’AE alors qu’elle n’était pas autorisée à travailler au Canada?

[14] La Commission fait valoir que sa contestation repose sur l’analyse par la division générale du troisième facteur de Faucher.Note de bas page 3 Elle soutient que la division générale a erré en concluant que la prestataire avait démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi alors qu’elle n’était pas autorisée à travailler au Canada.

[15] La Commission soutient que la preuve non contestée démontre que la prestataire n’avait pas de permis de travail valide durant la période en litige et qu’elle n’avait pas tenté de renouveler celui qu’elle détenait avant son expiration le 9 juin 2022. La Commission soutient que l’absence d’un permis de travail établit visiblement une condition personnelle qui limitait indûment les chances de la prestataire de réintégrer le marché du travail.

[16] Pour être considéré comme disponible à travailler, un prestataire doit démontrer qu'il est capable et disponible à travailler et incapable d'obtenir un emploi convenable.Note de bas page 4

[17] La disponibilité doit être déterminée en analysant trois facteurs :

  1. a) le désir de retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. b) l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

[18] Les faits au dossier ne sont pas vraiment contestés. Le permis de travail de la prestataire a expiré le 9 juin 2022. Elle a contacté son avocate le 12 juin 2022 afin de renouveler sa demande de permis de travail. Son avocate a tardé, et déposé sa demande que le 2 septembre 2022. La prestataire a continué à travailler pour son employeur jusqu’au 17 mars 2023, et a déposé le même jour sa demande de prestations. La prestataire a obtenu son nouveau permis de travail le 23 août 2023.

[19] La division générale a déterminé que la prestataire voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert et qu’elle avait fait des démarches suffisantes.

[20] La division générale a également déterminé que la prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler puisque l’absence de permis ne l’a pas empêché de travailler pendant près de dix mois après l’expiration de son permis. La division générale a conclu que la prestataire était disponible au sens de la loi.

[21] Je suis d’avis que la division générale a commis une erreur en concluant que la situation de la prestataire relativement à son permis de travail ne limitait pas indûment ses chances de retourner au travail. Pour en venir à cette conclusion, elle n’a pas tenu compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.

[22] Aux termes de l’article 18(1) (a) de la Loi sur l’AE, et du Règlement sur l’assurance-emploi, un prestataire doit être disponible pour travailler et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[23] La disponibilité est déterminée pour chaque jour ouvrable d'une période de prestations pour lequel un prestataire peut prouver que, ce jour-là, il était capable et disponible pour travailler et incapable d'obtenir un emploi convenable.Note de bas page 5

[24] Il est vrai que la prestataire a pu travailler pour son employeur pendant dix mois avant sa demande de prestations malgré le fait que son permis de travail était expiré. Il semble que son employeur ait présumé qu’elle avait le statut implicite. Elle a été congédiée par son employeur le 17 mars 2023.

[25] Cependant, lors d’une entrevue par la Commission tenue le 1er juin 2023, la prestataire a reconnu que les employeurs ne voulaient pas l’engager sans un permis de travail valide.Note de bas page 6

[26] Lors de son témoignage devant la division générale le 5 décembre 2023, la prestataire a réitéré que pendant la période en litige, elle cherchait un emploi mais qu’aucun employeur ne voulait l’embaucher malgré son reçu confirmant le dépôt de sa demande de permis, parce qu’elle n’avait pas de permis de travail valide.Note de bas page 7

[27] De l’aveu même de la prestataire, ses chances de retourner travailler ont été limitées par le fait qu’elle n’avait pas de permis de travail officiel.

[28] La preuve devant la division générale démontre que la prestataire faisait face à un empêchement, plus précisément à un obstacle, la privant de son libre choix et entravant sa volonté à travailler. Son permis de travail expiré établissait visiblement une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de réintégrer le marché du travail.Note de bas page 8

[29] La prestataire ne pouvait donc pas être considéré comme disponible pour travailler du 19 mars au 22 août 2023, au sens de l’article 18(1) (a) de la Loi sur l’AE.

[30] Pour ces raisons, je dois d’intervenir.

Remède

[31] Considérant que les parties ont eu l'opportunité de présenter leur cause devant la division générale, je rendrai la décision qui aurait dû être rendue par la division générale.

[32] Lors d’une entrevue par la Commission tenue le 1er juin 2023, la prestataire a reconnu que les employeurs ne voulaient pas l’engager sans un permis de travail valide.

[33] Lors de son témoignage devant la division générale le 5 décembre 2023, la prestataire a réitéré que pendant la période en litige, elle cherchait un emploi mais qu’aucun employeur ne voulait l’embaucher parce qu’elle n’avait pas de permis de travail valide.

[34] La preuve démontre que la prestataire faisait face à un empêchement, plus précisément à un obstacle, la privant de son libre choix et entravant sa volonté à travailler. Son permis de travail expiré établissait visiblement une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de réintégrer le marché du travail.

[35] Par conséquent, la prestataire n’était pas disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’AE du 19 mars au 22 août 2023. Cela signifie qu’elle ne répond pas aux conditions requises pour recevoir des prestations de l’assurance-emploi pendant cette période.

Conclusion

[36] L’appel est accueilli. La prestataire n’a pas démontré sa disponibilité à travailler pour la période du 19 mars au 22 août 2023.

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